Changer Barcelone (Hovig Ter Minassian)

changer-barceloneHovig Ter Minassian, Changer Barcelone. Politiques publiques et gentrification dans le centre ancien (Ciutat Vella), collection « Villes et Territoires », Presses Universitaires du Mirail, 2013.

Cet ouvrage du géographe français Hovig Ter Minassian est le fruit d’un travail de thèse réalisé entre 2005 et 2009 et, par la suite, remanié et enrichi. Deux axes principaux organisent la réflexion, celui de la métropole catalane, bien sûr, et celui, plus conceptuel, de la gentrification comme l’annonce clairement le sous-titre de l’ouvrage.

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Roy Lichtenstein

Centre Pompidou – Jusqu’au 4 novembre 2013

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Maybe, 1965 – Musée Ludwig, Cologne

Il s’appelle Roy Lichtenstein, il est américain. Il peint et sculpte jusqu’à sa mort à l’âge de 73 ans. Vous le connaissez sans le connaître, car ce fut un homme discret, disparu seulement en 1997.  Vous savez que ce fut un des maîtres du Pop Art, mais vous ne savez que cela. L’exposition réalisée au Centre Pompidou présente 130 tableaux et sculptures et révèle toutes les facettes de cet artiste qui oscille sans cesse entre abstraction et figuration, entre thèmes modernes, postmodernes et classiques. La force de Roy c’est aussi une attitude, une distance amusée, critique, mais jamais cynique. Une œuvre fascinante, qu’il est encore temps d’aller découvrir.

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Carte postale de Nouchabad (Iran)

Nouchabad

Des maisons basses, à un seul niveau, au toit en terrasse, qui s’ouvrent sur une cour intérieure, comme on en trouve dans de nombreux pays arides et semi-arides d’Afrique du Nord et d’Asie. Parcourant la chaussée en terre battue, quelques rares voitures, bien que le prix de l’essence soit subventionné et donc très bas (de l’ordre de 50 centimes le litre en parité de pouvoir d’achat) et surtout des motos, dont les pétaradants moteurs à deux temps les rendent audibles de loin. A 300 km au sud de Téhéran, dans le piémont du Zagros, à 1 200 d’altitude, le soleil n’est pas encore brûlant et il peut tout de même neiger dans les montagnes proches en ce 21 farvardine 1392 (dans le calendrier solaire iranien, qui commence à l’hégire, soit le 10 avril 2013 dans le calendrier julien). Un village iranien comme tant d’autres ? Et pourtant…

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Loup, où es-tu ?

La grande mouvance de l’écologie célèbre les 20 ans du retour du loup en France. En 1993, la revue Terre Sauvage avait été la première à annoncer ce retour, après que le premier loup eut été aperçu l’année précédente dans le Mercantour, venant d’Italie. Le grand canidé a depuis lors traversé les autoroutes et même le Rhône, atteint les Cévennes, le Jura, les Vosges, a été repéré dans le Morvan. 250 individus sont recensés aujourd’hui. Bien que la Convention de Berne, signée en 1979, assure sa protection, il s’agit d’un retour encore timide, car ce carnivore était mille fois plus présent sur le territoire français au XIXe siècle. L’homme s’est livré à une chasse sans merci, liquidant en masse : 1 200 loups tués dans la seule année 1850, le dernier ayant été abattu voici quelques dizaines d’années.

Selon Buffon, Canis lupus est naturellement grossier et poltron, mais il devient ingénieux par besoin et hardi par nécessité. Lorsque la maraude lui résiste, il revient souvent à la charge. Les chiens se carapatent, les brebis sont mangées et les bergers se désolent et crient au loup. Entre toucher les primes d’assurance et équiper les chiens de garde de colliers défensifs, le choix est fait. Choix différent de celui des éleveurs italiens, qui ont affaire à dix fois plus de loups : ils n’ont pas d’assurance et des brebis qui font du lait, et qui rentrent donc chaque soir à la bergerie, à la différence des moutons à viande français, qui couchent dehors.

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World War Z (M. Forster)

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Mondialisation zombie

World War Z, c’est d’abord des affiches, des fenêtres ouvertes sur des villes en guerre, représentant des hyper centres en feu à Paris, New-York ou Rio. On songe aux mots de M. Lussault : « Et chacun regarde mi-horrifié, mi-sidéré ce torrent visuel qui peut-être nous livre un nouvel archétype contemporain : l’urbain en état de guerre, en situation de catastrophe, un horizon de nos regards ? » (1). Ces affiches sont des arrêts sur image sur des paysages d’anéantissements, un point de vue distant, un cadre « bourgeois » reprenant une imagerie touristique pour y superposer une autre imagerie, non moins récurrente : le chaos apocalyptique qu’annonce le halo de lumière jaune au dernier plan. Situées (à Paris) préférentiellement dans les couloirs de métro et de RER, c’est-à-dire dans des lieux clos et souterrains, ces affiches semblent chercher à produire une ambiance oppressante en jouant de leur situation.

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De la Terre aux hommes (Paul Claval)

de_la_terre_aux_hommesPaul Claval, 2012, De la Terre aux hommes. La géographie comme vision du monde, collection Le temps des idées, Armand Colin.

Paul Claval, professeur émérite de l’Université de Paris IV-Sorbonne, pionnier en France de l’introduction des questions économiques, puis culturelles, parmi les préoccupations centrales des géographes, et plus largement de l’entreprise de reconnexion de la géographie aux sciences sociales, publie à quatre-vingts ans un joli livre venant s’ajouter à une riche bibliographie. Plus exactement, il s’agit de trois essais réunis en un volume, proposant chacun une forme d’histoire de la géographie, une manière de voir le destin de la discipline et du « tournant culturel » qu’elle a traversé dans les dernières décennies du XXe siècle. Cette structure explique de rares répétitions d’un bloc à l’autre et, surtout, permet une lecture indépendante de chacun des trois.

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Do you speak touriste ? Nous, nous préférons parler Géographie !

Mi juin 2013, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris Île-de-France et le Comité régional du tourisme Île-de-France (CRT) ont lancé un site Internet à destination des professionnels du tourisme : Do You Speak Touriste ?. Le site propose ainsi aux professionnels du tourisme des fiches par nationalité, pour les aider à se comporter de manière adéquate avec les touristes. Douche froide pour celui qui regarde ce site qui semble être une parodie de nombreux sketchs humoristiques sur les clichés nationaux.

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Habiter New-York en poète

Frances Ha, Noah Baumbach (Etats-Unis)

France-Ha_AfficheFrances a 27 ans, rêve de devenir chorégraphe mais se contente d’un travail de doublure dans une compagnie de danse, boit des bières, fume des cigarettes, fréquente des soirées branchées, regarde des films dans son lit avec sa coloc’… Tout pourrait aller pour le mieux mais la jeune New-yorkaise native de Sacramento se demande, avec une perplexité renouvelée lorsque son inséparable colocataire décide d’emménager avec une autre dans un quartier plus chic, de quoi demain sera fait : à l’approche de la trentaine, une certaine liberté lui échappe inexorablement, au rythme où l’espoir de rencontrer le prince charmant s’estompe, alors que plusieurs de ses ami(e)s se marient, trouvent un vrai travail, ont des enfants…

Aidé de la co-scénariste et actrice Greta Gerwig – désarmante de candeur, de gaucherie et de sincérité – Noah Baumbach filme une tranche de vie de la jeunesse bourgeoise new-yorkaise, qu’il découpe, avec un sens aigu de l’ellipse, en quatre chapitres. Belle idée s’il en est, il leur donne des adresses en guise de titres, faisant des logements successifs de l’héroïne entre Brooklyn et Manhattan le fil conducteur du film et de l’habiter son véritable sujet. Ce qui donne une jolie mise en récit des diverses stratégies que chacun met en place au quotidien pour s’approprier l’espace, montrant comment notre existence prend sens par d’innombrables arbitrages en termes de logement et de mobilité, arbitrages pouvant aussi bien, lorsque capitaux économique, social ou/et spatial viennent à manquer, relever du déchirement.

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Remonter une rivière (3/3) : la Marne de Jean-Paul Kauffmann

remonter-la-marneAvec 525 kilomètres, la Marne est la plus longue rivière française, traçant un arc de cercle depuis sa confluence avec la Seine à Charenton-le-Pont jusqu’à sa source sur le plateau de Langres. Cependant, elle occupe une place restreinte dans la mémoire nationale, même si elle est associée à une bataille décisive de la Grande Guerre, celle du sursaut de septembre 1914. C’est pourtant cette rivière que Jean-Paul Kauffmann a choisi de remonter à pied tout au long de son parcours, pour procéder à un inventaire personnel du pays auquel il est attaché par une relation de « dépendance psychique et physique », cette France qui l’a façonné par son histoire, sa littérature, sa langue, ses églises et ses paysages. Lui qui est né dans un village des marches de la Bretagne revendique « un fort tropisme de l’Est »,  probablement dû à ses lointaines origines alsaciennes, et son choix d’un périple marnais au sein d’un territoire largement méconnu ne résulte sans doute pas du seul concours des circonstances mais peut-être aussi d’une aspiration inconsciente à arpenter une sorte de territoire des origines. D’ailleurs, la question de suivre la Marne vers l’aval ou vers l’amont ne s’est pas posée, la remontée de la rivière vers sa source s’est imposée naturellement, comme pour aller vers la vie et la renaissance. De cette expérience qui a duré un mois et demi, à la fin d’un été et au début d’un bel automne, est né un livre-quête[i] tout en retenue, laissant s’échapper parfois quelques fulgurances pour mieux rendre compte du génie des lieux mais aussi de l’ambiguïté des choses et des êtres.

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Le discours géographique de Man of Steel

Aborder le nouveau volet de Superman avec un regard d’abord géographique ouvre d’intéressantes perspectives sur la manière dont les États-uniens perçoivent leur espace et le monde en général.
Un monde centré sur les États-Unis mais avec un questionnement sur le futur bien spécifique.

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Un film centré d’abord sur les États-Unis, comme ensemble constitué
À plusieurs reprises des vues d’ensemble de la Terre sont présentes à l’écran, comme des images prises par des satellites. Elles sont dans leur grande majorité centrées sur les États-Unis et plus précisément sur la côte Est. On peut en particulier penser au moment où est à l’écran une image de la Terre vue de nuit ce qui fait alors ressortir la lumière émise par la Mégalopolis, rappelant d’ailleurs les travaux de R. Florida sur le light-based regional product où la lumière est d’abord signe de puissance.
D’autre part l’ultimatum envoyé à la Terre par le général Zod est en théorie reçu par la totalité des humains : outre les États-uniens, on voit des Espagnols, des Chinois et des nomades (d’abord d’Asie centrale puis du Sahara semble-t-il) le regarder. Cependant l’universalité s’arrête là, il n’y a visiblement aucune réaction d’autres autorités politiques ou militaires lors des affrontements sur Terre ou dans l’espace. Il faut croire que les autres puissances sont moins inquiètes face aux discours belliqueux.

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