Soirée Vins du Trentin, à la Sorbonne, le 5 décembre 2003

Jean-Robert Pitte, animateur d’un club de dégustation géographique du vin à la Sorbonne depuis de nombreuses années, invitait en grandes pompes et avec la simplicité enjouée qui le caractérise, sa collègue italienne, G. Andreotti, à présenter les merveilleux vins du Trentin.

Conférence du Professeur Guiliana Andreotti (salle des Actes)

Professeur à l’université du Trentin (Trente), spécialisée dans l’épistémologie de la géographie culturelle et géographie du paysage.

La vigne a dans le Trentin une origine très ancienne, toujours liée à l’exploitation du sol. Elle a profondément marqué le paysage et l’expression artistique, les mœurs et les activités.

C’était la première destination des activités humaines, comme le montre les voies de communications. Elle a donné lieu à de grands travaux de terrassements. Le système de terrasses viticoles appelé la pergola tridentine est simple ou double, en L ou en deux L opposés, fait déjà signalé dans l’Antiquité par Columelle et Varron. Le vignoble monte jusqu’à 800 m d’altitude et couvre 9 700 ha. 39 % du vignoble est situé dans les vallées, 41 % dans les collines et 20 % dans les montagnes. Entre les Alpes Rhétiques, à l’ouest, et les Dolomites, à l’est, les vignobles couvrent 6 200 km2. La région est densément peuplée : 73 hab./km2.

Du lac de Garde au glacier d’Ortles, à 3 800 m d’altitude, s’étend le Trentin, qui appartient au monde alpin mais qui n’est pas isolé. Le relief n’est pas homogène, le Trentin est fortement plissé, la vallée est orientée vers le Sud. Vers la plaine, le relief prend des formes arrondies en terrasses ; des buttes morainiques modèlent les sols. 300 lacs et étangs ont un impact touristique sur cette région qui ne possède pas de véritables plaines. Une vallée ample et centrale, draînée par l’Adige, est tapissée de dépôts morainiques et fluvio-glaciaires, et constitue la colonne vertébrale et l’axe fluvial où sont concentrées les populations, les agglomérations et les voies de communications ; celles-ci relient le Trentin avec la Lombardie, l’Émilie et la Mitteleuropa via le val Lagarina. Les zones climatiques sont hétérogènes : l’Adige est tempérée océanique, le lac de Garde et la basse vallée de l’Adige sont subméditerranéens. 117 communes sur 223 possèdent du vignoble. La production était de 978 000 quintaux en 2002, soit 750 000 à 800 000 hl par an, ce qui donne un rendement de 70 hl à l’hectare, qui se répartissent en 54 % de blanc (pinot gris et chardonnay) et 46 % de rouge (dont 10,2 % de merlot et 9,4 % de chiana).

La plus ancienne production de vin remonte au IVe siècle avant Jésus-Christ. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, les Illyriens consommaient du vin importé par les Étrusques. Ces dates ont été confirmées par les résultats de fouilles archéologiques. Strabon, Virgile, Suétone mentionnent le vin rhétique. Au Moyen-Âge, la culture monastique donne une impulsion. Un nouvel essor se produit après la peste de 1348. Puis les premiers crus apparaissent. Les vins sont décrits en 1673 par des historiens de l’époque. L’Instituto Agrario est créé en 1874, ave l’Université du vine et de l’agronomie. Le cadastre est établi en 1949. Le classement DOC regroupe 52 vins, soit 80 % de la production totale.

Différents éléments de géomorphologie participent à la qualité des vins. Les parois rocheuses au-dessus des vallées réfléchissent la chaleur. Les terroirs basaltiques sont riches en manganèse dans les hauteurs. Près de l’Adige se trouvent des zones plus graveleuses.

Le cépage Marzamino pourrait provenir d’Asie Mineure (Mésopotamie).

Le Lambusco pousse sur les détritus morainiques entre le lac de Garde et l’Adige. Il est légèrement pétillant et sec. Le Nosiola, 1 % de la production, pousse uniquement dans le Trentin occidental et au nord de Trieste, sur des terrains argileux calcaires et ensoleillés. C’est un cépage qui peut donner un vin sec avec une nuance d’amertume.

Le Vino Santo bénéficie d’un sol calcaire. Les raisins sont fumés lors de la semaine sainte. Il est employé comme vin de messe. C’est un vin de dessert et de méditation. Le Trento Palento, vin mousseux fait de pinot et de chardonnay, est refermenté en bouteilles selon la méthode champenoise. La production s’élève à 280 000 quintaux de raisins et à 120 000 hl de vins.

La production de Spumante est de 7 millions de bouteilles, soit 40 % de la production nationale de spumante classico.

Dégustation (Salons de la présidence)

Le professeur Jean-Robert Pitte, président de l’Université de Paris-IV, nous accueille dans les salons de réception de la présidence et procède à la présentation de la dégustation.

Nous commençons par le Nosiola est un bon cépage blanc. Le vin, de couleur jaune pâle, est de 2002 ; il supporte mal le vieillissement. Il est hélas présenté dans une bouteille germanique (le Trentin a été austro-hongrois). Ce vin n’a pas beaucoup de jambes, donc peu de glycérol. C’est un type de vin rare, car la mode est aux vins liquoreux. Au nez

Le nez présente des odeurs très caractéristiques de citron, de peau d’agrumes et d’herbes fraîches coupées, légèrement mentholées. Cela sent le printemps après la neige, au moment où les perce-neige arrivent, un petit matin frais de printemps.

En bouche

Le vin présente une caractéristique très originale, sec avec une bonne attaque. Alors que la mode est à mettre 7 à 8 grammes et même jusqu’à 20 grammes de sucre résiduel, ce n’est pas le cas pour ce vin qui rappelle les cépages sauvignon au goût de pierre à fusil, ni très amer ni très acide mais les papilles picotent avec ce vin vif. Ce vin n’a pas le goût des vins de Savoie, mais ressemble au gros-plant, avec un peu d’amertume. La saveur amère est en train de disparaître, alors que l’amertume développe les facultés mentales.

Ce vin peut être accompagné d’un strangolo pretre, gnocchis assez gros qui sont la spécialité culinaire du Trentin. Il est parfois catastrophique de servir du vin rouge avec le fromage, surtout fait. Ce vin va bien avec les fromages à pâte cuite, comme le comté et le parmesan, pour lesquels il ne faut jamais servir de vin rouge.

Le deuxième vin est de cépage marzemino, produit par Gaierhof en 2002. Il présente une couleur rubis, avec des reflets violacés très clairs. Il a de belles jambes et sent le vin. Pour les vins rouges, on peut plonger dans la cuve pour mélanger le jus et la peau.

Au nez

On sent au premier nez des odeurs de fleurs coupées et de fleurs des champs.

En bouche

Ce vin simple est bien fait ; l’attaque est légèrement acide, ce qui le diffère des vins de Sicile ou de Campanie. Dans le Trentin, les nuits sont fraîches, à la différence du Sud, où les vins sont plus corsés et manquent de l’acidité due l’alternance thermique journalière. Les vins de Toscane sont intermédiaires. Ce vin n’est pas très long en bouche et ne vieillira pas bien. Il est peut être dégusté avec un coq au vin ou une poêlée de champignons, certainement pas avec des pâtes à la carbonara (réservées au vin blanc), mais il serait le bienvenu avec des pâtes à la tomates. Il rappelle le cabernet franc.

Le troisième vin est un Teroldego rotaliano superiore 2001, Gaierhof.

Ce vin présente une robe sombre aux couleurs grenat.

Au nez

Il présente des profondeurs boisées, qui rappellent l’humus après l’orage, en septembre, avec des relents de fruits très murs. La mode est à la vanille exagérée qui vient du bois.

En bouche

Il propose une touche d’acidité. Les tannins sont très arrondis grâce aux raisins murs mais pas pourris à une vinification lente. Il peut se déguster avec un gigot, un rôti de bœuf, du chamois ou du sanglier, une perdrix aux choux ou un civet de biche.

Prochaines dégustations le 6 février 2004 : les vins du Jura, avec Gilles Fumey

Et le 13 février 2004 : les vins d’Alsace avec Guy Chemla. S’incrire auprès de l’association des Cafés géographiques

Michel Giraud


Attention à l’abus d’alcool : sachez consommer avec modération.