Le Mémorial aborigène : art et mémoire

On peut replacer la controverse sur le Crazy Horse Memorial dans le cadre plus large des affrontements mémoriels qui ont lieu dans les États où des peuples autochtones ont été refoulés, massacrés, confinés par des colons venus d’Europe entre le XVII et le XIX siècles (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande…). Ils ne représentent plus aujourd’hui que des groupes très minoritaires (5% pour les Aborigènes australiens, 7% pour les Maoris néo-zélandais). Au cours du XX siècle, les gouvernements ont tergiversé sur la politique à mener à leur égard : assimilation ou maintien des structures tribales ? Avec la fin du XX siècle et le début du XXI est venu le temps de la repentance officielle [1] et des aménagements juridiques.

Dans ces États où les victoires des uns se sont effectuées sur l’humiliation des autres, comment commémorer les grands moments du passé ?

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Un duel Chine / Etats-Unis ?

 

Récemment l’IRIS a présenté un webinaire où plusieurs chercheurs de l’Institut ont exposé leur analyse du rapport de forces entre les deux premières puissances mondiales, les Etats-Unis et la Chine.
Cette problématique n’est pas récente mais elle a trouvé une nouvelle actualité avec l’élection de Joe Biden.

Nous tenterons de faire une synthèse des idées échangées.

En introduction, Pascal Boniface assure que le changement de président amènera vraisemblablement peu de changement dans les relations entre les Etats-Unis et la Chine. Leur rivalité qui revêt de nombreux aspects, peut-elle être qualifiée de « Guerre froide » ? Malgré quelques points semblables, la situation géopolitique diffère beaucoup de celle qui a suivi la IIe Guerre Mondiale. La Chine ne cherche pas à prendre la tête d’une coalition internationale afin de détruire à terme les Etats-Unis. Elle ambitionne « seulement » d’occuper la première place mondiale, ce qui est source d’une grande angoisse chez son rival.

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11 millions de km², pour quoi faire ? Le bien commun, fondement de la stratégie maritime de la France
Carte de la stratégie maritime de la France

La carte représente en bleu foncé les espaces maritimes formant la zone économique exclusive française. La Commission des limites du plateau continental, un organe spécifique de l’ONU, vient de donner son aval à l’extension du domaine maritime français. (https://www.journalmarinemarchande.eu/filinfo/la-france-autorisee-a-etendre-son-domaine-maritime)

Le dernier « Mardi de la mer », organisé par l’ICP en partenariat avec l’Institut de la mer, a été consacré à l’immense domaine maritime que possède la France, deuxième ZEE (zone économique exclusive) au monde après celle des Etats-Unis.

En introduction, Eudes Riblier rappelle le souci du Président Macron de faire de l’océan, « bien commun de l’humanité », le premier objectif de notre stratégie, le socle de la grandeur maritime de la France. (suite…)

Fragilités démocratiques et enseignement de l’Histoire

Vers la création d’un Observatoire de l’enseignement de l’histoire en Europe

 

Le centre d’Histoire de Sciences Po a retransmis par zoom un séminaire consacré à l’enseignement de l’histoire en Europe (celle des pays siégeant au Conseil de l’Europe), à partir du rapport d’Alain Lamassoure (1) montrant une grande méconnaissance de ce sujet par les élèves et étudiants.

 

Alain Lamassoure insiste sur ce que sa double expérience de député du Pays basque et de député européen lui a appris : le besoin de bien connaitre l’histoire pour réaliser le « gros œuvre de notre temps », c’est-à-dire le chantier européen, ce « miracle historique » de la conjuration de la malédiction de la guerre. Pas d’art de la paix sans connaissance historique.

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Frontières des territoires, frontières de l’intime

La crise sanitaire du coronavirus n’en finit pas de bousculer nos manières de vivre, nos habitudes et nos croyances. Alors que débute en France le deuxième confinement, dans un entretien au Figaro paru le 3 novembre 2020, l’écrivain-géographe Sylvain Tesson nous propose sa vision des frontières, celles des territoires comme celles de l’intime (suite…)

« Le déni français ». Un débat tenu à l’IMA.

L’Institut du monde arabe (Photo ©IP3 PRESS/MAXPPP)

Depuis 2015 l’IMA organise des Journées de l’Histoire en partenariat avec les Rendez-vous de l’Histoire de Blois. Cette année le thème est « Révoltes et Révolutions ». Par un hasard tragique, les interventions du 18 octobre 2020 portaient sur   « Le rôle de la religion », deux jours après l’exécution d’un professeur d’histoire-géographie par un militant salafiste. Un « Face à face » modéré par Béatrice Giblin, géopolitologue,  a permis à l’historien Pierre Vermeren de présenter son ouvrage Le Déni français (1), dont il a débattu avec Ali Bensaad, géographe et professeur de géopolitique.

Ce déni, c’est celui de la montée de l’islamisme politique radical. Déni qui rappelle à l’historien l’attitude de l’État algérien qui avait occulté, il y a trente ans, la dimension politique de l’islamisme (2).  met en cause d’une part l’attitude de certaines élites françaises, d’autre part la politique arabe des différents gouvernements français.

Naïveté, ignorance, compromission. C’est en ces termes qu’il qualifie les prises de position d’une partie de la Gauche, de l’Église catholique et de chercheurs et intellectuels. A la base la culpabilité liée à la décolonisation et particulièrement à ce qu’on n’osait pas appeler alors la « guerre d’Algérie », soutenue par la majorité des partis politiques, et qui n’a pas été condamnée par l’Eglise catholique.

Après les Accords d’Evian, de Gaulle s’efforce de se réconcilier avec les pays avec les pays arabes et apporte ainsi un soutien total à des régimes dont on veut ignorer le caractère dictatorial (3). Pour Ali Bensaad, la politique arabe de la France est une réminiscence du fantasme colonial alors  que le deuil d’un désir colonial n’est pas fait.

 

Pourquoi le désir de constituer, en France,  une société assimilatrice qui n’avait pas fonctionné en Algérie a-t-il en partie échoué ?

Dans les années 60, la charge de l’immigration est confiée à l’État algérien. Ce choix politique, valable tant que l’immigration était conçue comme temporaire (retour au pays après constitution d’un petit pécule), est maintenu à la fin des années 70 alors que le droit au regroupement familial change la nature de l’immigration (4). Après la guerre civile algérienne (voir note 2), c’est au Maroc qu’est confiée de plus en plus la tâche de s’occuper de la population immigrée et, plus récemment, à la Turquie (5). On reste, en France, figé sur le schéma de l’Islam colonial, l’Islam des marabouts imprégné de soufisme, majoritaire au Maghreb (6).  La salafisation (7) de l’Islam aussi bien dans les pays musulmans que dans les pays d’accueil, n’est pas comprise. Ali Bensaad insiste sur le gros impact des riches pays du Moyen Orient sur les associations, notamment sportives, qu’ils financent, et qui ont un très fort rayonnement dans les banlieues.

Pierre Vermeren explique aussi qu’une partie des élites françaises, aveuglées par le mythe du développement économique des États nouvellement créés, n’ont pas compris que les immigrés sont beaucoup plus riches que les populations du Maghreb. Ceux-ci sont donc utiles à leur pays d’origine qui n’a pas intérêt à leur intégration.

 

Ces observations peuvent servir de base – avec celles de beaucoup d’autres de sociologues, géopoliticiens, politologues, théologiens…- à notre réflexion : quel sens donner à un assassinat commis en France pour des raisons religieuses en ce début de XXIème siècle.

 

Notes :

1). Pierre VERMEREN, Le Déni français. Notre histoire secrète des relations franco-arabes, Albin Michel, Paris, 2019.

2). En décembre 1991 l’annulation des élections législatives anticipant la victoire du FIS (formation militant pour la formation d’un Etat islamique) entraîne une guerre civile très meurtrière entre le gouvernement algérien et des groupes islamistes armés (AIS et GIA). Selon les historiens cette « décennie noire » prend fin entre 2001 et 2005.

3). En juin 1967, de Gaulle condamne la guerre-éclair qu’Israël vient de mener contre l’Egypte, la Jordanie et le Syrie (Guerre des six jours).

4). Le décret donnant droit au regroupement familial est adopté le 29 avril 1976 (gouvernement Chirac).Il est suspendu par le gouvernement Barre  puis consacré par le Conseil d’Etat en décembre 1978.

5). La Direction turque des affaires religieuses (Diyanet) contrôle plus de 200 mosquées en France, nommant les imams et organisant les pèlerinages à La Mecque.

6). Voir sur le site le compte rendu de Jean RIEUCAU, Mohamed SOUISSI  (sous la direction de), Les lieux symboliques complexes au Maghreb et au Machrek.

7). Le salafisme est un mouvement fondamentaliste musulman né dans les années 1920 qui prône le retour à une lecture littérale du Coran et de la Sunna. Il converge avec le wahhabisme, doctrine adoptée par la famille Al Saoud au XVIIIème siècle.

Michèle Vignaux, octobre 2020

Alain CORBIN, Terra Incognita. Une histoire de l’ignorance. XVIIIe-XIXe siècle, Albin Michel, Paris, 2020.

Une fois de plus Alain Corbin nous surprend et nous séduit par l’originalité de sa démarche historique. Sur ce que nos ancêtres savaient de la Terre (nous parlerions aujourd’hui de sciences de la Terre, mais aussi de météorologie, d’océanographie, de glaciologie…), il ne fait pas une présentation des connaissances progressivement acquises. Il étudie ce qu’on en ignorait (par rapport à nos connaissances actuelles) et ce que cette ignorance impliquait dans le regard qu’on portait sur le monde. L’historien, plus que tout autre, doit se méfier du péché d’anachronisme. Alors qu’aujourd’hui nos contemporains les moins curieux sont familiers des nombreuses images de la Terre que nous envoient les satellites, les documentaires sous-marins et les bulletins météo, comment imaginer la perception du monde d’un paysan des plaines qui n’avait jamais vu un rivage ni un massif montagneux en réalité ou en image.

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Une belle histoire de route dans les Ardennes

Le beau texte d’Amar Ounissi qui suit a été lu par son auteur devant les participants d’un voyage dans les Ardennes qui a eu lieu du 4 au 6 septembre 2020. Ce voyage a été organisé et préparé par Maryse Verfaillie, Marc Béteille et Michel Degré pour les adhérents de l’Association des Cafés Géographiques.

 

Le site de Revin, l’emplacement de « Passerelle théâtre » dont Amar Ounissi est le directeur. Source: https://www.gralon.net/mairies-france/ardennes/association-passerelle-theatre-revin_W081002113.htm

 

Et si je n’avais pas traversé la route ?

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Géorgiques contemporaines

Récemment je suis allée « à la ferme ». Une petite promenade d’une dizaine de minutes – je précise que j’habite Paris intra-muros – suivie d’une grimpette, non d’une colline, mais d’un escalier métallique et j’étais à pied d’œuvre.

Pour quelqu’un qui a longtemps vécu dans le monde d’avant, la « ferme » évoquait la campagne, les chemins boueux, les odeurs animales. Elle était peuplée d’agriculteurs qu’on appelait encore parfois « paysans ». Ses activités étaient étudiées par les géographes dans des Précis de géographie rurale qu’on ne pouvait confondre avec des Précis de géographie urbaine. Dans le monde d’aujourd’hui tous ces repères ont disparu. Paris, comme toutes les métropoles mondiales (la présence d’une journaliste de la BBC l’attestait), se doit de posséder ce qui était un oxymore devenu un must : une ferme urbaine.

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Jean RIEUCAU et Mohamed SOUISSI (sous la direction de), Les lieux symboliques complexes au Maghreb et au Machrek, L’Harmattan, 2020.

 

Pour éclairer le futur lecteur, il faut sans doute préciser ce qui se cache derrière le titre de cet ouvrage collectif, réalisé après un colloque tenu à Sfax en 2018. Des deux grands ensembles géographiques du monde arabo-musulman, le Maghreb a la part belle puisqu’un seul article concerne le Machrek avec un ensemble d’oasis du désert libyque (on est par contre surpris que la frontière guyano-brésilienne soit le sujet d’une communication). Les lieux sont symboliques par leur caractère religieux, leur longue histoire, leur diversité culturelle et ils sont complexes par leurs nombreuses utilisations successives ou simultanées.

Les lieux étudiés sont qualifiés d’« antimondes » car ne relevant pas des règles sociétales ordinaires ou définis d’ « hétérotopiques » car véhiculant un imaginaire en rupture avec le quotidien. Ils peuvent être des micro-lieux comme une avenue ou un tombeau ou des méga-lieux comme un ensemble d’oasis.

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