Julien Thorez est géographe, chargé de recherche au CNRS, membre du laboratoire « Mondes iranien et indien ». Il a récemment dirigé la publication d’un ouvrage intitulé Asie centrale : des indépendances à la mondialisation.

L’expression « Asie centrale » désigne une entité géographique dont les limites diffèrent suivant les périodes, les approches, les auteurs. Dans le cadre de cette conférence, Julien Thorez s’intéresse à l’Asie centrale post-soviétique, aujourd’hui composée de cinq états indépendants : le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Au cœur du continent eurasiatique, cette région du monde turco-iranien été au centre du « grand jeu » entre l’empire britannique et l’empire russe au XIXe siècle. Après avoir été colonisée par l’Empire tsariste puis intégrée à l’Union soviétique, elle entre dans la mondialisation.

I] Qu’est-ce que l’Asie centrale ?

L’Asie centrale post-soviétique

L’Asie centrale est donc une région aux contours flous, englobant des réalités très variées, au point d’être considérée comme une région à géométrie –et d’autant plus à géographie- variable.  Dans son acceptation la plus large, l’Asie centrale s’étale de l’Anatolie jusqu’au désert de Gobie. Même en la restreignant aux cinq pays post-soviétiques, c’est une région très vaste de quatre millions de kilomètres carrés, néanmoins peu peuplée avec seulement soixante-cinq millions d’habitants. Sa voisine orientale, la Mongolie, constitue le pays à plus faible densité.

 Kazakhstan  Kirghizistan  Ouzbékistan  Tadjikistan  Turkménistan  Asie Centrale
Population (en M)  16,009  5,362  29,993  7,564  ~5,100  64,028
Superficie (en M de Km²)  2,717  0,198  0,447  0,143  0,488  3,993
Densité (hab/km²)  6  27  67  39  10  16

Sources : recensement 2009/2010, estimations

Les pays qui la constituent sont indépendants depuis 1991, séparés par quinze mille kilomètres de frontières dont l’existence est inédite. Leur indépendance a été en réalité plus acceptée que recherchée ; contrairement  aux pays baltes ou caucasien,  les pays d’Asie centrale n’ont pas connu de puissants mouvements indépendantistes.

Ces pays deviennent indépendants au moment où disparait le système politique qui les a engendrés – l’URSSS. Ces entités politiques n’existaient pas avant qu’elles soient créées dans le cadre de la soviétisation de l’Asie centrale avec comme principe de fonder des territoires nationaux. La carte politique est élaborée dans les années 1920-1930.

Depuis leur indépendance en 1991, les Etats centrasiatiques conduisent une politique de consolidation de l’Etat et de la nation dans le cadre politique et territorial hérité de la période soviétique. Les autorités post-soviétiques s’inscrivent dans la continuité des élites politiques soviétiques car, dans la plupart des pays, ceux qui accèdent à la présidence de la république étaient des dirigeants des partis communistes. Actuellement, les présidents ouzbékistanais (Islom Karimov) et kazakhstanais  (Noursoultan Nazarbaïev) qui étaient les leaders de leur République socialiste soviétique, sont toujours au pouvoir.

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