France, Europe : Les territoires entre égalité et égoïsmes

Café géo du mardi 12 avril 2016 au Flore, avec Laurent Davezies, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, titulaire de la chaire “Economie et développement des territoires” et auteur notamment du Nouvel égoïsme territorial (Seuil, mars 2015) et Philippe Estèbe, directeur de l’Institut des Hautes Etudes d’Aménagement du Territoire (IHEDATE) et auteur notamment de L’égalité des territoires, une passion française (PUF, avril 2015).

Ce café géo rassemble deux auteurs qui ont publié sur le même sujet, mais avec des angles d’attaque apparemment opposés. Philippe Estèbe montre dans L’égalité des territoires, une passion française (PUF) qu’avec le temps, la France a créé un dispositif unique au monde d’égalité des territoires, à travers trois grands mécanismes : une redistribution financière très importante, une répartition inégalitaire des fonctionnaires d’État pour permettre une présence continue jusque dans les lieux les plus reculés, des grandes entreprises publiques assurant partout une continuité de prestation (La Poste, la SNCF, énergie, télécoms).

Laurent Davezies souligne quant à lui dans Le Nouvel Égoïsme territorial. Le grand malaise des nations (Le Seuil) qu’avec la montée du régionalisme, l’exigence d’autonomie, voire d’indépendance, on assiste aujourd’hui à une fragmentation des nations, dans les pays industriels comme dans les pays en développement. Les causes identitaires – anciennes – se combinent avec le fait – nouveau – que les régions riches ne veulent plus payer pour les régions pauvres. Plus largement, c’est le modèle de cohésion territoriale qui est remis en cause en France, en Europe et dans le monde.

Philippe Estèbe comme Laurent Davezies sont d’accord sur le résultat : en France comme ailleurs, les très grandes villes financent largement l’espace rural et commencent à contester le mécanisme de redistribution tandis que les personnes traversent les territoires au cours de leur trajectoire et les mettent en concurrence pour l’habitat, les services, l’emploi et les loisirs. Le dispositif d’égalité des territoires apparaît dès lors coûteux et inefficace.

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La 3ème révolution agricole du numérique et de la connaissance

Ce mardi 26 Janvier 2016, le thème de la soirée est la 3ème révolution agricole du numérique et de la connaissance.

Michel Sivignon nous présente Rémi Dumery, « cultivateur expérimentateur en agriculture sociétale » et grand fan des nouvelles technologies et de l’innovation. Rémi Dumery possède une exploitation de 130 ha en Beauce, au Sud-ouest de Paris, à Boulay-les-Barres. Il cultive des céréales, mais aussi des oléagineux et des betteraves. L’agriculteur beauceron aime parler de son métier et de sa manière de travailler. Passionné d’informatique, Rémi Dumery aime surfer sur internet et tweeter ses followers sur les réseaux sociaux : c’est, pour lui, une façon de transmettre à un large public ses connaissances et ses savoir-faire en agriculture. Et c’est une manière de répondre à l’un des grands enjeux du XXIe siècle : la 3ème révolution agricole du numérique et de la connaissance.

Car l’homme moderne est plein de paradoxes, nous explique Michel Sivignon. Dans un monde mondialisé, les « gens de la ville » sont en effet devenus des « animaux d’appartement » et ont perdu leurs racines campagnardes. Ces gens de la ville manifestent aujourd’hui une réelle envie de renouer avec la campagne, de revenir aux terroirs. Le terroir est de plus en plus présenté – à tort ou à raison – comme le véritable territoire authentique. Mais le lien que l’homme moderne veut conserver avec la nature et le lien qui s’y rattache réellement n’est plus le même que celui qui existait encore au XXe siècle (50% de la population active était agricole en 1929, et depuis cette part ne cesse de décliner). L’époque où les jeunes allaient passer quelques jours à la campagne chez le grand-père ou chez un oncle et où ils revenaient avec une idée – même vague – du fonctionnement du métier, est bel et bien révolue. Cependant, malgré ce déclin du secteur agricole, nous dit Michel Sivignon, une vision idéologisée – bien relayée notamment par le mouvement écologique – demeure ancrée dans nos mentalités : l’homme de la ville est le premier à s’inquiéter du déclin des campagnes. Pour l’urbain, c’est une question de priorité : il faut sauver l’agriculture. Mais avant de vouloir sauver l’agriculture, ne faut-il pas déjà savoir ce que c’est ? Ne faut-il pas déjà connaître ceux qui en sont les acteurs, c’est-à-dire les agriculteurs ? Car derrière ces propos marqués par les mots d’authenticité, de typicité et de pérennité, les contenus restent vagues. Et c’est à nous, citoyens du XXIe siècle, qu’il incombe de modérer cette distance béante entre une profonde et dangereuse méconnaissance de l’agriculture, et une vision chimérique, rêvée et fantasmée d’une agriculture menacée que l’on doit impérativement sauver.

Lors de ce Café Géo à la pointe de l’actualité, Rémi Dumery intervient sur un sujet qu’il connait bien pour sensibiliser et alerter le public de la situation de l’agriculture et surtout des agriculteurs. Car si les Français adorent leur paysannerie et leurs agriculteurs, ils se méfient au contraire de leur agriculture qu’ils ont finalement tendance à méconnaître et à stéréotyper.

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