Les lettres de Cassandre

Pourquoi la lettre de Cassandre ?

L’intitulé : la famille des Atrides s’impose à qui s’adresse à la famille universitaire. Mieux vaut être situé sur les marges qu’au centre, pour conjurer un sort qui donne tort à qui cherche à « voir ». Raison garder plutôt qu’avoir raison, beau programme, n’est-ce pas ?

La forme : c’est un choix d’écriture, apparenté à la micro-nouvelle. La lettre en dit plus, ou autrement, que la démonstration scientifique. La micro-nouvelle volette, se pose à l’improviste, puis met en branle l’esprit du lecteur.

L’objectif : faire penser, plutôt que penser (penser quand même un peu, mais sans édifier).

Des principes : tout fait sens. Donc, tout est géographiable, du Japon à mon immeuble, de l’odeur au circuit imprimé. Rester curieux, laisser à chacun sa forme.

Le moment : une « nouvelle » carte du monde s’écrit (se dessine) sous nos yeux. En rendre compte, à gros trait, en filigrane, en palimpseste.

Les lieux : des fragments du monde, par moi entrevus ou connus, d’où le « je » parfois inévitable.

Pierre Gentelle

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Archives – Les lettres de Cassandre

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Tirer des flèches vers le ciel, Pierre Gentelle, 7 décembre 2004
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Le monde tel qu’il va : essai sur les mécanisme (le textile), Pierre Gentelle, 10 décembre 2004
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Le monde tel qu’il va : essai sur les mécanismes (le charbon), Pierre Gentelle, 12 décembre 2004
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Le géographe entre risques et certitudes, Pierre Gentelle, 02 janvier 2005
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La résilience dans la société chinoise, Pierre Gentelle, 12 janvier 2005
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Aux abris : les honnêtes gens arrivent !, Pierre Gentelle, 04 février 2005
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La grande grue grise, Pierre Gentelle, 14 février 2005
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En hommage à Pierre Gentelle

Trois ans que le géographe Pierre Gentelle nous a quittés. Trois ans, et ces lignes sont toujours aussi difficiles à écrire. Ses propos, dérangeants, souvent agaçants, toujours avec une pointe d’humour inimitable, ont marqué le site des Cafés géographiques. Pierre nous a quittés la veille du Festival international de géographie de 2010. Après plusieurs Cafés cartographiques organisés en son honneur par Jasmine Salachas au FIG 2012, une table-ronde lui rendra hommage cette année à Saint-Dié-des-Vosges, pour un FIG 2013 entièrement consacré à la Chine, pays dont il rêva tant d’années de le voir invité au FIG.

Personnage aux multiples facettes – provocateur en conférence pour faire réagir et réfléchir son auditoire (il était déçu lorsque suggérant à dessein un déterminisme géographique, il voyait la salle acquiescer ; lui rêvait qu’elle prenne plutôt la parole et réfléchisse avec lui), « coach » de doctorants à qui il prodiguait de nombreux conseils, amoureux du terrain vers lequel il se tournait sans cesse –, Pierre était l’un des piliers du travail « invisible » du site des Cafés géographiques, évaluant avec quelques jeunes géographes tous les textes que l’on nous proposait. Les soutenant, ou dénonçant leur trop grand « classicisme », ou s’effarant d’une grande méconnaissance du terrain.

Pierre, trois ans plus tard, l’équipe des Cafés géographiques reste orpheline de l’un de ses agitateurs, qui savait accueillir les « petits jeunes » avec bienveillance et disponibilité. Nous gardons dans nos mémoires les échanges riches autour de la relecture de tes Lettres de Cassandre. Tu les soumettais toujours à notre critique la plus libre. Quelle écoute de nos conseils, pourtant prodigués par de jeunes pousses qui ne connaissaient que très modestement la géographie ! Quels coups de colère aussi, de temps à autre, qui nous forçaient à remettre sans cesse sur le métier la devise des Cafés géo : faire de la géographie autrement.

A toi, Pierre, notre ami, qui nous manqueras plus que jamais à Saint-Dié-des-Vosges !

Bénédicte Tratnjek & Olivier Milhaud

Des hommages sur le site des Cafés géographiques :

D’autres hommages :

Hommage à Pierre Gentelle

Lorsque Pierre Gentelle nous rendit visite pour 4 heures de cours de concours le 9 décembre 2008, dans le cadre de la nouvelle question de programme « Nourrir les hommes », il avait pris un soin méticuleux à se renseigner sur les caractéristiques du CAPES et de l’agrégation, s’inquiétant du décalage entre son année de passage de l’agrégation, fort lointaine, et les réalités actuelles des concours. Son cours « Nourrir le premier peuple du Monde. La Chine face au défi alimentaire », ponctué d’anecdotes et de facéties, avait enthousiasmé les étudiants.

Lorsqu’il revint à Chambéry, c’était pour la 7e édition de notre journée d’études Géo’rizon, le jeudi 17 décembre 2009, consacrée à « l’Asie orientale » et à laquelle il participa aux côtés de Marie-Orange Rivé-Lasan, Philippe Pelletier et Guillaume Giroir. Clôturant la journée, il avait néanmoins captivé l’auditoire, fatigué par une journée bien pleine. Sans Powerpoint ni document, mais avec des images dans les mots, il avait atteint la cible des géographes en devenir. Un sens du verbe et de l’expression qui faisait à chaque fois mouche. Collant au programme de Terminale, cette journée d’études avait pu être suivie, en sus des étudiants, par deux classes de Terminale accompagnées de collègues enseignants du Lycée d’Argonay, près d’Annecy. Les lycéens avaient été fascinés par son sens de la formule, son humour corrosif, son côté « vulgarisateur » (quel mot mal choisi !) dont la géographie a tant besoin, et son comportement de franc-tireur. Ils avaient regretté leur départ vers le bus qui devait les ramener dans les horaires impartis vers leur lycée. Pierre Gentelle m’avait demandé les coordonnées de l’enseignante qui avait fait les démarches, pas toujours simples, auprès de son établissement pour pouvoir emmener ces deux classes à cette manifestation. Il tenait à lui adresser un message directement : « donnez-moi l’adresse de la prof des terminales que je la félicite », et elle reçut effectivement un courriel qui l’a beaucoup touchée.

Il y avait chez Pierre Gentelle cette passion de l’enseignement et de la transmission, une réponse aux diverses sollicitations toujours enthousiaste, sans complication et affichage de titres, un respect pour les étudiants et les petites universités de « province » qui les accueillent.

Si je devais retenir deux choses de Pierre Gentelle, ce serait d’une part le doute, si souvent oublié des chemins académiques pavés de certitudes. Ce serait d’autre part un don de la captation : captation du public et de l’auditoire, comme de ses lecteurs des Lettres de Cassandre, captation des faits essentiels et des articulations majeures, captation des tics, des petits travers de ces contemporains.

Si la géographie a perdu beaucoup avec la disparition de Pierre Gentelle, elle a surtout perdu un de ses meilleurs « médiateurs » ou « passeurs » dans une phase où sa remise en cause comme discipline à part entière est régulière.

Lionel Laslaz
Directeur du Département de Géographie de l’Université de Savoie

2010-10-14 01:35:56

61 : Saint-Dié-des-Vosges : que d’énergie !

Le courrier de Cassandre n°61 pour une carte du Monde nouvelle, pour une géographie « curieuse » vous est offert ce 13.10.07 par les cafés-géo.

Par la volonté d’un anticyclone puissant venu des Canaries sans souci des frontières, le beau temps chaud régnait de manière imprévue à Saint-Dié pour le FIG, le festival de géographie du 4 au 7 octobre 2007. Ordre naturel du monde ou produit du réchauffement climatique ? Les pays les plus riches de notre planète aimeraient bien se donner un rôle dans un domaine qui les dépasse encore, quoi qu’ils en pensent : ils s’imaginent qu’ils réchauffent le monde ! Ce que c’est que l’ego ! Néanmoins, qu’il était bon, assis en chemise ou en décolleté aux terrasses soudain tropéziennes des bords de Meurthe, de disséquer doctement des « problèmes » de l’énergie, même si beaucoup en parlaient de manière si littéraire qu’on les aurait désarçonnés en leur demandant de fournir sur le champ la différence entre le joule et le watt. What ?

De manière inévitable, tant les pesanteurs des comportements sexuels sont grandes (ce que les géographes appellent pudiquement – pourquoi ? – la démographie !), notre planète devrait porter en 2030 environ huit milliards d’individus, deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Quel est l’imbécile qui peut sérieusement imaginer que ces huit milliards-là n’auront pas envie de jouir au minimum du niveau de vie dont nous disposons aujourd’hui dans les pays riches ?

Cela n’empêche pas les « politiquement corrects » et ceux que Cassandre appelle les « soft gnangnan » de multiplier les appels à la mesure pour calmer l’angoisse des foules gavées, les nôtres. Au point de faire semblant de manger moins de hors-d’œuvre à midi pour réduire leur consommation / émission calorique et participer ainsi au sauvetage de la planète. On pourrait même leur dire : Make love, not war !, si seulement il était vrai que faire l’amour ne produit pas de l’énergie, donc du réchauffement !

Cassandre cependant ne veut pas rester à l’écart de ces comportements vertueux et insiste pour participer au désir / plaisir de contribuer aux propositions d’économies d’énergie dont les participants au festival n’ont pas été économes. C’est pourquoi elle propose à tous les géographes des solutions imparables en faveur d’une réduction progressive de notre gloutonnerie énergétique. Pour commencer : ne tenir le festival de Saint-Dié que tous les deux ans, puis tous les quatre ans. Ensuite, transformer le festival du niveau international (ce qui coûte cher en énergie de transport) au niveau national, puis de national à régional. Enfin, le réduire à la seule ville de Saint-Dié, pour aboutir au seul bureau de son maire-fondateur. Que d’énergies économisées !

Comment communiquerait-on ? Simple, aussi simple que certains des discours que Cassandre a pu entendre. Mettre un panneau solaire sur chaque ordinateur de participant potentiel. Installer un vélo d’appartement à côté, branché sur un accumulateur, pour le travail et l’éclairage de l’écran de nuit. Faire pédaler les communicants, selon le modèle des Shadocks et des Gibis, qui a fait ses preuves. Tenir sur le web des réunions virtuelles lors desquelles qui ne pédale pas ne parle ni n’entend. Les pédaleurs pourront ainsi, y compris en discourant de choses auxquelles ils n’entendent guère, participer au sauvetage de la planète et de leur environnement. En outre, ce qui n’est pas le moindre des avantages, ils pourront continuer à entretenir la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc dédaigner mieux encore les réalités du monde tel qu’il est.

L’ennui d’une telle proposition, c’est qu’il faudrait que Cassandre conduise une mutation de son vélo. Il ne semble pas que, comme bien d’autres, elle en ait la moindre envie. C’est comme pour le FIG : pourquoi ne pas y aller tous les ans ? Tant qu’on y fait des rencontres fortuites, souvent riches de sens (ah ! les sens…), pourquoi donc les rendre quadriennales ?

Cassandre