8-10 septembre 2017
Qui sait que le Bourbonnais n’est autre que le département de l’Allier ? Qui connaît Moulins, préfecture somnolente, sinon par son artiste anonyme mais célèbre qui a adopté son nom : le « maître de Moulins ? Qui sait ce qu’est Vichy, derrière ses sources et son régime de si funeste mémoire ? Qui connaît enfin le fleuve Allier, le seul cours d’eau sauvage d’Europe occidentale ?
Mais le Bourbonnais a davantage à montrer et à démontrer !
Moulins s’éveille, le centre national du costume de scène étant le symbole de la renaissance de l’ancienne capitale des ducs de Bourbon.
Vichy, aussi, sort d’une période difficile, mais montre qu’elle ne manque pas d’atouts urbanistiques, touristiques, culturels et sportifs.
Le trait d’union entre les deux cités mérite lui aussi d’être davantage connu : un fleuve sauvage avec ses saumons, ses oiseaux migrateurs et ses méandres capricieux.
Bref, vous attend tout un monde urbain et naturel insoupçonné à 300 km de Paris à peine …
Le voyage est organisé par Maryse Verfaillie pour Les Cafés géographiques (de Paris). Les deux journées ont été préparées par Marie-Paule et Jean-Etienne Caire, fidèles adhérents de notre association et Bourbonnais de cœur.
Sur les bords de la rivière Allier se mirent Moulins et Vichy, dichotomie urbaine improbable mais fascinante.
Bourbonnais et Allier, deux noms pour une même réalité
Voilà un département, l’Allier, que peu connaissent et savent situer, et moins encore, ce même territoire, lorsqu’il est connu sous son vieux nom de Bourbonnais.
Deux noms interchangeables qui reflètent un cas presque unique en France, où province d’Ancien régime et département se confondent aujourd’hui encore, le département ayant été taillé sur les limites de la province.
Cette méconnaissance est accentuée par la fusion déjà ancienne avec l’Auvergne dans la même région et sous ce seul dernier nom, fusion qui a ainsi fait disparaître le Bourbonnais, qui n’a pourtant jamais fait partie de l’Auvergne.[1]
D’où vient alors cette petite entité, coincée entre ses grands voisins ? Le « miracle » de son existence s’explique par plusieurs facteurs : situation aux marges de voisins plus puissants, existence d’une famille aristocratique ambitieuse. Mais ceci explique aussi la fragilité de cette construction qui trouve une fin brutale au XVIème siècle.
Anciennement, une zone de marges, aux confins de plusieurs grands peuples gaulois (Bituriges, Eduens et Arvernes), puis de plusieurs grands fiefs (Berry, Bourgogne, Aquitaine), l’unité se dégageant progressivement par l’action de la famille de Bourbon qui profite du caractère indécis des territoires entourant Bourbon-l’Archambault et Souvigny, les deux capitales, l’une militaire et l’autre religieuse, de la seigneurie puis duché de Bourbon.[2]
Une province qui doit donc tout à l’histoire, sans frontières naturelles (sauf la Loire) et très disparate géographiquement car divisée d’ouest en est en trois bandes du fait de l’hydrographie nord-sud :
- La partie occidentale de la Marche (aujourd’hui la Creuse), dénommée la Combraille et bordée par la large vallée du Cher avec Montluçon ;
- La partie centrale entre le Cher et l’Allier, principalement formée du Bocage bourbonnais aux petites cités historiques telles que Bourbon-l’Archambault, Souvigny ou encore Châtel-de-Neuvre.
- La partie orientale, entre Allier et Loire, composée de la « Sologne bourbonnaise » et, au sud, de la Montagne bourbonnaise, premiers contreforts et sommets de Monts de la Madeleine.
- De plus, c’est un département écartelé entre trois centres urbains d’importance comparable (Montluçon, Moulins, Vichy), ce qui peut s’expliquer, on l’a vu, par l’histoire et la géographie.
Notons, pour conclure cette rapide description, que la partie sud du département voit passer les importantes frontières distinguant la France du Nord et celle du Sud : langue d’oïl/langue d’oc, tuile plate/tuile creuse. Ce qui montre, s’il en était besoin, qu’Auvergne, région d’Oc, et Bourbonnais, province d’Oïl, ne se confondent aucunement.
N.B. le lecteur aura compris que la brièveté de notre excursion ne lui permettra de découvrir qu’une faible partie de ce qui a été brièvement évoqué et qu’une impasse totale est faite sur la capitale militaire, Bourbon –l’Archambault, la capitale religieuse, le « Saint-Denis des Bourbons », Souvigny et la capitale industrielle, Montluçon/Commentry. Autant qui reste à découvrir.
L’accent a en effet été mis sur la région naturelle quasi-unique en France constituée par le val d’Allier, ainsi que sur la géographie historique et urbaine des deux agglomérations riveraines de l’Allier : Vichy et Moulins.
L’Allier dans le Bourbonnais, dernier grand cours d’eau sauvage en France et même en Europe occidentale
Tout d’abord, que faut-il entendre par « cours d’eau sauvage » ? Un ensemble cumulatif de cinq critères : Un tracé non contraint par la nature ou par l’homme ; Un débit très variable ; Des aménagements difficiles et souvent précaires ; Une faune et une flore riche et non dictée par l’homme ; Des dispositifs de protection du cadre naturel.
– Un tracé en toute liberté
L’Allier (410 Kms de longueur totale) coule aujourd’hui entre Vichy et son confluent avec la Loire dans un cadre qu’il a lui-même construit : sur le substrat argilo-calcaire de l’ancien lac de Limagne, il a déposé des terrasses en gradin, les plus anciennes, sableuses, étant les plus élevées et éloignées du lit actuel. Cette plaine alluviale très large permet ainsi à l’Allier de modifier sans interruption son tracé.
Ce tracé a lui-même changé de style depuis le XVIII ème siècle, passant d’un lit en « tresses », aux chenaux et îles multiples, à la situation actuelle, un cours formé d’un chenal unique avec ses méandres. La marque des anciens tracés se retrouve dans les bras morts, souvent encore en eau et appelés « boires ». Il est difficile d’expliquer cette évolution, mais on peut penser que la disparition progressive de l’alluvionnement provenant du Haut Allier joue un rôle important comme, on le verra plus bas, la raréfaction des grandes crues.
– Un débit capricieux et ses conséquences néfastes
Quelques chiffres tout d’abord : à Moulins, le débit moyen est de 150 m3/s, la crue décennale de 1400m3/s et la crue centennale de 3900 m3/s. L’origine de ces crues tient au double mode d’alimentation du bassin versant de l’Allier, océanique et cévenol, la pire situation étant lorsque les deux phénomènes pluvieux ont lieu simultanément.
La plupart des crues majeures ont eu lieu aux XVIII et XIX ème siècles et la dernière, en 2003, a connu un débit de plus de 1500 m3/s. La raréfaction des crues majeures a fait que les constructions susceptibles d’être touchées par les inondations sont de plus en plus nombreuses en zone périurbaine, par exemple aux abords du pont-barrage de Vichy (cité des Ailes, centre commercial, etc.).
– Une utilisation difficile du fleuve et des aménagements souvent précaires
Dans le passé, les crues ont provoqué le déplacement incessant du lit majeur et donc celui des « ports » qui ne pouvaient en conséquence se doter d’équipements pérennes, gênant ainsi le commerce fluvial. Mais surtout, ces crues entraînaient l’écroulement régulier des ponts que la population se hasardait à construire, ces ouvrages d’art étant déjà fragilisés par le substrat sableux du lit. Vichy n’a pu disposer d’un pont qu’à partir du milieu du XIX ème siècle et encore s’est-il rompu trois fois dans la seconde moitié de ce même siècle. Moulins a connu une série de ponts successifs, dont l’un construit par le fameux Mansart, qui n’a pas résisté davantage que les autres et s’est abîmé à peine terminé. Il a fallu attendre le pont remarquable construit à la fin du XVIII ème siècle par le sieur de Régemortes, ingénieur des levées et turcies, pour bénéficier d’un ouvrage ayant résisté victorieusement depuis.
L’homme a également tenté d’utiliser l’Allier comme voie navigable, mais ceci au prix de grands efforts pour vaincre les difficultés propres au cours d’eau, son courant très fort et son lit variable et sableux. Ainsi, longtemps, la navigation ne s’est-elle faite presque uniquement d’amont en aval, sur de petites embarcations à faible tirant et qui étaient vendues et détruites une fois arrivées à destination, sur le cours inférieur de la Loire. Ceci générait une grande consommation de bois d’œuvre, causant un déboisement massif des régions du Haut-Allier. Le halage permettait bien en théorie de remonter le fleuve mais les variations du tracé rendaient les chemins de halage peu utilisables, la rivière les détruisant ou s’en éloignant brusquement. Les lieux d’embarquement, les « ports » étaient eux-mêmes soumis à cette précarité liée aux caprices de la rivière. Ils se déplaçaient avec la rive elle-même et consistaient seulement en pontons de bois, ce qui explique qu’il n’en reste rien aujourd’hui.
Le transport concernait surtout le bois de chauffage et le vin, Saint-Pourçain fournissant ainsi la Cour royale parisienne au Moyen-âge. L’apparition des navires à vapeur a permis d’ouvrir une ligne régulière depuis Nevers en remontant jusqu’à Moulins, mais le trafic était rendu difficile par les remous et les bancs de sable et cette solution a été d’autant plus éphémère que le chemin de fer a supplanté quelques années plus tard le trafic fluvial. Ne restaient donc sur le fleuve que quelques bacs et de rares paysans bateliers qui transportaient ainsi leurs animaux d’un pâturage à l’autre. D’où un lent mais irréversible déclin de la marine fluviale sur l’Allier, dont l’administration a pris acte en le retirant de la liste des voies navigables et flottables de France par décret du 27 juillet 1957.
– Une faune et une flore remarquables
Le val d’Allier est l’un des sites naturels majeurs d’Europe, grâce à sa mosaïque de milieux naturels : rivière, talus d’érosion, plages de sable et galets, pelouses sèches, prairies inondables, forêts alluviales, bras morts et boires.
Ainsi est-il le second site ornithologique de France après la Camargue pour les oiseaux nicheurs (plus d’une centaine d’espèces), le total recensé, en y ajoutant les oiseaux migrateurs, atteignant aujourd’hui 266 oiseaux différents. La plupart d’entre eux voient leurs effectifs augmenter sensiblement. On y ajoutera près de 40 types de poissons, plus d’un millier d’espèces d’arachnides et d’insectes, dont plus de 900 de coléoptères et près de 50 de libellules …
Les espèces aquatiques sont également nombreuses et de grand intérêt, la vedette en étant sans conteste le saumon qui remonte l’Allier pour frayer en Haute-Auvergne. Parmi les nombreux équipements destinés à faciliter cette remontée, on citera tout particulièrement celui de Vichy qui permet un comptage précis et une observation des saumons pour sensibiliser le grand public.
La flore est également très riche avec près de 600 espèces de plantes, près de 200 de champignons, dont des espèces rares, protégées, comme la marsilée à quatre feuilles, ressemblant à un trèfle aquatique.
– Un milieu fragile et qui nécessite une protection
Ces milieux naturels peuvent être menacés, on l’a vu, par des crues exceptionnelles, mais d’autres dangers plus fréquents et prosaïques les menacent.
L’un des plus importants, est l’enfoncement progressif du lit par surcreusement, résultant principalement de la disparition de l’alimentation en alluvions régénérant le lit. Les conséquences négatives en sont nombreuses ; on se bornera à citer la réduction du lit mineur, l’assèchement corrélatif de la nappe alimentant les bras morts et boires, etc. Ce phénomène est évidemment très difficile à combattre.
Un autre phénomène préoccupant est le boisement accéléré des bords de l’Allier, dont les causes semblent multiples : non entretien de la végétation, régression des surfaces de pâturage, déclin de la population des lapins de garenne mangeant les pousses, etc. Ce qui provoque une fixation excessive du tracé.
Cet état de fait a suscité depuis les années 1970 des demandes de protection qui ont abouti, après de longs travaux préparatoires, à la création en 1994 de la Réserve naturelle nationale du val d’Allier, couvrant 1450 hectares du domaine public fluvial, de Saint-Loup aux portes de Moulins, particulièrement caractéristique de tout ce qui vient d’être décrit plus haut. La gestion en est confiée conjointement à l’Office national des forêts et à la Ligue pour la protection des oiseaux d’Auvergne. Elle est complétée par un prolongement au nord et au sud par un arrêté préfectoral de protection de biotope couvrant 2873 ha.
De plus, certains sites éloignés de la Réserve nationale et présentant un intérêt particulier ont été classés en « espaces naturels sensibles », classement permettant à la fois la protection mais aussi des aménagements de découverte par le public.
Enfin, l’ensemble du cours de l’Allier est inclus dans le réseau Natura 2000, issu des directives européennes de 1979 et 1992, et ce ne sont pas moins de 20 000 ha qui sont ainsi concernés.
Journée à Vichy :
Vichy est aujourd’hui la première agglomération de l’Allier, englobant ainsi son ancienne rivale médiévale, Cusset, avec pas moins de 84 500 habitants dans son aire urbaine, dont un petit tiers pour la commune elle-même.
L’ancienne « reine des villes d’eaux » a hérité d’un passé prestigieux mais aussi d’une tache difficile à effacer liée aux souvenirs de la seconde guerre mondiale, et se cherche actuellement un avenir avec énergie.
– A l’origine, deux noyaux urbains que tout oppose : la ville et les bains
La cité thermale de Vichy remonte sans nul doute à l’Antiquité, comme le montrent à la fois la présence de traces antiques gallo-romaines et la mention par la Table de Peutinger[3] de la ville d’Aquis calidis[4], ville thermale qui ne peut être identifiée qu’avec Vichy du fait de sa situation. Précisons toutefois qu’aucun vestige de thermes n’a été localisé et qu’il n’est nullement certain que le nom de Vichy dérive de ce nom, même sous la forme voisine de « vicus calidus ».
Ce qui est certain, c’est que lorsque Vichy apparaît dans les documents médiévaux, elle est constituée de deux noyaux bien distincts : la ville, bourg fortifié dominant l’Allier et à l’abri des inondations, et les bains, zone basse où sourdent les deux sources naturelles historiques, appelées ensuite les « puits quarré » et la « grande grille », dépourvue de constructions. Ces sources appartiennent aux Bourbons et deviennent propriété royale lors de la confiscation des biens du Connétable par François I.er.
On notera que la source des Célestins, connue également très anciennement et située au pied de la vieille ville et au bord de l’Allier, ne joue pas de rôle à l’époque, sa situation rendant son accès difficile et incertain du fait des caprices de la rivière.
– Des débuts modestes
Les choses changent au début du XVII ème siècle, lorsqu’Henri IV crée la surintendance générale des bains et fontaines minérales et son corps des médecins intendants, devenus ensuite médecins inspecteurs. Se construit alors la « maison de roi », premier établissement de bains, autour duquel se promènent les premiers curistes. Les médecins insistent sur la « promenade » qui doit accompagner la prise des eaux, que ce soit sous forme de bain ou de boisson.
En 1676, Vichy accueille sa première curiste célèbre et qui va laisser un témoignage intéressant et pittoresque : Madame de Sévigné.
Au siècle suivant, les projets d’aménagement de parcs pour la promenade des curistes d’une source à l’autre se succèdent mais le seul qui ait connu une concrétisation est la plantation d’allées en bordure du Sichon, petit cours d’eau qui se jette dans l’Allier à Vichy. Il s’agit de l’allée de Mesdames, Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV qui avaient financé les travaux à l’occasion d’un séjour en 1785.
Le premier établissement thermal digne de ce nom est construit, lui aussi, sur l’initiative de Mesdames. Il comprend pour la première fois une galerie couverte qui permet de se promener par tous les temps.
Il faut attendre un décret signé de Napoléon en 1810 en Prusse et pris à l’instigation de Madame Mère, qui s’était trouvée bien d’un séjour à Vichy, pour que le parc des sources tel que l’on le connaît aujourd’hui soit créé, reliant ainsi les deux pôles de la ville.
Sous la Restauration, le baron Lucas, médecin inspecteur et maire de la ville s’appuie sur l’influence de la duchesse d’Angoulême, curiste en 1816, pour obtenir le nécessaire agrandissement de l’établissement thermal qui est reconstruit au début des années 1820. Il comprend maintenant, outre les galeries, un salon de danse, un autre pour le billard, une salle de correspondance, etc. On voit là poindre les éléments du futur thermalisme joignant les soins et la vie mondaine.
Mais la première moitié du XIX ème siècle voit aussi des problèmes nouveaux se poser : comment maîtriser le développement des sources et celui, corrélatif, de la population en cure :
- La nappe des eaux thermales s’avérant être très étendue et de faible profondeur, et les eaux pouvant constituer une source (sans jeu de mots) importante de revenus, les forages se multiplient dans les années 1840. Or, le code civil prévoit que tout propriétaire peut forer chez lui et ne distingue pas entre eau ordinaire et eau thermale. Les décennies suivantes voient se développer une législation protectrice du périmètre d’alimentation des sources anciennes appartenant à l’Etat et une extension progressive de ce périmètre.
- S’agissant de la gestion des eaux, qu’il s’agisse des bains et boissons et de leurs produits dérivés (notamment les fameuses « pastilles de Vichy », inventées en 1822 par le chimiste d’Arcet), l’État adopte la solution d’une compagnie fermière, sous son étroite tutelle, au moins au début. Cette compagnie fermière existe toujours, même si les responsables ont souvent changé au fil du temps. (Cf. encadré ci-dessous).
- La population des curistes, qui dépasse rapidement celle des habitants dès les années 1840, implique le développement de l’offre hôtelière à proximité des sources. C’est donc ce périmètre vide jusque là qui se développe, alors que la vieille ville étouffe et finit par détruire ses remparts pour s’ouvrir vers le parc des sources. Mais reste le problème de l’Allier et de ses crues …
La compagnie fermière des eaux de Vichy Fondée sous la Monarchie de Juillet, la Compagnie fermière a pour mission, en échange de la perception de toutes les recettes liées au thermalisme, de verser une somme annuelle à l’État indexée sur les résultats et de développer l’offre par des investissements à une hauteur également fixée par la convention qui la lie à l’Etat, en général sur une durée de trente ans. Dans la période récente, après avoir été filiale du groupe Perrier de 1968 à 1992, la Compagnie fermière est aujourd’hui gérée par le groupe Castel, avec plus de 200 salariés et un CA supérieur à 20 millions d’euros. La convention actuelle court jusqu’en 2030. |
– Un urbanisme thermal ? Un Paris haussmannien sur Allier ?
Enfin vint Napoléon III ! Les séjours de l’empereur à Vichy de 1861 à 1866, venu par la voie de chemin de fer nouvellement ouverte, sont l’occasion d’un remodelage complet de la ville : l’Allier est endigué et de superbes promenades à l’anglaise sont créées entre les digues et la ville. Des logements sont construits pour accueillie l’empereur (les élégants chalets) et sa suite. Pour distraire les curistes, on va imiter les villes d’eaux allemandes : construction d’un luxueux casino, réfection du parc des sources …
Cet élan durera bien au-delà du Second Empire : construction d’un opéra de 1400 places en style Art nouveau, d’un nouvel établissement thermal de style mauresque, d’une galerie couverte de 700 mètres en ferronnerie d’art, etc. Les grands hôtels se multiplient et la ville connaît un premier apogée à la veille de 1914 avec 110 000 curistes par an. Après la parenthèse de la Première guerre mondiale, Vichy redevient prospère et se développe à nouveau.
La nouvelle église Saint-Blaise est un bon exemple de cette nouvelle ambition de développement artistique. Mais l’embellie ne dure pas.
– Une image durablement altérée par un rôle éphémère de capitale
Quelques mots, pour rappeler que Vichy n’a pas demandé à devenir la capitale de la France, ou plutôt de l’État français, au cours de l’une des pires périodes de son histoire. On ne reviendra pas sur les raisons qui sont susceptibles d’avoir présidé à ce choix, non plus que sur les modalités de l’installation des autorités, vidant les hôtels de leur clientèle pour 4 ans…
Qu’il suffise de dire que la ville a tenté, dès le premier jour de sa libération, de se détacher de cette image injuste de « capitale de la Collaboration », mais que ce fut largement en vain et que le temps ne faisant rien à l’affaire, aujourd’hui encore les souvenirs négatifs persistent.
– Une difficile modernisation après le déclin du thermalisme « à l’ancienne »
Le hasard a voulu qu’à la difficulté évoquée ci-dessus, s’ajoute très rapidement le déclin du thermalisme traditionnel, déclin à la fois quantitatif et qualitatif. Les années 50 ont été le second apogée de Vichy, mais la décolonisation et la perte de l’Algérie lui ont porté un coup fatal. Vichy a en effet subi de plein fouet la disparition de la clientèle des riches habitués, Français ou étrangers. On ajoutera que les riches s’orientent aujourd’hui de préférence vers la thalassothérapie et le thermalisme sur la côte atlantique ou dans les pays chauds. De plus, la clientèle thermale actuelle ne vient plus à Vichy pour la « saison » mais pour des séjours plus denses et plus courts.
La ville et la compagnie fermière ont dû répondre à ce double défi : adapter l’offre thermale et trouver d’autres motifs d’attraction. Ainsi la plus grande partie des établissements de bains a-t-elle été reconstruite à la fin du XX ème siècle : bains Callou, des Célestins, etc. L’opéra rénové possède l’une des plus belles salles de spectacle de France. A côté de cet effort, Vichy a su développer une offre sportive très importante : golf, tennis, champ de courses, aviron, équipe de basket-ball, etc., mais aussi des ressources universitaires en s’emparant d’un créneau original, la formation des Étrangers à la langue française. La ville tire largement parti du superbe plan d’eau créé par la construction du pont-barrage, le lac d’Allier, mis en eau en 1963.
Aussi se mélangent aujourd’hui à Vichy les générations, jeunes étudiants et curistes plus âgés. Mais la partie n’est pas gagnée, la ressource essentielle, le thermalisme, ne drainant plus, on l’a vu, les riches clientèles du passé.
Journée à Moulins
– Une origine liée à la fortune de la famille de Bourbon
Moulins est une ville récente à l’échelle de l’histoire de France puisque ses premières traces ne remontent pas avant le XII ème siècle. Il ne s’agissait alors que d’une modeste bourgade, située en périphérie des possessions des Bourbons, vivant de meunerie et de batellerie sur la route de Paris au Massif Central, future Nationale 7. Signe de son origine modeste, la ville est restée pendant des siècles sans avoir le statut de paroisse, le curé résidant dans l’ancienne cité d’Yzeure, toute proche.
Ce sont les sires de Bourbon qui ont fait son destin en la choisissant comme capitale, pour asseoir leur revendication de la rive droite de l’Allier. D’où la construction d’un château, transformé progressivement en palais, et de la collégiale gothique qui deviendra très tard cathédrale.
Le site n’a en lui-même rien de remarquable : une butte dominant l’Allier, à l’abri donc des inondations et portant la ville fortifiée, accompagnée d’un bas quartier assez inondable, car proche de l’Allier et habité par les mariniers, d’où son nom actuel. Le fleuve se traverse surtout par des bacs, les ponts successifs, on l’a vu, étant régulièrement emportés lors des crues.
Moulins médiéval est une ville modeste qui devra sa splendeur au destin hors du commun des sires de Bourbon. A l’origine, vers 913 un nom : Aymar, qualifié de « miles clarissimus », guerrier très illustre, et exerçant à Châtel-de-Neuvre, les fonctions de viguier, c’est-à-dire de représentant du duc d’Aquitaine ; un terroir, la rive gauche de l’Allier entre Bourbon et Souvigny. Puis une dynastie seigneuriale, essentiellement formée de sires de Bourbon prénommés Archambault (il y en a eu huit !) Le dernier n’a qu’une fille qui épouse le dernier fils de Saint-Louis, ce qui amènera bien plus tard les Bourbons sur le trône de France (et bien d’autres !). Mais n’anticipons pas et revenons aux sires de Bourbon, devenus barons proches de la Cour royale et qui obtiennent en 1327 l’érection de leur baronnie en duché.
– La capitale du duché de Bourbon : l’âge d’or du XV ème siècle.
Ayant échappé aux ravages de la Guerre de Cent ans, Moulins devient la capitale de ducs dont le pouvoir s’étend progressivement bien au-delà du seul Bourbonnais, englobant notamment l’Auvergne et le Beaujolais. Moulins n’est plus seulement une ville commerçante, mais aussi une capitale administrative, les ducs se dotant de toutes les fonctions d’un véritable Etat.
Mais c’est surtout dans le domaine culturel que Moulins devient un centre de rayonnement : Anne de Beaujeu, fille du roi Louis XI et sœur du roi Charles VIII et épouse du duc Pierre II (1488-1503) y fait construire un pavillon que l’on considère comme le premier édifice de style Renaissance construit en France. C’est à sa cour qu’ un peintre, dont on ignore l’identité (Jean Hey ?), dénommé pour cela « le maître de Moulins », exécute le triptyque où l’on peut voir le duc, son épouse et leur fille Suzanne, en pieux donateurs. Œuvre remarquable qui n’a jamais quitté la collégiale devenue depuis cathédrale.
Malheureusement, cet âge d’or va se terminer par un drame dont il serait trop long et complexe ici de démêler les fils : la mainmise sur le duché du nouveau roi de France, François Ier, poussé par sa mère Louise de Savoie, ce qui conduit le dernier duc, le Connétable Charles III, à s’enfuir du royaume et mettre son épée au service de l’empereur d’Allemagne, ce qui lui vaut une durable réputation de traître. Il meurt au siège de Rome en 1527, le célèbre artiste Benvenuto Cellini s’étant vanté de l’avoir tué de sa main.
– Un lent déclin : la ville administrative et commerçante
L’incorporation du Bourbonnais dans le domaine royal fait perdre à Moulins son rang de capitale. Elle n’est plus que le siège de l’une des 66 généralités, circonscriptions fiscales, et le pouvoir royal s’y manifeste par la présence d’un gouverneur puis d’un intendant. La ville conserve donc son activité administrative, certes réduite, et a la chance d’échapper aux Guerres de Religion. Elle reste un marché agricole important et les institutions religieuses se développent fortement. C’est ainsi que Jeanne de Chantal y crée en 1616 le second monastère de l’ordre des Visitandines qu’elle vient de fonder et que, dans les années 1650, Marie-Félice des Ursins, veuve d’Henri II de Montmorency exécuté à l’instigation de Richelieu, fait construire dans la chapelle le tombeau destiné à accueillir son couple, l’un des plus beaux témoignages de l’art classique français. On peut dire sans exagérer que la ville de Moulins s’endort progressivement et que même les grands événements nationaux la tirent peu de sa torpeur. La Révolution française elle-même ne la voit que peu touchée. Au XIX ème siècle, l’absence de guerres renforce cette léthargie que ne parvient pas à secouer l’arrivée du chemin de fer, pas plus que ne l’avait fait la construction du pont Régemortes à la fin de l’Ancien Régime.
Moulins conserve au XX ème siècle son rôle de ville administrative et de marché agricole. Bonaparte y a créé ce que l’on estime être le premier lycée de France, dénommé plus tard « Théodore de Banville ». Elle accueille quelques activités industrielles, notamment dans la chaussure. Mais la population stagne et le peu de croissance profite à Yzeure, commune qui forme à elle seule presque toute la banlieue, et sur le territoire de laquelle s’implantent les zones commerciales. Yzeure a accueilli au début des années 80 un des plus importants centres pénitentiaires français comprenant une maison d’arrêt de 146 places et une centrale pour 126 détenus condamnés à de longues peines. On notera, toujours au chapitre de la Justice, que des villes concernées par la réforme Dati qui, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire décidée en 2009 supprimait les tribunaux de grande instance, Moulins a été la seule ville à conserver le sien après une lutte difficile.
Dans la dernière période, la ville de Moulins a développé plusieurs institutions culturelles de qualité : le Centre national du costume de scène, le musée de l’ordre de la Visitation (travaux de piété et d’art), le musée de l’illustration jeunesse, consacré aux livres illustrés pour enfants et adolescents. Toutefois, force est de constater que durant la même période, l’activité économique, notamment industrielle a décliné : fermeture de l’usine de chaussures Bally, de la serrurerie JPM ou encore d’une usine Thomson.
Au total, Moulins d’aujourd’hui n’a pas plus d’habitants que sous le Second Empire (19 000), même si son aire urbaine compte 61000 habitants, ce qui en fait la cinquième agglomération d’Auvergne, mais seulement la troisième agglomération du département derrière Montluçon et Vichy.
Le Centre national du costume de scène Sous le règne de Louis XV, est décidée une grande réforme des armées menée par le duc de Choiseul, l’une des mesures importantes est la décision d’abandonner l’hébergement des soldats imposé aux populations et de construire des casernes. La première d’une longue série est construite à Moulins, sur la rive gauche de l’Allier, face à la ville, la construction de la caserne commença en 1767, mais dura près d’un siècle. L’ architecte Jacques Denis Antoine, connu-entre autres-pour la construction de l’Hôtel des Monnaies à Paris, est l’initiateur du projet. On choisit de donner à la caserne le nom du maréchal de Villars, héros militaire du règne de Louis XIV, et natif de Moulins. Durant trois siècles le « quartier Villars » est à Moulins le lieu de la vie militaire, les régiments s’y succèdent : dragons de cavalerie, mais également divers corps d’armée. Toutefois après la première guerre la caserne connaît un lent déclin, endommagée en 1940, elle sera occupée par un corps de gendarmerie jusqu’au début des années 1980. La municipalité de Moulins, contrainte de l’acquérir, envisage sa destruction, avant qu’en 1984 un arrêté de classement au titre des monuments historiques ne soit pris et que finalement, restaurée, elle accueille le Centre national du costume de scène, inauguré le 1 juillet 2006, par le ministre de la culture, Renaud Donnedieu de Vabres et Christian Lacroix président du conseil d’administration. La restauration des bâtiments, de 1996 à 2006, a été menée par l’architecte en chef des Monuments historiques, François Voinchet, et Jean-Michel Wilmotte pour l’aménagement intérieur et la nouvelle aile destinée à accueillir les réserves. Structure unique en France, lieu de réserve pour plus de 20 000 costumes, accessoires et décors venus de la Comédie française, de l’Opéra national de Paris, de la Bibliothèque nationale de France , des Arts Florissants, du ballet atlantique Régine Chopinot etc.), le CNCS offre1500 m2 de galeries d’expositions temporaires auxquelles s’ajoute l’exposition permanente du fonds Rudolf Noureev. Depuis l’ouverture le CNS a présenté huit expositions présentées hors frontières : États-Unis, Australie, Brésil, Singapour, Japon, Russie, Roumanie, Espagne… Il a accueilli plus de 730 000 visiteurs depuis 2006, dont 15% venus de Paris et de l’île de France, 50% de la région Auvergne et des départements limitrophes. Un succès indéniable, confirmé d’année en année : « La revue spécialisée Le Journal des arts a publié, mercredi 31 mai 2017, son palmarès annuel des musées de France. Soixante-sept critères sont évalués, afin de dresser ce classement. Le Centre national du costume de scène arrive en quatrième place du palmarès dans la catégorie « Intercommunalités ». Le CNCS est ainsi le premier du classement concernant les intercommunalités de moins de 100 000 habitants. Ainsi plus de 70 000 visiteurs ont franchi les portes du musée en 2016 soit une évolution totale du nombre de visiteurs estimées à 20.5%. »( newsletter du CNCS, 14 juin 2017, communication@cncs.fr. ). |
CNCS : exposition permanente
En guise de conclusion, quelques mots sur les perspectives envisageables pour Vichy et Moulins et, plus généralement, sur le Bourbonnais.
Les deux villes étudiées ici, on l’a vu, sont engagées dans un effort récent mais marqué de modernisation pour retrouver le dynamisme qui leur manque tant. La question qui se posera inévitablement est celle de savoir si elles doivent être rivales ou complémentaires, d’autant que la troisième ville du département, Montluçon, peut jouer un rôle propre si elle parvient à surmonter la perte se son activité industrielle.
Un autre facteur décisif sera certainement l’évolution de l’activité agricole, qui n’a pas été abordée ici, mais dont l’enjeu sera celui de l’élevage, la grande culture ne pouvant se pratiquer que dans la Limagne. Le tourisme vert pourra-t-il prendre le relais ?
Enfin, il convient de ne pas négliger l’impact de l’évolution récente du cadre institutionnel : le Bourbonnais, déjà annexe de l’Auvergne de longue date, voit s’éloigner fortement le nouveau centre de décision qui passe de Clermont à Lyon, dans le cadre de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes et son poids relatif diminuer encore …
Marie-Paule & Jean-Etienne Caire, et Maryse Verfaillie – Septembre 2017
Joël Herbach : Directeur de l’urbanisme de la ville de Vichy depuis 1989, ingénieur diplômé de l’Ecole des Travaux Publics et du Bâtiment et architecte diplômé de l’Ecole d’Architecture de Toulouse, Joël Herbach a mené l’ambitieux projet d’embellissement et de modernisation de la ville lancé par Claude Malhuret, maire de Vichy.
Parmi les grandes réalisations : l’installation du Palais des Congrès Opéra dans le monument historique du Grand Casino (1995), la reconversion de la friche thermale des Bains Lardy en un campus universitaire international (2001) ou la restauration de la gare ferroviaire en pôle d’échange intermodal (2009). La réhabilitation du Grand Marché en 2006 et la transformation des boulevards sur berge de la rivière Allier en esplanade de promenade piétonne et cycliste arborée, en 2008-2009, sont représentatives à la fois de l’esthétique architecturale et paysagère de Vichy aujourd’hui et de la volonté de développement de la Ville. Il dirige le projet en cours de la création d’un écoquartier sur les rives d’Allier. Par ailleurs, excellent connaisseur de l’Allier il est Président de l’Association Allier Sauvage. C’est à ce double titre -urbaniste et défenseur de l’environnement- qu’il a reçu les Cafés géo.
Merci à Dominique Beaufils, président des Amis des caves Bertine (www.cavesbertine.fr/lassociation/), et à Jean-Luc Devaux, libraire de livres anciens et propriétaire de la Maison du Doyenné de nous avoir ouvert leurs portes.
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D’autres richesses sont offertes
- à Moulins : Musée Anne de Beaujeu et Maison Mantin (http://www.mab.allier.fr/), Musée de la Visitation (http://www.musee-visitation.eu/), Musée du Bâtiment, Musée de l’illustration jeunesse (http://www.mij.allier.fr), Espace Nature du Val d’Allier (http://www.allier-auvergne-tourisme.com/culture-patrimoine/sciences-nature/espace-naturel-val-d-allier) .
- à l’hôtel Demoret : une petite exposition temporaire des collections du musée de la Visitation, en septembre le thème : Dentelles de mode, mode de dentelle.
- Les deux villes sont reliées par de nombreux trains (trajet entre 30 et 40 minutes), il est donc possible de faire un saut à Vichy depuis Moulins :
- – à Vichy : musée de l’Opéra, musée des Arts d’Afrique et d’Asie (dans un ancien établissement thermal), nombreuses confiseries….
- dans un rayon d’environ 30 kilomètres :
- – à Souvigny : abbaye exceptionnelle, « Saint-Denis » des ducs de Bourbon.
- -à Saint-Menoux très belle église romane.
- – à Saint-Pourçain…. Il y a du bon vin, un musée de la vigne et du terroir et les éditions Bleu Autour.
– à Noyant-d’Allier vous tomberez sur des bouddhas géants et une communauté asiatique installés dans des maisons de « gueules noires » aujourd’hui disparues. Le restaurant juste en face est excellent !…mais il faut retenir à cette saison (Tél. 04 70 47 21 31 – 06 19 27 84 40 – Courriel: lepetitdasie.noyantdallier@gmail.com)
Brève géo-histoire du Val d’Allier en Bourbonnais
La rivière Allier prend sa source dans le Gévaudan (Lozère). Elle parcourt 410 km avant de rejoindre la Loire au Bec d’Allier, à 6 km en aval de Nevers.
Le Val d’Allier correspond à un bassin d’effondrement, au milieu des moyennes montagnes du Massif Central. C’est à l’ère Tertiaire que des failles ont morcelé le massif ancien : des blocs soulevés (horsts) encadrent des blocs affaissés (graben).
Le Val d’Allier est aussi appelé Grande Limagne. Le fossé est profond de plus de 2 500 m. Il s’est peu à peu comblé de dépôts arrachés aux reliefs bordiers (dans la nature, rien ne se crée, rien de ne perd, tout se transporte… disait Lavoisier). Aujourd’hui, les terres noires qui affleurent sont des terres riches mises en valeur par la grande céréaliculture.
Au nord-ouest, le Bocage bourbonnais est composé de bas plateaux, petits horsts où affleurent les roches anciennes du socle. Région pauvre, elle est aussi marquée par les grandes propriétés terriennes, exploitées jusque très récemment en métayage. Des fermiers généraux servaient d’intermédiaires entre propriétaires et métayers. L’aristocratie bourbonnaise possède encore de nombreux châteaux, la région ayant échappé (on est dans la diagonale du vide) aux ravages des guerres contemporaines. Système archaïque et injuste, le métayage n’a disparu qu’après la 2GM. Il peut expliquer la naissance, en 1904, du premier syndicat de cultivateurs, à Bourbon l’Archambault. Encore aujourd’hui on vote facilement pour le PC ou pour le PS, dans ces campagnes.
Au nord-est s’étalent les varennes sableuses et marécageuses de la Sologne Bourbonnaise, plus favorables à l’élevage, dont celui des bœufs blancs du charolais, mis à l’embouche.
Les coteaux qui encadrent la Limagne correspondent à des escarpements de faille. Bien orientés, ils peuvent se couvrir de vignes, ainsi des coteaux de Saint-Pourçain. Petit vignoble, produisant des blancs, des rosés, des rouges, il vient récemment d’obtenir un label AOC.
Le Val d’Allier est parcouru par la rivière éponyme, qui reste un torrent montagnard dont les crues sont dévastatrices. [Voir développements ci-dessus].Parfois les digues cèdent, les ponts sont emportés. On a récemment construit, en aval de Moulins le barrage de Veudre, pour régulariser le débit, au grand dam des écologistes. La rivière contenue, le Val d’Allier fait figure de région riche vis-à-vis des régions bordières. La vallée de l’Allier fut un axe fluvial qui exportait le bois, le vin, les céréales, le charbon extrait du socle. Les volcans d’Auvergne lui apportent des eaux thermales, exploitées depuis les Romains à Vichy.
Les échanges n’étaient pas seulement commerciaux. Le Bourbonnais, bien que relevant du Parlement de Paris, fut une limite entre langue d’oïl (droit coutumier) et langue d’oc (droit écrit). Sa proximité avec la Bourgogne explique les échanges multiples, aux apogées de ces régions, avec les Flandres (le maître de Moulins) autant qu’avec l’Italie (façades Renaissance).
Axe nord-sud, le val reste un axe de communication, aujourd’hui parcouru par des routes nationales et des voies ferrées. Il est jalonné de villes qui s’y étalent, depuis Clermont- Ferrand, la capitale régionale, au sud jusqu’à Vichy, ville d’eaux et Moulins, préfecture du département de l’Allier. En revanche, l’appartenance à la région Auvergne est vivement rejetée, ici on ne se sent pas Auvergnat !
Les temps présents sont difficiles. Moulins – 40 000 hab.- voit sa population diminuer, son chômage exploser (17 %). Elle reste une ville tertiaire et administrative puisqu’elle est préfecture. Vichy – 60 000 hab – vit toujours des thermes, et des produits dérivés. Elle fut très riche, mais actuellement des reconversions sont en cours, vers un tourisme médical qui se veut un service de remise en forme.
Rester en forme, c’est aussi apprécier la gastronomie locale. Nous goûterons donc les quatre produits phares des quatre terroirs bourbonnais : pompes aux grattons, pavé de charolais, pâté de pommes de terre, le tout arrosé de vins de Saint-Pourçain.
Sachez aussi que Marie-Paule Caire a édité, avec sa mère, un livre de cuisine bourbonnaise : Le Carnet de Mita, aux Editions Bleu autour. Bleu autour est un éditeur installé à Saint-Pourçain, porteur de talents divers.
Maryse Verfaillie – septembre 2017
[1] Aujourd’hui la région Auvergne a fusionné avec la région Rhône-Alpes pour former une nouvelle région : Auvergne-Rhône-Alpes.
[2] Ce qui explique, par parenthèse, que l’Allier n’ait été doté d’un diocèse propre que très tardivement (sous la Restauration) du fait que, comme on le sait, la carte des diocèses d’Ancien régime reproduisait fidèlement celle des peuples gaulois. Jusque là, le Bourbonnais/Allier était partagé entre Bourges, Autun et Clermont.
[3] La « Table de Peutinger » est une copie réalisée à la fin du Moyen-âge d’une carte de l’empire romain établie vers 350 et portant le nom de son propriétaire sous la Renaissance. Il s’agit d’un document unique en son genre et qui donne les distances entre les principales cités.
[4] Ce que l’on peut traduire par « Eaux chaudes ».