Deux personnes devisent dans un parc. A l’ombre d’un arbre, elles échangent sur les mérites et les atouts dudit parcet du banc sur lequel elles sont installées.

Puis la conversation dévie sur la Guadeloupe. L’un de nos protagonistes, un jeune homme, en est originaire, du moins c’est ce que l’on croit comprendre ; l’autre, une dame âgée, explique que sa fille est en partance pour l’île. « L’insulaire » entreprend de lui dépeindre la terre d’origine de son père: « C’est une île tropicale, ajoute-t-il, avec sable fin, mer bleu turquoise, cocotiers, soleil à volonté ». « Le monde n’est pas seulement tel qu’il est mais aussi tel qu’on se le représente à travers un imaginaire géographique ». Mais ces atouts sont réels comme le rappelle Jean-Christophe Gay dans « Les cocotiers de la France. Tourismes en outre-mer ».

« Pourquoi ne partez-vous pas avec votre fille ? » demande le jeune homme ; la distance et l’avion lui font peur dit-elle. Ce petit paradis terrestre est à portée de tir, selon lui, puisque finalement on y est en huit ou dix heures selon que l’on prenne un vol charter ou régulier. Finalement Pointe-à-Pitre en avion est plus proche que Marseille en voiture !  Mais question coût, la donne change car un vol aller/retour fin juillet-début août sur Air France s’élevait à plus de mille euros minimum.

Il nuance tout de même sa description de l’île paradisiaque en avertissant son interlocutrice des dangers liés à la délinquance : «Attention, il ne faut se promener n’importe où, ni à n’importe quelle heure. Y a des jeunes qui fument de l’herbe ! » L’information est en partie réaliste même si elle se mêle au bruit médiatique. De fait, Manuel Valls doit se rendre en Guadeloupe en automne en raison de la croissance de la délinquance, certains quotidiens ont même titré sur l’explosion de celle-ci, et du nombre élevé de meurtres provoquant l’envoi de renfortsde police au début de l’été.

Le jeune homme ajoute comme autre point noir la cherté de la vie.Ceci est confirmé à la fois par la presse et l’INSEE ; depuis 2009, année de la grève générale contre la vie chère, les prix n’ont fait qu’augmenter, le chômage aussi, avec des écarts énormes sur les produits de première nécessité entre l’île et la métropole. Depuis mars, une loi, la loi Lurel, est censée lutter contre cet état de fait en fixant des prix plafonds sur des biens de grande consommation.

L’ensemble de cet échange pourrait sembler anodin si on n’apprenait pas en bout de course que le jeune homme, né d’un père d’origine guadeloupéenne, n’y avait jamais mis les pieds ! Où quand imaginaire et réalité géographique se rejoignent…

Cyril Froidure

Marie Redon, Philippe Pelletier, « Café géo : les îles de la tentation. Géographie de l’attractivité insulaire », http://cafe-geo.net/article.php3?id_article=2327

Gilles Fumey, « îles funestes, îles bienheureuses/îles rêvées, sous la direction de Dominique Guillaud, Christian Huetz de Lemps et Olivier Sevin, Transboréal, 204.

http://cafe-geo.net/article.php3?id_article=571

Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ?,

http://www.lexpress.fr/culture/livre/comment-parler-des-lieux-ou-l-on-n-a-pas-ete_1074250.html