Dégustation avec Raphaël Schirmer, (maître de conférence à l’Université Paris Sorbonne (Paris 4) organisée par l’association Urbams et Vincent Marcilhac, doctorant en géographie.
En France, la conception du vin, à mettre en parallèle avec la notion de terroir, est différente de celle en vigueur dans le monde anglo-saxon : le terme « technologique » y est entouré de mépris et même d’une vision d’horreur, celle d’une exploitation qui ressemble à une raffinerie de pétrole… Lors de cette dégustation, nous allons essayer de quitter nos préjugés.
En Bourgogne, la nature est considérée comme divine, supérieure, et ne peut faire que de bons vins. Clos Vougeot s’inscrit dans la longue durée, avec un savoir-faire ancestral et 1 000 ans de tradition. L’alliance nature/culture et le savoir-faire, consacré par les appellations d’origine contrôlée (AOC), ont permis l’émergence d’un discours, d’un vocabulaire, avec des codes (comment tenir son verre de vin blanc) et une tradition. Ce sont des vins qui se dégustent presque religieusement, entre happy few, pour lesquels il est nécessaire d’avoir le bagage culturel pour y accéder, à l’aide de tout un discours poétique. Dans la sérieMondovino, Robert Mondavi (décédé en 2007) raconte qu’il a visité l’Europe vers 1950 et entendu un discours traditionnel, dans lequel la fermentation malolactique est méconnue (deuxième fermentation des vins en plus de la fermentation alcoolique, dans laquelle la levure transforme le sucre en alcool).
A l’inverse, les vins du Nouveau Monde ont choisi de s’appuyer sur la technologie, avec des cuves en inox, des moyens de réfrigération, la haute technologie étant considérée comme un gage de qualité.
La nature propose des conditions favorables dans les régions du Nouveau Monde qui cultivent de la vigne, en Californie, en Australie et notamment au Chili, avec un bon ensoleillement dans ces régions dont le climat ressemble au climat méditerranéen. La tradition y est perçue comme poussiéreuse, un handicap même pour la production de grands vins. Les vins du Nouveau Monde ont souhaité mettre fin aux codes en vigueur dans les milieux viticoles (des gestes que l’on fait de tout temps (ou presque !), sans savoir pourquoi), s’ouvrir vers les jeunes, vers les femmes, vers les pays qui ne sont pas de culture viti-vinicole, et construire un projet démocratique afin que chacun puisse accéder au vin et y goûter. Le numéro de juillet 2007 de la revue Decanter, qui mentionne en surtitre « The World’s Best Wine Magazine », pose une question redoutable : Le terroir est-il un mythe ?, question à mettre en relation avec nos préjugés. Peut-on faire des vins, des grands vins, voire même d’excellents sur des terres sans histoire ?
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