Chers ami(e)s des Cafés géo,
En 2015, je vous présentais le Panorama XXL de Rouen ouvert depuis décembre 2014, dans cet article.
Lisez-le ou relisez-le avant de poursuivre car aujourd’hui, je vous annonce avec gravité sa fermeture définitive, effective à partir du 20 septembre dernier.
Si vous ouvrez le site internet du panorama (avant sa disparition), vous lirez ceci : « Le panorama a fermé ses portes après 7 ans d’aventures ! Depuis décembre 2014, nous sommes partis ensemble dans des voyages immersifs uniques (…). Merci à tous nos visiteurs, aux fidèles, aux curieux, aux passionnés d’art, aux passionnés d’histoire, petits et grands, venus en famille ou entre amis. Merci à vous tous et surtout un grand merci à nos équipes qui ont rythmé avec passion la vie de ce lieu de culture tout au long de ces 7 années. »
Mais pourquoi ce panorama, unique en France, qui participait à l’aura de la ville de Rouen, a-t-il été fermé ?
Plusieurs toiles de Yadegar Asisi, artiste allemand (d’origine iranienne) y ont été présentées ; monumentales (100 m sur 35), elles nécessitent trois ou quatre ans de travail. Certaines avaient déjà été exposées en Allemagne (Rome en 312, l’Amazonie, la Grande Barrière de corail, le Titanic), mais deux ont été réalisées ces dernières années pour ce panorama : Rouen à l’époque de Jeanne d’Arc (1431) et la cathédrale de Monet.
170 000 visiteurs ont découvert ce panorama la première année. Ensuite, il y en a eu environ 130 000 par an (chiffres non concordants selon les sources…) et au total 700 000 en sept ans, ce qui n’est pas négligeable, surtout en tenant compte de la fermeture pendant les mois de confinement. A titre de comparaison, le musée des Beaux-Arts (de Rouen !) en accueille 170 000 les années où il n’y a pas de « grandes » expositions. Tous les visiteurs du Panorama ne sont pas Normands : les Franciliens sont assez nombreux et il y a des étrangers. De plus, ils semblent globalement satisfaits : ils ont laissé 585 avis sur Tripadvisor dont 199 « Excellent » avec une note moyenne de 3,5/5.
Cela dit, on est loin des 300 000 visiteurs annuels espérés -et même escomptés- initialement. Le Panorama est donc déficitaire, la métropole de Rouen devant combler ce déficit… Elle a aussi payé (plusieurs millions d’euros) les deux toiles consacrées à Rouen. Cela dit, il ne faudrait pas exagérer l’importance du déficit : le panorama s’autofinance à 70%, taux le plus élevé des équipements de la métropole et même bien placé à l’échelle nationale.
La situation du panorama dans la ville a pu défavorablement jouer : il est certes proche du centre-ville et bien desservi par les transports en commun mais, malgré tout, un peu excentré, éloigné des autres lieux touristiques (cathédrale, musées, anciennes rues…).
Le prix d’entrée de 9,50 € (avec un tarif réduit à 6,50 €) a été jugé excessif par nombre de visiteurs… sans parler de ceux qui ne sont pas venus en invoquant ce motif. Pour un prix proche d’une place de cinéma (11 € en moyenne à Rouen), peu nombreux sont ceux qui y restent plus d’une heure. Cela dit, les prix pratiqués dans les panoramas allemands présentant des toiles de Yadegar Asisi sont plus élevés (entre 11 et 12 €) alors qu’en dehors de Berlin, ils sont situés dans des villes d’ex-Allemagne de l’Est (Leipzig et Dresde) ou en difficulté (Pforzheim).
Alors, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la publicité faire autour de ce Panorama. En dehors de Normands, je n’ai jamais rencontré quelqu’un ayant connaissance de ce Panorama.
On m’a dit qu’il y avait eu des campagnes publicitaires dans le métro parisien… mais je n’ai jamais rien remarqué. L’impact de la publicité semble donc avoir été assez faible en dehors de la Normandie. Dommage…
Par ailleurs, même après quelques années, la population n’a majoritairement jamais accepté ce bâtiment bleu vif (on ne pouvait le manquer !) situé en bord de Seine, sur la perspective de l’avenue Pasteur et de l’église de la Madeleine (voir fin de l’article de 2015). Cette situation ne devait d’ailleurs être que provisoire et, en 2015, on imaginait un déménagement sur la rive gauche pour créer un musée dédié aux œuvres monumentales. Il n’en est plus question, vous l’avez compris…
Et maintenant ? La métropole de Rouen doit financer les frais de destruction du panorama. Cette opération devrait coûter 180 000 € mais, grâce à la réutilisation d’une bonne partie des matériaux sur d’autres chantiers (les 3000 m² de panneaux bleus serviront à la construction d’un hangar technique), le coût ne pourrait s’élever qu’à 120 000 €. Mais la dalle de béton de 800 m² ne peut naturellement pas être démolie. On consulte les habitants sur l’avenir du lieu. On semble s’acheminer vers un aménagement paysager, avec de la verdure ; la dalle deviendrait une sorte d’agora où de petits événements culturels pourraient être programmés… Quant aux toiles, on ne dispose d’aucun lieu pour les exposer ; de plus, leur tissu est abîmé en raison notamment de l’humidité liée à la proximité de la Seine. Enfin, elles ne sont pas propriété de la métropole de Rouen mais de l’artiste, Yadegar Asisi. Elles sont donc retournées à Berlin pour être démolies (vous avez bien lu !) et sans doute recyclées. Grâce à l’informatique, on pourra certes en faire des copies pour les exposer à nouveau. Mais les toiles sur Rouen seront-elles un jour présentées en Allemagne ? On peut en douter.
Ainsi s’achève l’aventure du Panorama de Rouen. Un lieu unique en France, à la fois musée et cinéma, a disparu… Triste fin…
Denis Wolff , octobre 2021