World War Z (M. Forster)

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Mondialisation zombie

World War Z, c’est d’abord des affiches, des fenêtres ouvertes sur des villes en guerre, représentant des hyper centres en feu à Paris, New-York ou Rio. On songe aux mots de M. Lussault : « Et chacun regarde mi-horrifié, mi-sidéré ce torrent visuel qui peut-être nous livre un nouvel archétype contemporain : l’urbain en état de guerre, en situation de catastrophe, un horizon de nos regards ? » (1). Ces affiches sont des arrêts sur image sur des paysages d’anéantissements, un point de vue distant, un cadre « bourgeois » reprenant une imagerie touristique pour y superposer une autre imagerie, non moins récurrente : le chaos apocalyptique qu’annonce le halo de lumière jaune au dernier plan. Situées (à Paris) préférentiellement dans les couloirs de métro et de RER, c’est-à-dire dans des lieux clos et souterrains, ces affiches semblent chercher à produire une ambiance oppressante en jouant de leur situation.

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De la Terre aux hommes (Paul Claval)

de_la_terre_aux_hommesPaul Claval, 2012, De la Terre aux hommes. La géographie comme vision du monde, collection Le temps des idées, Armand Colin.

Paul Claval, professeur émérite de l’Université de Paris IV-Sorbonne, pionnier en France de l’introduction des questions économiques, puis culturelles, parmi les préoccupations centrales des géographes, et plus largement de l’entreprise de reconnexion de la géographie aux sciences sociales, publie à quatre-vingts ans un joli livre venant s’ajouter à une riche bibliographie. Plus exactement, il s’agit de trois essais réunis en un volume, proposant chacun une forme d’histoire de la géographie, une manière de voir le destin de la discipline et du « tournant culturel » qu’elle a traversé dans les dernières décennies du XXe siècle. Cette structure explique de rares répétitions d’un bloc à l’autre et, surtout, permet une lecture indépendante de chacun des trois.

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Habiter New-York en poète

Frances Ha, Noah Baumbach (Etats-Unis)

France-Ha_AfficheFrances a 27 ans, rêve de devenir chorégraphe mais se contente d’un travail de doublure dans une compagnie de danse, boit des bières, fume des cigarettes, fréquente des soirées branchées, regarde des films dans son lit avec sa coloc’… Tout pourrait aller pour le mieux mais la jeune New-yorkaise native de Sacramento se demande, avec une perplexité renouvelée lorsque son inséparable colocataire décide d’emménager avec une autre dans un quartier plus chic, de quoi demain sera fait : à l’approche de la trentaine, une certaine liberté lui échappe inexorablement, au rythme où l’espoir de rencontrer le prince charmant s’estompe, alors que plusieurs de ses ami(e)s se marient, trouvent un vrai travail, ont des enfants…

Aidé de la co-scénariste et actrice Greta Gerwig – désarmante de candeur, de gaucherie et de sincérité – Noah Baumbach filme une tranche de vie de la jeunesse bourgeoise new-yorkaise, qu’il découpe, avec un sens aigu de l’ellipse, en quatre chapitres. Belle idée s’il en est, il leur donne des adresses en guise de titres, faisant des logements successifs de l’héroïne entre Brooklyn et Manhattan le fil conducteur du film et de l’habiter son véritable sujet. Ce qui donne une jolie mise en récit des diverses stratégies que chacun met en place au quotidien pour s’approprier l’espace, montrant comment notre existence prend sens par d’innombrables arbitrages en termes de logement et de mobilité, arbitrages pouvant aussi bien, lorsque capitaux économique, social ou/et spatial viennent à manquer, relever du déchirement.

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Le discours géographique de Man of Steel

Aborder le nouveau volet de Superman avec un regard d’abord géographique ouvre d’intéressantes perspectives sur la manière dont les États-uniens perçoivent leur espace et le monde en général.
Un monde centré sur les États-Unis mais avec un questionnement sur le futur bien spécifique.

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Un film centré d’abord sur les États-Unis, comme ensemble constitué
À plusieurs reprises des vues d’ensemble de la Terre sont présentes à l’écran, comme des images prises par des satellites. Elles sont dans leur grande majorité centrées sur les États-Unis et plus précisément sur la côte Est. On peut en particulier penser au moment où est à l’écran une image de la Terre vue de nuit ce qui fait alors ressortir la lumière émise par la Mégalopolis, rappelant d’ailleurs les travaux de R. Florida sur le light-based regional product où la lumière est d’abord signe de puissance.
D’autre part l’ultimatum envoyé à la Terre par le général Zod est en théorie reçu par la totalité des humains : outre les États-uniens, on voit des Espagnols, des Chinois et des nomades (d’abord d’Asie centrale puis du Sahara semble-t-il) le regarder. Cependant l’universalité s’arrête là, il n’y a visiblement aucune réaction d’autres autorités politiques ou militaires lors des affrontements sur Terre ou dans l’espace. Il faut croire que les autres puissances sont moins inquiètes face aux discours belliqueux.

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Pierre Alechinsky et les cartes de géographie

Le dessin du géographe n° 39 – juillet 2013

La rubrique présentée par Michel Sivignon sur la « pieuvre russe » dans le dernier dessin du géographe mis en ligne le 30 avril 2013 (http://cafe-geo.net/entre-dessin-et-carte-les-cartes-satiriques-la-pieuvre-russe-vue-par-les-japonais-en-1904/) m’a remis en mémoire un texte que j’avais publié dans une petite feuille, « Géoniouses », qui connut quelques numéros à l’UFR de géographie de l’Université de Provence en 1999 : il s’agissait d’une chronique à partir d’un dessin de Pierre Alechinsky, copié dans une rétrospective de son œuvre au musée du Jeu de Paume à Paris en 1998:

Alechinsky bretagne 1998 dessin RC

Page d’atlas universel III, Nantes et Rouen, 1984, Pierre Alechinsky (encre de Chine sur carte de géographie du XIXe siècle, 61 x 82 cm, coll. privée)
Fait partie d’un ensemble de 9 planches d’atlas du XIXe siècle, dressées par A.-H. Dufour, gravées par Ch.Duyonnet, Abel Pilon éditeur)

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The Bling Ring (Sofia Coppola), Spring Breakers (Harmony Korine)

The Bling Ring, Sofia Coppola / Spring Breakers, Harmony Korine
Plongées en géographie obsessionnelle états-unienne

Affiche SPRING BREAKERS Affiche BLING RING

« Aujourd’hui, l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel », J. Baudrillard, Simulations et simulacres

Sur les plages de Miami ou dans les villas de Beverly Hills, deux groupes d’adolescents, majoritairement féminins plongent en pleins hauts lieux médiatiques. The Bling Ring, cinquième long métrage de Sofia Coppola rappelle, dans une certaine mesure, le film d’Harmony Korine, Spring Breakers, sorti au printemps. La tendance est nettement au fluo et à l’utilisation des actrices à contre-emploi : des actrices pillées à Disney pour Spring Breakers, une héroïne de Harry Potter pour The Bling Ring. Des corps et des décors passent du petit écran au grand format : pourquoi ? Pour élever au rang d’art une esthétique « télé réalité » et remettre en scène encore et encore des lieux saturés d’images impossibles à réinventer ? Ou au contraire, pour tenter de jouer la carte de l’imposture pour mieux rendre compte et des comptes à un réel devenu, là plus qu’ailleurs, simulacre ?

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Zellidja, carnets de voyage

BNF, site François-Mitterrand 17 mai 2013-3 août 2013

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Serge Marteau, dessin extrait de son voyage à Londres, 1952


Après le très grand succès de l’exposition sur les cartes marines (23 octobre 2012- 27 janvier 2013), le département des Cartes et plans de la BNF nous propose une autre très belle exposition, cette fois-ci sur les carnets de voyage, à partir d’une centaine de rapports de voyage produits dans le cadre des bourses Zellidja. Les documents présentés dans la galerie des donateurs de la BNF (site François-Mitterrand) ont été choisis parmi les quelque 3000 rapports qui ont été donnés à la BNF en 2010-2011, ils nous renseignent sur le regard porté sur le monde par la jeunesse française pendant plus d’un demi-siècle. Dessins et photographies illustrent des journaux de route qui racontent autant d’expériences initiatiques en France, en Europe, mais aussi en Afrique, en Amérique et en Asie. Et au bout du voyage…il y a la découverte de soi !

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Internet et Réseaux sociaux : quel rôle dans la (géo)politique ?

Café Géo « Internet et Réseaux sociaux : quel rôle dans la (géo)politique ? », animé par Mathieu VIDAL, Maître de conférences en géographie et aménagement au Centre universitaire J.-F. Champollion d’Albi et membre du LISST-CIEU.

Ce Café Géo aura lieu le mardi 21 mai au Pré en Bulle – 9 Lices Jean Moulin, Albi à partir de 18h30.

(Première publication le 21 mai 2013, à l’url http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2560)

Mud, sur les rives du Mississipi (Jeff Nichols)

Mud, sur les rives du Mississipi, Jeff Nichols

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« Nous sommes tous dotés d’une racine pivotante qui descend dans le grand inconscient simple de la vie enfantine primitive ». Gaston Bachelard

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Sur la « carte cognitive » que dressent les cinéastes contemporains états-uniens, le Mississipi semble recouvrer une nouvelle intensité iconographique. Echo traumatique de Katrina, de la catastrophe de Deep water, résultat des politiques fiscales incitatives des Etats du Sud, ou dans le cas de Jeff Nichols, simple volonté de rester fidèle à son Arkansas natal ? Il est, quoiqu’il en soit, tentant de voir dans ce tropisme fluvial et méridional, l’expression sensible d’une renégociation. Celle d’une Wilderness recentrée, interne et constitutive dont s’empare une jeune génération de cinéastes. Nouveau territoire du cinéma indépendant, le vieux Sud est-il gage d’une excentricité, le lieu de fabrique d’une possible mise à distance des normes territoriales et cinématographiques ?
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Entre dessin et carte, les cartes satiriques : la pieuvre russe vue par les Japonais en 1904

Le dessin du géographe n° 38 – avril 2013

Depuis le XV° siècle au moins les cartographes ont appris à jouer avec le dessin des cartes dans un but de satire politique. On se trouve ici au carrefour de la carte et du dessin, carte détournée de sa vision de représentation scientifique, au profit d’une prise de position partisane.

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La carte présentée est une carte japonaise datant de mars 1904, c’est-à-dire des tout débuts de la guerre russo-japonaise, dessinée après la prise par surprise de la base russe de Port-Arthur, où la flotte russe d’Extrême-Orient fut décimée. Elle est antérieure à l’autre désastre naval russe de Tsushima tout comme à la bataille de Moukden en Mandchourie, qui amenèrent la Russie défaite à négocier en 1905. La carte est censée faire partie d’un « Atlas diplomatique humoristique de l’Europe et de l’Asie ».

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