L’Afrique : un continent émergent ?

Café géographique de Paris, Mardi 30 janvier 2018
Café de Flore, Paris

Intervenants : Alain Dubresson, Géraud Magrin, Olivier Ninot
Animatrice : Elisabeth Bonnet-Pineau

Après une présentation des trois intervenants, tous géographes spécialistes de l’Afrique et auteurs d’un excellent Atlas de l’Afrique paru aux éditions Autrement en 2016, l’animatrice (EBP) lance le débat en pointant les changements accélérés et d’une ampleur inégalée du continent africain qui sont porteurs autant d’opportunités que de défis.

Propos liminaires sur les thèmes généraux du développement et de l’émergence (Géraud Magrin)

L’atlas qui sert de base à ce café géo n’est ni tout à fait descriptif, ni exhaustif : c’est un atlas à thèmes et à thèse (voire à hypothèses). Le choix éditorial d’aborder l’Afrique dans son ensemble est conforté par la progression des logiques d’intégration, notamment de part et d’autre du Sahara, et par l’existence de nombreuses statistiques à l’échelle du continent dans sa globalité. Cela étant, il faut souligner la diversité, notamment politique, de l’Afrique (54 Etats), ce qui a des implications considérables.

Une des thèses de l’atlas est la diversification croissante des situations au sein de ce continent, tant à l’échelle des pays que des territoires à d’autres échelles. Cette diversification doit être interprétée en écho au sous-titre de l’atlas, « un continent émergent ? ». Le plus important, c’est peut-être le point d’interrogation qui ponctue ce sous-titre.

L’Afrique suscite beaucoup de clichés, certains alimentés par les nombreux manques (routes, argent, etc.) et les grandes peurs occidentales (épidémies, conflits, terrorisme, migrations internationales), d’autres, au contraire, liés à des taux de croissance économique élevés dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période récente (2000-2014), qui laissent penser que le continent est la dernière frontière de la mondialisation grâce à ses ressources naturelles abondantes et à la croissance rapide de sa population. La thématique de l’émergence apparaît ici avec, notamment, l’émergence des marchés intérieurs africains.

Le choix de l’atlas a été de mettre l’accent sur le lien entre les transformations de différentes natures (démographique, économique, environnementale, politique). C’est donc un atlas du développement et de l’intégration à la mondialisation du continent africain. Les prémices de changements profonds en Afrique semblent se traduire en ce moment par une diversification des trajectoires nationales de développement sur ce continent. Sur le temps long, depuis la première mondialisation (XVIème siècle), l’Afrique s’est intégrée dans la mondialisation en exportant d’abord des hommes (traite esclavagiste), puis des matières premières brutes, au bénéfice d’un certain nombre d’acteurs extérieurs et d’acteurs politiques africains et au détriment de la majorité de la population. Le retard de développement de l’Afrique est le produit de cette histoire. Il paraît assez évident, eu égard aux indices internationaux.

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Itinéraires des réfugiés de la Première Guerre mondiale. Rencontre avec Claudie Lefrère-Chantre  

Conférence-débat du 18 novembre 2017 à l’Institut de Géographie de Paris avec Claudie Lefrère-Chantre autour de son livre Emilienne, 1917. Itinéraire d’une jeune Française réfugiée de la Première guerre mondiale, paru en 2017 aux Editions Fauves.

Samedi 18 novembre 2017, de 10h à 12h30. Le nouvel amphi de l’Institut de Géographie fait pratiquement  salle comble pour accueillir « Emilienne 1917 » et son auteur Claudie Lefrère-Chantre.

Les extraits du livre « Emilienne 1917 » seront cités entre guillemets ; les extraits du journal d’Emilienne, eux, seront cités en italiques et dans leur orthographe d’origine. Cet entretien a été accompagné de documents projetés (cartes, photos, textes.) Les questions et témoignages de la salle  ont enrichi cette rencontre.

Après avoir replacé cette rencontre  dans le cadre du Centenaire de la Première Guerre mondiale, Daniel Oster invite Claudie Lefrère-Chantre à présenter son sujet.

CLC : C’est un livre qui rend hommage aux deux millions de civils français qui ont vécu un déplacement entre 1914 et 1918. L’entretien s’appuiera  sur l’ouvrage « Emilienne 1917 »  et accordera donc un développement majeur à l’histoire des rapatriés. Les rapatriés sont une des trois catégories de réfugiés avec les évacués (ceux à qui l’armée française a donné l’ordre de partir) et les réfugiés au sens propre du terme (ceux qui sont partis de leur plein gré.) A la différence des deux autres groupes, les rapatriés ont subi l’occupation allemande dans leurs propres villes ou villages avant de vivre le périple qui leur permettait de gagner la France non occupée. Cette mise en mouvement concerne surtout des femmes, des enfants et des adolescents (l’utilisation de ce terme « adolescent » est anachronique pour l’époque du récit.) J’ai accordé une réflexion particulière à cette tranche d’âge d’autant plus qu’Emilienne en fait partie. J’ai cherché à reconstituer l’histoire collective des 500 000 rapatriés, en utilisant le fil conducteur d’une histoire personnelle : celle d’une jeune fille de 15 ans.

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Les noms de lieux de la France

Café géographique de Paris, Mardi 28 novembre 2017
Café de Flore, Paris

Intervenant : Roger Brunet.
Modérateur : Daniel Oster

Roger Brunet, l’un des meilleurs géographes français, a consacré ses travaux aux formes, à la production et à l’aménagement des territoires et des paysages par les sociétés humaines, aux régions de France, au vocabulaire scientifique et aux noms de lieux, aux cartes et aux atlas. Son dernier livre, Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France (CNRS Editions, 2016), sert de support à ce café géographique. Autrement que par la lecture traditionnelle des toponymes proposée par les linguistes, R. Brunet a choisi de partir des lieux et non des langues. Cela nous donne une synthèse très riche et soucieuse de mettre en avant les exigences des sociétés humaines sur leurs territoires.

DO: Pouvez-vous nous éclairer sur le traitement géographique de l’étude toponymique, ce qui n’a pas été simple, je suppose, car vous avez dû surmonter un certain nombre de difficultés pour réaliser une telle synthèse ?

RB : Nous géographes, nous avons affaire à des lieux et à des contrées, ces lieux et ces contrées ont des noms, il est donc tout à fait naturel que nous nous intéressions à ces noms. Jusqu’ici ça n’a pas été fait de façon très systématique. Mais ayant déjà travaillé sur les mots de la géographie (cf Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Reclus-La Documentation Française, première édition en 1992), en ayant même créé quelques-uns au passage (allusion notamment à chorème, terme proposé en 1980), j’ai souhaité m’intéresser aux noms propres, donc aux noms de lieux et de contrées.

Il fallait d’abord défricher le sujet, c’est-à-dire aborder la littérature existante qui appartient essentiellement aux linguistes. Cela m’a permis de faire deux découvertes. D’une part, les linguistes qui ont travaillé sur les noms de lieux ont beaucoup de science et encore plus… d’imagination ; il est très rare qu’ils aient des certitudes. En règle générale, les noms de lieux n’ont pas d’acte de naissance et il n’y a pas de sources directes (penser aux relevés de scribes des VIIIe et IXe siècles qui écrivaient ce qu’ils entendaient et comme ils l’entendaient, avec des changements d’un siècle à l’autre). C’est la première difficulté. D’autre part, la plupart des langues utilisées sur le territoire français sont de la famille indo-européenne et les racines pour décrire un objet précis (montagne, rivière, etc.) ont donc toutes les chances d’être les mêmes. En outre, les noms sont déformés par l’usage, il y a aussi beaucoup d’homonymes, sans oublier qu’il est souvent difficile de savoir si l’on a affaire à un nom de personne ou à un nom commun. Ajoutons le fait que les linguistes (comme les géographes ou d’autres spécialistes) ont leurs écoles, leurs querelles et leurs évolutions. Ainsi ils ont longtemps pensé que la plupart des noms de lieux venaient de noms de personnes. Il y avait aussi des préférences culturelles : les auteurs germaniques du XIXe siècle alléguaient qu’une grande partie toponymie française était d’origine germanique, d’autres auteurs penchaient plutôt pour le celte, etc., en oubliant l’héritage des langues plus anciennes inconnues. Au total, beaucoup d’éléments d’incertitude…D’où ma conviction de pouvoir apporter quelque chose en tant que géographe, aux côtés des linguistes.

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Un voyage en Pologne (juin 2017)

Un voyage du 10 au 18 juin 2017 préparé par Daniel Oster pour l’association « Les Cafés géographiques » et réalisé par l’agence de voyages Arts et Vie.

 Un groupe de 18 adhérents des Cafés Géographiques a séjourné durant 9 jours (10-18 juin 2017) en Pologne pour découvrir ou approfondir plusieurs facettes d’un grand pays européen, pourtant méconnu. Un guide national et différents guides locaux ont servi d’intermédiaires éclairés entre ce pays et les participants selon un itinéraire Sud-Nord. De nombreuses visites et des rencontres ont permis d’approcher quelques-uns des fondements et des caractéristiques du pays et de sa société.

L’axe de la Vistule

Le voyage a été organisé selon un axe méridien et quelques pôles. Le plus grand fleuve du pays (1047 km), la Vistule, qui occupe une position centrale dans le territoire polonais, a servi d’axe directeur le long duquel quelques-unes des plus grandes villes polonaises (Cracovie, Varsovie, Torun et Gdansk) ont formé les quatre grands pôles du voyage.

L’itinéraire suivi a permis de découvrir une succession de paysages depuis le plateau de la Petite-Pologne au Sud à la plaine côtière de la Baltique au Nord en passant par la grande plaine centrale. Les paysages, souvent monotones et constitués essentiellement de basses terres, sont une composante de la grande plaine européenne (le mot pole signifie « plaine » et « champ » en polonais). Des aperçus en train et en bus ont donné une idée de ces paysages mais le principal champ d’exploration géographique a été principalement urbain, et cela dès la sortie de l’aéroport de Cracovie avec une courte excursion à Nowa Huta, ville nouvelle construite en 1949 dans la banlieue est de Cracovie selon un modèle urbain communiste. Une visite instructive sur l’architecture du « socialisme réel » qui a primé dans la Pologne des années 1945-1989 et dont on voit partout l’importance urbanistique en dehors des centres historiques.

Paysage de la plaine polonaise entre Varsovie et Torun (Cliché Daniel Oster, juin 2017)

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Jérusalem et ses frontières

Compte rendu du Café géo du 25 avril 2017 au Café de Flore (Paris)
Intervenant : Emmanuel Ruben

Modérateur : Daniel Oster

Emmanuel Ruben, normalien, est géographe de formation, mais après une courte période d’enseignement en banlieue parisienne, il décide de se consacrer à une œuvre littéraire ainsi qu’à un travail de dessinateur et d’aquarelliste. Obsédé par le thème des frontières, il a vécu dans un certain nombre de villes-frontières comme Istanbul, Riga, Kiev et Novi Sad. Et il a séjourné deux fois à Jérusalem en 2010 et 2014. De cette expérience il a tiré un ouvrage Jérusalem terrestre (Editions Inculte, 2015), support privilégié de ce Café géo.

Comment votre rapport à la géographie a-t-il évolué à travers vos livres ? Comment expliquer le choix de Yalta dans votre premier roman, Halte à Yalta (2010) ?

E. Ruben rappelle le caractère mythique du lieu où aurait été décidé le partage de l’Europe, sujet correspondant à son intérêt pour les frontières. Il rappelle que Khrouchtchev a fait « cadeau » de la Crimée à l’Ukraine en 1954. Pour un géographe romancier, il est aussi intéressant de rappeler l’espoir déçu de Julien Gracq qui voulait faire une thèse de géomorphologie sur la Crimée.

 Dans La ligne des glaces, roman publié en 2014, vous écrivez une sorte de fable géopoétique sur l’infini des frontières, située dans un archipel de la Baltique. Le héros doit en cartographier la frontière maritime. Quel est le rapport entre géographie et fiction ?

Le pays imaginaire (« La Grande Baronnie ») est une synthèse des trois pays baltes. Il représente un futur dystopique de ce que pourrait devenir l’Union européenne dans un contexte de confrontation à la Russie.

Et dans Icecolor (2014) ?

Dans ce texte consacré à l’artiste danois Per Kirkeby, peintre et géologue de formation, E. Ruben a voulu montrer que, dans sa tentative de déchiffrage géopoétique du Grand Nord, il faisait des tableaux stratigraphiques.

Dans Les ruines de la carte (2015), quelle relation explorez-vous entre le pouvoir imaginaire des cartes et la fiction ?

La fascination d’E. Ruben pour les cartes trouve un écho dans sa passion pour des peintres ou des écrivains.

Le livre part d’une réflexion sur la carte représentée au fond du tableau de Vermeer L’art de la peinture. Il y élabore une théorie qu’on peut rapprocher de celle de Borges dans L’art de la cartographie. Le Gréco a aussi suscité son intérêt avec Vue et plan de Tolède (1610-1614) où le peintre juxtapose carte et paysage.

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Le populisme, la géographie et la littérature

Nigel Farage, Marine Le Pen, Donald Trump, Vladimir Poutine
Photos de John Thys AFP, Geoffroy Van der Hassel/AFP, George Frey/Getty Images/AFP

Le populisme avance à marche forcée dans l’Occident développé, y compris sur des terres que l’on pensait allergiques aux discours des Le Pen, Trump et consorts. A la fois symptôme d’une détresse réelle et expression d’une illusion, il répond de façon simpliste et perverse aux difficultés des démocraties occidentales installées parfois depuis très longtemps en France, en Europe, aux États-Unis. Certains « experts » proclament déjà avec assurance que le XXe siècle a été le siècle des totalitarismes et que le XXIe siècle sera celui des populismes. Pourtant, il est encore temps de comprendre et de faire comprendre la nature profonde de ce phénomène politique qui assure vouloir sauver… la démocratie et les droits sociaux ! Dire la vérité en usant de raison et de pédagogie n’est-il pas le meilleur moyen de dissiper les artifices des faux-semblants populistes et ainsi dévoiler la réalité qui seule devrait déterminer les positionnements citoyens ?

Le populisme contemporain dans l’Occident développé

D’abord, tenter d’y voir clair dans l’émergence et la caractérisation du populisme en exploitant les travaux des historiens et des politistes. Concept vague et mouvant, le populisme a pris au cours de son histoire différents visages qui ont en commun l’exaltation du peuple. On ne s’attardera pas sur les premiers populismes apparus à la fin du XIXe siècle en Russie, en France et aux États-Unis. On se limitera à interroger le populisme contemporain des sociétés prospères d’Europe et d’Amérique du Nord, celui qui est incontestablement corrélé au dernier avatar de la mondialisation depuis les années 1980 et en plein essor depuis la crise de 2008.

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De l’utilité de la géographie pour comprendre le nouveau monde

Les victoires électorales de Donald Trump et du Brexit en 2016 annoncent-elles la fin de la mondialisation ? (Source : lesechos.fr)

L’année 2016 a enregistré des résultats électoraux inattendus dans plusieurs grands pays développés dont les plus retentissants sont l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et la victoire du Brexit au Royaume-Uni. Parallèlement, plusieurs ouvrages récents annoncent ou espèrent la fin de la mondialisation comme ceux de François Lenglet, Jacques Sapir et Arnaud Montebourg[1]. De son côté le journal Le Monde a cherché à y voir clair en publiant une riche enquête sur la mondialisation (6 articles) en juillet 2016. L’éditorial du même journal publié le 14 novembre 2016 préfère dénoncer le fantasme de la « démondialisation ». Toujours est-il que les réalités du monde contemporain changent vite, surtout depuis la crise financière de 2008-2009. Un « nouveau monde »[2] se met-il en place ? D’une manière plus précise, l’hebdomadaire Le un titre son numéro 136 du 4 janvier 2017 Vers la fin du monde démondialisé ? Dans ce numéro passionnant un géographe, Michel Foucher, pense que « la démondialisation qui s’amorce est en réalité une désoccidentalisation de la mondialisation » tandis que l’écrivain Erik Orsenna prescrit « la géographie comme remède au simplisme politique et aux folies mercantiles ».

Quatre cycles de mondialisation selon Michel Foucher

Pour notre part nous avons publié ici même deux articles cherchant à faire une synthèse de la mondialisation contemporaine (http://cafe-geo.net/la-mondialisation-contemporaine-12/ ; http://cafe-geo.net/la-mondialisation-contemporaine-22/). Nous conseillons également la lecture du petit livre concret et rigoureux de Romain Leclerc Sociologie de la mondialisation paru en 2013 dans la collection Repères des éditions de La Découverte. Une autre lecture intéressante : le numéro 364 de janvier 2017 actuellement en kiosque de la revue Alternatives économiques avec pour titre La fin de la mondialisation ?[3]

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France, un voyage

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Hervé Tardy, Jean-Louis Tissier,  France, un voyage, Editions de La Martinière, 311 p, 2016

Cet ouvrage n’est pas seulement un « beau livre » comme il y en a tant qui paraissent à l’approche de Noël. Trois raisons principales permettent de le distinguer au sein de cettecatégorie : la qualité et l’originalité des photographies, l’intérêt des commentaires appartenant à deux registres différents, la présentation géographique à la fois « classique » et stimulante de la France. Cela fait beaucoup d’atouts d’autant plus que ceux-ci sont mis en valeur par une composition très réussie et une rare qualité d’écriture.

D’abord, l’objet lui-même auquel les Editions de La Martinière ont apporté un soin tout particulier avec son format 24×28,5 judicieusement choisi et ses photographies occupant souvent une pleine double page. Incontestablement nous avons entre les mains un bel objet qui se laisse admirer avec ce qu’il faut de séduction et…de pertinence. Mais la grande réussite du livre tient également (surtout ?) à l’originalité des prises de vue permises par l’autogire à bord duquel le photographe s’est installé pour survoler la France. Si l’autogire est une machine volante de création relativement ancienne (premier vol officiel en 1923), il reste encore peu connu même s’il connaît actuellement un certain succès dû à sa grande maniabilité, ses progrès techniques et sa faible consommation en carburant. Et s’il n’autorise pas le vol stationnaire, contrairement à l’hélicoptère, l’engin porté par un rotor et poussé par une hélice permet de photographier à faible altitude en « survolant les lieux sans les dominer ». A partir de 2008, pendant 600 heures de vol, le photographe Hervé Tardy a entrepris une « chasse constante », toujours en embuscade, à la recherche des combinaisons visuelles révélant l’infinie diversité de la France, ce qui nous vaut cette magnifique collection de 161 images.

Un classement en 7 grandes régions

A la suite de la table des matières placée au début de l’ouvrage, une carte de France localise les 131 lieux survolés durant  le « voyage ». Si les littoraux représentent la part belle de ces lieux, l’essaimage de ceux-ci à travers le territoire national  donne à voir un échantillon représentatif de la diversité de notre pays, à la réserve près que le monde urbain n’a été qu’effleuré, sans doute pour des raisons liées à l’autogire qui ne permet pas de photographier à une altitude suffisante seule capable de rendre compte de l’organisation de l’espace urbain. Ainsi, la partie consacrée à l’Ile-de-France apparaît comme le parent pauvre du livre tout en permettant d’achever la présentation de toutes les régions françaises (métropolitaines). C’est donc une géographie partielle de la France qui est proposée avec un regard sensible accordé aux paysages sans oublier les hommes qui habitent ces lieux. L’éditeur a tout à fait raison de souligner le penchant d’Hervé Tardy pour « une photographie à tendance humaniste ».

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Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France

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Roger Brunet, Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France, CNRS Editions, 2016, 656 p., 39 €.

 

Beaucoup en rêvaient, Roger Brunet l’a fait, et de quelle manière ! Un ouvrage remarquable qui abandonne la lecture traditionnelle des toponymes (noms de lieux) proposée par les linguistes pour partir cette fois-ci des lieux et non des langues. Avec Roger Brunet c’est le regard du géographe qui interroge « les pratiques topiques des groupes humains »[1]. Le livre sera à coup sûr un ouvrage de référence que les amateurs et même les professionnels de la géographie de la France ne manqueront pas d’utiliser, mais d’autres lecteurs savoureront avec gourmandise tel ou tel passage pour assouvir leur curiosité sur les liens que les hommes ont tissés avec leur environnement depuis des millénaires. L’analyse de quelque vingt-cinq mille noms ou familles de noms de lieux forme un voyage passionnant dans la toponymie française qui réussit à conjuguer les apports les plus récents de la recherche linguistique et les préoccupations du géographe soucieux de mettre en avant les exigences des sociétés humaines sur leurs territoires.

« Ayant déjà eu l’occasion de réfléchir à la formation et à l’organisation des territoires, de leurs lieux et des réseaux qui les lient ou les séparent (…), il m’était apparu que, pour durer un tant soit peu, toute société humaine avait à répondre, sur le territoire, à quelques exigences et problèmes fondamentaux : s’abriter, connaître son terrain et en tirer parti pour s’alimenter, se vêtir, de défendre, circuler et échanger, organiser une vie sociale quelque peu durable, marquer ses limites et éventuellement s’étendre. »[2] 

Un plan de géographe

Une des qualités essentielles de l’ouvrage réside incontestablement dans son plan bâti à partir des lieux, et plus précisément des perceptions de nos ancêtres sur leurs horizons familiers en qui ils ont vu des ressources à exploiter, des points clés à prendre ou à redouter, des étendues amies ou hostiles, des contraintes et des libertés, des dangers, de l’étrange, etc.

Les six premiers chapitres découlent de cet objectif : 1-Habiter et s’abriter; 2-Pays et chemins : le territoire et ses réseaux; 3-La vie sociale et ses distinctions; 4-Terrains de jeu; 5-Eaux, bords d’eaux et météores; 6-Paysages, ressources et travaux.

Un septième chapitre montre que les noms de lieux, d’origine ancienne pour leur très grande majorité (antérieure au XVe siècle) sont malgré tout vivants : « ils se diffusent autour de foyers, se copient, se changent, certains même ont pu être transférés au loin par quelque seigneur, croisé ou pèlerin. »[3] Beaucoup de noms ont changé au cours de l’histoire, certains même plusieurs fois, quelques-uns changent encore de nos jours.

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A la rencontre d’Alexandre Yersin, l’homme qui a vaincu la peste

Samedi 15 octobre 2016, la salle du nouvel amphi de l’Institut de Géographie à Paris est bien remplie pour la rencontre-débat organisée autour de la figure d’Alexandre Yersin, l’homme qui a vaincu  la peste. Deux intervenants ont été invités pour cette occasion : Stéphane Kleeb, réalisateur suisse du film documentaire Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger (2014) et Annick Perrot, auteur avec Maxime Schwartz, de Pasteur et ses lieutenants (Odile Jacob, 2013). Il s’agit de mieux faire connaître un personnage hors du commun, médecin et chercheur, explorateur et aventurier, découvreur du bacille de la peste, peu connu en Europe y compris dans sa Suisse natale mais considéré encore aujourd’hui comme un héros au Vietnam. La clé d’observation géographique semble bien appropriée pour atteindre cet objectif.

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Le film documentaire de Stéphane Kleeb

La rencontre commence par la projection du film documentaire de Stéphane Kleeb Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger (2014), consacré à Alexandre Yersin, médecin et chercheur d’origine suisse, un personnage exceptionnel que le livre de Patrick Deville a contribué à faire connaître (Peste & choléra, 2012). L’excellent titre du film reprend une phrase extraite de l’abondante correspondance que le savant/aventurier a entretenue avec sa mère jusqu’à la mort de celle-ci. Quant à l’idée de faire un film sur Yersin, on la doit à l’ambassadeur de Suisse à Hanoi, Andrej Motyl, surpris de constater la célébrité du scientifique européen au Vietnam alors que celui-ci est presque inconnu dans son pays d’origine.

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