Cinq heures de bus séparent le kibboutz Lotan de Tel Aviv. Surnommée Ia ville qui ne dort jamais, Tel Aviv offre une grande variété de restaurants, de soirées et d’activités. Les rues sont embouteillées dès 7 heures du matin et les piétons respirent les pots d’échappement à pleins poumons.
Cinq heures de bus, et nous voilà au bout du monde. Lotan se trouve à 50 km d’Eilat, grande station balnéaire à la pointe sud du pays. Le kibboutz suit son rythme singulier : la journée commence avec le lever du soleil et se finit avec l’observation du vol des oiseaux migrateurs.
A Lotan, les maisons sont construites en boue pour garder la fraîcheur intérieure en été et isoler du froid en hiver. Leur architecture s’inspire des maisons issues de la planète Tatooine dans Star Wars et le robot R2D2 a même une statue à son effigie sur la place centrale. Dans ce kibboutz, on cuisine avec des fours solaires : une boîte de carton un peu sophistiquée peinte en noir pour stocker la chaleur et du papier d’aluminium pour mirer la lumière, quelques heures sous le soleil brûlant et votre plat est prêt. Ainsi, aucune consommation d’électricité n’est requise. Il s’agit d’un véritable voyage dans le temps. L’abri anti-roquettes que l’on reconnaît dans le bâtiment carré sur la photo, au second plan à droite, nous rappelle à la réalité : situé à quelques kilomètres de la Jordanie et de l’Egypte, le kibboutz Lotan est un bon point d’observation des relations entre Israël et ses voisins.
Mais à Lotan, on ne fait pas qu’observer. L’innovation est maître mot : les kibboutzim (habitants des kibboutz) cherchent à créer des techniques pour cultiver la terre de façon à économiser l’eau. Ils cherchent à diffuser ces innovations pour faire de l’environnement une plateforme qui serve à construire la paix avec les différents voisins. Car si les agriculteurs, bédouins et nomades du désert ne sont pas nécessairement la priorité des différents gouvernements israéliens, jordaniens et égyptiens, parvenir à être autonome en eau et en nourriture pour ces populations est un réel enjeu et un moyen de conquérir liberté et autosuffisance. De nombreux exemples de coopération universitaire transfrontalière existent par exemple pour mener à bien ces projets.
Nous sommes pourtant le 20 février 2018. Alors qu’une vague de froid s’abat sur Paris et le reste de la France métropolitaine, c’est aussi l’hiver en Israël. Au kibboutz Lotan, le réveil se fait avant 6 heures du matin : 10° Celsius, gants de travail et polaire, la journée peut commencer. Il fera bientôt trop chaud pour les travaux de la terre les plus physiques.
Rien de tel que faire fructifier la terre en plein désert pour se rappeler qu’un kibboutz est à l’origine un type de village collectiviste juif lié au mouvement sioniste d’influence socialiste. Les premiers kibboutz ont été fondés dès 1910 en Palestine et se sont depuis libéralisés. Les maisons sont désormais privées, les enfants ne sont plus élevés en commun sans connaître leurs parents. Pourtant la solidarité et le partage sont toujours des valeurs fondamentales.
Ici, l’idéologie est encore au rendez-vous. 200 personnes habitent à l’année dans la communauté. Chaque jour, de nouveaux groupes arrivent pour passer une journée, une semaine, un mois voire un an. Le mode de vie est unique : on partage ses repas et l’on tutoie systématiquement son voisin. Les activités ne manquent pas pour partager avec le reste du monde les techniques d’une vie écologiquement durable.
Le Kibboutz a été fondé en 1983, dans la vallée d’Arava, au cœur du désert du Néguev. Les montagnes de sable que l’on voit à l’horizon, se trouvent en Jordanie. Le village sert de frontière (le traité de paix entre les deux pays a été signé en 1994). La beauté du paysage fait l’unanimité. Chaque jour, la lumière du soleil révèle des couleurs qui diffèrent de celles de la veille : jaune, rouge, orange, ocre, pourpre.
Le revenu du kibboutz se composait au début du XXe siècle surtout de la vente des dattes medjoul. Le paysage est parsemé de palmiers. Lait de vache et lait de chèvre, observation des oiseaux migrateurs et finalement éco-tourisme : il fallait diversifier les offres. La photo en témoigne. Il ne s’agit pas ici du lieu d’habitation des habitants, mais de l’éco-campus. Seuls les volontaires et étudiants venant du monde entier vivent ici. Le kibboutz Lotan propose des formations reconnues par l’université Ben Gourion située à Beer Sheva, grande ville au milieu du désert du Néguev. Parmi les sujets d’étude : la permaculture, l’architecture durable, les secrets liés à l’énergie solaire et aux systèmes du goutte à goutte. Cette dernière pratique est une méthode de micro-irrigation utilisée en zone aride car elle réduit au maximum l’utilisation de l’eau et d’engrais en minimisant l’évaporation.
Ecolos, les étudiants du campus pratiquent le tri sélectif, s’alimentent en électricité grâce aux panneaux solaires et s’occupent de leur compost.
Le kibboutz produit de nombreux fruits, légumes et fleurs biologiques pour la vente et sa propre consommation. L’irrigation goutte à goutte permet alors de limiter l’évaporation de l’eau dans une région où les températures montent facilement jusqu’à 25° C en hiver, 40° C en été. Autosuffisant, cet endroit consomme l’énergie qu’il produit en diversifiant les ressources : énergie solaire, éolienne, biogaz, compost et recyclage…
Ingénieurs et agriculteurs vivent ici en communauté pour que leur modèle d’éco-village fonctionne le mieux possible. Le kibboutz Lotan témoigne des vestiges du passé (l’utopie devenue réalité) tout en donnant un avant-goût de ce que nous réserve peut-être le futur. Spécialisé dans l’environnement, localisé au cœur du désert, éloigné de tout et de tous sous des températures atteignant parfois 50 degrés, le kibboutz Lotan attire des gens du monde entier qui font le déplacement pour voir à quoi la vie zéro déchet peut bien ressembler.
Sources :
http://kibbutzlotan.com/cfce/?lang=en
http://www.starwars-holonet.com/encyclopedie/planete-tatooine.html
Kibbutz reinvents itself after 100 years of history, Taipei Times, November 16, 2010
The Kibbutz: Awakening from Utopia , Gavron, Daniel, 2000
« The Kibbutz in Historical Perspective », Mark A. Raider
Daphné Tapia, Avril 2018