Sur la route des Mayas, des Conquistadors et de leurs descendants.

Voyage des Cafés géographiques, vendredi 22 février – jeudi 7 mars 2019

 

GUATEMALA DE LA DÉCOUVERTE A L’INDÉPENDANCE

 

Les découvertes d’un nouveau continent : Amerigo

 

L’élégante expression de Stephan Zweig (Amerigo, 1942) révèle que le continent américain doit son nom à une série de hasards et d’approximations.

 

► Les Européens se sont attribués les mérites de la découverte du continent américain, mais bien d’autres populations s’y étaient installées avant eux.

 

Christophe Colomb accosta en 1492 sur un continent qu’il estima être les Indes et il n’en démordit jamais. Il nomma donc les indigènes, Indiens.

Avant lui, des Vikings se sont installés au Groenland, au X ème siècle. Et avant eux bien d’autres vagues de migrants étaient arrivées par le détroit de Béring, que nous avons nommés Amérindiens.

 

Remarques avisées de Michel Sivignon, qui a bien voulu lire ce dossier.

Je te faisais hier une remarque qui s’appuie sur ce que Christian Grataloup nous avait expliqué aux café géo: il est politiquement correct de dire de nos jours que les Européens ont découvert l’Amérique après les Vikings, ou que les Amérindiens ont découvert l’Amérique en venant de la Sibérie par le détroit de Béring bien avant Christophe Colomb; sauf que les conséquences ne sont pas les mêmes. Grataloup souligne que les Européens sont les seuls à ce moment de leur histoire à être en contact avec toutes les aires culturelles de la planète et que “leur” découverte de l’Amérique a de ce fait de toutes autres conséquences que la prise de possession par les Vikings d’un bout du Labrador, ou même de l’installation de Amérindiens depuis l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu. Cette dernière est importante en tant que phase essentielle du peuplement de la planète, tout comme à une échelle beaucoup plus modeste l’arrivée sur leurs pirogues des Tahitiens dans l’Ile nord de la Nouvelle Zélande, d’où résulte le peuplement Maori, ou encore l’arrivée des Indonésiens au 9° siècle à Madagascar.
Il me semble que Christophe Colomb est l’héritier de Strabon qui arrivant au lieu où se trouve aujourd’hui Séville en Andalousie alors province romaine au 2° siècle de notre ère écrit : si la terre est ronde alors un navigateur partant d’ici et tenant le cap à l’ouest doit arriver aux Indes. Ce que pensait Chr. Colomb en touchant une île des Antilles en 1492. Strabon était lui même l’héritier d’Ératosthène qui calcula quelque siècles avant lui avec une erreur de 5% la longueur de la circonférence de la terre au niveau de l’équateur. La “découverte “, par les Européens est une phase majeure de ce que nous appelons maintenant mondialisation
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Évoquant en 1503, dans ses récits de voyage, un mundus novus, Amerigo Vespucci, apparaît à ses contemporains, comme un découvreur. Dans le commentaire de la carte du monde Universalis Cosmographiae, dessinée par le moine cartographe Martin Waldseemüller, il est écrit « comme l’Europe et l’Asie ont reçu des noms de femmes, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amérigé, c’est-à-dire terre d’Amerigo, d’après l’homme sagace qui l’a découverte ».

Cette carte fut imprimée à Saint-Dié des Vosges, le 25 avril 1507. C’est aussi là qu’est né le Festival International de Géographie et là aussi que notre association, Les Cafés géographiques, a pris son essor, il y a vingt ans.

L’expression Amérique Latine a été inventée à Paris en 1856 par un Chilien et un Colombien qui voulaient ainsi définir leur continent, par sa dimension latine (français, espagnol, italien).

Et c’est aussi à cette époque que Napoléon III tenta l’aventure du Mexique (1863-67).

Depuis la rencontre entre les Amérindiens (ou Précolombiens) et les Européens, empreinte de violences destructrices et spoliatrices, le destin de l’Amérique Latine s’est souvent joué depuis l’extérieur.

 

► Brève histoire de l’Amérique d’avant Christophe Colomb

 

  • Premiers peuplements et métissage culturel entre nomades et sédentaires.

Les premiers humains installés sur le continent américain sont des chasseurs-cueilleurs venus d’Asie par le détroit de Béring, il y a plus de 20 000 ans. A cette époque, une glaciation avait abaissé le niveau de la mer et autorisé un passage à pied sec. Il se peut aussi que des migrations se soient effectuées par cabotage le long de la côte Pacifique.

Ces chasseurs-cueilleurs sont des peuples nomades qui vont s’implanter toujours plus au sud, jusqu’à l’Amérique centrale. Ils vont progressivement s’adapter à leur environnement, en apprenant à pêcher puis en consommant des plantes indigènes qu’ils vont peu à peu sélectionner et cultiver. La pomme de terre est consommée dès 1300 av. JC et le maïs dès 8700 av. J C. Mais ils ne domestiquent jamais les animaux et ne connaissent pas la roue.

Dès que des chasseurs-cueilleurs deviennent cultivateurs, par la force des choses, ils se sédentarisent, au moins partiellement. Ils fondent alors des villes et deviennent architectes et céramistes. Les poteries les plus anciennes sont datées de 5000 av. JC.

Les ancêtres des Amérindiens, arrivés par vagues successives, ont constitué deux foyers de civilisation : l’Amérique moyenne (ou Méso-Amérique) sur les actuels Mexique et Guatemala à partir de 1200 av. JC et celui de l’Amérique Andine (Pérou, Bolivie, Equateur) à partir de 1000 avant notre ère.

 

  • Le foyer multiculturel de la Méso-Amérique est celui qui nous intéresse.

Une brève chronologie s’impose. On distingue :

– une période pré-classique (1200 av.-J.C.- 250 après JC), pendant laquelle les Olmèques s’imposent,

– une période classique (250 à 950), pendant laquelle dominent les Mayas

– une période post-classique (950-1492) qui voit arriver du nord, de nouvelles populations, plus ou moins nomades, dont les Aztèques.

Lorsque débarquent les premiers conquistadores, au XV ème siècle, deux empires se sont affirmés en Méso-Amérique : l’Empire Aztèque et l’Empire Inca.

 

Les civilisations amérindiennes : de nombreux traits communs

 

  • Pendant les quinze siècles qui précèdent l’arrivée des Européens, nomades et sédentaires apprennent à vivre ensemble, à fusionner leurs croyances et à homogénéiser leurs pratiques sociales. Mais ils gardent des langues différentes.

Jean Sellier, Atlas des Peuples d’Amérique, La Découverte

  • Pluriethnique, l’Amérique centrale a pour règle la coexistence. Mais la problématique de l’identité culturelle doit se penser à l’intérieur d’un cadre de valeurs communes. Il existe donc de nombreux traits communs entre ces civilisations.
  • L’ontologie animiste est le premier de ces traits. C’est l’idée que la plupart des non-humains (animaux, plantes) possèdent une intériorité, une âme. Cela explique la réticence à la domestication animale.

 

L’obsidienne qui se trouve dans de nombreuses carrières à ciel ouvert et une pierre très précieuse pour les Mayas : elle ne doit pas se vendre mais seulement se donner, car c’est un cadeau qui porte bonheur, en donnant accès à l’inframonde. Brillante et noire, elle est aussi largement utilisée en joaillerie. Un petit morceau fait l’affaire.

Le jade est l’autre pierre précieuse. Il y a mille couleurs du jade : du blanc, du couleur lilas, (originalité du Guatemala), et des verts très variés. C’est aussi une pierre porte bonheur (comme en Asie). Elle a servi à créer des chefs d’œuvre, dont la statue ci-dessus.

 

  •  Un 2 ème marqueur culturel réside dans l’usage de l’offrande enfouie dans le sol. Symbole du pacte entre les hommes et la terre, elle est signe d’appropriation du territoire par un groupe déterminé. Elle obéit à des codes très précis qui mêlent sacrifices d’humains et d’animaux et dépôt d’objets précieux en obsidienne, jade, céramique ou plumes. Comme l’offrande est enfouie, et par définition invisible, les Méso-Américains ont décidé de marquer le lieu du dépôt par un monument clairement identifiable : au début ce sont de simples monticules de terre qui deviendront au fil des siècles des formes pyramidales.

 

Maquette de Tikal, site maya du Petén

 

Pyramide de Tikal

 

Toute l’architecture méso-américaine dérive de ce marquage territorial : les centres cérémoniels révèlent la main mise d’un groupe sur un espace donné. L’appartenance à la « cité » est d’ailleurs le seul facteur d’identité des hommes. Même les Mayas tirent leur nom de leur ville principale : Mayapan, leur capitale, est « l’endroit des scarabées ».

  • L’appartenance à la cité est le 3è marqueur. Durant les 28 siècles précolombiens, la cité fonctionne comme la seule entité politique. Le territoire d’une cité est toujours organisé de la même façon :

– un centre cérémoniel, élevé au-dessus de l’offrande, est doté d’une architecture civile et religieuse, ordonnée autour d’une pyramide-temple,

– immédiatement autour sont adossés des quartiers d’habitation : 2 ou 3 ou 4.

– puis s’étend une zone délibérément laissée à l’état de nature, non urbanisée, non cultivée,

– enfin, à la périphérie se trouvent les milpas, les champs cultivés où poussent maïs, courges, haricots, tomates, piments, etc.

Il est très important de noter qu’à l’intérieur des principes de sédentarité, la zone laissée à l’état de nature respecte le caractère nomade d’une partie de la population.

  • L’inscription de l’espace dans le temps se fait, de façon très originale, par l’élaboration de deux calendriers. Le territoire de la cité fonctionne comme un microcosme qui doit être ordonné par l’homme, qui est la mesure de toute chose.

– Le calendrier divinatoire, non astronomique, compte 260 jours. Il permet de donner un nom aux individus et une place assignée dans la société.

– Le calendrier astronomique (car les Amérindiens sont de remarquables astronomes et mathématiciens) compte 365 jours. Il permet de se conformer aux cycles de la nature.

Le calendrier divinatoire est le socle de ces civilisations et le socle de la religion, basée sur les sacrifices humains.

  • L’hymne au soleil par le sacrifice humain.

Le soleil méso-américain n’est pas un astre bienfaiteur, mais un prédateur vorace qui dissipe l’énergie du monde. L’énergie des hommes sacrifiés doit nourrir le soleil. On se procure des captifs sur les champs de bataille et ils sont remis aux prêtres. Le sacrificateur ouvre la poitrine du supplicié et lui arrache le cœur qui est alors élevé vers le soleil. Ames sensibles, s’abstenir !

La vie sociale institutionnalise donc la coopération entre guerriers et prêtres : les premiers font des captifs, les seconds administrent le sacrifice.

 

  • Une écriture lisible par tous.

Codex

 

Écriture maya sur une stèle de pierre

 

L’écriture est connue dès 1200 avant notre ère. Mais pour que tous les groupes linguistiques (voir carte ci-dessus) puissent la lire, on a imaginé (comme en Egypte ou en Chine) des idéogrammes.

Mais elle est aussi iconique car elle emploie des signes abstraits conventionnels (les glyphes) ainsi que des signes figuratifs. Etonnez-vous alors que son déchiffrage ait pris beaucoup de temps, jusqu’à la fin du XX ème siècle.

  • On pourrait aussi citer comme marqueurs, le jeu de balle. Il consistait, pour les joueurs, à faire passer une balle en latex dans un anneau sans la toucher avec les pieds et les mains. Sport ou rituel, peut importe, le vaincu était sacrifié !

 

■ Mayas et Guatemala

Les Mayas, Le Monde, Atlas des civilisations

 

Le Monde, Histoire des civilisations, p. 32

 

La Méso-Amérique a vu défiler des populations à la fois proches et lointaines mais toujours promptes à se quereller. En simplifiant à l’extrême, on retiendra que trois groupes se succèdent sur des territoires qui correspondent aujourd’hui au Guatemala.

  • Les Olmèques, actifs pendant plus de mille ans sur le pourtour du golfe du Mexique ont laissé une cité, Teotihuacan, dans la vallée centrale du Mexique, qui compta 200 000 habitants à son apogée. Ils ont laissé aussi des sculptures de têtes colossales et des hiéroglyphes annonciateurs de l’écriture maya. Mais ils ont disparu, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
  • Les Mayas ont ensuite dominé la région (250-950). Cependant leur présence est attestée à partir de 2000 av. J.-C.

C’est la société la plus sophistiquée et la mieux structurée des sociétés précolombiennes. Elle se composait de nombreux royaumes, ou plutôt de cités-Etats, éparpillés dans le Yucatan (Mexique) le Belize (Honduras Britannique) et le Petén, dans l’actuel Guatemala. Les Mayas ont aussi essaimé sur les hauts plateaux. La plus grande extension du pays maya, c’est-à-dire parlant un proto-maya, couvre un territoire vaste et diversifié d’environ 350 000 km 2.

Ils ont d’abord occupé la forêt tropicale bordant la mer des Caraïbes, puis il semblerait qu’ils se soient repliés sur les hauts plateaux, parvenant à mettre en valeur des écosystèmes très différents, comme ceux des marges volcaniques aux terres très riches.

Leur histoire nous est connue grâce à leur écriture révolutionnaire qui combine signes phoniques et idéogrammes, déchiffrée seulement à la fin du XX ème siècle.

Ils ont édifié de sublimes cités dominées par des temples-pyramides. Quirigua, Tikal (Petén) Chichen Itza (Yucatan) ou Copan (Honduras) sont aujourd’hui classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. Enfin, grands commerçants, ils avaient mis en place un vaste réseau de routes reliant les cités-Etats.

De grandes avancées technologiques ont permis ces dernières années de découvrir de nouvelles cités, en particulier grâce à l’imagerie aérienne par laser (Lidar). Par ailleurs les archéologues travaillent aujourd’hui de façon beaucoup plus pluridisciplinaire et sont plus aptes à analyser ce que furent ces sociétés.

La société maya était très stratifiée et donc très rigide :

– au sommet, le roi est secondé par la caste des prêtres, peut-on parler de théocratie ?

– puis les nobles, les guerriers, les artisans et les commerçants

– enfin les paysans et le peuple.

Leur apogée est datée du VIII ème siècle. Leur déclin est tout aussi inexpliqué que celui des Olmèques. Plusieurs raisons sont avancées : pression démographique, épuisement des ressources, épidémies, changements climatiques, sacrifices humains trop importants ?

  • Les Mayas seront éclipsés par l’arrivée de nouvelles populations venues du nord, nomades et parlant le nahuatl. Perçues comme barbares, elles arrivent rapidement à constituer un empire, celui des Aztèques, à leur tour, vaincus par l’arrivée des Espagnols en 1519. On pense que la Méso-Amérique comptait environ 25 millions d’habitants à l’arrivée de Cortés. Tenochtitlan (Mexico) comptait 300 000 habitants, alors que Paris n’en comptait que 25 000 et Séville, alors la plus grande ville d’Europe, 40 000.

 

■ La conquête espagnole – L’Amérique Centrale devient Latine

 

► Les étapes de la conquête

Jean Sellier, Atlas des Peuples d’Amérique, La Découverte.

 

Les Espagnols vont se tailler un empire surtout continental, en s’appropriant les deux empires existants, celui des Aztèques et celui des Incas. La « légitimité » de la souveraineté espagnole dans le Nouveau Monde va reposer à la fois sur le droit de conquête et sur la mission d’évangélisation. En 1492, deux évènements providentiels valident ce choix : la découverte des Antilles par Christophe Colomb et la chute de Grenade (capitale du royaume des Andalous) qui va permettre la Reconquête.

Mais le Nouveau Monde n’intéresse pas que les Espagnols. Il sera disputé avec les Portugais, les Hollandais, les Français et les Anglais.

En 1494, le pape Alexandre VI, contraint les Espagnols et les Portugais à se partager les zones découvertes par le Traité de Tordesillas, qui exclut les intérêts Hollandais, Français, Anglais, mais ceux-ci n’en auront cure.

 

► Le temps des conquistadores

 

Les entreprises de conquêtes sont privées. Les chefs d’expédition recrutent, équipent et conduisent eux-mêmes leurs troupes. Ils doivent néanmoins le faire au nom de la foi catholique et du souverain. La Couronne signe donc, avec les futurs conquistadores, un contrat leur reconnaissant des avantages en cas de succès.

Ceux-ci veulent d’abord acquérir des terres et trouver de la main d’œuvre pour les mettre en valeur. Ils sont aussi en quête d’or, d’épices et autres biens précieux.

Leur pouvoir va s’asseoir sur les cités existantes et dont ils ont pris le contrôle ou sur de nouvelles villes où se met en œuvre une civilisation hispano-américaine.

Ainsi, Cortés, devient un aristocrate en 1527, lorsque Charles Quint lui confère le marquisat de Oaxaca. On sait que Cortès a laissé des écrits de grande qualité, Lettres de relation, adressées à Charles Quint. La plupart des conquistadores sont moins lettrés, mais tous passent leur temps à s’entredéchirer, en quête de terres, de main d’œuvre et de pouvoir.

 

► L’Empire espagnol : une organisation qui se met en place pour trois siècles

Olivier Dabène, Frédéric Louault, Atlas de l’Amérique latine, Autrement, 2016

 

  • L’organisation politique

Les territoires conquis sont divisés en vice-royautés, dirigées par un vice-roi choisi par le roi dans la noblesse espagnole. Ensuite sont mises en place des « capitaineries » dont celle du Guatemala. Enfin, une administration locale préside au pouvoir des villes. Chacune est dotée d’un conseil municipal élu, par quelques privilégiés.

Trois villes vont se partager le pouvoir : Mexico, Guatemala, Panama.

Jean Sellier, Atlas des Peuples d’Amérique, La Découverte.

 

  • L’organisation économique

L’agriculture, l’activité minière, les échanges, sont les piliers de l’économie coloniale.

L’agriculture est grandement modifiée par l’arrivée des colons. L’introduction d’animaux domestiques perturbe tout le système : des porcs et des bœufs sont lâchés, qui retournent à l’état sauvage. Puis les Espagnols introduisent des chevaux – qui feront grand peur aux Indigènes – et des moutons.

Par ailleurs une économie de plantation s’organise autour de la culture du coton, du café, du tabac, du cacao. Il faut donc accaparer des terres et trouver de la main d’œuvre. Elle sera Indienne, puis Noire. On estime que de 1550 à 1640, environ 300 000 esclaves sont venus d’Afrique. Ils ne seront affranchis qu’au cours du XVIII ème siècle.

Quand au commerce, il est interdit entre les colonies. Tout doit être envoyé directement en métropole. Il ne restait plus aux dites colonies qu’à développer le contrebande, ce que flibustiers et boucaniers, firent avec délice !

Castillo de San Felipe

 

C’est une forteresse construite au XVIII è à l’entrée du Rio Dulce pour empêcher les pirates de piller les villages et les caravanes de l’Izabal.

 

  • L’organisation sociale

Olivier Dabène, Frédéric Louault, Atlas de l’Amérique latine, Autrement, 2016

 

Le vice-roi et les Créoles accaparent tous les pouvoirs. Au bas de l’échelle sociale on trouve les métis, issus de mariages entre Espagnols et Indiennes, nombreux car, au début de la conquête, il y a peu de femmes. Les unions entre Espagnols et Africains donnent de mulâtres, plus bas encore dans l’échelle sociale. Et puis il y a les « zambos », issus de mariages entre Indiens et Noirs.

 

  • Le rôle de l’Église

En n’acceptant, jusqu’au milieu du XVIII ème siècle, que des Blancs dans ses rangs, elle affiche son caractère hispanique et colonial.

Deux traits la caractérisent : son extrême richesse et la constante rivalité entre les ordres religieux venus évangéliser les Indiens. L’Église assure aussi l’enseignement, la santé et l’assistance aux plus démunis.

 

  • La question des Indiens

L’arrivée des Espagnols entraîne l’effondrement de la population indienne. Il résulte d’abord des maladies importées (variole, rougeole, grippe, etc.) et contre lesquelles les Indiens ne sont pas immunisés. Il est aussi à mettre en relation avec les mauvais traitements qui leur sont infligés : astreints aux corvées ou au servage.

L’installation des conquistadores sur d’immenses domaines s’effectue par l’expulsion des indigènes. Ils se révoltent périodiquement, mais le plus souvent, devenus des « sans terre » ils migrent vers les villes où ils vont progressivement « s’acculturer ». Ceux qui restent vont garder leur langue et leurs coutumes.

Las Casas (1474-1566) est le premier à prendre la défense des Indiens, en tant que représentant de l’ordre des Dominicains. Il fait édicter par Charles Quint, en 1542, les « Lois nouvelles ». Elles instaurent le système des « encomendero » : le roi confie des terres à un encomendero qui doit traiter correctement les Indiens qui lui sont confiés par le roi. Il doit aussi les évangéliser.

L’évangélisation des Indiens est confiée à des missionnaires, le plus souvent brutaux : ils détruisent les idoles, font une prédication sommaire, puis baptisent lors de baptêmes de masse. Gare à ceux qui se révoltent. La réponse la plus fréquente des Indiens est une soumission de surface au catholicisme, et le maintien de rites païens. Ce syncrétisme est toujours d’actualité et donne lieu à de nombreuse fêtes, pleines de fastes et de couleurs.

En 1767, la Compagnie des Jésuites dérange beaucoup de monde : elle est trop riche et trop cultivée, donc dangereuse pour les pouvoirs en place. Les Jésuites sont expulsés d’Espagne (idem en France, ou au Portugal). Leurs biens sont confisqués par la Couronne puis vendus aux enchères. Les Indiens des missions sont dispersés, sans autre forme de procès !

 

 

Les guerres d’indépendance – Le temps du morcellement de l’Amérique Centrale

Olivier Dabène, Frédéric Louault, Atlas de l’Amérique latine, Autrement, 2016

 

► Plusieurs facteurs concourent à la volonté indépendantiste

 

Après trois siècles de colonisation, l’Amérique Latine voit naître, au début du XIX ème, un grand mouvement indépendantiste qui se propage à toute la région. Un nationalisme colonial commence à s’exercer. Plusieurs causes à cela :

– Les idées de la révolution française se diffusent et les Créoles veulent plus d’autonomie.

– L’économie des empires coloniaux se délite, les métropolitains sont accusés de faire obstacle au progrès. Le monopole sur le commerce, exigé par la métropole est vigoureusement remis en cause, ainsi que la charge fiscale.

– Les populations du bas de la pyramide, les communautés indiennes, autant que les esclaves tentent de briser le joug qui les opprime.

– Les raisons politiques sont multiples. Les Créoles ne supportent plus que les peninsulares gardent les pouvoirs essentiels. Par ailleurs l’Espagne perd de sa puissance en Europe, au profit de l’Angleterre ou de la France. En 1796 l’Espagne s’est alliée à la France contre l’Angleterre. Mauvais choix, ils sont battus à Trafalgar en 1805 et la flotte espagnole est presque entièrement détruite. Elle ne peut plus maintenir ses relations avec l’Amérique.

Puis c’est Napoléon Bonaparte qui profite de sa faiblesse pour s’emparer du pouvoir à Madrid et y installer son frère, Joseph. Il faudra deux ans aux Madrilènes pour le chasser (1813).

 

► Chronologie des insurrections et des indépendances

 

Premier drapeau du Guatemala indépendant. Son symbole est un oiseau aujourd’hui disparu, le quetzal, dont les plumes étaient utilisées pour les rituels

 

  • La 1ère insurrection a lieu aux Antilles, dans la capitainerie générale de Saint-Domingue. Les planteurs réclament, au début de la Révolution française, des assemblées, élues par les seuls Blancs. Mais l’Assemblée constituante, en 1791 étend le droit de vote aux gens de couleur nés de parents libres.

Nul de s’attend cependant à ce que les Noirs se révoltent le 22 août 1791. En quelques semaines le nord de l’île est ravagé. Les Espagnols et les Britanniques interviennent militairement. Bientôt toutes les Antilles s’enflamment, l’esclavage est aboli. Et en 1804, Haïti (l’ouest de Saint-Domingue) se proclame indépendante.

En 1808, la révolution gagne le Mexique où les peninsulares et les membres de l’audiencia fomentent un coup d’Etat et renvoient le vice-roi en Espagne. Une véritable guerre civile ravage le pays jusqu’en 1822.

Le Mexique indépendant invite alors les 6 provinces de la capitainerie générale du Guatemala à rejoindre un empire en gestation et en 1824, un Etat fédéral voit le jour : les provinces Unies d’Amérique Centrale. La fédération ne dure que jusqu’en 1839, mise à terre, par Rafael Carrera, un métis qui soulève les Indiens du Guatemala.

Trois hommes vont prendre la tête du nouvel Etat :

– Carrera garde le pouvoir de 1839 à 1865

– Justo Rufino Barrios lui succède de 1873 à 1885

– Manuel Estrada Carrera, s’impose de 1898 à 1920

 

► La difficile construction des Etats-nations

 

Cinquante ans de guerres vont suivre l’accession à l’indépendance. Les interrogations sont nombreuses. Comment créer l’idée d’un sentiment national quand deux types de cultures s’opposent : celles des Amérindiens, celle des Hispaniques ?

Comment fixer des frontières à partir de la déliquescence d’un empire de trois siècles ? Il faut essayer de garder des fleuves, des accès à la mer, etc.

Quel régime politique doit-on mettre en œuvre ?

 

► La mise en pièces de la capitainerie générale du Guatemala

 

Pendant la colonisation espagnole, le Guatemala comptait 6 provinces : Chiapas, Guatemala, San Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica.

Dans les années 1660, les Anglais s’installent sur l’embouchure du fleuve Belize pour trafiquer les bois tropicaux. Ils fonderont au XIX ème la colonie du Honduras Britannique.

Le Chiapas reviendra finalement au Mexique et les autres provinces deviendront à leur tout des Etats indépendants.

 

► A la fin du XIX ème : une Amérique Latine sous double influence

 

  • L’expression « Amérique Latine » a été consacrée lorsqu’il fut clair que le destin des Etats-Unis était d’être anglo-saxon et tout à fait différent de celui des pays où la langue espagnole (castillan) demeurait la langue dominante, ou le portugais au Brésil.

En 1823, la fameuse doctrine Monroe informe les Européens que désormais les Américains (nom que se donnent les anglo-saxons) ne tolèreraient plus leurs interventions sur « leur » continent. Mais, profitant de la guerre de Sécession (1861-65) la France de Napoléon III tente une expédition au Mexique. L’aventure est piteuse et dès 1865, les Etats-Unis se portent au secours du Mexique et chassent les Français.

 

  • Les Européens ne reviendront plus, militairement, mais ils enverront dès la fin du siècle des millions de migrants issus de tous les pays et fuyant guerres ou famines. Souvent issus des classes moyennes, ils vont rapidement devenir de nouveaux acteurs politiques, souvent plus proches des classes populaires que des oligarchies locales.

Par ailleurs, des États se portent acquéreurs de terres. La Belgique acquiert, contre une rente annuelle, la région d’Izabal (sur le littoral caraïbe) pour y installer des colons et construire des infrastructures et en 1844, Santo Tomas de Castilla devient le siège de la Compagnie belge de colonisation. Les colons doivent se convertir au catholicisme et prendre la nationalité guatémaltèque.

Au milieu du XIX ème, arrivent également des colons allemands. Ils acquièrent des terres dans les régions de l’Alta Verapaz et du Quezaltenango (à l’ouest du pays) pour y cultiver du thé, du cacao, de la vanille. A la fin de 1890, les 2/3 de la production de café de la région étaient entre les mains des Allemands. Un de leurs descendants, Alvaro Arzu, ancien président du Guatemala (1996-2000) est actuellement maire de Guatemala City.

 

  • L’économie des nouveaux États change de partenaires.

 

Les États-Unis remplacent les Européens dans les échanges. En 1899 est créée la United Fruit Company qui fusionne des compagnies déjà existantes aux Antilles et en Amérique centrale. Elle se met en place avec la bénédiction du dictateur Ubico, qui dirige le Guatemala de 1931 à 1944. Elle va peu à peu étendre ses activités et contrôler une flotte, des ports, des lignes de chemin de fer et devenir un Etat dans l’Etat… qui devient une « République bananière ».

Le continent, devenu indépendant, s’insère dans l’économie mondiale, en vendant essentiellement des matières premières et agricoles. C’est la division internationale du travail, cela signifie aussi une dépendance forte vis-à-vis de étranger, qui se révèlera catastrophique lors de la crise de 1929.

 

LE GUATEMALA AU XX ème siècle et début du XXI ème

■ Un isthme convoité et terre de conflits idéologiques

Atlas des Relations Internationales, Hatier.

 

Atlas des Relations Internationales, Hatier.

 

Enjeux de forces supérieures, les États d’Amérique centrale ont pu être qualifiés de « républiques bananières », version tropicale de la « souveraineté limitée ».

L’histoire politique de ces dernières décennies évolue donc en fonction d’intérêts extérieurs à la région. Carrefour de routes commerciales, l’isthme a polarisé la rivalité des grandes puissances.

 

► La main mise américaine

 

Après la main mise espagnole et anglaise, le continent passe progressivement dans le giron de la puissance des Etats-Unis.

– Entre 1845 et 1853, ils ont annexé les provinces septentrionales du Mexique (Texas, Californie, Nouveau Mexique). En 1850 le traité Clayton-Bulwer établit une sorte de condominium américano-britannique sur l’isthme, où la construction d’un canal est prévue (Panama).

– Les EU vont ensuite construire deux chemins de fer transocéaniques, un au Panama, l’autre au Nicaragua, où le groupe Morgan finance un aventurier qui prend le pouvoir.

– En 1899, est créée, au Costa Rica, la United Fruit Company.

– La société française du canal de Panama ayant fait faillite, ses actifs sont rachetés et les EU s’assurent de la possession de 6 miles de terre de part et d’autre du canal.

– Roosevelt va légitimer la politique qui soutient que la souveraineté des riverains de la « Méditerranée américaine » s’arrête là où commence l’intérêt des EU. Le Nicaragua, où un 2ème canal est projeté est plusieurs fois occupé.

– De 1931 à 1944, le dictateur Jorge Ubico, règne sans partage sur le Guatemala et se dit admirateur de Napoléon et de Franco. Une certaine proximité avec les nazis lui sera reprochée.

 

► La Révolution des années 1950 et l’opération PBSUCCESS

 

Deux présidents, Juan José Arevalo (1945-1951), un universitaire progressiste et Jacobo Arbenz Guzman (1951-54) instaurent une nouvelle ère. Beaucoup de réformes sont mises en œuvre : code du travail, droit de grève, vote des femmes et des illettrés, liberté de la presse. Une réforme agraire oblige les « vingt-deux grandes familles » et la United Fruit à céder des terres en friche, qui sont distribuées aux paysans.

Ils sont suspectés de sympathie pour Moscou, de même que les guérillas qui s’enclenchent dans la même décennie et qui recherchent avidement l’aide soviétique.

 

[Petit rappel : des partis communistes sont nés dans les années 1920, encadrés par des intellectuels issus de l’immigration récente et qui recrutent des ouvriers agricoles ou des rares ouvriers d’industrie. Au début de la Guerre Froide, ils complètent idéologiquement leur opposition aux autorités en place par des positions antiaméricaines classiques et s’alignent sur celles de Moscou. Mais ils s’entredéchirent rapidement entre modérés, trotskistes, puis maoïstes.]

 

Les EU interviennent aussitôt, dans le contexte du maccarthysme virulent de l’époque.

PBSuccess est une opération organisée par la CIA, en lien avec la United Fruit Company, en réaction aux réformes agraires qui affectaient directement les intérêts de la multinationale américaine dont Allen Dulles (directeur de la CIA de 1953 à 1961) était actionnaire

Le président Guzman est renversé en 1954. Une dictature militaire le remplace. La réforme agraire est abrogée, la United récupère ses terres et en accapare de nouvelles. Fin de partie !

 

► Guerres civiles et conflits armés 1954- 1996

 

Onze généraux-présidents, se succèdent rapidement entre 1951 et 1986, et récupèrent tous les pouvoirs. Le droit de vote est retiré aux illettrés, ce qui exclut les 2/3 de la population, surtout indigène. La répression est féroce, en particulier contre les guérilleros du pays Quiché.

Face à eux se dressent des guérillas d’extrême gauche. Elles s’organisent à partir des années 1960 et s’unissent en 1982 dans l’ UNRG (Union Nationale Révolutionnaire Guatémaltèque).

 

Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix en 1992

 

Un mouvement indigéniste se met en place, le plus connu étant celui de Rigoberta Menchu qui reçoit le prix Nobel de la paix en 1992, « en reconnaissance de son travail pour la justice sociale et la réconciliation ethno-culturelle basée sur le respect des droits des peuples autochtones ».

La répression monte d’un cran avec la gouvernance du général Efrain Rios Montt (1982-83) qui pratique la politique de la terre brûlée et rase 400 villages. Cent mille personnes fuient au Mexique.

La rivalité américano-soviétique prend fin avec l’effondrement du bloc de l’Est en 1989, et la fin de la Guerre Froide. Les EU reprennent la main.

 

Street art pour la fin des horreurs et des guerres

 

Les guérillas sont contraintes à faire la paix dans les années 1990. Les gouvernements locaux sont encouragés à la conciliation avec leurs voisins. Le Guatemala reconnaît le Belize et règle ses problèmes de frontières avec le Honduras. Puis les sept Etats adhérent à un marché commun centraméricain.

La paix est restaurée : l’UNRG dépose les armes en 1996. La guerre civile a fait entre 150 000 et 200 000 victimes !

 

► Stabilisation politique mais démocratie incertaine et maintien de la corruption

 

  • Les présidents se succèdent, au fil des élections

 

1996-2000 = Alvaro Azzu

2000-2004 = Alfonso Portillo

2004-2008 = Oscar Rafael Berger Perdomo

2008-2012 = Alvaro Colom

2012-2015 = le general Otto Perez Molina

2016-2019 = Jimmy Morales

 

L’affaire « La Linea » met au grand jour le maintien à haut niveau de la corruption. Il s’agit d’un système de contrebande douanière très lucrative, révélée par la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, en avril 2015. La vice-présidente, Roxana Baldetti puis le président Molina sont contraints à la démission, puis 17 autres responsables seront emprisonnés pour avoir détourné 16 millions de dollars au travers de contrats trafiqués avec des organisations publiques, dont la sécurité sociale du Guatemala. Mais cette même Commission affirme que la quasi-totalité des corruptions ne sont pas mises à jour.

Cependant, c’est grâce aux réseaux sociaux que l’affaire de La Linea a permis une mobilisation et de grandes manifestations qui ont conduit à la démission de ces responsables politiques.

 

  • La démocratie demeure incertaine, et en matière de relations internationales le Guatemala tente de diversifier ses partenaires.

Les relations russo-guatemaltèques sont restaurées en 1995 et la Russie occupe aujourd’hui la 3ème place parmi les investisseurs étrangers. Les relations avec le Mexique se sont améliorées depuis la fin de la guerre civile (1996) qui avait vu 80 000 Guatémaltèques s’y réfugier. En 2005, le Guatemala a établi un libre-échange avec Taiwan, qui investit actuellement dans 54 projets. En avril 2013, le Guatemala a reconnu la Palestine, mais en décembre 2017, il a suivi Donald Trump dans sa décision de déplacer à Jérusalem son ambassade en Israël !

Les Droits de l’homme restent peu respectés, particulièrement contre les militants pour les droits des terres. L’accaparement reste fort (barrages hydroélectriques, front pionnier dans le Petén).

 

Une économie fragile (et un pays très pauvre)

 

► L’insertion dans l’économie mondiale, au prix de crises à répétition

 

  • Le modèle de croissance extravertie (exportation de café, de bananes) atteint son apogée avec la 1ère Guerre Mondiale, car les Européens ont besoin de beaucoup de matières premières. Mais cette forte croissance profite avant tout aux compagnies étrangères et aux grandes familles de propriétaires terriens qui emploient une main d’œuvre peu rémunérée et encore proche de l’esclavage. Le partage des richesses est aussi inégal à l’intérieur du pays. Les régions périphériques, où vivent l’essentiel des communautés indiennes, restent privées des fruits de la croissance. Par ailleurs, il est évident que la croissance économique extravertie n’est pas forcément synonyme de développement : elle étouffe les germes du développement industriel.
  • La crise nord-américaine de 1929 plonge toute l’Amérique Latine dans une profonde récession. Elle tentera alors de créer une industrie locale.
  • La crise des années 1970, liée au renchérissement du prix du pétrole va entamer la crise de l’endettement auprès des organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale). Dans les années suivantes, beaucoup de pays tomberont en faillite dont l’Argentine en 2001.
  • Dans les années 1990, la paix est retrouvée et des vagues de privatisation de l’économie sont lancées, envisagées comme un moyen de faire face à l’endettement. Mais il en résulte une concentration encore plus grande des richesses. Le néolibéralisme accroît les inégalités.
  • En 2007, la crise des subprimes qui éclate aux Etats Unis entraîne une autre récession, mais cette fois les autres grandes puissances sont plus touchées que l’Amérique Centrale.

 

  • L’isthme centraméricain tente de se protéger.

 

– En 1994, tous les Etats du continent américain (sauf Cuba) s’unissent dans la ZLEA (zone de libre échange des Amériques). De l’Alaska à la Terre de Feu, tel fut le slogan du panaméricanisme. Il va de pair avec la volonté d’avoir des Etats dirigés par des acteurs issus de la société civile. Le Guatemala est cosignataire, depuis 2004 de l’accord de libre-échange d’Amérique centrale. Depuis 2014, il figure sur la liste française des paradis fiscaux.

Relations avec le Honduras. L’apaisement actuel permet de passer très tranquillement la frontière entre les deux pays…du moins lorsque l’on est touriste

 

– La politique des zones franches commence dès 1948 avec celle installée à Colon, et qui est aujourd’hui l’une des plus importantes du monde après celle de Hong Kong.

 

La carte ci-dessous, fait le point (2005) sur toutes ces zones franches, appelées maquiladores au Mexique, places financières off shore, paradis fiscaux…etc. et qui toutes jouent sur des exemptions d’impôts, des différentiels de salaires et qui permettent de créer des emplois et d’acquérir des savoir-faire.

Le Nouveau Monde Géopolitique des Amériques, P. Gauchon, Y. Gervaise, PUF, 2005

 

► Le poids de l’économie informelle

 

Elle se développe fortement dans les années 1980 et pallie l’incapacité de l’Etat et des marchés à créer des emplois. Elle permet à toute une partie de la population d’intégrer le marché de l’emploi, même si cela suppose une grande « flexibilité » et une grande précarité. Au Guatemala, l’un des pays les plus mal lotis de la région, on estime qu’en 2015, c’est 70 % de la population qui travaille dans le secteur informel.

 

►   Les économies parallèles de la drogue et des gangs

 

Les cartels se livrent une guerre sans merci pour le contrôle des circuits de commercialisation. Le Guatemala est une route incontournable entre les pays producteurs (le Sud) et les pays consommateurs (le Nord). Beaucoup d’argent circule et facilite la corruption.

Deux gangs rivaux sèment aussi la terreur. Ils sont nés aux Etats-Unis, dans les années 80. La Mara Salvatrucha et la Mara 18 sont implantées au Mexique, au Salvador, au Guatemala et au Honduras. Elles sévissent surtout en ville et leurs affrontements font des milliers de morts (4 000 dans le seul premier semestre de 2015).

 

►   Les principales ressources

 

Petit pays de seulement 108 000 km2 (1/5 ème de la France), le Guatemala n’est que la 65 ème puissance économique du monde, mais la première en Amérique Centrale.

  • L’agriculture représente ¼ du PIB et les deux tiers des exportations : de canne à sucre, de bananes, cacao, cardamome et bien sûr, café. Le Guatemala est le 6è producteur mondial de café. Il génère un tiers des devises entrant dans le pays Mais les variations brutales des prix peuvent le déstabiliser.

 

Séchage par épandage du café

 

 

Cacao et chocolat

 

Des sècheresses successives ont aussi touché l’Amérique centrale ces dernières années. Parfois des cyclones s’abattent sur le pays : Mitch en 1998. Parfois encore des séismes le dévastent (encore en 2018).

 

El Fuego crache encore près d’Antigua

 

  • Le tourisme est aussi devenu une importante source d’emplois et de rentrées de devises, équivalentes à celles du café. Le Guatemala attire actuellement 2 millions de touristes par an. Il offre des stations balnéaires, des ports pour les croisiéristes et des lieux culturels liés à l’héritage des Mayas.
  • Les émigrés envoient beaucoup d’argent au pays. Les « remises » dépassent 10 % du PIB.

L’Amérique Centrale fait aujourd’hui figure d’un monde déchu, dans un continent américain qui se porte globalement, nettement mieux. A noter à l’inverse, la crise gravissime qui secoue actuellement le Venezuela

     En 1994, l’ALENA a réuni le Canada, les EU et le Mexique, qui réoriente son avenir vers l’Amérique du Nord.

Par ailleurs, les pays du sud se sont entendus en 1995 pour former le Mercosur et l’ensemble du Cône Sud émerge plus ou moins fermement.

Pauvre Amérique Centrale, qui reste une abstraction selon Henry Kissinger, ou une « expression géographique » ou un espace bien seul, si loin du « Bon Dieu et si près des EU ».

■ Un territoire fragmenté

Le pays est aujourd’hui divisé en 22 départements, de taille très inégale, ce qui s’explique par la fragmentation physique du pays en espaces naturellement attractifs ou répulsifs, et donc très inégalement peuplés. Le cloisonnement de l’espace rendait les communications difficiles ce qui a encouragé les particularismes locaux.

Lorsque les Conquistadores arrivent au XVI ème, on compte 300 000 Indiens, essentiellement installés sur les hautes terres de l’ouest. Mais dès le XVII ème, ils ne seront plus que 70 000. Aujourd’hui on compte 18 millions d’habitants, dont la répartition est l’héritage des siècles passés.

Modèle d’organisation des États centraméricains. Mexique, Golfe, Caraïbes, une méditerranée américaine, F. Carré, A. de Séguin, PUF, 1998

 

 

Le schéma ci-dessus montre 3 types d’espaces : un centre montagneux et deux plaines littorales sur le Pacifique et sur l’Atlantique, d’inégale importance.

 

  • Le littoral Pacifique correspond à une étroite plaine littorale d’environ 50 km de large, longtemps marécageuse et qui vit aujourd’hui d’un système de plantations vouées aux cultures d’exportation, dont la banane.
  • Les hautes terres centrales et méridionales sont les plus peuplées.

L’altiplano (1 500 m d’altitude) est encadré par deux rebords montagneux orientés NO/SE. C’est la région des « tierras templadas », terres tempérées.

Le rebord sud, culmine entre 3 000 et 4 000 m d’altitude. Il est souligné par l’alignement grandiose de 16 cônes volcaniques récents et dont certains sont encore actifs (mars 2018). Ils ont constitué un épais manteau de laves dont sont issus des sols très riches. Les forêts tropicales à feuilles caduques cohabitent avec la culture du maïs.

 

 

San Juan la Laguna sur le lac Atitlan

 

De grands effondrements ont donné naissance à des lacs dont le plus somptueux est le lac Atitlan Au nord, le rebord correspond d’abord à l’affleurement du socle (avec des sols pauvres) puis à l’affleurement de puissantes chaînes calcaires qui culminent à 3 800 m

 

 

Ville de Florès, dans le Petén

 

Puis l’altitude s’abaisse progressivement jusqu’à 200 m et un vaste plateau constitué de calcaire occupe toute la région septentrionale du Petén. Soumis aux alizés du NE, ces régions sont très arrosées.

  • Il en est de même pour la plaine caraïbe, autres « tierras calientes » (terres chaudes), arrosées toute l’année. Le littoral Atlantique fut longtemps répulsif à cause des maladies tropicales. La forêt tropicale à feuilles sempervirentes a longtemps servi de refuge aux populations indiennes insoumises.

 

Végétation sur le Rio Dulce

 

 

► Le territoire offre aussi un puissant contraste villes / campagnes

 

  • Les campagnes guatémaltèques retiennent encore la moitié de la population. L’agriculture occupe 50 % de la population mais ne fournit que le quart des revenus. Ce sont les régions les plus pauvres du pays. Une large partie des communautés indiennes, installées sur les terres hautes, et des petits propriétaires y vivent en semi-autarcie et gardent des pratiques archaïques fondée sur la trilogie maïs/ haricot/ banane. Ils doivent souvent effectuer des migrations saisonnières pour compléter leurs revenus. L’analphabétisme concerne presque 1/3 de la population. Dans la région caraïbe, on a fait appel à de la main d’œuvre noire, longtemps soumise à l’esclavage et qui est dans une situation comparable.

La croissance démographique élevée des années 1960-70 a fait apparaître un surpeuplement des campagnes sur les « minifundio » et le nombre de paysans sans terre a explosé : 450 000 sont devenus métayers. Un front pionnier a été créé dans le nord du Petén pour défricher de nouvelles terres.

A l’inverse, les grands domaines des Ladinos, se sont modernisés et génèrent le plus souvent des revenus confortables. Les Ladinos vivent le plus souvent dans les villes. Ils occupent les fonctions administratives et détiennent les commerces.

  • Peu de villes organisent le territoire guatémaltèque, en dehors de la capitale. Seule la ville de Quezaltenango dépasse 100 000 habitants.

 

Vue panoramique d’Antigua, 1ère capitale

 

 

Les implantations espagnoles des siècles précédents ont suivi les principes de la « loi des Indes » de 1573 qui stipulait que les villes devaient être conçues en damier et centrées sur une plazza mayor ou plazza des armas. Bordée d’arcades, la plazza est entourée de l’église, du palais du gouverneur et d’une caserne. Autour, les maisons sont jointives et à un étage. Cette loi s’inspirait des écrits de Vitruve (De Architectura, en 23 av. J.C.) redécouverts au XVI ème par l’architecte Alberti. Les villes ont dès le départ des fonctions militaires, commerciales, artisanales et missionnaires. Plus tard les fonctions sont dissociées, les missions religieuses étant chargées des objectifs agricoles et d’évangélisation.

– Ciudad de Guatemala, appelée aussi Guatemala City, compte deux millions d’habitants.

Deux fois déplacée en raison de tremblements de terre, elle fut installée en 1773 dans un bassin intramontagnard à 1 500 m d’altitude. Elle est très bien reliée à la plaine bordière du Pacifique, éloignée de quelques dizaines de km seulement. Elle retient 70 % de la capacité industrielle et 90 % du secteur commercial du pays. Elle concentre les flux migratoires internes. Le centre ancien, populaire le jour, est presque désert la nuit. Un quartier d’affaire, s’est élevé à proximité. De nombreuses banlieues se sont étalées, les quartiers résidentiels s’opposant aux multiples quartiers d’habitat spontané.

 

Quartiers pauvres

 

■ Une société décomposée

 

Atlas de l’Amérique latine, Olivier Dabène, Frédéric Louault, Autrement, 2016

 

 

► Une démographie vigoureuse

1800 = 400 000 habitants 1950 = 3,0 M
1850 = 800 000 1995 = 10,6 M
1900 = 1,4 M 2018 = 18 M

 

 

La natalité reste élevée, bien qu’en décroissance. Le pays est pauvre et l’enfant reste un élément de prestige et une main d’œuvre. Les églises restent opposées à la contraception. La structure par âge est encore très jeune.

Le pays reste l’un des plus pauvres du monde. La violence, sous toutes ses formes, y est extrême.

 

► Les migrations

 

Les immigrations sont d’abord le fait des Espagnols, devenus Créoles puis qui se métissent progressivement. Au XIX ème et XX ème de nombreux Européens sont arrivés, après la 1ère GM, puis la 2ème GM. Les plus nombreux sont les Allemands. Si bien qu’en 1940, les Guatémaltèques d’origine européenne (tous pays confondus) représentaient 30 % de la population. Ils forment le groupe des Ladinos.

Les Amérindiens ou Indigènes sont les plus nombreux. Ils procèdent à de grandes migrations internes, essentiellement des campagnes, devenues surpeuplées, vers les villes, dont la capitale. Ils pratiquent aussi des migrations saisonnières vers les plantations ou vers les zones touristiques.

Enfin existent aussi des flux vers l’étranger. L’émigration obéit à des raisons économiques (recherche de travail) et aussi parfois à des causes politiques afin d’échapper aux multiples répressions. On estime que 1 million de Guatémaltèques vivent à l’étranger : au Mexique et surtout aux EU.

► Une société duale

 

  • Les Ladinos représentent aujourd’hui 60 % de la population : 42 % de Métis et 18 % de Blancs d’origine européenne. Ils revendiquent une culture hispanique et rejettent les valeurs indigènes d’origine maya, qu’ils soient citadins ou paysans. Ils parlent espagnol. Ils détiennent tous les pouvoirs. Les latifundio sont aux mains d’environ 10 000 propriétaires et contrôlent 2/3 des terres cultivables.
  • Les Indigènes (ou Amérindiens) descendent soit des groupes mayas, soit des esclaves noirs venus des Antilles. La communauté noire Garifuna vient de l’île Saint Vincent, colonisée par les Britanniques. Ils se sont mélangés avec des Indiens et restent implantés sur la côte caraïbe. Ce sont les Zambos. Partout le Noir est moins considéré que l’Indien, à qui l’on reconnaît une espèce « d’aristocratie et d’antériorité ». Par effet d’enchaînement, l’ascension sociale passe toujours par un « blanchiment » à travers les mariages mixtes. Le préjugé racial, toujours nié, reste une réalité. Les « non Ladinos » concentrent la pauvreté et l’analphabétisme.

 

► La question indienne est ethnique, sociale, agraire

 

Les communautés indiennes parlent 23 langues différentes et peuplent surtout l’altiplano. Depuis la conquête, ils sont victimes d’une sorte d’apartheid de fait, appliqué par les Ladinos. Ils ont participé à la guerre civile qui fut aussi ethnique, pour revendiquer la reconnaissance de leur culture et de leur langue. La répression à leur encontre fut terrible. Ils ont soit trouvé refuge dans des camps de réfugiés à l’étranger, soit l’armée les a installés dans des « hameaux stratégiques », très surveillés, dans le nord du pays, où ils vivent de l’aide alimentaire internationale. Depuis 1985, et c’est nouveau, les identités indiennes se dressent contre le métissage, refusé au nom de l’ethnicité projetée par l’Etat-nation. Ils demandent un système d’éducation biculturel.

 

Le renouveau indigène : porter fièrement le costume traditionnel

 

Le renouveau indigène : porter un costume féminin, ici Kiché

 

Confection de la galette de maïs, incontournable !

 

Repas traditionnel de tamalo et tequila

 

Assiette composée de produits locaux : avocat, crevette et riz

 

En 1985, le principe de multiculturalisme a été constitutionnalisé au Guatemala. Le danger est l’institutionnalisation d’une société à plusieurs vitesses sur une base ethnique, l’État se retirant plus ou moins de la vie publique. La question indienne n’a rien perdu de son actualité.

Un enseignement limité est dispensé en langues mayas, principalement dans les quatre principaux dialectes – quiché, mam, cakchiquel et q’eqchi – mais il se poursuit rarement au-delà des deux premières années du primaire. L’espagnol reste indispensable pour « progresser » dans l’ascenseur social.

 

La condition féminine

 

Elle reste bien rude dans une société à la fois pauvre et très machiste.

 

L’eau courante est encore rare, il faut aller à la rivière.

 

Il faut encore tisser ses vêtements

 

Puis transporter ce qui doit être vendu

 

Parfois un pick-up assure un transport moins fatigant

 

► La dissidence ethnique se double d’une dissidence religieuse

 

Jusqu’au XIX ème, l’Amérique latine est catholique. Les cultes indigènes ne sont pas reconnus. Au mieux, ils survivent dans une sorte de syncrétisme.

 

Église catholique et baroque de La Merced à Antigua

 

Église évangélique

 

Mais les Libéraux du XIX ème, opposés aux Conservateurs catholiques, vont favoriser les Églises protestantes. Elles mêmes seront rapidement supplantées par des « sectes » : pentecôtistes, évangéliques, Témoins de Jéhovah.

Les sectes représentent aujourd’hui 40% de la population, (les catholiques n’en représentent plus que 50%). Ces religions de « l’émotion » utilisent des techniques de communication ultramodernes, de vastes réseaux de solidarité et mettent en avant des systèmes de valeurs très rigoristes. Venues des EU et soutenues par les courants conservateurs, elles sont devenues, grâce à de généreux donateurs, de grandes puissances financières.

Le syncrétisme religieux reste une pratique courante, les saints étant autant vénérés que les dieux chamanistes.

 

Le dieu maïs, encore vénéré puisque nourricier

 

Rituel maya sur le site de Quirigua : des feux circulaires sont allumés. Des chamans et des fidèles viennent invoquer les dieux de la nature pour recevoir leurs bienfaits.

 

 

Rituel maya sur le site d’Iximché : autour du feu on dispose des bougies et des fleurs, des alcools et des plantes hallucinogènes, également.

 

Le cimetière de Chichicastenango est un lieu très prisé, non seulement pour parler avec les morts mais aussi pour faire des offrandes comme les œufs, les boites de coca. Un chaman procède toujours aux offices.

 

Rituel dans le cimetière

 

Adoration de Saint Maximon dans l’église Santo Tomas de Chichicastenango

 

Bel exemple de syncrétisme devant la même église

 

Nous avons partout constaté une ferveur religieuse forte, dans tous les lieux de culte et aussi sur tous les sites antiques du monde maya. Cette ferveur, qui lie le passé au présent assure aussi une identité aux Guatémaltèques, et une identité « indigène », mot qu’ils préfèrent et qui est devenu « politiquement correct » alors que le mot « indien » est devenu péjoratif.

 

Le nouveau Monde Géopolitique des Amériques, P. Gauchon, Y. Gervaise, PUF

 

 

Guatemala rime avec civilisation des Mayas.

Guatemala rime avec diversité des écosystèmes.

Guatemala rime avec ethnicités.

Guatemala rime enfin avec festival de couleurs.

Autant de raisons qui nous ont fait choisir cette destination,

Ce printemps 2019,

 

                       Compte rendu de Maryse Verfaillie, avril 2019

 

Tous les clichés ont été réalisés par Maryse & Bernard Verfaillie

 

 

Les Cafés géo au Guatemala en quelques clichés

 

Ils avaient un bus

 

Ils ont entendu, la nuit, les singes hurleurs, sans trop s’émouvoir

 

La rose de porcelaine les a éblouis

 

En pick-up, ils ont traversé Chichicastenango

 

Ils ont monté des escaliers, encore et encore…

 

Ils ont travaillé la terre

 

Lui, a préféré pétrir l’argile

 

Le groupe a été prié de hurler comme des coyotes, mais en restant zen

 

On a envisagé le repos devant les volcans et le lac Atitlan…

         

… mais cela fut un rêve. Et un poème fut écrit.

        

Enfin, nous n’oublions pas que le voyage a été organisé avec Nathalie Brousse de l’agence Hasamélis. Une dizaine de rencontres avec des associations mayas et des intervenants issus de tous les milieux, nous ont permis de mieux comprendre le Guatemala. Merci à elle.