Quel avenir pour les Balkans?

Compte-rendu du Café géopolitique du 1er février 2007
« Quel avenir pour les Balkans? »

Présenté par Sonia Jedidi
Avec Michel SIVIGNON, Professeur émérite de Géographie, Université Paris X
Amaël CATTARUZZA, Docteur en Géographie, Université Paris IV
Mirjana MOROKVASIC, Directrice de recherche au CNRS

Le Café Géopolitique qui se déroule ce soir a été préparé en collaboration avec la revue Questions internationales n°23 consacré au thème « Les Balkans et l’Europe ». En introduisant le Café, Sonia Jedidi nous rappelle l’actualité de cette problématique à l’heure où le statut du Kosovo est toujours en suspens.

Pour tenter de répondre à la question « Quel avenir pour les Balkans ? », nos trois intervenants brossent un tableau des enjeux géopolitiques des Balkans. Notre premier intervenant, Michel Sivignon, professeur émérite de géographie à l’Université Paris X, nous invite à observer les pays qui attendent en file d’attente aux portes de l’Union Européenne puis s’attache aux représentations des Européens sur cette région marquée par la guerre. Amaël Cattaruzza, docteur en géographie de l’Université Paris IV, souligne l’ambiguïté de la relation entre l’Union Européenne et les Balkans occidentaux ainsi que ses conséquences sur l’enthousiasme des populations locales. Finalement, Mirjana Morokvasic, directrice de recherches au CNRS, rappelle le sort tragique des réfugiés de l’ex-Yougoslavie et nous expose l’ampleur et  les conséquences de ces déplacements.

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Repas couscous
Repas géographique animé par :
Pierre Gentelle, directeur de recherches au CNRS
Gilles Fumey, maître de conférence (géographie culturelle de l’alimentation) à l’université Paris-Sorbonne

Nous sommes dans un restaurant berbère algérien, qui n’est donc pas décoré à la marocaine : ni tapis ni mosaïques, ni chichi arabisant. C’est simple, paysan, rustique. Pas de doute, nous devrions rêver de l’Atlas ! Nous remercions Pierre Gentelle pour avoir déniché l’adresse. On a tous une perception hyperbolique du couscous. Il est de la famille des plats « universels » (pots-au-feu, choucroutes, tajines, etc.), très en vogue actuellement, car ils sentent le terroir, autre chose que les portions sans goûts de l’industrie agro-alimentaire. C’est l’un des plats préférés des Français qui le connaissent depuis peu (Provençaux exceptés). Mais le couscous a tellement de qualités :

– il est socialisant. Pas de couscous, tout seul, un soir devant la télé ! il est religieux, ce qui veut dire consommé lors des fêtes religieuses, car il signifie l’abondance. Pour les Français qui ont vécu au Maroc, comme Pierre Gentelle en témoigne, le couscous est la fête de la fête !
–  Il est identitaire car le Maghreb le revendique. Et manger du couscous, c’est voyager au Maghreb avec cette irremplaçable odeur de cumin. Il est « construit » par les hommes (pour la viande) et les femmes (pour les légumes et, surtout la semoule qu’il fallait rouler sur les cuisses !).
– Il est modulable et, donc, adapté à l’individualisme des pratiques d’aujourd’hui : le couscous n’existe pas, ce qui existe, c’est le couscous que je mange qui ne sera jamais le même qu’hier ou demain.
– Enfin, ses origines sont mythiques. Même si l’expansion du temps des Arabes est bien connu, son berceau n’est pas identifié. En réalité, il est comme tous ces plats d’assemblage, de partout et de nulle part, jusqu’à ce qu’un peuple l’ait adopté, célébré comme son plat préféré. A moins que la technique permette d’identifier par un « couscoussier » retrouvé dans des fouilles archéologiques, une origine égyptienne, contestée par les Berbères et les Soudanais. Un autre indice est donné par Rabelais : a-t-il mangé du couscous en Provence lorsqu’il dit avoir mangé un « coscaton à la mauresque » ? C’est très probable.

couscous

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Vins du Nord, vins du futur ? Les vins face au réchauffement climatique
Dégustation avec Gilles Fumey, maître de conférences de géographie à l’université Paris-IV, organisée par l’association Urbams et Vincent Marcilhac, doctorant en géographie.

Les vins allemands et du nord de l’Europe ne sont pas très connus. Ce sont les vins les plus septentrionaux qui soient et ils se développent encore vers le Nord : des vignes sont plantées aujourd’hui à Maastricht (Pays-Bas) et les Danois commencent à s’y mettre, mais en petite quantité, donc nous n’en parlerons pas encore. Avec le réchauffement climatique, les vignes vont se développer en Allemagne, une des régions les plus peuplées du monde. Et les vins voir leur qualité s’accroître. C’est pourquoi nous conseillons de boire ce que personne ne boit encore aujourd’hui. Les gens du Nord ne vont pas se contenter d’acheter des vins à l’extérieur, ils vont en faire, de plus en plus, et à leur goût. Soyons attentifs à ce qui se passe sur les bords du Rhin et au-delà. C’est le sens de notre dégustation de ce soir.

Weinberg, dans la vallée du Rhin Source : www.rheintal-ultra.de

Weinberg, dans la vallée du Rhin
Source : www.rheintal-ultra.de

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Carte postale du Hoggar

Le matin du monde

carte-postale-hoggar

      Hoggar, Avril 2006.

Un paysage rudéral se répète d’instant en instant et de pas en pas jusqu’à l’obsession. Cailloux, blocs, rochers, graviers, sables et rocailles à perte de vue : rien qui fixe l’attention dans ce vide primordial, mais le regard est prisonnier d’un chaos minéral et monochrome de laves sombres et d’arène bistre, ponctué d’ombres noires. Du col de Téhen Tarit, il plonge vers le fond d’un chaudron calciné par un feu disparu et un soleil tout-puissant. Cette vision d’outre monde est une expérience du sublime : je marche sur la croûte terrestre.

Selon Hésiode, le Chaos de la cosmogonie grecque fut le premier être, qui enfanta d’abord Erèbe et Nyx, l’Obscurité et la Nuit, avant Gaïa, la Terre. « Au commencement, dit la Genèse, Dieu créa le ciel et la terre : or la terre était informe et vide et les ténèbres couvraient l’abîme ». Une même formulation des origines inaugure les deux mythes : la béance du gouffre, le défaut de lumière, l’absence de formes, le noir sans couleur. L’enfer ? « Non, me dit Maryvonne émerveillée, c’est le matin du monde ».

Jean-Marc PINET.

Que reste-t-il de l’apartheid ?

La Victoire, 15 novembre 2006
Café géographique animé par Christophe Sohn, chercheur au Centre d’Etudes de Populations, de Pauvreté et de Politiques Socio-Economiques (CEPS) – Luxembourg.

La question est vaste, et pour l’appréhender, j’ai choisi de présenter les logiques et les processus à l’oeuvre, plutôt que de dresser un inventaire de l’état actuel de la société post-apartheid et de ses espaces.

En fait, la question qui sous-tend ce sujet a trait au rapport entre permanence et changement. En apparence, c’est une question assez simple puisque les termes du couple semblent bien définis. En réalité, l’affaire est plus complexe, notamment parce qu’il s’agit de la mutation d’un système social. On sait pertinemment que les structures du réel, les règles et les normes qui gouvernent l’action des acteurs sociaux et les représentations collectives évoluent selon des temporalités différentes.

Pourquoi se focaliser sur les villes ? Tout d’abord parce que les villes sont le lieu où la politique d’apartheid s’est traduit de la manière la plus forte, mais aussi parce que c’est en ville que les mutations contemporaines sont les plus significatives.

Avant de passer dans le vif du sujet, quelques remarques liminaires apparaissent nécessaires.

1/ Il faut d’abord revenir rapidement sur la notion d’apartheid et définir ses principes, la manière dont cela a été appliqué en Afrique du Sud et en Namibie.
2/ Il faut également rappeler quelques grandes dates, situer l’apartheid dans son contexte historique.

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Géographie de la truffe : le luxe est dans le terroir
Depuis la fin du XVIIIe siècle, la truffe est devenue un symbole du luxe alimentaire. La rareté et les qualités aromatiques de la truffe noire en font un produit de luxe atypique dont le prestige repose autant sur le principe de distinction que sur la réputation gastronomique. On la trouve sur les cartes des plus grands restaurants des métropoles des pays développés. Utilisée comme accommodement ou ornement dans la haute cuisine traditionnelle, elle est devenue un élément central du plat dans la nouvelle cuisine. Son prix élevé suscite la fraude et la convoitise. L’internationalisation du marché de la truffe renforce l’opacité de la filière trufficole, avec la concurrence accrue de la truffe chinoise depuis 1994. Une diversification de la production de truffes en Europe et une labellisation garantissant avec transparence l’origine géographique et la variété de la truffe sont nécessaires pour faire face à la sous-production structurelle et la concurrence déloyale. Le désenclavement opéré par l’amélioration du réseau routier à la fin de l’Ancien Régime et l’apparition du chemin de fer a permis de construire la notoriété des « truffes du Périgord » à Paris, leur conférant le statut de « spécialité régionale de qualité », qui se consolide dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec l’émergence du tourisme gastronomique. Aujourd’hui, la patrimonialisation de la truffe se poursuit : face à la mondialisation des marchés alimentaires, elle est perçue comme un produit du terroir, participant à la construction d’une identité alimentaire locale ou régionale. Cette patrimonialisation s’opère d’abord sur le registre environnemental, en définissant les truffières comme des paysages emblématiques dont la conservation s’inscrit dans la lutte contre les incendies de forêts et dans l’entretien des milieux ruraux marqués par la déprise agricole. La promotion de la truffe comme produit de terroir passe ensuite par la construction historique de son ancrage géographique, que ce soit au travers des noms de pays ou des mythes alimentaires dont Brillat-Savarin s’est fait l’écho. Sa valorisation dans le cadre du développement local se fait par les marchés aux truffes, les fêtes de la truffe, les musées de la truffe, ainsi que par l’essor de l’agro-tourisme et du tourisme gastronomique.

Richerenches, le plus gros marché aux truffes en France Photo : Vincent Marcilhac

Richerenches, le plus gros marché aux truffes en France
Photo : Vincent Marcilhac

Jules Verne et l’Amérique

Maison du XXIe siècle (St-Dié), 30 septembre 2006

La géographie est omniprésente dans l’œuvre de Jules Verne. Membre de la Société de Géographie de Paris fondée en 182, il s’était abonné au Bulletin et s’est inspiré dans ses romans des informations contenues dans cette publication. Il est considéré comme un géographe à part entière dont les connaissances et le talent ont été révélés par exemple dans le célébrissime 5 semaines en ballon et est depuis longtemps rentré dans la légende comme créateur d’un genre romanesque  » le roman géographique  » Son intérêt pour la géographie s’est porté fréquemment sur le Nouveau monde qui l’a fasciné. En effet, la grande République américaine : les Etats-Unis, le Canada, les mondes polaires ont été le cadre de nombre de ses publications.

Les régions polaires sont plusieurs fois mises en scène, par exemple dans Le pays des fourrures publié en 1871 qui témoigne de l’intérêt que portent les Européens au Grand Nord et au monde des  » factoreries « .Des employés de la compagnie de la Baie d’Hudson, chargés de créer un nouvel établissement, voient leur nouveau fort dériver sur la banquise après un violent séisme qui les condamne à une longue errance.

Si Jules Verne admire la Grande-Bretagne, il reste critique vis-à-vis des Anglais et n’hésite pas à exprimer sa pensée profonde. Un de ses rares romans historiques Famille Sans Nom a pour cadre la révolte d’une partie du Canada en 1837 contre la domination anglaise. Il présente cette histoire comme un épisode tragique, une histoire très triste dans un monde lointain.

Jules Verne s’intéresse aussi à l’Amérique du Sud. Les enfants du capitaine Grant est en fait le premier tour du monde qu’il imagine et qui mène les héros jusqu’en Patagonie. Peu après, il publie La Jangada dont le sous-titre Huit cent lieues sur l’Amazone est explicite. Le superbe Orénoque relance la controverse de l’époque quand à l’endroit où se trouve les sources du grand fleuve.

Mais la majeure partie de l’œuvre de Jules Verne consacrée au continent américain, tant en nombre de romans que de personnages, a cependant pour cadre les Etats-Unis qu’il appelle simplement Amérique et dont il donne une image très moderne.

La présence des  » Yankees « , c’est-à-dire des  » Américains du Nord  » est essentielle dans la société vernienne [1]. C’est la deuxième nation la plus fréquemment citée après l’Angleterre, les deux ensembles rassemblant plus de la moitié des personnages verniens, avant les Français.

Certains thèmes sont récurrents dans l’analyse que fait Verne du monde américain.

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Repas canadien
Jeudi 14 septembre à 19H30, les membres de l’association « Cafés géographiques de Metz » se sont donné rendez-vous au restaurant Canadaventure installé dans le décor rustique et chaleureux d’un local voûté de la vieille ville. Florence Smits sera le guide de cette soirée sur les sentiers de la découverte de la cuisine canadienne.

C’est le premier repas gastronomique des « Cafés géo » de Metz. La présidente Christiane Barcellini l’introduit par quelques mots d’accueil.

Treize à table ! Pas le temps d’éprouver le moindre frisson puisque deux retardataires se joignent bien vite à la tablée dans le joyeux brouhaha des commandes de boissons : bières de Robert Charlebois ou pichets de vin canadien blanc ou rouge, la curiosité et les goûts de chacun répartissant assez rapidement les choix. Fllorence, installée en bout de table, commence le voyage sitôt les premiers verres servis.

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La mondialisation de la finance ou un bien curieux match Chine – Etats-Unis

Pour cette rentrée 2006 qui s’ouvre à Saint-Dié sur l’Amérique, Gilles Fumey prévient : la géographie de l’argent et de la finance peut donner une idée de la position de l’Amérique dans le monde aussi bien qu’une géopolitique des Etats. Un sujet qui n’a pas intéressé beaucoup de géographes depuis Jean Labasse. Pourtant, quelle leçon que ce fordisme planétaire !

Parmi les ressources dont dispose le monde aujourd’hui, lesquelles sont rares et abondantes ? L’argent ou l’emploi ? A l’échelle mondiale, l’argent est très abondant, notamment parce que la dépression mondiale du début des années 2000 a été stoppée par une injection forte de liquidités. A la même échelle, l’emploi, lui, est autrement plus rare au point que les pays riches utilisent à plein régime l’immense cohorte de Chinois, et d’Asiatiques en général, qui offrent du travail à coût très faible. Du côté des riches, l’argent, du côté des moins riches, l’emploi. Ce Yalta économique du monde a été écrit et mis en œuvre par George Bush et Alan Greenspan qui a quitté la Réserve fédérale en janvier 2006. Ce tandem riches/pauvres sur lequel sont assis les Etats-Unis (devant) et la Chine (derrière) assure pour l’année 2007 toute l’énergie qu’il faut pour maintenir la croissance. Mais cet équilibre financier n’est atteint qu’en joignant les besoins des Américains (en argent) et ceux des Chinois (en travail). (suite…)

Miami International Airport

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Qu’est-ce que j’attends ici?
Aéroport prêt-à-porter
Sans odeur, sans saveur, seulement propre
Dalles de plastiques brillantes. Duty free shops.
Où d’un bout du monde à l’autre, les alcools attendent dans les mêmes bouteilles,
Les cigares dans les mêmes boîtes, les parfums, les montres…
Boutiques du village planétaire.
Bourg fabriqué dont on sait tout avant d’y avoir mis les pieds
Un sas peut-être vers les paradis perdus, les eldorados
Les vagues irisées où la mer vire au turquoise
Les îlots de Key-West où Hemingway allait pêcher au tarpon.
L’Indien devant moi, casquette californienne à l’envers,
Reeboks blancs aux pieds, contemple la marque de ses chaussettes,
Satisfait.

Michel Sivignon
Miami Airport, Septembre 1996

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