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La lingerie est un secteur économique qui se porte bien à l’échelle mondiale (Source : L’Express.fr)

 Cette année encore, le 13 novembre 2013 à New York, le défilé de la marque de lingerie californienne Victoria’s Secret a été l’occasion d’un grand show à l’américaine  avec  casting de rêve et mise en scène spectaculaire, une véritable célébration des sous-vêtements parmi les plus affriolants. Dans quelques semaines, en janvier 2014, cette fois-ci à Paris, le Salon international de la lingerie réunira pendant trois jours de très nombreux professionnels du secteur tout en drainant un important public de visiteurs. Dans notre monde globalisé, le marché de la lingerie se porte bien et même très bien, en France comme dans le monde.

Les effets de la mondialisation diffèrent selon que l’on évoque l’industrie de la lingerie ou le style des produits commercialisés. C’est à partir des années 1980 que les entreprises du secteur connaissent d’importantes transformations  au bénéfice de grands groupes internationaux comme Triumph International ou Vanity Fair Brand qui imposent leur leadership. La profusion des marques révèle une bataille commerciale menée sur tous les fronts, du prêt-à-porter bon marché à la lingerie de luxe la plus sophistiquée. Dans le même temps, l’appareil productif s’est redéployé dans le monde à la recherche de bas coûts de main-d’œuvre tandis que les circuits de distribution accordent une place grandissante aux hypermarchés et aux chaînes spécialisées. Cela dit, l’évolution inégale de la production française dépend du choix des stratégies d’entreprise qui anticipent ou non les tendances du marché. Alors que la dernière usine Lejaby en France (à Yssingeaux en Haute-Loire) a fermé  ses portes en 2012, les marques Lise Charmel et Simone Pérèle, pour prendre ces deux exemples, ont su s’adapter à la nouvelle donne du marché. Ainsi, Lise Charmel conçoit ses modèles à Lyon, les fabrique en Bulgarie et en Tunisie, et assure plus de 60% de ses ventes à l’exportation, y compris en Chine.

Pour autant, il serait illusoire de croire en l’émergence d’un marché global soumis aux seules contraintes économiques, surtout en matière de lingerie féminine où le jeu de la séduction ne s’exerce pas de la même manière en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie. C’est un récent article du Monde (Carine Bizet, Dessous : le choc des cultures, Le Monde, 25 novembre 2013) qui évoque la fracture stylistique entre les Etats-Unis et la France en soulignant que ce n’est pas seulement une question de goût mais aussi une affaire de rapport au corps. Sans doute, l’Europe a-t-elle une longue culture de la corseterie et une tradition technique dans ce domaine, autant de facteurs qui, pendant longtemps, lui ont permis de donner le ton de la mode et de la lingerie. Mais l’influence des Etats-Unis a profité des images véhiculées par le cinéma américain d’après-guerre pour façonner le standard du corps occidental moderne (« longues jambes, silhouette mince, poitrines et hanches menues »). Il reste que  la façon d’habiller cette silhouette idéale n’est pas la même des deux côtés de l’Atlantique. Pour les Françaises,  la séduction est une question de suggestion sans pour autant négliger la recherche du confort. Pour les Américaines, « la stratégie paraît plus pragmatique et frontale ». Il est donc évident qu’en matière de lingerie, la mondialisation  ne se traduit pas par une uniformisation  qui gomme les différences esthétiques, laissant au contraire s’exprimer des manières différentes d’appréhender le corps.

Daniel Oster, décembre 2013