Dessin du géographe n°43

Le stage de géomorphologie et environnement destiné aux étudiants de licence de l’Université Paris 1 a eu lieu en Irlande en mai 2012.

Il s’est déroulé dans la région de Sligo, au nord-ouest de l’Irlande.

L’objectif est de leur faire découvrir un terrain, de construire des problématiques et de les mener à une certaine autonomie dans l’observation et dans la réflexion. Dans l’équipe enseignante, Marie Chenet a réalisé un film : « apprentis chercheurs », qui montre le déroulement  du stage et l’apprentissage des différents groupes confrontés à des milieux différents et à des questionnements de recherche.

Le dessin de paysage constitue une entrée en matière pour prendre possession du terrain au début du stage. Nous arrêtons les étudiants derrière les dunes de la flèche littorale de Conor Island, presque à l’abri du vent, pour dessiner le paysage imposant de la montagne de Ben Bulben.

D’après la carte de l’Ordnance Survey of Ireland

D’après la carte de l’Ordnance Survey of Ireland

Il s’agit d’un bel entablement de calcaire carbonifère qui culmine à 526m. Le massif élevé a en partie échappé aux nappes de glace quaternaires qui ont raclé les basses pentes et étalé des moraines en collines allongées. Le havre lui-même est parsemé de gros blocs erratiques.

 Les étudiants dessinent le paysage de Ben Bulben.                        Photo Ch. Le Cœur (15 mai 2012)

Les étudiants dessinent le paysage de Ben Bulben. Photo Ch. Le Cœur (15 mai 2012)

Les étudiants peinent à figurer les grandes lignes du paysage, parfois ils se focalisent sur un détail compliqué, souvent ils se perdent sur la feuille, ne sachant maitriser cet espace rectangulaire et blanc. La difficulté est de bien séparer les plans observés de tracer de traits, de figurer des surfaces.

Le croquis

Quelques traits pour tracer rapidement  les grandes lignes ; le papier est un peu déformé par les gouttes de pluie de la dernière averse.

Au premier plan l’étendue plane et sableuse d’un havre à marée basse, ensuite les basses pentes divisées par le parcellaire géométrique du bocage ; c’est là que se placent les hameaux.  Le pied de la montagne est marqué par un gradin horizontal où se devine la lande et les tourbières. Il est souligné par la bande sombre d’une forêt de reboisement. Enfin la montagne de Ben Bulben s’impose au sommet comme une grande table  entourée d’abrupts rocheux que traverse toute une série de ravins profonds et rectilignes.

Un second dessin montre l’autre côté du paysage. Il détaille les dunes  de la flèche littorale où les étudiants sont assis sous un ciel tourmenté.

Un troisième  croquis analyse la tombée gauche de la montagne, avec de gros glissements de terrains marqués par des cicatrices et des bourrelets. Le versant  passe latéralement à un système de pente raviné au bas de laquelle s’esquissent de petits cônes.

Ben Bulben vu de la flèche de Conor’s island  vers le SE.            Photos Ch. Le Cœur (15mai 2012)

Ben Bulben vu de la flèche de Conor’s island vers le SE. Photos Ch. Le Cœur (15mai 2012)

Le paysage se construit de haut en bas à partir de quatre lignes horizontales :

L’entablement de la montagne, souligné par des corniches rocheuses ; le replat boisé rigide et sombre ; la bande verte des praires découpées par des lignes de haies ; la surface amphibie du havre avec ses taches d’eau et la bordure claire de l’herbu.

Cette géométrie simple traduit la répartition étagée de milieux différents entre le littoral, les praires et l’espace agricole, les surfaces tourbeuses et les hautes pentes.

Ce paysage nous replonge dans le célèbre poème de W.B. Yeats

Under bare Ben Bulben’s head
In
Drumcliff churchyard Yeats is laid.

(…)Swear by those horsemen, by those women
Complexion and form prove superhuman,
That pale, long-visaged company
That air in immortality
Completeness of their passions won;
Now they ride the wintry dawn

Where Ben Bulben sets the scene
(…)Cast a cold eye
On life, on death.
Horseman, pass by

 

Carnet de terrain Ch. le Coeur

Carnet de terrain Ch. le Coeur

par Charles  Le Cœur,
Université Paris 1, Laboratoire de géographie physique (UMR8591 Meudon)