Cette carte postale m’a été « délivrée » en « chinant » chez un petit brocanteur, dans la vieille ville de Belfort, à l’ombre du Lion.. Elle vient de Beaulieu-sur-mer et a été envoyée sous enveloppe, donc non oblitérée et non datée…Mais cela n’empêche pas de situer l’envoi au début des années trente, car c’est la grande période de la diffusion des cartes postales « colorisées », avant l’apparition des « vraies »couleurs (après la seconde guerre mondiale) Le décor est celui de la fin de la saison d’hiver sur la Riviera : sur le bord de mer endigué d’un jardin public, deux enfants (garçon et fille, 8 et 5 ans à peu près) prennent la pose pour la photo en habit marin et chapeaux de toile, chaussettes blanches. Un peu en retrait, deux femmes s’avancent : vêtements légers, chapeaux de paille-toile ( ?), canne et livre à la main, sweater sur le bras. La mode est celle des années vingt (Quel est le degré de préparation de cette « mise en scène » ? la spontanéité des « acteurs ?)
J’aurais dû être fortement touché par mai 68. Ce ne fut pas le cas.
En mai 68, nous étions en Grèce, où nous étions arrivés en octobre 67. Nous allions y rester jusqu’en octobre 1970. La Grèce était sous la botte des colonels depuis le 21 avril 1967. C’étaient donc les premiers mois de la dictature.
Dans le centre des Sciences Sociales où nous étions détachés, Pierre-Yves Péchoux et moi-même, nous nous trouvions aux premières loges pour assister à l’installation du nouveau pouvoir. Nous avions vite compris ce que signifiaient les mots de dictature, prison, liberté : il suffisait d’observer ce qui se déroulait sous nos yeux.
La question s’était posée à nous : fallait-il continuer et donner en quelque sorte notre caution indirecte à ce nouveau régime ? J’avais répondu par l’affirmative, tous mes amis grecs pensant que nous pouvions être beaucoup plus utiles en restant sur place qu’en quittant le pays.
Retrouvez le compte rendu du banquet géographique organisé à l’occasion des 10 ans des Cafés Géographiques, ainsi que le livret de chansons composé pour l’occasion.
Environ 200.000 km2 et 12 millions d’habitants. Population en croissance rapide et forte émigration : émigration du travail à destination de la France et aussi du Canada et des Etats-Unis. Emigration de commerçants vers l’Afrique du centre et de l’ouest. Rôle économique importants des remises des émigrés. La ville de Dakar est devenue une grosse agglomération (2,5 millions d’habitants).
Le Sénégal constitue un des carrefours importants de l’Afrique : c’est le point le plus occidental du continent africain. Dakar se situe à environ 15° de lat. nord. Climat de type intertropical avec des pluies en saison chaude (à Dakar de juin à octobre). Un gradient des pluies qui va de 300 mm au nord sur la frontière de la Mauritanie, à 1500 mm au sud sur la frontière de la Guinée-Bissau, donc d’une végétation steppique à une végétation forestière. En l’absence de tout relief important, c’est le climat qui détermine les oppositions régionales. Autre influence, celle de l’Atlantique. Le littoral est bordé par le courant froid des Canaries, très favorable aux poissons.
Du point de vue ethnique, une population (ou une ethnie) domine : les Wolofs. Leur langue est comprise à peu près partout et sert de langue de communication. Dans la péninsule du Cap Vert où se trouve Dakar, la population d’origine est celle des Lébous, qui parlent wolof. Autres ethnies, les Serer, les Peuls, les Mandingues et en Casamance les Diolas. Pour le propos qui nous intéresse, retenons l’opposition entre les peuples de la savane qui historiquement furent à l’origine de constructions politiques très hiérarchisées et commandant des surfaces étendues (tels les Wolofs) et les peuples de la forêt, atomisés, où l’horizon politique ne dépasse guère le village, tels les Serer et les Diolas. Ces derniers furent les seuls à adopter le christianisme, les Peuls, les Wolofs sont depuis longtemps islamisés. Le système des confréries y est particulièrement développé.
En France, la conception du vin, à mettre en parallèle avec la notion de terroir, est différente de celle en vigueur dans le monde anglo-saxon : le terme « technologique » y est entouré de mépris et même d’une vision d’horreur, celle d’une exploitation qui ressemble à une raffinerie de pétrole… Lors de cette dégustation, nous allons essayer de quitter nos préjugés.
En Bourgogne, la nature est considérée comme divine, supérieure, et ne peut faire que de bons vins. Clos Vougeot s’inscrit dans la longue durée, avec un savoir-faire ancestral et 1 000 ans de tradition. L’alliance nature/culture et le savoir-faire, consacré par les appellations d’origine contrôlée (AOC), ont permis l’émergence d’un discours, d’un vocabulaire, avec des codes (comment tenir son verre de vin blanc) et une tradition. Ce sont des vins qui se dégustent presque religieusement, entre happy few, pour lesquels il est nécessaire d’avoir le bagage culturel pour y accéder, à l’aide de tout un discours poétique. Dans la sérieMondovino, Robert Mondavi (décédé en 2007) raconte qu’il a visité l’Europe vers 1950 et entendu un discours traditionnel, dans lequel la fermentation malolactique est méconnue (deuxième fermentation des vins en plus de la fermentation alcoolique, dans laquelle la levure transforme le sucre en alcool).
A l’inverse, les vins du Nouveau Monde ont choisi de s’appuyer sur la technologie, avec des cuves en inox, des moyens de réfrigération, la haute technologie étant considérée comme un gage de qualité.
La nature propose des conditions favorables dans les régions du Nouveau Monde qui cultivent de la vigne, en Californie, en Australie et notamment au Chili, avec un bon ensoleillement dans ces régions dont le climat ressemble au climat méditerranéen. La tradition y est perçue comme poussiéreuse, un handicap même pour la production de grands vins. Les vins du Nouveau Monde ont souhaité mettre fin aux codes en vigueur dans les milieux viticoles (des gestes que l’on fait de tout temps (ou presque !), sans savoir pourquoi), s’ouvrir vers les jeunes, vers les femmes, vers les pays qui ne sont pas de culture viti-vinicole, et construire un projet démocratique afin que chacun puisse accéder au vin et y goûter. Le numéro de juillet 2007 de la revue Decanter, qui mentionne en surtitre « The World’s Best Wine Magazine », pose une question redoutable : Le terroir est-il un mythe ?, question à mettre en relation avec nos préjugés. Peut-on faire des vins, des grands vins, voire même d’excellents sur des terres sans histoire ?
L’expression ‘lieu saint » pose la question de la relation entre une notion géographique (la localisation) et une notion religieuse (la sainteté).
Extra-terrestre, le divin échappe par principe à la géographie : il n’a pas de lieu ; mais toutes les religions et les mythologies ont, ou ont eu, sur terre, leurs lieux saints ou leurs sites sacrés. En amont de cette distinction qu’il faudra expliciter, s’impose une question fondatrice : d’où procède cette nécessaire territorialisation du divin ?
Ces lieux, parfois communs à plusieurs divinités, ont-ils partout le même statut ? Selon les religions, les mythologies et les époques, les multiples modalités de la territorialisation du divin impliquent des rapports différenciés de l’homme au monde.
La territorialisation du divin
Le lieu saint comme interface entre le divin et l’humain
Les mots saint et sacré ont de fait une signification commune. Le mot saint est traduit de l’hébreu (quados) par hieros en grec, dans la Bible des Septantes (II° s. av. J.C.). Les deux mots ont la même étymologie latine (sancire): ce qui est séparé, délimité, circonscrit, voire interdit (on se déchausse à l’entrée d’un mosquée, Moïse retire une sandale devant le buisson ardent), intouchable (Ouzza est terrassé pour avoir touché à l’Arche d’alliance, Zeus foudroie Sémélé qui le regarde), inviolable (l’église de la Nativité est le refuge ultime des Palestiniens), et même invisible (l’image est au cœur des querelles théologiques). Ce sont là des valeurs éminentes propres au divin, qui le mettent à part de l’homme.
Mais, selon que l’on est croyant ou non, l’homme est créature du divin, ou, à l’inverse, secrète celui-ci : le divin suppose l’homme qu’il a créé ou qui l’a créé. Quel que soit le sens de la relation entre le divin et l’humain, il y a relation : ce qui est séparé de l’homme est aussi lié à lui, et la religion relie les hommes au divin (religare) autant qu’elle les rassemble entre eux (religere). Le lieu saint est peut-être la manifestation terrestre de ce passage, de cette interface entre le clos et l’ouvert, l’interdit et l’accessible, le divin et l’humain, le lieu d’altérité par excellence.
Ils sont autour d’une table remplie de mets, levant le coude avec des cornes sans pied pleines de vins de jarre qu’ils boivent cul sec, sous les applaudissements des convives. Dans l’excitation des applaudissements se joue une pièce très originale dans le monde qu’est un banquet géorgien.
Les banquets géorgiens sont à nuls autres pareils dans le monde. Non pas une simple abondance de plats et de boissons que l’on retrouve dans tous les banquets, mais une somme de rites très anciens, dont le Banquet de Platon peut donner une idée. Des rites qui cimentent une société autour du vin, que les pouvoirs publics occidentaux ont stigmatisé dans leur absurde politique publique de lutte contre les effets d’abus d’alcool. Dans des sociétés rurales caucasiennes où la mobilité est réduite, où les loisirs sont forcément limités, le supragéorgien – nom local du banquet – est un moment de sociabilité très fort qui soude les populations.
La ritualisation [1] la plus originale de ce banquet est l’institution d’un tamada, personnage orchestre du repas qui fait vivre le banquet au rythme des convives, qui élargit le périmètre symbolique de la table aux dimensions de la famille, de la nation et du monde entier. L’autre originalité est le maintien de ces pratiques festives au moment où, dans beaucoup de régions du monde, les pratiques alimentaires individuelles semblent prendre le dessus sur les repas collectifs. Le supra géorgien fait mentir l’idée qu’une mondialisation alimentaire serait en route et uniformiserait nos manières de manger.
Les assiettes en délire
Christian Millau, fondateur du guide éponyme avec Henri Gault (1972) sonne la charge contre la pédanterie culinaire dans un livre savoureux : Le guide des restaurants fantômes ou les ridicules de la société française (éd. Plon). Il dénonce, sous la forme de petits tableaux de restaurants imaginaires, la flatterie médiatique qui a eu raison des plus talentueux des cuisiniers, devenus « artistes du goût », « poètes des arômes », « compositeurs des sens », « architectes des saveurs », sans compter les « Mozart » de la pâtisserie qui n’ont d’égaux que les « Picasso » de la cuisine de chasse, en attendant les Proust de la madeleine et les Gracq des poissons de Loire. Les assiettes sont devenus un champ de bataille du design qui imposent, a minima, « un tracé de mangue sur turbot infusé à l’essence de kumbawa (sic)… Autrefois, c’était toujours plus de crème, toujours plus de truffe, pour faire riche et chic, maintenant c’est toujours plus de chutney, toujours plus de curcuma pour faire jeune et moderne ».
A l’occasion de l’exposition au Grand Palais (Paris) 13 octobre 2007-28 janvier 2008. Metropolitan Museum of Art (New York) 27 février – 18 mai 2008. Musée Fabre (Montpellier) 14 juin – 28 septembre 2008.
« Un bâtisseur, un rude gâcheur de plâtre, un broyeur de tons » (Cézanne, à propos de Courbet)
Ils n’étaient pas peu surpris, les quatre étudiants qui planchaient ce début de juillet 2002 à la bibliothèque de l’Institut de géographie de Paris : ils passaient l’agrégation et voici qu’on leur donne à traiter les « paysages du calcaire ». Cartes géologiques, photos de lapiaz, bloc-diagramme de l’érosion karstique, textes et, in fine, une reproduction d’une peinture de Gustave Courbet (1819-1877), Le gour, exposée au Musée d’Orsay. Je me souviens avoir assisté à l’un des exposés à la fin duquel un membre du jury demande à l’impétrant : « Finalement, cette toile avec ce trou noir au pied de la falaise, cela ne vous fait pas-il penser à un autre tableau ? ». Le candidat avance prudemment une réponse on ne peut plus géographique : « L’Origine du monde ? – Monsieur, répond l’interrogateur pour clore la séance, nous vous remercions ».
(suite…)
Le courrier de Cassandre n°61 pour une carte du Monde nouvelle, pour une géographie « curieuse » vous est offert ce 13.10.07 par les cafés-géo.
Par la volonté d’un anticyclone puissant venu des Canaries sans souci des frontières, le beau temps chaud régnait de manière imprévue à Saint-Dié pour le FIG, le festival de géographie du 4 au 7 octobre 2007. Ordre naturel du monde ou produit du réchauffement climatique ? Les pays les plus riches de notre planète aimeraient bien se donner un rôle dans un domaine qui les dépasse encore, quoi qu’ils en pensent : ils s’imaginent qu’ils réchauffent le monde ! Ce que c’est que l’ego ! Néanmoins, qu’il était bon, assis en chemise ou en décolleté aux terrasses soudain tropéziennes des bords de Meurthe, de disséquer doctement des « problèmes » de l’énergie, même si beaucoup en parlaient de manière si littéraire qu’on les aurait désarçonnés en leur demandant de fournir sur le champ la différence entre le joule et le watt. What ?
De manière inévitable, tant les pesanteurs des comportements sexuels sont grandes (ce que les géographes appellent pudiquement – pourquoi ? – la démographie !), notre planète devrait porter en 2030 environ huit milliards d’individus, deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Quel est l’imbécile qui peut sérieusement imaginer que ces huit milliards-là n’auront pas envie de jouir au minimum du niveau de vie dont nous disposons aujourd’hui dans les pays riches ?
Cela n’empêche pas les « politiquement corrects » et ceux que Cassandre appelle les « soft gnangnan » de multiplier les appels à la mesure pour calmer l’angoisse des foules gavées, les nôtres. Au point de faire semblant de manger moins de hors-d’uvre à midi pour réduire leur consommation / émission calorique et participer ainsi au sauvetage de la planète. On pourrait même leur dire : Make love, not war !, si seulement il était vrai que faire l’amour ne produit pas de l’énergie, donc du réchauffement !
Cassandre cependant ne veut pas rester à l’écart de ces comportements vertueux et insiste pour participer au désir / plaisir de contribuer aux propositions d’économies d’énergie dont les participants au festival n’ont pas été économes. C’est pourquoi elle propose à tous les géographes des solutions imparables en faveur d’une réduction progressive de notre gloutonnerie énergétique. Pour commencer : ne tenir le festival de Saint-Dié que tous les deux ans, puis tous les quatre ans. Ensuite, transformer le festival du niveau international (ce qui coûte cher en énergie de transport) au niveau national, puis de national à régional. Enfin, le réduire à la seule ville de Saint-Dié, pour aboutir au seul bureau de son maire-fondateur. Que d’énergies économisées !
Comment communiquerait-on ? Simple, aussi simple que certains des discours que Cassandre a pu entendre. Mettre un panneau solaire sur chaque ordinateur de participant potentiel. Installer un vélo d’appartement à côté, branché sur un accumulateur, pour le travail et l’éclairage de l’écran de nuit. Faire pédaler les communicants, selon le modèle des Shadocks et des Gibis, qui a fait ses preuves. Tenir sur le web des réunions virtuelles lors desquelles qui ne pédale pas ne parle ni n’entend. Les pédaleurs pourront ainsi, y compris en discourant de choses auxquelles ils n’entendent guère, participer au sauvetage de la planète et de leur environnement. En outre, ce qui n’est pas le moindre des avantages, ils pourront continuer à entretenir la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc dédaigner mieux encore les réalités du monde tel qu’il est.
L’ennui d’une telle proposition, c’est qu’il faudrait que Cassandre conduise une mutation de son vélo. Il ne semble pas que, comme bien d’autres, elle en ait la moindre envie. C’est comme pour le FIG : pourquoi ne pas y aller tous les ans ? Tant qu’on y fait des rencontres fortuites, souvent riches de sens (ah ! les sens…), pourquoi donc les rendre quadriennales ?
Cassandre