Archives – Les lettres de Cassandre

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Tirer des flèches vers le ciel, Pierre Gentelle, 7 décembre 2004
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Le monde tel qu’il va : essai sur les mécanisme (le textile), Pierre Gentelle, 10 décembre 2004
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Le monde tel qu’il va : essai sur les mécanismes (le charbon), Pierre Gentelle, 12 décembre 2004
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Le géographe entre risques et certitudes, Pierre Gentelle, 02 janvier 2005
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La résilience dans la société chinoise, Pierre Gentelle, 12 janvier 2005
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Aux abris : les honnêtes gens arrivent !, Pierre Gentelle, 04 février 2005
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La grande grue grise, Pierre Gentelle, 14 février 2005
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En hommage à Pierre Gentelle

Trois ans que le géographe Pierre Gentelle nous a quittés. Trois ans, et ces lignes sont toujours aussi difficiles à écrire. Ses propos, dérangeants, souvent agaçants, toujours avec une pointe d’humour inimitable, ont marqué le site des Cafés géographiques. Pierre nous a quittés la veille du Festival international de géographie de 2010. Après plusieurs Cafés cartographiques organisés en son honneur par Jasmine Salachas au FIG 2012, une table-ronde lui rendra hommage cette année à Saint-Dié-des-Vosges, pour un FIG 2013 entièrement consacré à la Chine, pays dont il rêva tant d’années de le voir invité au FIG.

Personnage aux multiples facettes – provocateur en conférence pour faire réagir et réfléchir son auditoire (il était déçu lorsque suggérant à dessein un déterminisme géographique, il voyait la salle acquiescer ; lui rêvait qu’elle prenne plutôt la parole et réfléchisse avec lui), « coach » de doctorants à qui il prodiguait de nombreux conseils, amoureux du terrain vers lequel il se tournait sans cesse –, Pierre était l’un des piliers du travail « invisible » du site des Cafés géographiques, évaluant avec quelques jeunes géographes tous les textes que l’on nous proposait. Les soutenant, ou dénonçant leur trop grand « classicisme », ou s’effarant d’une grande méconnaissance du terrain.

Pierre, trois ans plus tard, l’équipe des Cafés géographiques reste orpheline de l’un de ses agitateurs, qui savait accueillir les « petits jeunes » avec bienveillance et disponibilité. Nous gardons dans nos mémoires les échanges riches autour de la relecture de tes Lettres de Cassandre. Tu les soumettais toujours à notre critique la plus libre. Quelle écoute de nos conseils, pourtant prodigués par de jeunes pousses qui ne connaissaient que très modestement la géographie ! Quels coups de colère aussi, de temps à autre, qui nous forçaient à remettre sans cesse sur le métier la devise des Cafés géo : faire de la géographie autrement.

A toi, Pierre, notre ami, qui nous manqueras plus que jamais à Saint-Dié-des-Vosges !

Bénédicte Tratnjek & Olivier Milhaud

Des hommages sur le site des Cafés géographiques :

D’autres hommages :

Hommage à Pierre Gentelle

Lorsque Pierre Gentelle nous rendit visite pour 4 heures de cours de concours le 9 décembre 2008, dans le cadre de la nouvelle question de programme « Nourrir les hommes », il avait pris un soin méticuleux à se renseigner sur les caractéristiques du CAPES et de l’agrégation, s’inquiétant du décalage entre son année de passage de l’agrégation, fort lointaine, et les réalités actuelles des concours. Son cours « Nourrir le premier peuple du Monde. La Chine face au défi alimentaire », ponctué d’anecdotes et de facéties, avait enthousiasmé les étudiants.

Lorsqu’il revint à Chambéry, c’était pour la 7e édition de notre journée d’études Géo’rizon, le jeudi 17 décembre 2009, consacrée à « l’Asie orientale » et à laquelle il participa aux côtés de Marie-Orange Rivé-Lasan, Philippe Pelletier et Guillaume Giroir. Clôturant la journée, il avait néanmoins captivé l’auditoire, fatigué par une journée bien pleine. Sans Powerpoint ni document, mais avec des images dans les mots, il avait atteint la cible des géographes en devenir. Un sens du verbe et de l’expression qui faisait à chaque fois mouche. Collant au programme de Terminale, cette journée d’études avait pu être suivie, en sus des étudiants, par deux classes de Terminale accompagnées de collègues enseignants du Lycée d’Argonay, près d’Annecy. Les lycéens avaient été fascinés par son sens de la formule, son humour corrosif, son côté « vulgarisateur » (quel mot mal choisi !) dont la géographie a tant besoin, et son comportement de franc-tireur. Ils avaient regretté leur départ vers le bus qui devait les ramener dans les horaires impartis vers leur lycée. Pierre Gentelle m’avait demandé les coordonnées de l’enseignante qui avait fait les démarches, pas toujours simples, auprès de son établissement pour pouvoir emmener ces deux classes à cette manifestation. Il tenait à lui adresser un message directement : « donnez-moi l’adresse de la prof des terminales que je la félicite », et elle reçut effectivement un courriel qui l’a beaucoup touchée.

Il y avait chez Pierre Gentelle cette passion de l’enseignement et de la transmission, une réponse aux diverses sollicitations toujours enthousiaste, sans complication et affichage de titres, un respect pour les étudiants et les petites universités de « province » qui les accueillent.

Si je devais retenir deux choses de Pierre Gentelle, ce serait d’une part le doute, si souvent oublié des chemins académiques pavés de certitudes. Ce serait d’autre part un don de la captation : captation du public et de l’auditoire, comme de ses lecteurs des Lettres de Cassandre, captation des faits essentiels et des articulations majeures, captation des tics, des petits travers de ces contemporains.

Si la géographie a perdu beaucoup avec la disparition de Pierre Gentelle, elle a surtout perdu un de ses meilleurs « médiateurs » ou « passeurs » dans une phase où sa remise en cause comme discipline à part entière est régulière.

Lionel Laslaz
Directeur du Département de Géographie de l’Université de Savoie

2010-10-14 01:35:56

Pierre, notre si cher ami

Pierre Gentelle est décédé le 4 octobre 2010.

Tu te rappelles, Pierre, nous étions dans un café boulevard de Sébastopol, c’était peu après l’an 2000. Tu me prends au mot en disant que tu pourrais un jour tenir une lettre qui s’appellerait la Lettre de Cassandre. Pourquoi Cassandre, car on ne choisit pas un pseudo au hasard. « La famille des Atrides s’impose à qui s’adresse à la famille universitaire. Mieux vaut être situé sur les marges qu’au centre, pour conjurer un sort qui donne tort à qui cherche à « voir ». Raison garder plutôt qu’avoir raison, beau programme, n’est-ce pas ? »

pierre-gentelle

Superbe programme, en effet, Pierre ! 128 lettres de Cassandre. Du Moyen-Age et son goût de la numérologie, 128 est un total qui nous est parvenu aussi par l’édition, les Que sais-je ? et autres petits opus à lire vite ou à déguster. 128 « micro-nouvelles », sous forme d’une lettre qui veut aller plus loin que la démonstration scientifique. Comme tous les pédagogues, tu aimes les commentaires, les digressions pour « ébranler » l’esprit du lecteur. Pour « faire penser, plutôt que penser » mais en reprenant – bien dans ton style – ce que tu ne voudrais pas qu’on prenne à l’absolu : « penser quand même un peu, mais sans édifier ». Là, Pierre, tu sais bien que ce n’est pas tout à fait ça : car tu veux séduire et, bien sûr, rattraper ce qui t’a peut-être le plus manqué dans ta vie professionnelle : les étudiants. Que de cohortes d’apprentis géographes aurais-tu séduits, fouaillant dans leurs certitudes, là où ça fait mal. « Pour que ça avance » aimais-tu nous dire.

Tu étais géographe parce que la géographie devait rassembler pour toi, peut-être du fait de tes multiples vies du Maroc à Paris, en passant par presque tous les pays d’Asie orientale et du Moyen-Orient, l’ensemble des questions que tu te posais. Qui d’ailleurs t’a donné ces lunettes-là pour lire le Monde ? Qu’importe ! « Tout est géographiable » disais-tu, « du Japon à mon immeuble, de l’odeur au circuit imprimé. » Tu l’as montré 128 fois et avec quel talent ! Tu étais au meilleur de cette « forme », tu as laissé aller, comme tu le souhaitais.

Terriblement perspicace jusqu’au dernier instant de ta vie, tu avais deviné qu’on changeait d’époque. Tu es le premier à te lancer dans une nouvelle collection de DVD sur les grandes villes du monde. Tu sentais que faire de la géographie imposait de changer d’outil, d’utiliser tous les ressorts de ce qui arrivait avec la révolution numérique. Combien de fois nous sommes-nous « frités » sur le fameux terrain. C’était presque de l’ordre de la croyance pour toi, cette « vérité du terrain » dont, soudainement tu te méfiais car la vérité était pour toi une trop grosse chose pour appartenir au terrain. Mais qu’une « nouvelle carte du monde » soit en train de s’écrire sous nos yeux, tu en tâtais tous les signes dans les médias qui te faisaient bouillonner le sang !

Cette touche personnelle, ces « fragments du monde, par toi entrevus ou connus, d’où le « je » est parfois inévitable », c’est ta « touche » : ce parfum de révolte, ce grondement du cœur et de l’esprit qui fouaillent la matière de l’espace pour en faire surgir une idée qui peut changer le monde.

Voici ce qu’écrit ton ami Jean-Dominique Merchet de Libé, qui partageait avec toi l’amour des morilles au vin jaune : « Pierre était un homme joyeux, la parfaite antithèse de l’austérité universitaire. Il pouvait faire rouler sous la table ses commensaux lorsqu’il racontait ses aventures féminines à l’Université de Pékin. Homme de gauche, mais sans chapelle, Pierre Gentelle gardait de sa longue scolarité au Prytanée une image contrastée des militaires : un vieux fond d’antimilitarisme mâtiné d’un intérêt pour ce monde dont il s’était éloigné mais sur lequel il ne manquait pas de m’interroger[[http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2010/10/]]. »

Et voici d’autres fleurs qui fleurissent en cet automne, car ta vie n’a pas de saisons, elles viennent de Marc, notre premier webmestre au Café : « Pierre était devenu un acteur des cafés déployant deux facettes qui rendait chacune de ses présences magnétiques : celle du conteur et celle du charmeur. Il n’y en a pas deux comme Pierre pour placer l’assistance dans le loess de la Chine des canaux, dans le chaos épique de la société afghane, ou dans le charme ubuesque d’un village du Henan. Pierre savait instinctivement tout ce qui peut faire l’attrait et l’animation d’un café et au delà, rendre la géographie séduisante. »

Pierre, tes lettres de Cassandre sont des cadeaux sublimes que nous allons lire et relire. On va déjà relire ce que tu écrivais au retour du festival de Saint-Dié où tu houspilles tout le monde et prend congé de nous par une pirouette. Comme ce matin du 4 octobre 2010 où tu es descendu, rue de Turin, goûter au frais d’une dernière baguette de pain avant ton petit café et entamer ta nouvelle vie. Pierre, merci !

Gilles Fumey

Un mot aussi du Réseau Asie

Pour les cent premières Lettres de Cassandre

61 : Saint-Dié-des-Vosges : que d’énergie !

Le courrier de Cassandre n°61 pour une carte du Monde nouvelle, pour une géographie « curieuse » vous est offert ce 13.10.07 par les cafés-géo.

Par la volonté d’un anticyclone puissant venu des Canaries sans souci des frontières, le beau temps chaud régnait de manière imprévue à Saint-Dié pour le FIG, le festival de géographie du 4 au 7 octobre 2007. Ordre naturel du monde ou produit du réchauffement climatique ? Les pays les plus riches de notre planète aimeraient bien se donner un rôle dans un domaine qui les dépasse encore, quoi qu’ils en pensent : ils s’imaginent qu’ils réchauffent le monde ! Ce que c’est que l’ego ! Néanmoins, qu’il était bon, assis en chemise ou en décolleté aux terrasses soudain tropéziennes des bords de Meurthe, de disséquer doctement des « problèmes » de l’énergie, même si beaucoup en parlaient de manière si littéraire qu’on les aurait désarçonnés en leur demandant de fournir sur le champ la différence entre le joule et le watt. What ?

De manière inévitable, tant les pesanteurs des comportements sexuels sont grandes (ce que les géographes appellent pudiquement – pourquoi ? – la démographie !), notre planète devrait porter en 2030 environ huit milliards d’individus, deux milliards de plus qu’aujourd’hui. Quel est l’imbécile qui peut sérieusement imaginer que ces huit milliards-là n’auront pas envie de jouir au minimum du niveau de vie dont nous disposons aujourd’hui dans les pays riches ?

Cela n’empêche pas les « politiquement corrects » et ceux que Cassandre appelle les « soft gnangnan » de multiplier les appels à la mesure pour calmer l’angoisse des foules gavées, les nôtres. Au point de faire semblant de manger moins de hors-d’œuvre à midi pour réduire leur consommation / émission calorique et participer ainsi au sauvetage de la planète. On pourrait même leur dire : Make love, not war !, si seulement il était vrai que faire l’amour ne produit pas de l’énergie, donc du réchauffement !

Cassandre cependant ne veut pas rester à l’écart de ces comportements vertueux et insiste pour participer au désir / plaisir de contribuer aux propositions d’économies d’énergie dont les participants au festival n’ont pas été économes. C’est pourquoi elle propose à tous les géographes des solutions imparables en faveur d’une réduction progressive de notre gloutonnerie énergétique. Pour commencer : ne tenir le festival de Saint-Dié que tous les deux ans, puis tous les quatre ans. Ensuite, transformer le festival du niveau international (ce qui coûte cher en énergie de transport) au niveau national, puis de national à régional. Enfin, le réduire à la seule ville de Saint-Dié, pour aboutir au seul bureau de son maire-fondateur. Que d’énergies économisées !

Comment communiquerait-on ? Simple, aussi simple que certains des discours que Cassandre a pu entendre. Mettre un panneau solaire sur chaque ordinateur de participant potentiel. Installer un vélo d’appartement à côté, branché sur un accumulateur, pour le travail et l’éclairage de l’écran de nuit. Faire pédaler les communicants, selon le modèle des Shadocks et des Gibis, qui a fait ses preuves. Tenir sur le web des réunions virtuelles lors desquelles qui ne pédale pas ne parle ni n’entend. Les pédaleurs pourront ainsi, y compris en discourant de choses auxquelles ils n’entendent guère, participer au sauvetage de la planète et de leur environnement. En outre, ce qui n’est pas le moindre des avantages, ils pourront continuer à entretenir la bonne idée qu’ils ont d’eux-mêmes, et donc dédaigner mieux encore les réalités du monde tel qu’il est.

L’ennui d’une telle proposition, c’est qu’il faudrait que Cassandre conduise une mutation de son vélo. Il ne semble pas que, comme bien d’autres, elle en ait la moindre envie. C’est comme pour le FIG : pourquoi ne pas y aller tous les ans ? Tant qu’on y fait des rencontres fortuites, souvent riches de sens (ah ! les sens…), pourquoi donc les rendre quadriennales ?

Cassandre

Qu’est-ce qu’un Chinois ?

Saint-Dié, Bar de l’Hôtel de France, 4 octobre 2007

Introduction de Pierre Gentelle

Si j’ai proposé un tel sujet pour la réunion de ce soir, ce n’est pas pour parler des Chinois en tant que chinois. C’est pour que nous nous en servions d’exemple, de manière à tester ensemble notre position personnelle sur la grande question de l’identité. Qui suis-je, vais-je ? Qui associé à , cela sent furieusement la géographie. Montesquieu avait déjà posé la bonne question : « mais comment peut-on être persan ? ». Ce qui ne l’empêchait pas, dans ses Lettres persanes, de prendre comme protagoniste principal son cher Ouzbek qui, comme son nom l’indique, est un Turc. Aujourd’hui, la question de l’identité fait débat en France. Je voudrais donc apporter dans le débat, au passage, un regard porté par un non-chinois sur un pays lointain, la Chine, à partir d’une attitude la plus neutre, la plus « scientifique » possible, au sens des sciences humaines, ce qui signifie que nul ne peut s’y affranchir de sa subjectivité.

Dans le territoire de la Chine, cet empire aux dimensions maximales et à la population maximale, il y a trois sortes principales d’habitants : ceux de la capitale et de tout ce qui fait capitale, ceux des « pays » peuplés par ceux qui acceptent d’être appelés aujourd’hui les Han, ceux enfin de la périphérie qui constituent le reste, l’équivalent – mutatis mutandis – des colonies françaises pour la France.

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Le journal de bord en Ouzbékistan : 3) L’un des derniers rideaux de fer de la planète

III. L’un des derniers rideaux de fer de la planète.
MERCREDI 14 JUILLET 2004 : De Samarcande à Termez.

En ce 14 juillet, le départ est fixé à 7h30. Notre bus ne pouvant pas franchir les montagnes par la route acrobatique avec un col à 1788 m., nous partons vers le Sud en longeant la chaîne du Zeravchan. Le paysage se lit facilement. Au premier plan, se déploie un plateau de lœss non irrigué sur lequel les cultures pluviales sont possibles (200 mm/an). De nombreux bovins y pâturent et ont l’air d’y prospérer davantage que ceux que nous avions vu précédemment. Au second plan, nous apercevons un glacis d’accumulation de lœss sous la forme de collines érodées par les pluies. Sur ce glacis, la végétation est rare. Au pied du glacis, au débouché des rus, se développent des oasis sur les cônes de déjection avec une implantation humaine en petit village groupé. A l’arrière plan, les montagnes culminent, dans cette extrémité occidentale de la chaîne du Zeravchan à 2200 m. Cette chaîne est un batholite de granit porté en altitude et érodé, sur lequel il y a peu de végétation. Pour entamer cette longue journée de route, Pierre Gentelle tient, dans le bus, le micro sur les nomades et les sédentaires.

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Le journal de bord en Ouzbékistan : 2) Une ancienne civilisation urbaine

II. Une ancienne civilisation urbaine.

SAMEDI 10 JUILLET 2004 : Boukhara.

En 5 000 av. J.-C., l’oasis de Boukhara était une zone de marécages du fleuve Zeravchan, ancien affluent de l’Amou Daria. Mais avec la désertification de la région, le fleuve n’a plus eu la capacité de rejoindre l’Amou Daria, aussi s’est mis en place un delta intérieur qui fut aménagé par les premiers habitants de la région. Actuellement, les eaux sont amenées par canaux depuis l’Amou Daria grâce à des pompes et non par gravité. La vieille ville de Boukhara est délimitée par un boulevard qui remplace les remparts rasés par les Russes à l’époque tsariste. Dans la vieille ville se concentrent des bâtiments religieux (mosquées, medersas), politiques (citadelle Ark) et commerciaux (bazars). Boukhara présente ainsi une triple fonction. La vieille ville était divisée en quartiers d’artisans (changeurs, bouchers, chapeliers, soieries,…), dont le cœur économique et politique (les deux allant de pair) était le bazar couvert. Les Russes, arrivés en 1868, avaient conservé l’organisation générale de la ville, ajoutant quelques bâtiments techniques : maternité, banques, hôpitaux. Ils avaient également conservé l’organisation politique avec les Khans et émirs de Boukhara. Du tissu urbain originel aux ruelles tortueuses et nombreuses impasses, les Soviétiques n’ont conservé que quelques éléments et ont ouvert de larges avenues. De l’ancien bazar couvert ne demeurent que les croisements de rues surmontés de coupoles (les Toks). Les passages transversaux ont été détruits, laissant le promeneur sous la chaleur et le soleil. Les Soviétiques ont ensuite juxtaposé une ville moderne répartie en quartiers spécialisés (universités, hôtels, logements), à côté de la ville des Tsars constituée d’un système plus ou moins radioconcentrique de grandes avenues.

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