Exposition du 31 janvier 2017 au 7 mai 2017
Paris, Pavillon de l’Arsenal

 

L’Arsenal ne présente pas une énième exposition sur l’histoire de l’urbanisme parisien ni sur les travaux du célèbre préfet qui donnèrent un cadre prestigieux à la « fête impériale ». Rien de pittoresque ou d’immédiatement attractif. Pas de tableaux de Caillebotte sur le quartier Saint-Lazare, ni d’extraits du Pot-Bouille de Zola. C’est une présentation austère de quelques archives mais surtout de dessins d’architectes et de plans accompagnés de photos contemporaines de grandes perspectives et de façades d’immeubles.

Ce qui rend passionnante la visite, c’est la problématique choisie par les commissaires : les choix urbanistiques d’ Haussmann (préfet de la Seine de 1853 à 1870) constituent-ils des modèles pour la ville d’aujourd’hui et de demain ? Le titre prend alors tout son sens. Haussmann est-il un inspirateur pour les concepteurs de la smart city, équilibrée, globale et connectée ? Il semble que oui.

Qu’est-ce qu’une ville ? Un ensemble de pleins (le bâti) et de vides (voies, cours etparcs). C’est du rapport entre ces deux éléments que résultent son harmonie et le bien-être de ses habitants.

Quelle est l’originalité de Paris parmi les principales métropoles mondiales ? Sa densité : 20 000 hab/km². Quelques maquettes permettent la comparaison avec New-York, Londres, Brasilia, Amsterdam, Shangaï… , toutes moins denses. Pourtant cette forte densité est bien acceptée. Y vivre y est  moins oppressant que dans les espaces ponctués de tours et de de barres, moins denses.

La qualité de la ville haussmannienne vient de l’équilibre entre îlots et système viaire.

L’îlot est défini comme une « plaque urbaine » de tailles et de morphologies différentes. Mais qu’il occupe plus de 5000 m² ou plus de 14 000m², qu’il ait 3, 4, 5 ou 6 faces, il présente des caractéristiques identiques : une façade continue qui le ceinture, une hauteur généreuse, une disposition fractale des vides qui apportent lumière et ventilation naturelle. L’îlot s’ouvre sur l’espace public, la rue, par une façade largement décorée et sur l’espace privé, cours et courettes, constituant un modèle clair de séparation entre « théâtre » et « coulisse ».

Figure 1 : Ilot à 4 faces
Source: pavillon-arsenal.com

Durant le Second Empire, 175 km de voiries ont été créées dans la continuité du système viaire existant. Elles suivent les deux axes historiques fondateurs. L’axe N/S (ancien cardo romain) est renforcé par des boulevards (Saint-Michel, Sébastopol…) alors que l’axe E/O (la rue de Rivoli) est prolongé le boulevard Saint-Antoine. Un réseau second est constitué de voies concentriques construites sur des tracés préexistants et reliées entre elles de façon radiale (boulevards Voltaire, Diderot, Port-Royal…).

Ce réseau a une qualité majeure : il facilite la circulation aussi bien sur les longues que sur les courtes distances. Il est ainsi adapté à la mobilité mécanique comme à la mobilité piétonne. La finesse du maillage et le nombre élevé d’intersections (208 au km²) favorisent le recours à la marche comme moyen de déplacement. Le Parisien est un piéton, tel que le décrivait Léon-Paul Fargue en 1964  dans son ouvrage, Le Piéton de Paris (les responsables de l’exposition évoquent un fort indice de « marchabilité »).

Figure 2 : Voiries 1840-1914
Source: pavillon-arsenal.com

Le tissu parisien est un assemblage de trames caractérisées par un même coefficient d’emprise au sol, une même densité du bâti et un taux de porosité constant. Qualifié d’haussmannien, doit-il tout au génie du seul Haussmann ?

Certes il s’est appuyé sur les études et travaux de prédécesseurs, tels J.-S. Lanquetin, Rambuteau, préfet de la Seine sous la Monarchie de juillet, soucieux de détruire les quartiers insalubres, J.-J. Berger, auquel Haussmann succéda, qui mit en œuvre plusieurs grands travaux. Il faut aussi rappeler les réalisations postérieures des hommes de la IIIe République. Mais la légende lui attribue toutes les transformations de Paris. Et en 1914 on dit que Paris est « haussmannisé ».

En quoi cet urbanisme conçu dans la seconde moitié du XIXe siècle peut-il être une source d’inspiration pour la ville d’aujourd’hui et de demain ?

La ville durable devra répondre à un certain nombre de critères présents dans la ville haussmannienne :

  • Assurer une forte densité du bâti et de services tout en conservant une circulation fluide
  • Etre une ville « connectée ». Sous la ville existe un maillage de réseaux d’adduction d’eau potable, d’assainissement, de gaz. L’immeuble haussmannien est un véritable terminal des réseaux serviciels suburbains. Au début du XXème siècle, le réseau du métro est construit sous la trame viaire primaire. Or le lien ville/réseaux est un enjeu majeur pour la smart city.
  • Avoir une identité facilement lisible. L’ornementation des façades, interface entre extérieur et intérieur, le revêtement uniforme des toitures, le mobilier urbain homogène, la mise en perspective des monuments donnent à Paris une image très forte.


Figure 3- Composants élémentaires de la façade
Source: pavillon-arsenal.com

  • Etre un lieu de partage. Les îlots se caractérisent par une mitoyenneté continue des immeubles ce qui permet une densification maximum des parcelles et une mutualisation des moyens.
  • Assurer une certaine mixité. A l’époque d’Haussmann, chaque immeuble abritait des populations différentes selon les étages. Aujourd’hui, il accueille des fonctions diverses : résidences, commerces et services (160emplois /ha, c’est-à-dire 4 fois plus qu’à Londres). Au cours du temps les fonctions ont pu évoluer. Un appartement a pu être transformé en bureau, puis retrouver sa fonction résidentielle.

Le modèle urbain – dit haussmannien -, issu d’un dessin et d’une planification, correspond aux critères de la ville durable et fait de Paris une des villes les plus attractives au monde.

Figure 4 – Avenue de Friedland et avenue des Champs-Elysées
Source: pavillon-arsenal.com

Michèle Vignaux, mars 2017