La planète financière

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Laurent Carroué, La planète financière. Capital, pouvoirs, espace et territoires, Armand Colin, 2015, 253 p.

Laurent Carroué, qui avait déjà fait œuvre de pionnier en proposant d’incontournables lectures géographiques de la mondialisation1, s’attèle à une nouvelle tâche. Ouvrir plus avant le champ heuristique de la géographie sur un terrain d’investigation « encore largement sous-étudié par les géographes » (p.3) : la sphère financière et ses territoires. L’une des ambitions premières de l’ouvrage consiste notamment à récuser l’idée selon laquelle cette dernière serait « éthérée, désincarnée et coupée de l’économie réelle » (p.235). Au contraire, la planète financière est bien « une construction idéologique, politique, géoéconomique et géopolitique dans lesquelles les rivalités de pouvoirs et de puissances jouent un rôle essentiel » (p.3).

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Agriculture et mondialisation. Un atout géopolitique pour la France

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Sébastien Abis, Thierry Pouch, Agriculture et mondialisation Un atout géopolitique pour la France, Nouveaux Débats, Les Presses de SciencesPo, Paris, 2013, 185 p.

Dans le présent ouvrage, deux experts rappellent, avec compétence et rigueur, que la France, pays traditionnellement rural, n’est parvenue qu’assez récemment à faire de son agriculture une activité économiquement structurante et géopolitiquement stratégique. En effet, il a fallu attendre le début des années 1970 pour que « l’agriculture change de statut : elle ne constitue plus un frein à la croissance de l’économie » (p.36). La France est alors devenue le second agro-exportateur mondial.

Or, il y a longtemps que la richesse des sols et la tempérance des climats ne font plus l’opulence agricole. Désormais, « détenir des avantages comparatifs relève de déterminants sociopolitiques et institutionnels » (p.38). Partant, ce sont les lois d’orientation agricole de 1960-1962, ainsi que la Politique agricole commune, qui ont donné une impulsion décisive à la vocation exportatrice de la France. La puissance agricole n’existe donc pas a priori mais s’avère être un construit né du volontarisme politique.

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La géographie en action. Une collaboration entre la science et le politique.

Sous la direction de Edith Mukakayumba et Jules Lamarre, La géographie en action. Une collaboration entre la science et le politique, Presses de l’Université du Québec, 2015, 247 p.

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Après avoir dirigé l’ouvrage La géographie en question (Armand Colin/Recherches, 2012), les deux géographes québécois, Edith Mukakayumba et Jules Lamarre, coordonnent cette fois-ci une nouvelle publication destinée à revaloriser l’approche globale en géographie en exploitant l’action de l’UGI (Union géographique internationale) en faveur d’un grand projet de l’ONU devant faire de l’année 2016 l’Année internationale pour une compréhension globale du monde (International Year for Global Understanding ou IYGU). Ce projet conçu et piloté par des géographes vise à expliquer pourquoi certains comportements individuels dits non durables sont en bonne partie responsables de phénomènes majeurs tels que les changements climatiques et l’approfondissement des inégalités sociales dans le monde. « Les promoteurs du projet espèrent convaincre d’abord des individus de changer leurs manières de faire lorsqu’elles seront éventuellement jugées non durables par les scientifiques, en souhaitant que les pouvoirs publics en viennent à les appuyer. » Ce nouvel ouvrage poursuit donc le combat des deux directeurs en faveur de la géographie comme discipline autonome de la connaissance mais entend militer aussi pour le retour de l’approche globale en géographie (et dans d’autres domaines) qui peut aider à mieux comprendre les grands problèmes de notre temps.

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La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires.

Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2014, 185 p.

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L’ouvrage de C. Guilluy a grandement défrayé la chronique médiatique et politique. Mais, au-delà des polémiques qu’il a suscitées, il s’agit d’abord d’un travail de géographie et qui mérite d’être lu et analysé à cette aune. Car l’auteur propose une grille de lecture à la fois sociale et spatiale pour décrypter une France a priori délaissée par ses gouvernants et ses intellectuels : «  cette « France périphérique », invisible et oubliée » (p.11). Mais son propos débouche également sur un questionnement d’ordre épistémologique et, partant, interpelle le monde des géographes qui semble avoir par trop négligé ce terrain d’investigation.

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La France. Les mutations des systèmes productifs

Laurent Carroué, La France. Les mutations des systèmes productifs, Armand Colin, 2013, 235 p.

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Système productif plutôt que secteur de production

Désindustrialisation, chômage de masse, consolidation d’un « modèle de croissance faible en emplois » (p.48) et largement extraverti (en 2009, 25 % des firmes du CAC 40 n’ont pas payé d’impôts en France)… S’il est un ouvrage au cœur de l’actualité économique française, c’est bien celui-ci. Spécialiste de la mondialisation, Laurent Carroué livre une précieuse analyse géographique. Plutôt que de juxtaposer une étude descriptive des différents secteurs économiques, l’auteur les décrypte, dans leur diversité, à travers la notion de systèmes productifs — au sens d’« ensemble des facteurs et des acteurs concourant à la production, à la circulation et à la consommation de richesses » (p.3).

Leur étude passe par le recours à une approche multi-scalaire dans le sens où l’étude de toute production économique se fait « en mobilisant à l’échelle locale le terme de potentiel productif, à l’échelle subrégionale le terme de tissu productif, et aux échelles régionales et à l’échelle nationale le terme de système productif » (p.27). L’objectif heuristique de l’auteur consiste donc à proposer une lecture globale de la sphère économique française, à l’aune du foisonnement de ses acteurs, de l’importance de son ancrage territorial et de l’impact pluriel des stratégies économiques à l’œuvre aujourd’hui.

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La dimension spatiale des inégalités. Regards croisés des sciences sociales

BACKOUCHE Isabelle (dir.), RIPOLL Fabrice (dir.), TISSOT Sylvie (dir.), VESCHAMBRE Vincent (dir.), La dimension spatiale des inégalités. Regards croisés des sciences sociales,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, 357 p.

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Cet ouvrage est issu d’un colloque de l’université de Caen Basse-Normandie datant de novembre 2007 et intitulé « Espaces hérités, espaces enjeux : appropriation – (dé) valorisation – catégorisation ». Ce travail pluridisciplinaire (histoire, géographie, sociologie, anthropologie) trouve son origine dans un séminaire de l’UMR Espaces et sociétés ayant débuté dans les années 2000 sur « l’appropriation de l’espace ». Le titre de l’ouvrage met en avant la dimension pluridisciplinaire et le thème de la recherche : La dimension spatiale des inégalités. Regards croisés des sciences sociales. Il se compose de seize articles divisés en quatre grandes parties pour un ouvrage de 357 pages. Les travaux sont très divers et touchent à plusieurs types de terrains de recherches (la mer, la montagne, l’urbain, la prison, l’industrie) mais aussi à plusieurs régions du monde (Afrique, Europe, Moyen-Orient). Le colloque pose la problématique suivante : « en quoi l’appropriation, la catégorisation, la valorisation, différentielle des espaces jouent-elles un rôle dans la production des inégalités sociales ? ». Les angles d’études portent sur les conflits d’intérêts et d’usages d’espaces divers et la valorisation ou la dévalorisation de ces derniers.

Catégoriser les espaces.

La première partie de l’ouvrage entend étudier les politiques urbaines au sein de la ville et leurs évolutions. Les articles présentés analysent les différents types de discours sur l’espace. Selon Sylvie Tissot « la catégorisation des espaces fait partie de leur construction ». L’étude de l’installation des classes moyennes dans les quartiers centraux ou périphériques de la ville dans un contexte de « velléités anti-individualistes de mai 1968 » et celle des ZUP (Zones d’Urbanisations Prioritaires) fondées dans les années 1950 montrent comment un espace peut passer de valorisé à dévalorisé et ainsi se dégrader avec le temps. Le discours de l’autorité publique et des médias est ici un élément essentiel de ces acceptions. Le dernier article de ce chapitre reprend cette idée en insistant sur l’utilisation en France de termes considérés comme péjoratifs (banlieue, cité) par la presse écrite lors de la campagne présidentielle de 2007.

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Géopolitique du Moyen-Orient

Fabrice Balanche, 2014, « Géopolitique du Moyen-Orient » La documentation photographique, n° 8102, La documentation Française, Paris.

Fabrice Balanche, 2014, « Géopolitique du Moyen-Orient »
La documentation photographique, n° 8102, La documentation Française, Paris.

“Vers l’Orient compliqué je volais avec des idées simples”.

Cette citation des mémoires de guerre du général de Gaulle (Mémoires de guerre, L’Appel, 1940-1942) nous rappelle à quel point le Moyen-Orient semble aujourd’hui comme hier une région insaisissable et complexe, terre de convoitises surinvestie de symboles, d’imaginaires et de fantasmes géopolitiques.

Faire une géopolitique d’un Moyen-Orient est un exercice périlleux tant le rythme accéléré des événements rend délicate l’élaboration d’une géographie et d’une histoire immédiates. C’est pourtant ce que nous propose Fabrice Balanche, maître de conférences à l’université Lyon 2 et directeur du groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). Si ce dossier de la Documentation photographique fait largement écho à l’actualité brûlante, sa conception a avant tout pour objectif de décrypter cette région complexe grâce à une grille de lecture simple mais efficace fondée sur la géographie, l’histoire, la politique, la culture et l’économie. Pensé comme un outil au service des enseignants et de la vulgarisation, le dossier s’articule en trois parties présentant de façon synthétique les acteurs, les crises et les défis du Moyen-Orient.

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Villes contestées

 Les Cafés Géo rencontrent des auteurs

Villes contestées  Pour une géographie critique de l’urbain  ouvrage dirigé par Cécile Gintrac et Matthieu Giroud  Les Prairies Ordinaires, 2014, 408 p.

Villes contestées
Pour une géographie critique de l’urbain
Ouvrage dirigé par Cécile Gintrac et Matthieu Giroud
Les Prairies Ordinaires, 2014, 408 p.

Cécile Gintrac et Matthieu Giroud, vous avez dirigé un important volume intitulé Villes contestées. Pour une géographie critique de l’urbain, qui déboulonne l’idéologie mainstream de la ville créative, compétitive, globale, écologique, sûre, ou encore multiculturelle. Quels étaient vos objectifs, à la fois scientifiques et politiques (puisque c’est l’une des originalités de l’ouvrage dans la géographie francophone de ne pas découpler les deux aspects), en faisant paraître un livre de 400 pages sur le sujet?

CG- Notre premier objectif est de donner à voir une vision de la richesse du champ de la géographie urbaine radicale et critique non francophone et de ses évolutions récentes. Diversité des objets, des approches, des influences et des productions théoriques, des terrains d’investigation… Mais il nous importait surtout de réunir des textes qui participent malgré tout d’un « projet » commun à savoir identifier et surtout contester les nombreuses contradictions spatiales et urbaines que le système capitaliste, dans toutes ses variantes, produit et reproduit. Bien sûr, cet ouvrage a aussi des objectifs pédagogiques et de transmission de connaissances clairement identifiés. Rendre accessible des textes originellement écrits en anglais ou en allemand, et de fait inédits en français, a été pour nous une motivation majeure. Tout comme introduire ces textes par des présentations des auteurs, de leur œuvre et de la réception de leur travail, en donner quelques clés de lecture.

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Traversations sud-américaines, pour une géographie du voyage

Traversations sud-américaines, vers une géographie du voyage,  Simon Estrangin. Ed. Livres du monde. Collection Mondes ouverts, 2014, 160 p.

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« Traversations » est un néologisme inventé par Simon Estrangin, né du mariage de « traversée » et de « conversation ».

Simon Estrangin appartient à notre corporation géographique, mais, ayant pris de la distance avec ses frontières officielles, il va de par le monde, nourri d’une passion de voir, de comprendre, de dessiner et de peindre cette « écriture du monde » que la géographie ambitionne de présenter.

Passion qui lui vient aussi de la fréquentation des grands ancêtres, Elisée Reclus et Alexandre de Humboldt, qui ne furent pas des géographes de cabinet, même si le labeur d’écriture les a longuement retenus à leur table.

Ce livre est donc né d’une passion, passion pour le voyage, passion pour le divers, pour l’autre, pour les rencontres.

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Énergies et minerais. Des ressources sous tension (Bernadette Mérenne-Schoumaker)

energies_mineraisÉnergies et minerais. Des ressources sous tension, Bernadette Mérenne-Schoumaker, La Documentation française (Documentation photographique n° 8098), 2014, 64 p.

La question des ressources a longtemps été au cœur du raisonnement géographique. Pourtant, la thématique a connu un relatif effacement, avant de réapparaître sur le devant de la scène, dans la mouvance des préoccupations environnementales actuelles.

C’est à l’aune des tensions qu’elles suscitent que le présent ouvrage explore la thématique cruciale des énergies et des minerais. En effet, les énergies et les minerais sont sources de tensions de plusieurs types. D’abord, l’augmentation de la demande en énergies, dans un monde en développement, fait peser une pression croissante sur les ressources. Ensuite, le décalage entre les lieux reproduction et les lieux de consommation fait des énergies un enjeu et une arme géopolitique redoutables (ce qu’illustre la pression stratégique exercée par la Russie, autour d’une ressource gazière dont elle est la deuxième productrice au monde). Enfin, la montée de la préoccupation environnementale rend désormais nécessaire la mise en place d’un tournant énergétique radical, fondé sur des ressources durables (c’est à dire à la fois renouvelables, peu polluantes et accessibles à tous, dans les conditions techniques actuelles).

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