France des marges : comment refaire de la géographie ?

Compte-rendu de la matinée « France des marges » avec Samuel DEPRAZ (Université de Lyon / Jean Moulin-Lyon 3) et Olivier MILHAUD (Sorbonne Université, Paris) organisée à l’Institut de géographie de Paris, samedi 3 février 2018.

En guise d’introduction à la séance, Elisabeth Bonnet-Pineau rappelle à quel point le modèle « centre-périphérie » théorisé par Alain Reynaud dans son ouvrage « Société, espace et justice » paru en 1981, et étayé sur des critères principalement économiques, a fait les beaux jours de la géographie. Une application du modèle est d’ailleurs illustrée à l’échelle départementale par une carte de la France selon des données INSEE 2014 (p. 20 dans l’ouvrage de Samuel Depraz, La France des marges, Géographie des espaces « autres », Armand Colin, 2017).

Pourtant, penser en termes de marges impose de prendre de la distance par-rapport à ce modèle, c’est-à-dire par-rapport au centre et à la norme dominante. La distinction centre/périphérie/marges a été introduite au tournant du XXIe siècle, notamment par Christiane Rolland-May qui a dressé un tableau comparatif des trois concepts en soulignant leurs propriétés respectives (Tableau p. 22 dans l’ouvrage de Samuel Depraz). On lira aussi avec profit Antoine Bailly et Brigitte Prost sur ce sujet.

Le vocabulaire de marges a certes été utilisé auparavant en géographie physique, en lien avec l’étude de l’expansion des fonds océaniques – des marges passives sont distinguées des marges actives. Mais le concept de « marge » a ensuite été repris par les sciences sociales et largement enrichi.

Olivier Milhaud, maître de conférences à Sorbonne Université, et auteur d’un numéro de la Documentation photographique sur La France des marges (2017) et Samuel Depraz, maître de conférences à l’Université de Lyon et auteur de l’ouvrage déjà mentionné paru chez Armand Colin en 2017, déclinent un ensemble d’analyses complémentaires sur ce thème proposé aux concours du Capes et des agrégations externes d’histoire et de géographie. (suite…)

L’Ouest à grande vitesse : l’arrivée de la LGV en Bretagne

Compte rendu Café Géographique de Saint-Brieuc
Le mardi 14 novembre 2018

 

Jean Ollivro est professeur de géographie à l’Université Rennes 2. Il anime un séminaire à Sciences-Politiques de Rennes. Il a écrit de nombreux ouvrages sur les mobilités et les territoires : «L’Homme à toutes vitesse », Rennes, PUR, 2006 ; « La nouvelle économie des territoires », Rennes, Editions Apogée, 2011.

Depuis le mois de juillet 2017, une LGV (Ligne à Grande Vitesse) relie Paris à Brest.   Jean Ollivro se propose d’analyser les effets du TGV (Train à Grande Vitesse) sur le développement des territoires et plus particulièrement, ce soir, sur les territoires de la Bretagne.

Les atouts et les limites des lignes à grande vitesse pour les territoires concernés ont été largement étudiés (en particulier pour la Bourgogne que traverse le TGV Paris/Lyon) ; c’est à partir de l’exemple de la Bretagne que notre intervenant mettra en lumière les bénéfices et les effets négatifs d’une LGV.

Une question se pose : en quelle mesure la discipline géographique peut-elle aider les Bretons en général et plus particulièrement les Briochins à se saisir de l’arrivée de la LGV pour en  capter les effets positifs ?

Le 22 septembre 1981 était inauguré le train à grande vitesse français (TGV) entre Paris et Lyon. L’histoire de la grande vitesse en France est lancée : 1989, mise en service de la première branche (ouest) de la LGV atlantique ; 1990, seconde branche (sud-ouest) de la LGV atlantique ; 1993, LGV Nord ; 1994, début du service d’Eurostar ; 2001, LGV Méditerranée ; 2007, première section de la LGV Est ; 2016, mise en service de la seconde section de la LGV Est ;  juillet 2017, mise en service de deux extensions de LGV, une vers l’ouest (Le Mans-Rennes) et une vers le sud-ouest (Tours-Bordeaux).

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Rio de toutes les crises

Café géographique du 11 janvier 2018 avec Mickaël CHÉTRY (université fédérale fluminense, rio de janeiro, Brésil )

La ville de Rio est au centre des attentions aujourd’hui et connaît une situation critique : l’État est en faillite, de nombreux fonctionnaires ne sont plus payés, le chômage augmente et on assiste à une recrudescence de la violence. On ne peut comprendre la crise alarmante touchant actuellement cette métropole internationale, dont l’agglomération compte pas moins de 11 millions d’habitants, sans revenir sur sa trajectoire historique et notamment le fait que pendant plus de 200 ans elle a été la capitale de l’empire puis de la république : pourquoi la crise nationale actuelle touche-t-elle tout particulièrement Rio de Janeiro ?

La particularité de cette ville réside dans le fait qu’elle a été conçue comme un espace national. Rio a été fondée en 1565 ; elle était originellement une petite ville portuaire et un poste militaire. La fondation de la ville repose sur un double enjeu stratégique : celui de sécuriser la côte pour protéger le territoire colonial portugais d’éventuelles intrusions, en permettant dans le même temps l’exploration et l’exploitation des ressources de l’intérieur des terres. La position géographique de la ville, à la fois ouverte sur la baie de Guanabara et surplombée par de hauts reliefs, répond particulièrement bien à ce double objectif.

Pendant un siècle et demi, la ville reste relativement modeste, ce qui change au XVIIe grâce à la découverte de l’or dans la région voisine qui deviendra l’État du Minas Gerais : l’axe économique de la colonie portugaise se déplace alors du Nordeste (jusqu’alors très dynamique grâce au cycle du sucre de canne) vers le Sudeste, ce qui élève Rio de Janeiro en position de principal centre d’exportation de métaux précieux. Le port voit aussi son flux d’importation d’esclaves et de nourriture accru. Cette transition économique s’accompagne en 1763 du transfert de la capitale du vice royaume de Salvador à Rio de Janeiro afin de mieux contrôler cette nouvelle économie et réduire les évasions fiscales. L’importance acquise par la ville portuaire mène à une diversification des activités économiques et des exportations, cependant l’intégralité des exportations reste alors destinée au Portugal.

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L’Afrique : un continent émergent ?

Café géographique de Paris, Mardi 30 janvier 2018
Café de Flore, Paris

Intervenants : Alain Dubresson, Géraud Magrin, Olivier Ninot
Animatrice : Elisabeth Bonnet-Pineau

Après une présentation des trois intervenants, tous géographes spécialistes de l’Afrique et auteurs d’un excellent Atlas de l’Afrique paru aux éditions Autrement en 2016, l’animatrice (EBP) lance le débat en pointant les changements accélérés et d’une ampleur inégalée du continent africain qui sont porteurs autant d’opportunités que de défis.

Propos liminaires sur les thèmes généraux du développement et de l’émergence (Géraud Magrin)

L’atlas qui sert de base à ce café géo n’est ni tout à fait descriptif, ni exhaustif : c’est un atlas à thèmes et à thèse (voire à hypothèses). Le choix éditorial d’aborder l’Afrique dans son ensemble est conforté par la progression des logiques d’intégration, notamment de part et d’autre du Sahara, et par l’existence de nombreuses statistiques à l’échelle du continent dans sa globalité. Cela étant, il faut souligner la diversité, notamment politique, de l’Afrique (54 Etats), ce qui a des implications considérables.

Une des thèses de l’atlas est la diversification croissante des situations au sein de ce continent, tant à l’échelle des pays que des territoires à d’autres échelles. Cette diversification doit être interprétée en écho au sous-titre de l’atlas, « un continent émergent ? ». Le plus important, c’est peut-être le point d’interrogation qui ponctue ce sous-titre.

L’Afrique suscite beaucoup de clichés, certains alimentés par les nombreux manques (routes, argent, etc.) et les grandes peurs occidentales (épidémies, conflits, terrorisme, migrations internationales), d’autres, au contraire, liés à des taux de croissance économique élevés dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période récente (2000-2014), qui laissent penser que le continent est la dernière frontière de la mondialisation grâce à ses ressources naturelles abondantes et à la croissance rapide de sa population. La thématique de l’émergence apparaît ici avec, notamment, l’émergence des marchés intérieurs africains.

Le choix de l’atlas a été de mettre l’accent sur le lien entre les transformations de différentes natures (démographique, économique, environnementale, politique). C’est donc un atlas du développement et de l’intégration à la mondialisation du continent africain. Les prémices de changements profonds en Afrique semblent se traduire en ce moment par une diversification des trajectoires nationales de développement sur ce continent. Sur le temps long, depuis la première mondialisation (XVIème siècle), l’Afrique s’est intégrée dans la mondialisation en exportant d’abord des hommes (traite esclavagiste), puis des matières premières brutes, au bénéfice d’un certain nombre d’acteurs extérieurs et d’acteurs politiques africains et au détriment de la majorité de la population. Le retard de développement de l’Afrique est le produit de cette histoire. Il paraît assez évident, eu égard aux indices internationaux.

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Quand le déjeuner devint petit, le Monde était devenu grand

Quand le déjeuner devint petit, le Monde était devenu grand

Café Géo animé par Christian Grataloup (Chambéry, 31 janvier 2018)

Si des rayonnages entiers de librairies sont consacrés à l’alimentation, à l’histoire de la gastronomie, aux recettes de cuisine, ces ouvrages se focalisent sur les repas de milieu et de fin de journée, tandis que le petit-déjeuner reste un angle mort. C’est en effet un repas répétitif, modeste, qui peut sembler peu intéressant. Et pourtant, l’adjectif « petit » nous fournit un indice sur le caractère récent de ce repas, qu’on peut interroger à la fois sous l’angle de son historicité et de ce qu’il nous dit de notre rapport au monde.

Christian Grataloup part du glissement sémantique qui se joue entre le tableau de François Boucher de 1739, intitulé Le Déjeuner – tout court – et celui de Juan Gris, de 1915, intitulé Le Petit déjeuner.

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Carnets d’une Géographe sur les chemins d’Arménie, 1997-2017

Le dessin du géographe : n°69

20 années de recherches en Arménie, 20 années de géographie rurale dans les montagnes de ce pays du Sud-Caucase…et une vingtaine de carnets de voyages, illustrés de dessins pour raconter mes « géographies voyageuses ».

Voici quelques-uns de ces dessins et aquarelles issus de ce parcours de chercheur.

  1. Sa majesté l’Ararat

Du haut de ses 5 165 mètres, le Grand Ararat, Massis, domine en majesté la large plaine alluviale dite de l’Ararat,  objet géopolitique où l’Araxe dessine la frontière entre Arménie et Turquie[1]. Les deux cônes du volcan, Massis et Sis (3 896m) sont un émerveillement pour  le regard. Raoul Blanchard[2], en 1929, l’évoquait comme un géant : « rien de cette gigantesque pyramide n’est perdu pour les yeux, la montagne se dressant au-dessus d’une plaine dont l’altitude n’est que de 800 m; ainsi d’un seul coup le volcan s’enlève de 4 400 m. (…) Un Fouji-yama perché sur un plateau au bord d’une fosse de 2 000 m. »

Le mont Ararat est un stratovolcan situé à la jonction entre trois plaques tectoniques : arabique, eurasienne, anatolienne. A sa vue, le géographe est saisi d’étonnement tant ses dimensions sont uniques, à tel point que sa haute silhouette est visible de partout en Arménie. À la fois montagne mythique où s’échoua, dit la Genèse, l’arche de Noé, mais aussi balise géopolitique entre les grands empires, russe, perse, ottoman, l’Ararat ne se décrit pas, il est l’expression de toute une histoire et fait fantasmer les « aventuriers » à la recherche de l’arche perdue.

La vue depuis la vallée de l’Araxe en Arménie présente la plus belle perspective paysagère qui soit. Montagne religieuse mais aussi, comme l’écrit Joseph Pitton de Tournefort[3] au début du XVIIIe siècle, « effroyable solitude », le double sommet fascine autant qu’il attire. Au cours de 20 années de pérégrinations géographiques en Arménie, l’Ararat m’a toujours semblé être un phare, un géant bienveillant dont on ne se lasse pas d’observer les nuances changeantes des couleurs tapissant ses versants. Il prend tant de poses, captant la lumière et sublimant le bleu du ciel qu’on ne s’étonne pas de voir combien il a inspiré les artistes. Mais peindre l’Ararat est un piège…qui se joue du talent des peintres. Il est l’Ararat, l’unique et c’est tout.

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Tourismes en transition : Réinterroger le changement dans les pratiques récréatives

Café géographique de Lyon, mercredi 22 novembre 2017
Café de la Coche, Lyon Bellecour
Philippe Bourdeau est professeur de géographie à l’Institut d’urbanisme et de géographie alpine de l’Université de Grenoble.

Introduction : la géographie du tourisme de demain

Il faut se poser la question de la géographie du tourisme de demain, quelle est-elle ? Comment le tourisme est-il lié aux impératifs du développement durable ? Un « éco-tourisme » au sens strict est-il possible ou faut-il plutôt envisager plus généralement un tourisme de transition ? Ces solutions sont-elles porteuses de promesses ? Il est question d’enjeux tout à la fois sociaux, environnementaux et économiques qui marquent un changement dans le tourisme et ses pratiques.

Philippe Bourdeau a principalement travaillé sur les Alpes, on ne parlera pourtant pas tant de montagnes, le but pour tout chercheur étant de monter en généralité. Il faut faire des allers-retours dans les transformations du tourisme, en quoi et comment il s’inscrit dans une échelle plus globale, dans un changement culturel. On peut à la fois parler de changement et de nouveauté, il faut toutefois prendre des précautions avec le terme « nouveauté ». On ne peut pas dire que tout est nouveau : il y a des inerties et des permanences. Le tourisme est marqué par une dialectique articulée entre permanences et changements.

Quand on passe devant un kiosque, par exemple dans une gare, on est frappés de l’exubérance de journaux et magazines qui promettent des choses intemporelles dans les destinations de voyages : le rêve, l’insularité, le paradis. Ce sont des stéréotypes qui utilisent la dialectique classique entre un « ici » et un « ailleurs » idéalisé dénotant le groupe de citadins que nous sommes qui rêvent de nature comme lieu de ressourcement. On voit apparaître à travers ces couvertures la mythologie touristique que cette dialectique déploie.

L’Organisation Mondiale du Tourisme observe actuellement une croissance exponentielle du nombre de touristes qui ne ferait qu’augmenter de manière plus marquée dans les années à venir. Pourtant on peut relever un paradoxe entre cette croissance, la permanente abondance de promesses et de plus en plus de critiques à leur égard sur fond de triple crise climatique, énergétique et économique, qui plus est dans un contexte de changement culturel et technologique. Ce dont rend compte une image diffusée par les « casseurs de pubs » qui montre la figure du touriste –affublé de ses attributs : lunettes de soleil, chapeau, appareil photo et chemise à fleur, mais aussi automobile, avion, skis…– au bord du gouffre dans une ambiance de « de fin de partie ». Ainsi, alors que le tourisme est au cœur de nos modes de vie, constitue un des principaux facteurs de mobilité à l’échelle mondiale et que les progrès technologiques promettent sans cesse une plus grande rapidité et fluidité de transport, on observe une montée des questions et doutes, face aux incertitudes du monde contemporain et de ses enjeux.

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Le partage du Nil

Retrouvez l’article de Bernard Charlery de la Masselière (Professeur de géographie à l’UTJ2), tenant lieu de compte rendu de son café géographique « Le partage du Nil », présenté le 25 mars 2015 à Toulouse.

L’article est téléchargeable au format PDF (1,5 Mo) : afrique-de-l-est-et-question-du-Nil.pdf

La crise du Golfe 2017, un point névralgique de rivalités géopolitiques et multiscalaires

La crise du Golfe débute officiellement le 5 Juin 2017. L’Arabie Saoudite, l’Egypte, les Emirats-Arabes-Unis, le Bahreïn et le Yémen décident conjointement de rompre leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ce petit pays, au rayonnement important sur la scène internationale, est accusé d’entretenir des relations trop étroites avec l’Iran, grande rivale de l’Arabie Saoudite pour le leadership régional, et de soutenir des groupes politiques d’obédience religieuse comme les Frères Musulmans, bête noire de l’Egypte du maréchal Sissi. Des Etats comme le Koweït ou Oman, restés neutres dans cette affaire, candidatent au rôle de médiateur, sans résultat probant.

Cette crise a pour conséquence directe la mise sous embargo de l’émirat qatari, avec entre autres la fermeture de son unique frontière terrestre avec un pays voisin, l’Arabie Saoudite. Doha parvient à contourner le blocus, qui frappe notamment de plein fouet le secteur alimentaire, grâce à l’aide de l’Iran et de la Turquie. Le Qatar n’a jamais été réellement proche du voisin iranien. Dans une politique d’ouverture générale, les qataris ont toujours prôné le dialogue et l’apaisement des relations avec Téhéran. L’Iran reste cependant un allié de circonstance pour le Qatar qui cherche à s’extirper de l’isolement diplomatique dans lequel il est englué. Pour ce qui est de la Turquie, les relations remontent aux années 1970 et sont plus solides.

L’Arabie Saoudite souhaite s’imposer comme la première puissance de la région. Elle s’appuie sur sa centralité, ses importantes ressources en matière première et son influence internationale sur le plan religieux. Le Conseil de Coopération du Golfe, créé initialement pour se prémunir de l’instabilité courante au Moyen-Orient, est aujourd’hui utilisé par l’Arabie Saoudite pour assoir sa domination sur ses « petits » voisins. La concurrence de l’Iran incite l’état saoudien à se doter d’un important arsenal militaire et à soutenir en sous-main des groupes djihadistes sunnites comme l’Etat-Islamique. L’Iran soupçonne d’ailleurs très fortement son voisin saoudien pour l’attentat qui a touché sa capitale et fait 23 morts le 7 Juin 2017. Téhéran s’appuie également sur un arsenal militaire conséquent, notamment des armes nucléaires. L’Iran ne cache pas son ambition d’étendre son modèle d’islam politique à tout le Moyen-Orient. Elle peut se targuer d’être la figure de proue de nombreuses communautés chiites au Liban, en Syrie, en Irak ou à Bahreïn. Ce qu’on nomme souvent le « croissant chiite » est une invention, plutôt exagérée, du roi jordanien utilisé par ce dernier et l’Arabie Saoudite pour justifier la menace chiite.

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Habiter au gré des vents en Méditerranée

 Clément Barniaudy, Maître de conférences à la Faculté d’Education de l’Université de Montpellier

Retrouvez également les diapositives de présentation au format PDF : cafe-geo-vents.pdf (14Mo)

La perception que nous avons du vent est moins celle d’un air en mouvement objectivable (sa définition scientifique) qu’une matière vivante qui nous enveloppe et avec laquelle nous composons Habiter au gré des vents, c’est s’immiscer dans cette matière sensible. De par nos expériences, nous pouvons facilement observer que le vent est partout à l’extérieur comme à l’intérieur de nous : essayez seulement de parler sans souffler… c’est bien impossible. Au mouvement perpétuel du souffle en nous, répond celui du vent dans le milieu. Le vent sculpte le paysage, influence les gens et leur mode d’habiter. Il peut être une contrainte comme un allié, devenir le support d’une pratique ludique ou encore fournir une aide inespérée en cas de chaleur extraordinaire par exemple. Le vent est donc omniprésent mais il est aussi impalpable.

Ce caractère invisible du vent génère une certaine difficulté pour le nommer. Chez la plupart des peuples de tradition orale, il est encore aujourd’hui une présence sacrée, une sorte de matrice qui recouvre tout l’univers et inclut chaque personne dans son milieu (ex : Nilch’i des amérindiens Navajos). De même, en Méditerranée ancienne, les termes pour désigner le vent sont inséparables de ceux désignant le souffle ou l’esprit (Pneuma, psukhê, anemos, Ruach…). L’abstraction d’un vent physique détaché du souffle et perdant tout pouvoir d’animer la matière mettra de nombreux siècles à se développer.

Le vent est donc une puissance naturelle capable d’influencer le monde animé mais il se différencie aussi pour ces sociétés méditerranéennes en plusieurs vents ; borée, notos, zéphyr, eurus par exemple pour les Grecs anciens. Car les marins ont très vite reconnu des vents réguliers avec lesquelles ils pouvaient composer pour accomplir leur navigation.

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