Compte rendu du Café géopolitique qui s’est tenu au Café de la Mairie, Paris 3e, le 26 novembre 2015
Présentation de l’intervenant :
Adrian Macey est un diplomate néo-zélandais qui bénéficie depuis longtemps de liens étroits avec la France et la culture française. Il est parfaitement francophone, il est titulaire d’une maîtrise de lettres (Université de Tours) et d’une thèse de doctorat sur Diderot. Il a été auditeur à l’ENA (promotion Mendès France). à l’ENA. Il a été ambassadeur de Nouvelle-Zélande en Thaïlande puis, de 2002 à 2006, en France. Il a suivi plusieurs COP et il est actuellement observateur à la COP 21, en tant que chercheur à l’Université de Wellington.
Le café sera articulé en deux points :
- Les fondements géopolitiques de la Nouvelle-Zélande (environnement, histoire, etc.)
- Un point de vue sur les négociations climatiques autour de la COP 21.
La Nouvelle Zélande sur la carte
- Sur nos cartes européennes, la Nouvelle-Zélande est ordinairement placée dans un coin, en bas et à droite.
- Les cartes locales centrées sur la Nouvelle Zélande la montrent dans un immense environnement maritime.
Les idées qui dominent sont donc l’isolement et la domination de l’océan. Ces deux éléments jouent un rôle constant à travers l’histoire de la Nouvelle-Zélande.
La Nouvelle Zélande couvre 270.000 km2, soit la moitié de la France. Elle est peuplée de 4.589.000 habitants en 2015.
L’identité polynésienne ou maorie
Cette identité polynésienne reste encore en partie occultée bien que la Nouvelle-Zélande ait aussi un nom maori, Aokaroa ou Pays du Long Nuage Blanc.
Il faut bien avoir en tête qu’un siècle après la construction de Notre-Dame de Paris, il n’y avait toujours pas d’habitant en Nouvelle-Zélande ! C’est un pays de peuplement très récent.
Les premiers habitants de la Nouvelle-Zélande sont venus de Polynésie en pirogue, d’où sont partis les grandes expéditions de peuplement dès 1250. Leur langue appartient à la famille des langues malayo-polynésiennes ( Hawaï, Polynésie française).
Ces Maoris apportaient avec eux des techniques agricoles : ils cultivaient le taro, l’igname, la patate douce. Mais si ces cultures d’origine tropicale convenaient à l’île du Nord, elles ne convenaient pas à l’île du Sud de climat plus froid. L’île du Sud fut donc seulement pour eux un terrain de chasse. Les Européens introduisirent les plantes tempérées et les animaux domestiques (Cook, le porc et la pomme de terre). Les Maoris ne connaissaient pas les métaux.
Il y avait donc des habitants avant l’arrivée du navigateur et explorateur Abel Tasman, originaire des Pays Bas, qui « découvrit » en 1642 la Nouvelle-Zélande et la Tasmanie, avant Cook qui en1769 reconnut la totalité de l’archipel .
La Nouvelle-Zélande est donc un pays d’immigrants relativement récents, sans peuple autochtone, à la réelle différence avec les aborigènes d’Australie, qui y vivent depuis des milliers d’années.
Les Maoris n’avaient pas de perception d’Etat ou de Nation, mais fonctionnaient en tribus, qui luttaient les unes contre les autres. Ils avaient cependant une perception très vive de leur identité.
Les premiers Européens à rentrer en contact avec les Maoris furent des chasseurs de baleine, puis, après 1787 des « convicts » échappés d’Australie. C’est seulement dans la première moitié du XIXe siècle que les Britanniques interviennent de manière systématique, pour éviter des tentatives de colonisation par d’autres Européens (Français). Les conflits avec les Maoris sont résolus par le traité de Waitangi en 1840, aux termes duquel les Maoris acceptent d’être sujets de la couronne britannique en échange de la garantie de la propriété de leurs terres. Toutefois des conflits se développent à ce propos.
La traduction du terme « souveraineté » en maori ne correspondait pas au sens anglais. Il demeure, encore aujourd’hui, des séquelles de ce problème de compréhension.
Au XIXe siècle la population maorie s’est mise à diminuer (raisons médicales, manque de terres) Mais la situation démographique s’est beaucoup améliorée et les Maoris représentent aujourd’hui 18% de la population totale. Leur pourcentage est plus élevé dans l’île du Nord, beaucoup moins dans l’île du Sud. La langue maorie est enseignée dans des écoles primaires et quelques écoles secondaires. Elle a le statut de langue officielle au même titre que l’anglais.
L’influence Britannique :
La Nouvelle-Zélande appartient à l’Empire britannique, et de ce fait les Néo-Zélandais ont les droits et les devoirs de la citoyenneté britannique. Durant les deux guerres mondiales, des troupes sont ainsi envoyées en Europe pour combattre aux côtés du Royaume-Uni. Toutefois, seuls les Maoris volontaires sont incorporés.
La ville française du Quesnoy (Nord) a, par exemple, conservé des liens étroits avec la Nouvelle-Zélande depuis la libération de la ville par les troupes néo-Zélandaises, le 4 novembre 1918. Notre conférencier, Adrian Macey, a même une rue à son nom au Quesnoy.
Il y a eu un affranchissement progressif de la tutelle britannique, qui se poursuit encore aujourd’hui, dans tous les domaines. Pendant plus d’un siècle, 70 % des exportations agricoles se faisaient exclusivement vers la Grande-Bretagne, alors qu’aujourd’hui cette proportion représente moins de 5%.
Sur le plan politique, la guerre des Malouines menée par la Grande –Bretagne contre l’Argentine pour la possession des Malouines ou Falkland en 1982 est le dernier en date des actes d’allégeance à la couronne britannique : la Nouvelle-Zélande expulse l’ambassadeur d’Argentine, alors que la Nouvelle-Zélande est totalement étrangère au conflit, (méconnaissance de l’île et des enjeux),
L’influence Européenne :
C’est une identité de circonstance et un partage de valeurs. Ce fut une aide quand la Grande-Bretagne entre dans le Marché Commun et notamment pour le maintien de l’accès au marché (exemple du beurre). Des négociations sont en cours pour un accord de libre-échange avec l’Union Européenne, et c’est l’UE qui évoque des valeurs communes et partagées
L’influence Pacifique/Océanie :
Dès les années 70, la Nouvelle-Zélande a voulu se revendiquer comme un pays du Pacifique. Le pays s’est rapproché des états insulaires. Il a mené campagne contre les essais nucléaires atmosphériques(en particulier français)
Les exportations se font surtout en direction de la Chine. Il est clair aujourd’hui que la Nouvelle-Zélande fait partie de la zone économique asiatique.
Il y a également une forte immigration, notamment chinoise, vers la Nouvelle-Zélande et particulièrement Auckland (20%). Ainsi, en 2020, le nombre d’Asiatiques devrait dépasser le nombre de Maoris en Nouvelle-Zélande..
Les années 80 : une décennie charnière
=> 1er choc – période mouvementée dans les années 80-90 :
Politique anti-nucléaire, rupture avec les USA quand ces derniers refusent d’indiquer si oui ou non un navire dispose d’armes nucléaires à son bord.
=> 2ème choc -1985 :
Le bateau Rainbow Warrior coule; le capitaine Royal, frère de Ségolène , faisant partie de l’opération.
Margaret Thatcher ne réagit pas, la Nouvelle-Zélande se sent bien seule.
Des facteurs non géographiques de l’identité néo-zélandaise :
→ le sport avec le Rugby
→ des réformes très en avance sur leur temps ont été menées depuis longtemps. C’est par exemple le premier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes (en 1893) D’autres réformes ont été entreprises très tôt en matière de protection des travailleurs, de libéralisation de l’économie, ou encore de protection de l’environnement, etc. La protection environnementale est un enjeu important grâce à la sensibilité maorie
La Nouvelle-Zélande est un pays à deux cultures. Les Maoris sont désormais sur un pied d’égalité avec l’héritage britannique. Par exemple, la langue maorie qui avait disparu, renaît. C’est une avancée pratique, pragmatique, et sans idéologie, bien que beaucoup de chemin reste encore à faire.
Le nouveau drapeau : identité ou logo commercial ?
Aujourd’hui, le Premier Ministre voudrait changer le drapeau qui est celui de l’Union Jack sur fond bleu. On peut supposer que les Maoris n’y trouvent pas leur compte. Un comité a été nommé, afin de dessiner le nouveau drapeau. Mais ce comité ne rassemble pas de spécialistes du design ni de la sémiologie des drapeaux. On a l’impression de la recherche d’un logo commercial. Cette recherche ne donne pas lieu à débat philosophique ou politique, les jeunes ne se sont pas emparés de ce moment d’élaboration d’un drapeau. Une réunion publique à Auckland a vu seulement 15 personnes se présenter.
Un référendum à deux tours va être organisé pour désigner un nouveau drapeau, parmi les cinq proposés. Le premier tour permettra de choisir un drapeau parmi les cinq nouveaux, et le second tour permettra de décider entre le nouveau ou l’ancien. Le coût de ces procédures s’élève à 26 millions de dollars.
Les questions de la salle :
Question : Comparaison avec l’Australie et séparation des Aborigènes ?
Il y a une forte mixité en Nouvelle-Zélande. Les personnes qui se disent Maoris ont souvent qu’1/8ème de sang, maori, mais cela procure tout de même des avantages. Il y a beaucoup de métissage en comparaison avec l’Australie.
Question : Quelle place pour la langue maorie ?
Elle est devenue une langue officielle, elle est enseignée à l’école, mais disparaît toutefois en tant que langue maternelle. C’est une langue reconnue par le Tribunal maori.
Il y a deux chaînes de télévision en maori, et c’est une langue également reconnue dans la littérature.
Question : Est-ce qu’il y a eu des quotas dans l’administration ?
La Nouvelle-Zélande reste très attachée à l’égalité, donc il n’y a pas de quotas. Il y a beaucoup de diversité dans les délégations néo-zélandaises. Mais les Maoris sont tout de même surreprésentés dans les prisons et dans les indices de pauvreté.
Question : Quelles relations avec la France ?
Il y a une très bonne coopération dans le Pacifique Sud, notamment pour la surveillance des zones de pêches ou les sauvetages. La France reste le seul grand pays à entretenir autant de relations avec la Nouvelle-Zélande dans la région, la Grande Bretagne s’en détachant largement.
Les enjeux de la COP 21
En quelques mots :
« Un problème politique diabolique », Ross GARNAULT (australien). C’est, en effet une question fondamentale tant sur le plan économique, agricole, environnemental, que sur les questions liées aux transports, la population, etc.
« Tout ce qui est nécessaire est simple », Mikhaïl Kalachnikov (l‘inventeur du fusil automatique qui porte son nom)
Il faut donc transposer de manière simple ces éléments complexes. L’idée qui en ressort est simple : il faut arrêter d’émettre du CO2.
Simplifier : Le CO2 reste 100 à 200 ans dans l’atmosphère, et s’accumule au fil des années d’où la nécessité de faire le choix des 2°C comme valeur-limite.
Ainsi, même si les pays de l’OCDE « riches » limitent ou arrêtent leurs émissions, il reste de très nombreuses émissions, car il y a parallèlement une progression des autres pays dont les taux grimpent. C’est là l’enjeu de la COP 21, il faut aboutir à un accord contraignant également pour les pays émergents.
Les questions de la salle :
Question : Comment envisager la COP 21 après les déclarations de la Chine refusant un accord contraignant ?
Le protocole de Kyoto était contraignant juridiquement, mais il n’a pas fonctionné. Ce qui compte vraiment est désormais « l’image» (même pour la Chine !), au-delà de la contrainte des accords. Les Américains ne voulaient pas signer à l’époque par peur de la concurrence. Le problème du double discours de la Chine à Copenhague (tweet d’un journaliste du Guardian également accrédité) risque de peser, elle a dû lutter diplomatiquement pour convaincre !
Adrian Macey semble optimiste sur les négociations et propose quatre éléments clefs pour cet accord :
- Les accords de Paris devront être juridiquement contraignants
- Les contributions (engagements) sont mises sur la table par chaque pays (environ 150 Etats, représentant 90 % des émissions)
- Le « package » avec ses exigences légitimes (ambition pour 2020, finances, adaptation et technologie, etc.) s’alourdit de négociations en négociations, mais ces exigences sont utilisées comme monnaie d’échange. Cela rend les négociations difficiles.
- Le programme de travail : on doit inventer de nouvelles règles. Cet accord nécessitera des adaptations, des approfondissements.
Question : Est-ce qu’il s’agit d’entériner des décisions déjà prises ou de vraies réflexions ?
Sans crise, il n’y a pas d’accord ! En effet, il faut que la crise (à mi-parcours) ait lieu pour que des négociations soient engagées.
En comparaison avec les autres négociations, celles liées aux questions climatiques sont les pires !
Il y a une ambigüité constructive, afin de se mettre d’accord sur les derniers mots .Le président descend du podium et cela est réglé sur place.
La France a, jusqu’ici, fait un parcours sans fautes. Il y a une très bonne coordination avec le Président précédent.
Une place importante est accordée aux grandes agglomérations et au secteur privé. En effet, c’est très important pour réussir la transition énergétique, environ 80 % des investissements viennent du secteur privé.
Question : La Nouvelle-Zélande est-elle vertueuse ou non en matière d’écologie ?
« Ca dépend ! » Même si le slogan est « 100 % pur », du retard a été pris. Il y a une conscience importante de l’environnement. La superficie des parcs nationaux est similaire à la superficie de la Suisse ! L’objectif d’ici 2 ans est d’avoir passé le cap de la transition énergétique, 80 % d’énergie renouvelable pour l’électricité. Les transports représentent un problème, ils vont devoir s’électrifier.
Question : Est-ce que les attentats de Paris peuvent avoir un impact sur les décisions qui seront prises ?
Oui, il y a un précédent (cycle de Doha, OMC). Il n’est pas possible de laisser une telle conférence échouer.
« On ne vient pas dans les cafés pour recevoir notre dose de théories. Il s’agit de recueillir une expérience, qui plus est avec humour. Un grand merci ! »
Compte rendu rédigé par Floriane, Hugo, Mathilde, Maelly et Amandine pour lescafesgeopolo@gmail.com, relu par Adrian Macey et Michel Sivignon, décembre 2015