En ce jour d’automne, je décide de me lancer à la découverte de Capdenac. Ce village perché, d’un millier d’habitants environ, dénommé également Capdenac-le-Haut, domine de plus de cent mètres deux méandres du Lot (l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest) ; il devrait donc offrir un beau panorama sur la vallée. De plus, ce site est chargé d’histoire. Ce fut d’abord un oppidum, puis une place forte redoutable occupée pendant la croisade albigeoise ou cathare, résistant aux Anglais pendant la guerre de Cent Ans, puis tenue par les protestants pendant les guerres de religion. Les guides touristiques signalent qu’il en reste des remparts et un donjon… (suite…)
L’Institut de Géographie : l’exemple d’une appropriation spatiale par des pouvoirs académiques et institutionnels
Cette carte postale révèle les techniques et stratégies spatiales qu’opèrent les pouvoirs académiques et institutionnels pour s’approprier l’espace public. En effet, on observe des inscriptions ponctuelles de ces pouvoirs, appelées « marquages ». Pour les étudier et les comprendre, portons nous sur la définition des Mots de la Géographie « le marquage symbolique de l’espace est destiné à signaler une appropriation » (Brunet, 1993) ou du Dictionnaire de l’habitat et du logement « le marquage, par la disposition des objets ou les interventions sur l’espace habité, est l’aspect matériel le plus important de l’appropriation » (Segaud, 2003). Ainsi, le marquage doit être compris comme le produit d’une action matérielle et symbolique.
La principale stratégie d’appropriation de l’espace public rendue visible, dans cette photographie, par les pouvoirs académiques et institutionnels est le « marquage trace [ou] architectural » (Veschambre, 2004). Ils se mettent en scène via le processus de « monumentalisation de l’espace public » (Monnet, 1998), c’est-à-dire la construction d’un édifice prestigieux qui occupe le centre de la carte postale : l’Institut de Géographie. De facto, cet établissement et son toponyme gravé sur la pierre permettent d’inscrire dans la durée les autorités académiques. Enfin, est écrit en haut de l’édifice que « l’Institut de Géographie a été fondé par la marquise Arconati-Visconti en souvenir de son père Alphonse Peyrat, homme de lettres et sénateur ». Ce marquage laisse la trace de la « réussite économique et [de la] domination sociale et politique [des classes dominantes] » (Veschambre, 2004), ici les intellectuels du quartier latin considérés comme les acteurs des pouvoirs dominants de l’espace étudié.
La deuxième stratégie d’appropriation spatiale du pouvoir académique s’observe par la présence des corps d’étudiants au premier plan. Appelée « marquage présence » (Ibid.), elle matérialise une communauté représentative des autorités académiques : les enseignants-chercheurs et étudiants appartenant à la discipline géographique. Mais ces derniers peuvent matérialiser des « marquages contestataires », plus éphémères et modestes que ceux émis par les pouvoirs dominants. En effet, au second plan, à droite de la photographie, des étudiants et enseignants ont accroché une affiche sur le mur de l’édifice (« Géographes mobilisés pour une société plus juste et solidaire ») qui critique la loi LPPR portée par la Ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Cette forme de « contre-pouvoir » rend ce bâtiment comme un mur support de tracts.
Jeudi 08 mars 2018. Sur la RN7, quelque part dans la Nièvre. Fin d’une nouvelle journée de terrain.
Sur le chemin du retour, je ne peux m’empêcher d’effectuer un arrêt pour photographier la perspective offerte par la route ainsi que le paysage, auquel le jour déclinant donne des couleurs très particulières. Et puis, cela ne fait jamais de mal d’oublier pour un instant les prises de vue destinées à illustrer des aspects du travail de thèse.
Il faut dire aussi qu’en ce jeudi 08 mars, je parcours l’une des portions de la RN7 que je préfère.
La Nièvre… ses paysages, ses communes, ses panoramas… autant d’aspects qui éveillent en moi de multiples émotions, de la simple curiosité à une nostalgie exacerbée.
Mais c’est aussi parce que Paris n’est plus si loin. Paris, que j’aime tant arpenter.
Lorsque l’on évoque la RN7, il est souvent question de sa destination, la Côte d’Azur. On se souvient alors des milliers de touristes qui, l’été, au cours des années 1950 et 1960, se lançaient à son assaut à bord de leurs automobiles.
Paris constitue le point de départ de cette route, à partir duquel on s’élance à travers une partie de la France, qui nous offre bien souvent les plus belles émotions géographiques qui puissent exister.
Mais, parfois, selon le sens et le motif du trajet, c’est Paris qui devient la destination de la RN7.
Quand on est sur la route, plus que l’arrivée, c’est le trajet qui constitue souvent le moment le plus enivrant. Sentir qu’on approche d’un lieu qu’on aime, où il nous tarde de se trouver…
Alors, quand je roule sur la RN7 en direction de Paris, arrive toujours ce moment où je sens que j’en approche. Et pour moi, sans que je ne sache réellement pourquoi, c’est dans la Nièvre que naît ce ressenti. L’impression d’éloignement fait soudain place à une impression de proximité.
Ce jeudi 08 mars, c’est la limite départementale avec le Loiret qui aura constitué ma « destination ». C’est toujours un peu frustrant de rouler vers Paris mais de savoir que je n’irai pas.
Ce jeudi 08 mars, sur ce chemin du retour, c’est Nevers qui allait constituer ma destination, avant de rentrer à Grenoble le lendemain.
Ce jeudi 08 mars, au moment où cette photo a été prise, la déraison aurait pu être plus forte que la raison. Et j’aurais pu ainsi faire demi-tour, parcourir cette ligne droite, traverser le Loiret, la Seine-et-Marne, l’Essonne… et arriver jusqu’à Paris.
Oui, au bout de la RN7, il y a Paris, et je crois bien que c’est l’une des choses que j’affectionne le plus sur cette route mythique.
Pierre-Louis Ballot, mai 2020.
Au premier plan, les escaliers mènent à la rue de la Bretonnerie. Dans la partie centrale, sous l’arche, le blason de la ville est identifiable par la représentation du château, dont ne subsiste aujourd’hui qu’une partie des remparts. Le pont rappelle la proximité de l’Oise, tandis que les deux fleurs de lys évoquent le passé prétendu prestigieux de la ville, notamment son statut de « bonne ville » du royaume de France. Au second plan, les escaliers sont coiffés de la statue du général Leclerc. Celui-ci possède une posture que revêtent nombre de « grands hommes » français : du haut de ses 3 mètres, il se dresse, en uniforme, prenant appui sur le pommeau de son épée, le regard fier et portant au loin. Les escaliers monumentaux offrent au général une vue dégagée de la rue Thiers, pentue, conduisant à la gare de Pontoise, située au pied de la vallée. Juché sur son piédestal, Charles Victoire Emmanuel Leclerc a le regard posé sur les individus pénétrant la ville. Avec la cathédrale Saint-Maclou et son clocher, il est le premier élément du paysage que le voyageur sortant de la gare peut apercevoir face à lui. Le général devient de plus en plus imposant à mesure que l’on s’en approche en remontant la pente. Pratiquement situé à la même altitude que les immeubles latéraux encadrant les escaliers, il est spatialement dans une position de pouvoir, de domination face à nous. La lumière du soleil couchant illuminant le mur de la cathédrale attire le regard vers le général, qui dans la lumière voit sa majesté et sa pompe rehaussée. Il est, pour la commune, l’incarnation de la réussite : si les remparts de la ville ont longtemps constitué l’image que cette dernière donne à voir d’elle-même, le général Leclerc représente désormais le nouveau visage de la commune. Considéré comme « l’enfant de la ville » par Christian Duvivier, directeur des musées pontoisiens Camille Pissarro et Tavet-Delacour, Charles Victoire Emmanuel Leclerc naît à Pontoise en 1772, au sein d’une ancienne famille originaire du quartier Notre-Dame. Proche de Napoléon, il épouse sa sœur Pauline et soutient son beau-frère lors du coup d’Etat du 18 brumaire. Si elles ne sont pas visibles sur la photographie, les batailles auxquelles le général a participé sont inscrites sur son piédestal. La commune met à l’honneur un vaillant guerrier, faisant de celui-ci un emblème de la ville. A l’échelle nationale, le général est également glorifié : à sa mort, il reçoit les honneurs d’un deuil national et ses funérailles sont célébrées au Panthéon. Depuis 1869, se dresse au sommet de la rue Thiers, la statue de Charles Victoire Emmanuel Leclerc, offerte par sa sœur à la ville de Pontoise.
Cinq heures de bus séparent le kibboutz Lotan de Tel Aviv. Surnommée Ia ville qui ne dort jamais, Tel Aviv offre une grande variété de restaurants, de soirées et d’activités. Les rues sont embouteillées dès 7 heures du matin et les piétons respirent les pots d’échappement à pleins poumons.
Cinq heures de bus, et nous voilà au bout du monde. Lotan se trouve à 50 km d’Eilat, grande station balnéaire à la pointe sud du pays. Le kibboutz suit son rythme singulier : la journée commence avec le lever du soleil et se finit avec l’observation du vol des oiseaux migrateurs.
A Lotan, les maisons sont construites en boue pour garder la fraîcheur intérieure en été et isoler du froid en hiver. Leur architecture s’inspire des maisons issues de la planète Tatooine dans Star Wars et le robot R2D2 a même une statue à son effigie sur la place centrale. Dans ce kibboutz, on cuisine avec des fours solaires : une boîte de carton un peu sophistiquée peinte en noir pour stocker la chaleur et du papier d’aluminium pour mirer la lumière, quelques heures sous le soleil brûlant et votre plat est prêt. Ainsi, aucune consommation d’électricité n’est requise. Il s’agit d’un véritable voyage dans le temps. L’abri anti-roquettes que l’on reconnaît dans le bâtiment carré sur la photo, au second plan à droite, nous rappelle à la réalité : situé à quelques kilomètres de la Jordanie et de l’Egypte, le kibboutz Lotan est un bon point d’observation des relations entre Israël et ses voisins.
En ce dimanche 24 juillet 2016, la vue depuis les hauteurs de Fourvière nous offre un superbe panorama de la cité lyonnaise : la Saône, le 2ème arrondissement (où l’on distingue nettement sur la droite la couleur ocre de la place Bellecour), les bords de Rhône (dont on devine la présence grâce aux nombreux arbres qui les jalonnent) et le quartier de la Part-Dieu (symbolisé par la tour de la Part-Dieu, surnommée le « crayon » ou encore, tout à gauche, la plus haute tour de la ville, la tour Incity, récemment achevée) apparaissent ainsi successivement sur les différents plans de la photographie. Puis, la ville semble ensuite s’étendre à perte de vue jusqu’aux collines, dont on peut tout au loin distinguer les premières formes.
Fasciné et subjugué par la vue proposée, je ne suis pourtant pas totalement satisfait : le temps, ce jour-là (et une fois de plus), ne me permet pas d’apercevoir et de contempler, à l’horizon, une partie de la chaîne des Alpes et son point culminant, le Mont Blanc. Un paysage qui, lorsque le ciel est des plus clairs et des plus dégagés, s’offre à qui s’aventure sur ces mêmes hauteurs de Fourvière ou encore sur les pentes de la Croix-Rousse, comme sur la photo ci-après.
En 1843, Victor Hugo découvre Pasajes (Pasaia en basque), tombe sous le charme de ce port de pêche et le décrit en des termes élogieux[1]. La petite cité côtière est, depuis, devenue un port polyfonctionnel : aux produits de la mer (13 000 tonnes déchargées en 2013, ce qui en fait le troisième port de pêche espagnol derrière Vigo et La Coruña), s’ajoutent des trafics de marchandises variées à forte base industrielle.
Un petit port placé dans un environnement logistique concurrentiel
Le port de commerce de Pasajes, dans la province du Guipúzcoa, s’inscrit dans la vaste conurbation basque espagnole qui réunit la ville frontalière d’Irún à la métropole touristique qu’est San Sebastian et comprend les cités industrielles de Lezo, Rentería et Pasajes Antxo.
De prime abord, ses trafics apparaissent modestes. En 2015, 3,79 millions de tonnes de marchandises ont été manipulées sur les terminaux du port. L’objectif actuel des autorités portuaires est d’atteindre et de dépasser les 4 millions de tonnes. De fait, Pasajes en impose peu, face notamment à Bilbao, dont les trafics ont atteint 32,8 millions de tonnes en 2015. Qui plus est, l’environnement concurrentiel du port guipuzcoan est renforcé par la proximité de Bayonne. Le port français a certes connu une année 2015 assez difficile (2,3 millions de tonnes) mais il n’en reste pas moins pour Pasajes un adversaire d’autant plus coriace que les orientations logistiques de trafics de part et d’autre de la frontière sont assez analogues.
« Avec son beau ciel, ses maisons de brique rouge qui se reflètent dans les eaux du Tarn, ses jardins en terrasses et ses beaux ponts; avec sa place centrale bien exposée au soleil; avec sa cathédrale puissante, avec les coteaux crayeux qui la bornent et qui ressemblent aux collines du Latium, on dirait une ville italienne, faite surtout pour le culte de l’art et d’une sereine philosophie ».
Ainsi parlait Jean Jaurès, orateur inspiré, en 1888. Enfant de Castres, député des mineurs de Carmaux, il fut aussi professeur de philosophie au lycée d’Albi, celui-là même qui plus tard accueillit sur ses bancs un certain Georges Pompidou. Depuis 2010, la Cité épiscopale est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Loin des tensions de Judée, des frictions de Jérusalem, la Galilée ménage au voyageur des moments de repos, voire, sur ce mont, des béatitudes. En ce mois de mai 2014, vers 18h, les ombres des rares arbres s’étirent vers l’est et le soleil plonge vers la mer du couchant, la Méditerranée. Le lac de Tibériade, ou mer de Galilée, est l’ultime stock d’eau douce, le petit frère septentrional des grands lacs africains jalonnant le grand rift qui balafre le socle, de l’Afrique au Proche-Orient… Ces constats paisibles de nature permettent de retarder les questions vives qui hantent ces lieux et leurs environs.
Accordons-nous encore un sursis avec Ernest Renan : « L’horizon est éblouissant de lumière. Les eaux, d’un azur céleste, profondément encaissées entre des roches brûlantes, semblent, quand on les regarde du haut des montagnes de Safed, occuper le fond d’une coupe d’or » (Vie de Jésus, ch.VII). On a été là, durant quelques temps bibliques, dans l’antichambre du paradis.
Visite de quartier sous surveillance
Deux routards se font face. Celui de droite, en bleu, porte un sac à dos énorme et il semble vouloir se délester de deux sachets blancs en les donnant à son amie. Par ce geste anodin, le voyageur cherche sans doute à se libérer les mains pour une raison ou pour une autre, mais certainement pas pour prendre une photographie. Un panneau au symbole explicite le lui interdit, et la même icône est reproduite sur le bâtiment juste derrière, en rouge et d’une plus grande taille, pour que l’injonction soit évidente.
Leur banal échange de sacs plastiques est en outre sous surveillance. Aucune caméra n’est fixée ici ou là, mais il y a ce jeune homme, torse nu, qui observe avec attention l’attitude des deux voyageurs. L’insouciance du couple contraste avec la méfiance du témoin. Derrière lui, cinq personnes se promènent, sans doute une famille qui visite le quartier avec une légèreté propre aux vacances. Un autre contraste se dégage de l’image : le jeune homme en bermuda est seul et immobile alors que les autres passants, toujours en petits groupes, se déplacent. D’ailleurs, c’est bien l’arrêt momentané des deux routards qui semble avoir attiré l’attention de cet observateur solitaire.
Christiania, un quartier piéton et fortement végétalisé, invite à la flânerie. Pourtant notre vigie et le double symbole « Pas de photographie » distillent une tension palpable. Ce constat n’est pas dû au hasard d’un cliché qui aurait été pris au mauvais moment.