Michael Kohlhaas (Arnaud des Pallières)

Michael Kohlhaas, Arnaud des Pallières, 2013 (France).

michael-kohlhaas-afficheOn retiendra d’abord de Michael Kohlhaas son premier plan, qui donne aux deux heures qui suivent leur tonalité, les contamine, revenant décliné de diverses manières dans une sorte de leitmotiv paysager qui préside à la logique d’ensemble du film. La caméra s’attarde longuement sur un affleurement rocheux dans une plaine cévenole que révèle ensuite un plan d’ensemble, tandis que des rafales de vent hurlent dans les oreilles du spectateur et que la lumière change au gré du mouvement des nuages, à la manière de projecteurs balayant l’herbe rase. Arnaud des Pallières, aidé par la superbe photographie de Jeanne Lapoirie, pense ainsi son film dans et par l’espace, d’abord à travers la beauté terrible des paysages des Cévennes.

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World War Z (M. Forster)

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Mondialisation zombie

World War Z, c’est d’abord des affiches, des fenêtres ouvertes sur des villes en guerre, représentant des hyper centres en feu à Paris, New-York ou Rio. On songe aux mots de M. Lussault : « Et chacun regarde mi-horrifié, mi-sidéré ce torrent visuel qui peut-être nous livre un nouvel archétype contemporain : l’urbain en état de guerre, en situation de catastrophe, un horizon de nos regards ? » (1). Ces affiches sont des arrêts sur image sur des paysages d’anéantissements, un point de vue distant, un cadre « bourgeois » reprenant une imagerie touristique pour y superposer une autre imagerie, non moins récurrente : le chaos apocalyptique qu’annonce le halo de lumière jaune au dernier plan. Situées (à Paris) préférentiellement dans les couloirs de métro et de RER, c’est-à-dire dans des lieux clos et souterrains, ces affiches semblent chercher à produire une ambiance oppressante en jouant de leur situation.

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Habiter New-York en poète

Frances Ha, Noah Baumbach (Etats-Unis)

France-Ha_AfficheFrances a 27 ans, rêve de devenir chorégraphe mais se contente d’un travail de doublure dans une compagnie de danse, boit des bières, fume des cigarettes, fréquente des soirées branchées, regarde des films dans son lit avec sa coloc’… Tout pourrait aller pour le mieux mais la jeune New-yorkaise native de Sacramento se demande, avec une perplexité renouvelée lorsque son inséparable colocataire décide d’emménager avec une autre dans un quartier plus chic, de quoi demain sera fait : à l’approche de la trentaine, une certaine liberté lui échappe inexorablement, au rythme où l’espoir de rencontrer le prince charmant s’estompe, alors que plusieurs de ses ami(e)s se marient, trouvent un vrai travail, ont des enfants…

Aidé de la co-scénariste et actrice Greta Gerwig – désarmante de candeur, de gaucherie et de sincérité – Noah Baumbach filme une tranche de vie de la jeunesse bourgeoise new-yorkaise, qu’il découpe, avec un sens aigu de l’ellipse, en quatre chapitres. Belle idée s’il en est, il leur donne des adresses en guise de titres, faisant des logements successifs de l’héroïne entre Brooklyn et Manhattan le fil conducteur du film et de l’habiter son véritable sujet. Ce qui donne une jolie mise en récit des diverses stratégies que chacun met en place au quotidien pour s’approprier l’espace, montrant comment notre existence prend sens par d’innombrables arbitrages en termes de logement et de mobilité, arbitrages pouvant aussi bien, lorsque capitaux économique, social ou/et spatial viennent à manquer, relever du déchirement.

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Le discours géographique de Man of Steel

Aborder le nouveau volet de Superman avec un regard d’abord géographique ouvre d’intéressantes perspectives sur la manière dont les États-uniens perçoivent leur espace et le monde en général.
Un monde centré sur les États-Unis mais avec un questionnement sur le futur bien spécifique.

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Un film centré d’abord sur les États-Unis, comme ensemble constitué
À plusieurs reprises des vues d’ensemble de la Terre sont présentes à l’écran, comme des images prises par des satellites. Elles sont dans leur grande majorité centrées sur les États-Unis et plus précisément sur la côte Est. On peut en particulier penser au moment où est à l’écran une image de la Terre vue de nuit ce qui fait alors ressortir la lumière émise par la Mégalopolis, rappelant d’ailleurs les travaux de R. Florida sur le light-based regional product où la lumière est d’abord signe de puissance.
D’autre part l’ultimatum envoyé à la Terre par le général Zod est en théorie reçu par la totalité des humains : outre les États-uniens, on voit des Espagnols, des Chinois et des nomades (d’abord d’Asie centrale puis du Sahara semble-t-il) le regarder. Cependant l’universalité s’arrête là, il n’y a visiblement aucune réaction d’autres autorités politiques ou militaires lors des affrontements sur Terre ou dans l’espace. Il faut croire que les autres puissances sont moins inquiètes face aux discours belliqueux.

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The Bling Ring (Sofia Coppola), Spring Breakers (Harmony Korine)

The Bling Ring, Sofia Coppola / Spring Breakers, Harmony Korine
Plongées en géographie obsessionnelle états-unienne

Affiche SPRING BREAKERS Affiche BLING RING

« Aujourd’hui, l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel », J. Baudrillard, Simulations et simulacres

Sur les plages de Miami ou dans les villas de Beverly Hills, deux groupes d’adolescents, majoritairement féminins plongent en pleins hauts lieux médiatiques. The Bling Ring, cinquième long métrage de Sofia Coppola rappelle, dans une certaine mesure, le film d’Harmony Korine, Spring Breakers, sorti au printemps. La tendance est nettement au fluo et à l’utilisation des actrices à contre-emploi : des actrices pillées à Disney pour Spring Breakers, une héroïne de Harry Potter pour The Bling Ring. Des corps et des décors passent du petit écran au grand format : pourquoi ? Pour élever au rang d’art une esthétique « télé réalité » et remettre en scène encore et encore des lieux saturés d’images impossibles à réinventer ? Ou au contraire, pour tenter de jouer la carte de l’imposture pour mieux rendre compte et des comptes à un réel devenu, là plus qu’ailleurs, simulacre ?

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Mud, sur les rives du Mississipi (Jeff Nichols)

Mud, sur les rives du Mississipi, Jeff Nichols

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« Nous sommes tous dotés d’une racine pivotante qui descend dans le grand inconscient simple de la vie enfantine primitive ». Gaston Bachelard

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Sur la « carte cognitive » que dressent les cinéastes contemporains états-uniens, le Mississipi semble recouvrer une nouvelle intensité iconographique. Echo traumatique de Katrina, de la catastrophe de Deep water, résultat des politiques fiscales incitatives des Etats du Sud, ou dans le cas de Jeff Nichols, simple volonté de rester fidèle à son Arkansas natal ? Il est, quoiqu’il en soit, tentant de voir dans ce tropisme fluvial et méridional, l’expression sensible d’une renégociation. Celle d’une Wilderness recentrée, interne et constitutive dont s’empare une jeune génération de cinéastes. Nouveau territoire du cinéma indépendant, le vieux Sud est-il gage d’une excentricité, le lieu de fabrique d’une possible mise à distance des normes territoriales et cinématographiques ?
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Obscurs réseaux

Obscurs réseaux (Zero Dark Thirty, Katherin Bigelow, 2013, USA)

zdtAvec Mensonges d’État, Ridley Scott décrivait avec brio, en 2008, une spectaculaire mise en réseau du Monde : téléphones mobiles, connexions internet, satellites et autres drones y permettaient l’ubiquité, quoique parfois illusoire, d’agents de renseignement de moins en moins présents physiquement sur le terrain. Kathryn Bigelow, quiretrace dans son dernier film la traque d’Oussama Ben Laden par la CIA, reprend l’idée et systématise le propos. C’est dans la profusion de lignes et de tubes, que la réalisatrice se plaît à filmer dans un beau travelling sur d’innombrables fils reliant à un central téléphonique au son d’innombrables voix se répondant à des milliers de kilomètres, que réside l’intérêt majeur de ce Zero Dark Thirty par ailleurs bien difficile à défendre.

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Territoires amphibies

Territoires amphibies (Les Bêtes du Sud sauvage, Benh Zeitlin, 2012, États-Unis)

betes_sud_sauvageEn Louisiane existent, de part et d’autre d’une discontinuité à la fois matérielle et idéelle qui n’a peut-être pas tant à envier au mur séparant États-Unis et Mexique, un ici et un là-bas vécus comme difficilement réconciliables, difficilement commensurables. Là-bas, c’est au-delà de la digue, dont le caractère fonctionnel, le rôle de protection contre les éléments non humains s’accompagne d’une charge symbolique bien humaine et d’une capacité à séparer qui en fait aussi et surtout une frontière socioéconomique, perçue comme étanche par les habitants de l’ici – et sans doute par ceux du là-bas, qui tentent inlassablement de déloger les inconscients.

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James Bond, le retour à la terre

James Bond, le retour à la terre (Skyfall, Sam Mendès, 2012, États-Unis/Grande-Bretagne)

skyfallRéussite certaine, Skyfall, vingt-troisième livraison des aventures de l’agent 007, se démarque du reste de la série par une indiscutable recherche formelle, doublée d’un hommage au cinéma et, dans un même mouvement, d’une volonté de rester fidèle à la série tout en affichant ses distances avec humour. La contradiction se manifeste à travers le personnage principal, dont on ne sait trop s’il est affaibli et déclinant ou, au contraire, plus fort que jamais ; inquiet et voué aux affres de l’introspection ou toujours aussi nonchalant et implacable ; nostalgique d’un espionnage à l’ancienne ou éternellement ravi d’en découdre.

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El Campo

El Campo, Hernan Belón, 2012, Argentine.

el_campoAlors que le milliardaire blasé et arrogant de Cosmopolis nie la ville tout en la traversant, le couple mis en scène par l’Argentin Hernan Belon dans El Campo décide de la fuir pour de bon. Ou plutôt, c’est Santiago qui a convaincu Elisa de quitter la ville, en compagnie de leur petite fille, pour s’installer dans une grande maison à la campagne.

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