Thierry Pairault. EHESS/CNRS
La Filature

Vagamondes
17 janvier 2018

Je me bats régulièrement contre l’expression “Chinafrique” car elle enferme la pensée dans un cadre prédéfini. Si on l’écrit en deux mots : “Chine-Afrique”, on a de fait un gros problème impliquant la perception d’une Afrique homogène alors qu’elle se décompose en 54 entités avec des histoires, des trajectoires économiques et sociales différentes. L’Afrique est tout sauf homogène, donc il ne saurait y avoir une politique mais des politiques fondées de fait sur des accords bilatéraux

L’expression “Chinafrique”, avec le e gommé rappelant la “Françafrique” est une autre hérésie. Même si, un des acteurs de cette Françafrique, Pierre Falcone, œuvre à présent à l’établissement de rapports entre la Chine et l’Afrique après l’avoir fait pour la France, cette acception renvoie l’analyse à des rapports de domination hors de tout contexte réel.

Je combats partout cette expression qui nous impose un jugement, une démarche, nous enferme dans une réflexion déterministe et nous interdit de jeter un regard froid sur les réalités de cette présence chinoise.

Comment situer la Chine par rapport à l’Afrique ?

On peut pour répondre à cette question s’appuyer sur quelques indicateurs

La comparaison du pouvoir achat par habitant en PPA de la Chine par rapport à l’Afrique en 2015 la place à la 7ème place après les Seychelles, la Guinée équatoriale, Maurice, le Botswana, le Gabon, la Libye et l’Algérie et il y a 20 ans, elle aurait été tout en bas.

Si on considère l’IDH, la Chine est en 4ème place après Maurice, les Seychelles, l’Algérie. A noter que l’aspect de la courbe du PIB et celle de l’IDH sont très différentes. La courbe de l’IDH est homogène alors que celle du PIB est en décroissance rapide.

Tout ceci prouve que la Chine est encore un PED et qu’elle peut encore le revendiquer, ce qui légitime qu’elle puisse se targuer d’avoir une meilleur compréhension des problèmes des pays d’Afrique.

Dans le même temps, la Chine est aujourd’hui un État de poids du fait de sa taille et de son PIB : 14,9% du PIB mondial, UE : 21,3%; Etats-Unis : 24,4%; Japon : 5,4%; Afrique : 2,9%; Inde: 3% et reste du monde: 28,1%

Un chiffre très faible pour l’Afrique et qui le serait encore plus pour la seule Afrique sub-saharienne saharienne qui ne peut utiliser son poids économique pour rééquilibrer ses rapports tant politiques qu’économiques avec la Chine.

Quand on s’intéresse aux relations de la Chine et de l’Afrique depuis Bandung en 1955, on se rend compte de la réticence qu’on eu les pays d’Afrique à reconnaître la Chine communiste comme représentante de la Chine. C’est surtout après la récupération de son siège à l’ONU, que les pays se sont pliés au consensus général mais contrairement à la légende, ce n’est pas aux Africains que la Chine doit son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en 1971. Le jour du vote, beaucoup de pays d’Afrique s’y sont opposés ou se sont abstenus et deux aujourd’hui encore ne la reconnaissent pas : le Burkina Faso et le Swaziland qui font toujours le choix de Taiwan.

Les traités bilatéraux d’investissement chinois-africains ont commencé en 1989 mais ont connu une accélération après la visite de Jiang Zemin en 1996 en Afrique. C’est de cette époque que date son idée de pousser les entreprises chinoises à sortir du territoire. La priorité n’est plus politique avec en arrière-pensée d’exclure le plus possible Taiwan, mais de faire basculer les relations sino-africaines de relations d’abord politiques à des relations d’abord économiques.

A la fin des années 1980, a débuté une accélération des échanges qui s’accentue à partir de 2003 après des réformes institutionnelles en Chine qui organisent l’ouverture au monde extérieur par la réorganisation du Ministère du commerce et la création de nouveaux outils statistiques… Les échanges croissent régulièrement malgré un petit creux en 2009,  (retombées de la crise des subprimes) puis en second en 2012  (chute du cours des matières premières) car c’est l’enrichissement des pays rentiers par la vente de leurs matières premières qui leur permet de financer leurs importations.

La question des investissements chinois en Afrique

En 2016 l’investissement direct à l’étranger de la Chine ne représente que 12,6% des IDE mondiaux. C’est une proportion encore faible relativement au poids économique du pays.

Contrairement aux idées reçues, la Chine investit relativement peu en Afrique ; cette dernière reçoit 1,2% des IDE chinois et 0,2% des IDE mondiaux (2016) On est loin de l’image de la Chine qui achète massivement en Afrique ou qui y crée ses propres unités de production. On peut penser que les statistiques chinoises ne sont pas fiables, mais cela ne doit pas étonner quand on sait les difficultés de l’OCDE ou d’Eurostat pour calculer le montant de ceux de leurs pays membres. La Chine a au moins l’avantage d’avoir organisé un contrôle sur les IDE de ses entreprises. Les investissements sont soumis à déclaration, ils doivent être autorisés et enregistrés en Chine. On peut leur reconnaître une réelle fiabilité même s’ils se montrent en décalage avec le ressenti.

 

Source du graphique :  http://pairault.fr/sinaf/
A consulter le site de Thierry Pairault Chine – Afrique.

Les montants sont globalement faibles quand on pense que Ford voulait investir au Mexique en 2016 :1,6 milliards d’USD dans une seule usine alors que la Chine a investi en tout 2,4 milliards pour toute l’Afrique répartis entre 54 pays. Comment en est-on arrivé à penser que la Chine investissait en Chine de manière considérable ?

“L’Africa Investment Report” ‘de 2017 du Financial Times annonce un investissement de 20 milliards par la Chine en Égypte en 2016 ce qui d’après eux représentent 22% de l’investissement total de la Chine en Afrique soit 20 fois plus que le chiffre officiel ce que le rapport n’explicite pas.
Enquête faite, il s’agit d’un mémorandum d’entente” signé en octobre 2016 dont j’ai trouvé le texte en chinois, c’est-à-dire un document qui précise les intentions des entreprises sans que n’existe aucun engagement juridique pour les parties. Cet accord passé entre le Bureau des investissements du ministère égyptien du Logement et une entreprise chinoise à laquelle le premier confie une étude de faisabilité. En fait, l’investisseur sera le gouvernement égyptien, mais notons qu’aucun chiffre n’est évoqué dans le document.  C’est une extrapolation de journaliste

Il se passe la même chose en Algérie pour la construction du “port du Centre” à El Hamdania, annoncée en 2016 mais aujourd’hui en 2018 rien n’a encore été décidé définitivement. Ce n’est pas un investissement chinois mais une commande algérienne.

Il existe beaucoup de confusions autour des IDE.  La Chine agit le plus souvent comme prestataire de services et les flux financiers vont de l’Afrique vers la Chine et non l’inverse.

On peut se référer à la définition de l’IDE donnée par l’OCDE et le FMI qui est très claire et qui est celle adoptée par la Chine. L’investissement direct à l’étranger est “un processus par lequel un investisseur résidant dans un pays obtient un intérêt durable et une influence significative dans la gestion d’une entité résidant dans un autre pays”

La Chine construit des barrages, des routes, des aéroports payés par l’Afrique mais considérés comme des investissements chinois par la presse et certains cabinets de consulting pour des raisons commerciales.

En fait, ce sont les Chinois qui prêtent de l’argent à l’Afrique pour ces opérations ce qui peut expliquer les confusions. Un gouvernement africain cherche à financer un investissement en infrastructure et le gouvernement chinois accepte si ce gouvernement africain fait appel aux services d’une entreprise chinoise du BTP. L’Ex-Im Bank de Chine paye le prestataire de services chinois en Chine au nom du gouvernement africain qui va ensuite rembourser la banque chinoise. Ce système évite les risques de change et les retards de paiements.

En résumé, en Afrique, les “IDE chinois” sont le plus souvent des investissements africains financés par des fonds chinois que l’Afrique rembourse de façon échelonnée. Les IDE sont très limités alors que le montant des prestations de services leur est 25 fois supérieur.

La Chine ne s’implique pas à long terme, elle intervient ponctuellement, en tant que prestataire dans un contexte de rapport de fournisseur à client. Le client reste le décideur alors qu’en cas d’investissement, le décideur est l’investisseur.

On surestime les investissements chinois en Afrique. Ainsi, le grand opéra d’Alger a été réclamé à la Chine qui avait effectué des chantiers de construction autoroutière en Algérie, par le président Bouteflika en visite à Pékin en 2008 en “cadeau” de fournisseur à client.

Volume des échanges en Afrique

Plus on multiplie les joueurs, plus la part en valeur relative de chacun diminue. La Chine est un nouvel acteur mais qui ne vend pas la même chose que les autres.  La Chine vend en Afrique des produits bon marché que l’Europe ne peut produire et que l’Afrique peut acheter, mais la pénétration des produits chinois peut aussi emprunter d’autres voies. Une filière textile chinoise passe par la France, offrant des produits plus chers mais de meilleure qualité car aux normes européennes françaises, or ces produits sont comptabilisés comme exportations françaises.

Dans le cas de l’automobile, 8 véhicules sur 10 fabriqués en Chine le sont sous contrôle occidental, le reste est chinois ou sous licence. Ils sont considérés comme chinois quand ils sont livrés à l’Afrique. Peugeot assemble en Tunisie un SUV (moteur Nissan des années 90) en utilisant des pièces usinées par Dongfang, reproduisant celles d’un vieux modèle Nissan.

Les produits chinois bon marché ne sont pas vraiment chinois. Foton produit sous licence Mercedes-Benz des camions “low-cost” qui ne pourraient plus circuler en Europe depuis 30 ans mais qui sont vendus aujourd’hui en Afrique par la Chine pour le plus grand bénéfice de Mercedes-Benz.

La balance commerciale africaine a connu un renversement de tendance et la balance déficitaire de l’Afrique est due en grande partie aux échanges avec la Chine. Depuis 2012, on constate une dette croissance de l’Afrique à la Chine.  L’endettement n’est pas négatif à condition qu’il soit productif, c’est-à-dire entraîne un développement économique et social qui génère les conditions d’un remboursement de cette dette. Le problème aujourd’hui est que le retournement de conjoncture leur est très défavorable et que l’endettement s’aggrave considérablement.

Questions

J’ai travaillé en Chine et en Afrique et en 2011, j’ai vu un document du gouvernement chinois traduit en anglais portant le titre “Stratégie pour l’Afrique” avec une recherche des ressources naturelles, émanant du département des affaires étrangères pour l’Afrique dirigé par un vice-Ministre à Pékin, qui considère l’Afrique en tant que continent. On a l’impression que vous n’évoquez que des entreprises privées et non l’état chinois ?

Vous faites allusion au Livre blanc. Il y a deux canaux qui gèrent les relations avec l’Afrique. L’un émane du ministère des Affaires étrangères, l’autre du ministère du Commerce. Tout ce qui relève du politique dépend du premier, tandis que tout ce qui relève de l’économique du second. Par suite, il peut y avoir des conflits stratégiques entre ces deux lignes de commandement. Véritablement, il n’y a pas en Chine de stratégie unique mais une série d’accord bilatéraux et un encouragement aux entreprises à sortir du territoire et à s’activer en cherchant de plus en plus aujourd’hui des fonds par elles-mêmes, ce qui les conforte dans une certaine autonomie.

Quand Sinopec s’active à l’étranger, elle suit une stratégie nationale de sécurisation des approvisionnements, mais c’est aussi une stratégie d’entreprise car son marché, c’est la Chine.  La CHEC qui construit des ports a forcément plus d’autonomie car elle se construit un marché hors de Chine : elle peut passer des accords avec les gouvernements locaux tout en répondant à une stratégie globale de sortie du territoire.

Il est vrai, par exemple, qu’au début des années 2000, l’entreprise construisant le métro de la Mecque a dû être aidée par le gouvernement chinois mais c’était alors dans le cadre d’une stratégie d’abord politique alors qu’aujourd’hui ce sont de plus en plus des stratégies d’entreprises. Par ailleurs les entreprises chinoises à l’étranger ne travaillent que très rarement seules ; le plus souvent elles ne sont qu’un des acteurs intervenant sur les grands chantiers.

On peut relativiser son influence économique mais au niveau politique, quels sont les nouveaux enjeux qui expliquent les liens entre l’Afrique et la Chine ? On dit que si Mugabe n’a dû sa longévité au Zimbabwe qu’à la Chine et que s’il vient de partir, c’est parce que la Chine l’a lâché

Il est clair que la Chine joue un rôle politique mais il ne faut pas sous estimer l’indépendance des pays d’Afrique. Il y a un consensus international sur la présence chinoise à Djibouti ou le grand nombre de soldats chinois dans les Casques Bleus. Les Chinois n’arrivent jamais isolés en Afrique. Les grands chantiers regroupent plusieurs nationalités (production chinoise, ingénierie et conseils des PDEM, sous-traitants locaux)

La Grande mosquée d’Alger est construite par des travailleurs chinois soit 2000 personnes évidemment très repérables mais les plans étaient allemands, et des cabinets de conseil algérien, allemand, canadien et français (EGIS de la Caisse de Dépôt et de Consignation) y ont participé sous contrôle algérien. Les Chinois ont fait appel au cabinet Socotec, une société française travaillant beaucoup en Afrique pour la construction du minaret ; ils ont aussi besoin de sous-traitants français qui maîtrisent les normes imposées qui sont inconnues des Chinois. Autre exemple, le marbre de la mosquée vient d’Italie et de Turquie (qui est un de concurrents de la Chine à un niveau moindre).

On a souvent lu que la Chine construisait des aéroports en Afrique. En fait, elle n’a pas construit l’aéroport de Brazzaville mais seulement l’aérogare soit 2,6% du coût total alors que Vinci s’est taillé le gros lot en construisant les pistes : 56% du budget.

La Chine est très visible car elle met perpétuellement en scène sa présence et fait appel à la presse. Ceci oblige parfois d’autres acteurs à sortir de l’ombre.  Ainsi l’entreprise Bolloré est sortie de sa réserve pour remettre les choses au point à propos du port de Kribi au Cameroun.

L’information diffusée et disponible en Chine est considérable mais n’est généralement pas accessible aux Occidentaux, non du fait des Chinois mais de la méconnaissance de la langue chinoise. Les entreprises cotées en bourse doivent fournir des documents qui ne sont pas accessibles au commun des mortels car rédigés en chinois mais sont des trésors d’information ; il n’y pas là de secret chinois mais de l’ignorance occidentale.

Faire du business en exportant et vendre en prêtant l’argent, la France le fait aussi. Les pays d’Afrique doivent-ils se sentir dépendants de la Chine ?  Sont- ils les incontournables prestataires des services au point de se rendre indispensables en Afrique ?

C’est le risque majeur. Si les travaux chinois permettent de générer du développement, cela va générer du remboursement. Si les pays peuvent rembourser, ils progresseront mais s’ils n’y parviennent pas, cela augmentera leur dépendance. On constate que la Chine a déjà remis la dette de certains projets (Centrafrique, Mozambique) ce qui est un mauvais signal. Si la Chine n’attend pas de remboursement mais fait une politique « keynésienne » pour soutenir les activités chinoises ce sera catastrophique pour l’Afrique qui sera sacrifiée.

Vous n’avez pas évoqué le landgrabbing ?

Cela fait partie des mythes urbains comme l’a démontré l’étude d’un de mes étudiants que j’ai publiée en 2011 et de nombreuses autres par la suite, dont celle du CIRAD ou celle de Deborah Braütigam. On prétend que la Chine a acheté un million d’hectares, c’est faux mais cette croyance perdure. Depuis 2006, la Chine déconseille d’acheter des terres en Afrique et depuis peu clôt des initiatives existantes car les exploitations sont un échec. A l’inverse, de grandes entreprises américaines, brésiliennes, arabes ont acheté des lots très supérieurs aux achats de la Chine

Est-ce que dans vos recherches, vous avez observé des IDE chinois plus importants dans certains pays que d’autres, une attraction pour la recherche de ressources minières par exemple ?

Les pays les plus ouverts sont ceux qui acceptent d’acheter des prestations de service et font d’importants investissements. La Chine procède soit par concession, soit par achat de mine, soit par achat contre des prestations de service, tous les cas de figures coexistent. La recherche de ressources minières ne concerne pas que la Chine. Les contrats de type « angolais » (matière premières contre infrastructures) existent mais cela n’a jamais été généralisé.

Est-ce que la Chine commence vraiment à délocaliser des activités en Tanzanie dans le cadre du “Collier de perles[1]” ou est- ce une illusion ?

La Chine a un temps claironné sa volonté de délocaliser ses capacités de production non rentables. Il semble qu’elle soit revenu sur cette idée et envisagerait de développer à la place la robotisation pour pallier le coût de la main d’œuvre. Il y a l’exemple ressassé de cette unité de fabrication de chaussures en Éthiopie pour profiter de la DIT et fournir le marché local mais il y a surtout beaucoup de promesses et d’annonces mais peu de réalisations, ni d’analyses sur l’importance réelle de ces opérations. Une usine de montage automobile n’est pas une usine de fabrication, les retombées sont minimes en termes économiques et technologiques même si du point de vue social elles peuvent être importantes.

En termes de transfert de technologie, ils vont plutôt de l’Afrique vers la Chine.  L’Afrique est pour la Chine un terrain neutre où elle rencontre et coopère avec des entreprises occidentales et apprend d’elles à intervenir sur le marché mondial.

Et dans le nucléaire ?

L’Algérie essaye de développer une technologie nucléaire mais les Chinois sont prudents. C’est top secret

Pour conclure, les productions chinoises inondent-elles l’Afrique ?

Pour moi, c’est l’élément le plus marquant. La grande évolution. L’Afrique n’est plus seule face à l’Occident.  Les pays actifs se retrouvent en Afrique : le Japon, la Turquie, l’Inde, le Brésil, la Malaisie, mais aussi l’Afrique du Sud, le Maroc à côté de la Chine. Une palette d’intervenants que les Africains doivent instrumentaliser pour les servir au mieux. La Chine a les plus grandes capacités de financement mais lie ce financement à l’obtention des marchés (la pratique du crédit lié est en principe interdite aux pays membres de l’OCDE). Sauf en Namibie, où le financement est établi avant l’appel d’offres, la Chine utilise donc sa puissance financière pour pénétrer en Afrique

C’est à l’Afrique de jouer pour instrumentaliser la Chine : c’est aux Africains de résoudre leurs problèmes (« nous [africains] ne pouvons blâmer les Chinois, ni aucune puissance étrangère, pour nos propres problèmes » selon les mots du directeur de la banque centrale du Nigeria). Le manque d’une stratégie de développement économique claire est constant en Afrique contrairement au Maroc qui a conçu une vraie stratégie. Certains pays d’Afrique sollicitent la Chine comme un sauveur, c’est dangereux. Les pays africains demandent à la Chine d’implanter des zones économiques spéciales. Or les zones que propose la Chine sont un avatar très particulier des zones économiques spéciales en ce sens que leur logique est inversée. Dans les deux cas, il s’agit de procurer des avantages fiscaux et autres à des investisseurs qui sinon s’abstiendraient. Mais si une zone économique spéciale, au sens le plus classique, est une enclave organisée par le pays hôte sur son propre territoire pour attirer des investisseurs étrangers, il n’en est pas de même des zones chinoises à l’étranger. Ces dernières sont des enclaves organisées par une entreprise chinoise désignée et subventionnée par la Chine pour organiser sur le territoire d’un pays africain une enclave soumise de fait au droit chinois où seront accueillies d’autres entreprises chinoises subventionnées. Cela rappelle furieusement les concessions étrangères en Chine obtenues au XIXe siècle. En revanche, le Maroc a une stratégie de zones économiques spéciales conçues et gérées par le Maroc dans lesquelles il peut instrumentaliser les entreprises étrangères (chinoises ou non). Le Maroc est maître de sa stratégie comme l’a été la Chine.

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Thierry Pairault. La Filature Festival Vagamondes 17 janvier 2018

Notes F. Dieterich

[1] Le concept du « collier de perles », n’est pas chinois mais américain et date de 2015 (Booz Allen Hamilton, Energy Futures in Asia).