Café géo du mardi 18 octobre 2016 avec Magali Reghezza-Zitt, maître de conférences à l’ENS Ulm

Au programme du Café du jour : la notion de risque naturel. S’il est connu qu’elle attire les (jeunes) chercheurs autant qu’elle capte les fonds, elle sera traitée et discutée en présence d’une des chefs de file de la spécialité en France. Auteure de nombreux ouvrages consacrés à la question, dont deux issus de ses travaux de thèse, engagée dans plusieurs programmes de recherche commandés par des collectivités – Magali Reghezza travaille en ce moment à Paris sur les risques d’inondation – elle est en même temps maître de conférences habilitée à diriger des recherches de géographie à l’ENS Ulm où elle assure notamment les cours de préparation à l’agrégation. Ses multiples casquettes devaient toutes être mobilisées dans cette intervention dynamique représentative de ses compétences « d’experte » et de pédagogue, mais surtout de sa capacité à les mobiliser simultanément dans un discours particulièrement abondant qui complique la tâche d’en rendre compte.

Puisqu’on concentrera surtout nos efforts de synthèse sur les manières dont Magali Reghezza a abordé et traité la thématique ce soir-là (car ce sont elles qui ont fait (le) débat) il faut d’abord comprendre la manière dont l’animatrice de la séance, Elisabeth Bonnet-Pineau, l’a problématisée. Elle a mis en lumière deux paradoxes : d’une part, la « recrudescence des catastrophes » en 2015, signalée par le CRED dans son dernier rapport, alors même que la connaissance et les techniques de prévention des risques semblent s’améliorer ; d’autre part, la contradiction intrinsèque entre la fréquence et l’intensité des catastrophes « naturelles » (les sécheresses s’avérant, d’après le CRED, les plus meurtrières d’entre elles à l’échelle de la planète). Le propos est déjà appelé à dépasser le sujet des « risques naturels en France », ce qu’a confirmé le déroulement de la séance : l’intervenante s’est en effet bien attachée à déconstruire, à l’aune d’un argumentaire pragmatique et précis, chacune des notions contenues dans le sujet de départ, dont il s’agissait d’évaluer le sens et la pertinence et, peut-être, de calmer les inquiétudes éventuelles dues, pour leur plus grande part, à un court-circuitage terminologique entre le « risque » et la « catastrophe » dont le public a pu s’extraire.

Des mots pour les risques, au(x) risque(s) des mots : la géographie des risques à l’heure du paradigme de la complexité.

Magali Reghezza propose d’entrer dans le sujet par l’épistémologie, suggérant ainsi que l’existence de telles problématiques, en sciences comme en société, s’explique au moins en partie par l’empilement des concepts relatifs aux risques en Géographie. Elle veut montrer, d’une part, que le champ d’étude des risques est à la mesure de ce que la Géographie en a fait : « la façon de traiter l’objet risque en Géographie montre que la discipline est vivante, qu’elle évolue (…). Et les débats qui s’y jouent se retrouvent point par point dans la façon d’envisager les risques ». Ainsi décèle-t-on, dans les premières (quand ? Elle ne les datera pas) approches des risques, l’empreinte structurelle et structurante de la discipline, des « géographes physiciens » qui s’attachent dès les années 1970 d’abord à comprendre leur paramétrage « naturel », préalable indispensable à la compréhension de ce qu’on qualifie alors parfois « nuisance » ou de danger ; par la suite, à l’heure où la géographie physique se renouvelle en une « géographie de l’environnement », les géographes insistent sur le rôle de l’anthropisation dans la transformation des processus physiques, sur l’importance des sociétés dans la fabrique des risques dits naturels, et cherchent in fine à dénaturaliser les catastrophes.

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