Compte rendu du Café géopolitique qui s’est tenu au Café de la Mairie, Paris 3e, le 23 mars 2016

C’est l’actualité qui nous a guidé vers le thème « Nucléaire et territoires » pour plusieurs raisons :

–  5ème anniversaire de la catastrophe de Fukushima

– le vote, cet été 2015, d’une loi sur la transition énergétique

– quelques mois après, la tenue de la COP 21 à Paris

– des moments politiques récents : la volonté de la ministre de l’environnement de prolonger de 10 ans la durée de vie des centrales nucléaires; la plainte de la ville et du canton de Genève contre X pour les conséquences de la centrale du Bugey (Genève étant défendue par Corinne Lepage, ancienne ministre en France).

Autant le préciser tout de suite, il ne s’agit absolument pas de déterminer si nous sommes pour ou contre le nucléaire, chacun est venu avec sa position et sans doute repartira avec ! Nous allons plutôt tenter de déterminer les conséquences, les influences du choix de cette énergie pour les territoires, les habitants et les mécanismes de contestation que ces choix induisent. Au-delà d’une analyse internationale, souvent de rigueur dans les domaines énergétiques, nous allons tenter de revenir sur les dynamiques territoriales internes (en France). En effet, l’implantation d’une centrale dans une commune – en zone souvent rurale – a des conséquences financières importantes, et donc des conséquences nombreuses en termes de développement local, des retombées économiques et en termes d’emploi également. Mais cela n’est pas toujours suffisant face aux risques encourus, ce qui engendre des mécanismes de contestation nombreux. Mais les contestations sont-elles les mêmes à 10 km d’une centrale qu’à plus grande distance ? Comment fonctionnent ces mobilisations ? Et quel est le rôle des pouvoirs locaux face à l’implantation d’une centrale ? Quel poids les élus locaux conservent-ils ? Sont-ils pris en otage entre les retombées des centrales et les opposants ?

Pour cela nous accueillons, notre intervenant de la soirée – et nous excusons Olivier SCHNEID, journaliste spécialiste des questions de l’énergie à la Gazette des communes, absent en raison d’impératifs familiaux – Teva MEYER. Il est doctorant à l’Institut Français de Géopolitique et ATER à l’université de Mulhouse. Il s’intéresse depuis son master 1 aux conflits liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Son travail de thèse porte sur une étude comparative des géopolitiques du nucléaire civil en Allemagne, France et Suède sous la direction de Philippe Subra (que nous avions d’ailleurs accueilli lors d’un précédent café géopolitique sur les ZAD).

Intervention de Teva MEYER

Lorsque la proposition du café lui a été formulée, Teva MEYER est reparti du titre pour nous proposer son intervention. Le terme « Territoires » avec un « s » a particulièrement retenu son attention.

Il travaille depuis 5 ans sur le nucléaire civil, et rédige actuellement une thèse sur ce sujet, une étude comparative portant principalement sur la France et l’Allemagne. Jusqu’à présent, les géographes se sont peu intéressés au nucléaire civil et aux énergies plus généralement. Il y a peu de travaux disponibles, peu de cartes. Seules la sociologie et l’anthropologie semblent s’être intéressées à cette énergie.

Qu’est ce que les territoires du nucléaire ?

Quelques chiffres :

– 30 pays produisent de l’énergie nucléaire

– les Etats-Unis possèdent 99 réacteurs, alors que certains pays n’en possèdent qu’un seul

– 75% de l’électricité française est produite en France et par le nucléaire

– 2% de la production électrique chinoise provient du nucléaire

Aujourd’hui et suite à l’accident de Fukushima en 2011, 66 réacteurs sont en cours de construction dont 25 en Chine, actuellement le 1er pays constructeur de centrales nucléaires, suivi par la Russie et l’Inde en troisième position. Deux pays sont constructeurs de centrale alors qu’ils ne l’étaient pas avant : la Biélorussie dont la centrale sera entièrement financée et exploitée par la Russie ; et les Émirats Arabes Unis. Les Émirats Arabes Unis utilisent les centrales notamment pour désaliniser l’eau. La France a perdu le marché de la centrale émiratie face à une entreprise sud-coréenne. Cet événement a été un « choc » pour la filière nucléaire qui a essayé de se restructurer après-coup

Globalement, il est difficile de dire quel pays va se nucléariser. Il faut retenir que la nucléarisation d’un pays est un acte politique.

Trois pays sont sortis du nucléaire suite à l’accident de Fukushima. Teva Meyer explique qu’il s’agit surtout de pays qui choisissent de relancer leur sortie du nucléaire :

– l’Allemagne, même si Mme Merkel relance cette question en 2008 pour ensuite se raviser ;

– en Suisse, la sortie progressive du nucléaire est votée pour 2050 par le Conseil Fédéral. Mais le Conseil des États (chambre haute qui rassemble les cantons) a voté contre plusieurs motions de sortie du nucléaire. Pour le moment, la situation est en suspens.

– la Belgique

– l’Italie qui n’a quant à elle jamais été nucléarisée à échelle industrielle.

D’autres pays quant à eux relancent le nucléaire : c’est le cas de la Suède qui en 1981 a décidé voté la sortie du nucléaire mais qui a voté en 2011 une loi de retour au nucléaire par référendum (1 mois avant Fukushima).

Enfin, il n’y a pas de sortie du nucléaire prévue pour le Japon.

Comment territorialiser le nucléaire ?

Il est difficile, voire impossible de spatialiser le risque nucléaire, et donc difficile de le cartographier. Cela dépend des retombées dues au vent, au type d’incident, etc. Seul un PUI (Plan Urgence d’Incident) existe dans un rayon de 20km autour de la centrale. C’est dans ce périmètre que les pastilles d’iode sont distribuées.

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Le combustible nucléaire parcourt plusieurs pays, il est donc difficile à cartographier. L’uranium, dont les volumes varient chaque année, est extrait au Niger, en Australie, au Canada, entres autres. Il y a un certain nombre d’étapes pour transformer, enrichir ou convertir la matière. Il y a peu d’usines d’enrichissement et de conversion, le produit passe donc par plusieurs pays. Les centrales nucléaires sont donc intégrées dans ces flux constants. Seuls 50% du combustible français sont assemblés en France.

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Pour Teva MEYER, pour comprendre la géographie de l’énergie atomique il ne faut pas considérer la centrale nucléaire uniquement pour son aspect nucléaire mais comme une usine avec ces caractéristiques propres (démographique, économique, etc.)

Quel impact sur le territoire ? Qu’est-ce que cela veut dire ? S’agit-il seulement de la centrale ?

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C’est avant tout un enjeu politique.

Il n’y a pas que AREVA comme acteur dans le secteur du nucléaire civil. En effet, en France, 465 entreprises travaillent dans le secteur du nucléaire, principalement des PME, voire des PMI. Certaines communes vivent du nucléaire, sans qu’une centrale soit installée sur leur territoire. En réalité, une minorité d’emplois découle directement d’une centrale nucléaire, mais beaucoup plus sont liés au nucléaire (construction des centrales, acheminement des déchets, pièce détachées, etc.) Il y a en France des régions sans centrale et qui, pour autant, disposent d’un bassin d’emploi directement lié au nucléaire (exemple typique : la Bourgogne). Pour certaines zones d’emploi, cela représente près de 10 % des emplois.

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La géographie des flux est constante en France, de l’usine de transformation jusqu’à la centrale nucléaire pour l’exploitation ou encore le traitement des déchets. Chaque année 300 000 colis nucléaires circulent en France. Les déchets les plus faiblement radioactifs représentent un volume des plus importants.

La territorialisation multiple est donc un enjeu politique.

La carte du réseau « sortir du nucléaire » (ci-après) est à la fois fausse et vraie. Il y a une bonne cartographie des centrales (en termes de localisation), mais elle n’est pas honnête dans la représentation (puisqu’il n’y a pas de variation d’échelle entre les centrales). Elle veut faire comprendre et voir que le danger est partout.

Les flux sont permanents sur l’ensemble du territoire, avec un temps de médiatisation à différents moments et qui permet de territorialiser la lutte, ce depuis les années 70. Ces flux constants sont un véritable enjeu politique. Par exemple, l’information du trajet ferroviaire des déchets nucléaires n’est connue de personne, même pas du maire de la commune où circule le convoi de déchets. Pourtant, ces données sont connues en amont par les réseaux anti-nucléaire, les fuites étant liées notamment à la proximité du syndicat SUD avec ces réseaux, un syndicat très représenté au sein de la SNCF.

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La localisation des centrales entre la France et l’Allemagne est très différente.

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L’implantation des centrales doit se faire proche de sources d’eau pour le refroidissement ou encore sur un terrain plat pour une question de lourdeur des équipements. En France les centrales sont implantées sur des territoires ruraux, loin des villes contrairement à l ‘Allemagne.

Le plan Messmer (premier ministre de l’époque) se déroule à partir de 1974. Le ministre de l’industrie, Michel d’Ornano est en charge de créer une feuille de route de l’implantation et l’intégration des centrales dans les espaces ruraux, car il pensait que les villes étaient des nids à « anti-nucléaire ». Ainsi, les centrales sont construites principalement dans les communes de 1000 habitants en moyenne. Le cas est différent en Allemagne (voir les explications thématiques ci-dessous).

En Allemagne, il n’y a pas d’acteur unique comme EDF en France. De multiples acteurs créent l’énergie électrique, notamment des régies municipales. Les centrales sont donc implantées pour des raisons de sécurité et de proximité, dans le territoire des régies.

Ce n’est donc pas une question de géographie, mais de choix politiques.

Les conséquences géopolitiques

un boom démographique : les petits territoires, dans les années 70, sont touchées par l’exode rural. Les centrales nucléaires lorsqu’elles sont implantées mobilisent près de 4000 personnes pour la construction, puis près de 1500 personnes qui y travaillent ensuite. Dans les communes en perte démographique, il y a une explosion de la population. Des agents qualifiés d’EDF viennent de la ville s’installer en famille, avec un pouvoir d’achat important et une consommation locale. L’arrivée de famille nécessite la construction de crèches, écoles, etc. Les employés sont concentrés dans peu de communes. EDF va construire des lotissements spécifiquement pour ces agents, et dans un périmètre de 20-25 km, contrainte due à l’astreinte. Les emplois sont très masculins, avec 85 % d’hommes et 15 % de femmes. Un des problèmes récurrents pour les maires de ces communes a été de trouver un marché de l’emploi pour les femmes. Ce problème est toujours d’actualité.

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En Allemagne, la tendance est différente. Les centrales sont implantées près des villes, les emplois liés à cette activité se diluent donc plus vite. L’impact semble donc moins important.

la question de l’emploi : D’après la stratégie d’Ornano, l’installation de centrales pourrait faire venir d’autres usines, et donc sera générateur de nouveaux emplois. En fait, cette stratégie ne fonctionne pas. D’autres types d’industries s’y installent plus facilement, par exemple celles qui permettent la réutilisation de l’eau pour la pisciculture ; ou encore depuis peu ce sont les data centers qui s’implantent à côté des centrales.

Globalement, le nucléaire représente une image de pourvoyeur d’emplois. Aujourd’hui, la plupart des employés arrivent à l’âge de la retraite, ce qui permet 30 à 50 recrutements annuels.

En Allemagne, la centrale est noyée au milieu d’un tissu industriel dense, notamment dans l’industrie automobile. Le nombre d’emplois liés au nucléaire paraît donc très faible.

les moyens financiers : Les communes du nucléaire ont une richesse importante, en moyenne leurs ressources sont plus importantes que des communes démographiquement équivalentes, de l’ordre de 500 % jusqu’à 1900 %. 14 millions d’€ de recettes du nucléaire sont alloués au territoire du nucléaire, dont 10 millions directement aux communes (par la fiscalité). Ce n’est pas une question de corruption, c’est la rencontre entre de la fiscalité locale et une industrie particulière, issue d’un calcul de la Taxe Professionnelle (même si elle n’existe plus aujourd’hui, elle a été remplacée par une taxe équivalente pour les communes du nucléaire, voir infra) et de la Taxe Foncière. La première prend en compte, entre autres, dans le calcul de son assiette, le coût des machines et des outils, or les centrales ont un coût intensif en capitaux, ce qui aboutit à des impositions très importantes. Il y a donc de « petites communes avec beaucoup d’argent ». Voir Romain Garcier et Yves-François Le Lay. « Déconstruire Superphénix. Un débat public vu par la presse régionale (1997-2013)»EspacesTemps.net, Travaux, 17.02.2015.

aisance-budgetaire-communes-implantation-nucleaireLes conséquences sont liées à la pratique des élus. Les territoires du nucléaire ont ainsi des petits surnoms tels que « Koweit-sur-Loire », « l’Irak de la Gironde » qui témoignent de la réalité d’un système pétromonarchique. Les élus vont donc avoir des comportements très particuliers et similaires à des villes plus importantes. Par exemple à Saint-Vulbas il y a un palais des congrès, un festival de musique, le plus grand vélodrome d’Europe, un centre aquatique pouvant contenir quatre fois la population locale. Ces communes possèdent également des services à la personne très développés à des coûts très réduits pour les habitants, par exemple à Chooz avec la fibre optique offerte à tous les habitants, à Belleville-sur-Loire avec un centre de dialyse, etc.

La qualité de vie y est donc très élevée avec une fiscalité quasi nulle pour les habitants, une taxe d’habitation avoisinant les 0 %. Les retombées ne se limitent pas qu’aux communes, les intercommunalités en jouissent aussi.

En Allemagne, au contraire, la taxe professionnelle est fondée sur les bénéfices des centrales, les revenus des communes sont donc très fluctuants en fonction des années.

En France, la présence d’une centrale a des conséquences directes sur l’identité des territoires ; l’emploi, l’argent ou encore les moments de vie ; les représentations sur les blasons et logos des intercommunalités en sont les preuves.

Commune de Braud

Commune de Braud

Communauté de commune de Fessenheim

Communauté de communes de Fessenheim

 

l’opérateur exploitant EDF : Cette société a compris, au fil du temps et des ouvertures de centrales, la nécessité de prendre en compte la particularité du territoire où s’implante la centrale. EDF met ainsi en place des chartes de parrainage pour des associations sportives, culturelles, elle créé même ex nihilo des associations. L’intelligence géographique d’EDF a aboutit à ce qu’à côté de chaque centrale il y ait une zone naturelle protégée, créée ex niho comme un parc ornithologique ou bien un sentier pour démontrer qu’il y a une zone naturelle autour de la centrale.

l’entrée en conflit : Pourquoi et comment le territoire entre en conflit ? Il y a un précédent à Fessenheim, suite à l’annonce de sa fermeture en 2012. Les élus du nucléaire se battent pour le territoire et défendent le maintien de la taxe professionnelle, dont la disparition a été imposée par Nicolas Sarkozy en 2010. Ils souhaitent conserver cette réelle source de revenus. Malgré la disparition de cette taxe, les élus du nucléaire vont obtenir la création d’une taxe spécifique au nucléaire, l’IFER nucléaire. Cela fait suite à des appels répétés des élus ou encore députés concernés par ces territoires.

Il y a une division politique face à la volonté de fermer la centrale de Fessenheim. Les villes qui votent le maintien des centrales sont celles où une centrale est implantée et celles où vivent les employés des centrales. Il y a un « effet frontière » car de part et d’autre le territoire ne perçoit pas tous les bénéfices financiers. L’argent se dilue peu à peu sur le territoire. Des Associations d’élus locaux sont créées pour témoigner de leur pouvoir.

La politisation des agents EDF est un enjeu important à prendre en compte. Par exemple deux maires sont également agents de centrale, 5/6 adjoints sur ces territoires ont le même statut.

En conclusion :

1- La transition énergétique entraîne des conflits car cela demande le ré- aménagement du territoire des énergies.

2- Les centrales nucléaires doivent être pensées comme de « grosses usines ».

Questions de la salle :

Question 1- La stratégie d’EDF est-elle la même pour toutes les centrales nucléaires sur le territoire ou est-elle différenciée en fonction des territoires ?

– EDF systématise son fonctionnement, seule le pôle de la Direction peut changer

– Les partenariats sont adaptés en fonction du territoire d’implantation

– EDF a bien compris la stratégie de chaque territoire et sait sur quoi s’appuyer pour s’implanter

Question 2- EDF a t-il fait un retour suite aux expériences passées qui n’ont pas forcément fonctionnées ?

L’exemple des lotissements construits par EDF pour loger ces agents est réévoqué. Les lotissements prévus pour héberger les cadres ont été construits en hauteur par rapport aux centres historiques des villes en les surplombant, ce qui a entraîné des conflits et de la ségrégation. EDF met donc désormais en place une implantation dans différentes communes des alentours, plus diluée dans les communes, dans les centres bourgs, etc. La société EDF a très bien fait le retour d’expériences. Aujourd’hui, alors qu’EDF doit loger ses nouveaux salariés, l’opérateur construit de nouveaux lotissements dans le cadre du programme Losange (3800 logements) mais avec un nombre limité pour chaque commune.

Question 3- Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est difficile de spatialiser le risque nucléaire et comment expliquer l’absence de plan de prévention des risques ?

Il faut prendre en considération les facteurs météo et le type d’accident. Par exemple pour Tchernobyl, il y a eu des retombées plus importantes dans certaines parties de la Suède qu’à quelque dizaines de kilomètres de l’accident.

Il n’y a pas de plan de prévention des risques nucléaires, car il y a une réelle difficulté à modéliser les retombées physiques qu’aurait un accident nucléaire. Ce sont donc des limites scientifiques qui expliquent l’absence de spatialisation du risque nucléaire. Cependant, quatre grandes Universités travaillent sur ce sujet, dont celle de Vienne.

Question 4- Pouvez-vous compléter votre analyse sur la question du traitement et l’enfouissement des déchets ?

C’est une partie des arguments des anti-nucléaires. La question de l’enfouissement est centrale. L’enjeu se situe surtout autour des déchets à très faible réactivité (TFA), car les sites de stockage arrivent à saturation et c’est un vrai enjeu politique.

Question 5- Quel est l’intérêt pour EDF de développer des zones protégées autour des centrales ?

C’est une utilisation stratégique d’un territoire à valeur symbolique. De plus, l’absence d’activité humaine entraîne le développement faunistique et floristique autour des centrales. Les espaces sont vastes avec une absence de circulation autour des centrales. La politique de communication est donc orientée sur cette richesse naturelle.

Question 6- Quelle est la réaction des élus locaux suite aux propos de Ségolène Royal quant au prolongement de 10 ans de la durée de vie des centrales nucléaires françaises ?

Les élus locaux sont plus intelligents que la Ministre ! Ils savent que la Ministre de l’Environnement ne peut rien faire à ce propos. C’est l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) qui a ce pouvoir, après une analyse décennale au cas par cas. C’est un effet de manche qu’a créé la ministre face à la Suisse et à l’Allemagne. Si les centrales ferment c’est pour une question de sécurité.

Question 7- Connaissez-vous les pistes d’un futur stockage de déchets ?

C’est un vaste débat. La question des déchets à faible activité (TFA) type béton et autres métaux, est la plus importante. L’idée est peut-être de faire fondre les métaux pour les réutiliser dans le conventionnel. Les allemands et les suédois le font déjà pour près de 15 % des déchets. Le débat est très important, et ce qui pose problème c’est la représentation que l’on se fait de ces déchets nucléaires.

Question 8- Il est possible d’enlever le nucléaire de l’équation, et ne prendre en considération la perception des habitants. Comment sont accueillies les centrales par les habitants en France ? Quelle différence avec l’Allemagne ?

La perception du risque nucléaire et l’effet halo, impliquent que plus on se rapproche de la centrale, plus la perception du risque est moindre. En Allemagne ce risque est résiduel, car beaucoup plus de personnes sont concernées.

L’effet de halo doit être croisé avec le positionnent social et professionnel. La perception ou l’expression est donc bien différente.

Question 9- Comment s’organise la contestation face au nucléaire ? Est-il vrai qu’elle se concentre surtout en ville ? Comment se manifeste cette contestation ?

Les mouvements anti-nucléaires ne sont pas particulièrement urbains, ils sont globalement plus présents sur les territoires ruraux et dans l’ouest de la France. Il y a beaucoup de recherche de sites de stockage et de de prospection d’uranium en Bretagne.

Question 10- Y a t-il des pro-nucléaires ?

Il y a une mobilisation pour les centrales avec les élus, les habitants, les ONG qui soutiennent le nucléaire, et qui apportent notamment un soutien financier. Cependant, il n’y a pas d’associations de niveau national.

A contrario, en Allemagne, en 2008 les élus demandent eux de ne pas relancer le nucléaire car c’est « beaucoup d’emmerdes pour peu de bénéfices » (alors qu’en France les bénéfices sont importants pour les communes).

Question 11-

Il n’y a pas de relation entre l’installation des centrales et le vote écologiste.

Question 12- Y a t-il des territoires qui peuvent avoir un risque nucléaire et qui auraient demandé à bénéficier des taxes et retombées financières ?

En terme de fiscalité, le système de péréquation départementale permet de partager les richesses liées au nucléaire, mais à plus petite échelle. On a le cas de petites communes qui ont demandé à intégrer les communautés de communes où se trouvent les centrales pour bénéficier de plus de taxes

Question 14- Pouvons-nous revenir sur le dépôt de plainte par le canton de Genève, le canton suisse étant au cœur du mouvement anti-nucléaire ?

Ce n’est pas nouveau dans la stratégie anti-nucléaire et il doit être remis dans le contexte politique suisse. Il y a un besoin de visibilité écologique et anti-nucléaire, avec toujours une certaine médiatisation. Les centrales sont souvent aux frontières car initialement elles étaient des projets transfrontaliers, avec par exemple Fessenheim au bord du Rhin.

Pour aller plus loin :

Sezin Topçu, La France nucléaire. L’art de gouverner une technologie contestée, Seuil, 2013

Françoise Zonabend, La Presqu’île au nucléaire, Paris, Odile Jacob, 1989

Françoise Lafaye, Regards croisés sur un territoire. L’exemple de l’implantation de la centrale nucléaire du Blayais », Performances Humaines et Techniques : Anthropologies et Entreprises, n°101, sept. 1999

Teva Meyer, L’industrie électronucléaire française : dynamiques géographiques d’un système productif privilégié, Revue Géographique de l’Est vol. 54 / 1-2  (2014)

Gabrielle Hecht, Uranium africain. Une histoire globale, Seuil, L’Univers historique, 2016

Romain Garcier  et Yves-François Le Lay, Déconstruire Superphénix. Un débat public vu par la presse régionale (1997-2013)EspacesTemps.net, Travaux, 17.02.2015.

Compte rendu par l’équipe des Cafés « Géopolitique Locale » :  Amandine BONNIN, Mathilde COSTIL, Floriane OLLIVIER, Hugo SOUTRA, Maelly VIARD, avril 2016