Les enjeux de l’eau dans et autour de la métropole de Montpellier

Le Mardi 13 Décembre 2016 s’est tenu un café géo au Gazette Café présenté par Thierry Ruf sur «  Les enjeux de l’eau dans et autour de la métropole de Montpellier »

Thierry Ruf est Géographe, Directeur de Recherche à l’IRD, spécialiste de gestion sociale de l’eau. Il est Vice-président du Conseil d’Administration de la Régie Publique de l’Eau de la Métropole de Montpellier Méditerranée.

Dans une approche géopolitique de la question de la gouvernance de l’eau, Thierry Ruf aborde son analyse en commençant par un cadrage historique de la place de l’eau, puis il poursuit l’expansion urbaine de Montpellier et de ses périphéries au XXIème siècle, avant de mettre au grand jour les enjeux actuels anciens et actuels.

Premièrement, aborder la question de l’eau, c’est aborder la question des territoires. Dans notre région l’eau a une dimension culturelle et patrimoniale importante. Montpellier a souvent été présentée comme une ville à problème d’eau. Elle a construit son histoire sur la captation des eaux souterraines par des puits, ce qui a eu pour effet en retour, de polluer la nappe phréatique.  Même si l’idée remonte au XIIème siècle, il faut attendre le XVIIIème siècle pour voir apparaitre les premières arrivées d’eau de surface captée à la source de Saint Clément et conduite jusqu’au Peyrou avec l’aqueduc construit par Pitot. La ville dispose de fontaines publiques en plus des puits toujours en service. Dans la deuxième partie du XIXème siècle, après de nombreux conflits et procès, la conduite de Pitot reçoit enfin de l’eau de la source du Lez (c’était le projet initial). Dès lors, l’accès à l’eau potable peut se faire par immeuble. C’est donc à la fin du XIXème siècle qu’une première régie municipale de l’eau est instaurée avec un règlement de l’eau. La mise en place de cette régie va avoir un impact sur le développement de la ville tandis que les périphéries restent encore tributaires d’alimentation en eau par de nombreux puits publics ou privés. Dans le département de l’Hérault, la crise de l’eau va justifier l’organisation d’un Congrès de l’eau en 1923 qui appelle à une nouvelle gouvernance entre les différents territoires ruraux sous-équipés et les villes.

Cependant, au cours du XXème siècle, Montpellier continue à s’étendre sans se préoccuper des villages qui l’entourent. Il faudra attendre les années 1950 pour voir les communes se fédérer en trois grandes entités territoriales (les communes de la vallée du Lez, celles du sud-ouest qui forment le « syndicat du Bas Languedoc » et celles du nord-est qui forment le « syndicat Garrigues-Campagne ». Un quatrième ensemble plus limité réunit quelques communes proches du Salaison dans le « syndicat du Salaison ».

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Peinture et géographie. Rencontre avec Roland Courtot

Exposé de la conférence-débat du 25 février 2017 avec Roland Courtot à l’Institut de Géographie de Paris.

La rencontre, programmée dans un des hauts lieux de la géographie française (une salle de cours de l’Institut de Géographie de la rue St Jacques à Paris) aurait pu s’appeler aussi « le Peintre et le Géographe », car l’exposé a porté autant sur les deux disciplines et leurs acteurs que sur les relations qu’elles entretiennent depuis longtemps. Cette invitation de la part de l’équipe des Cafés Géographiques s’inscrivait dans la continuité de la page web du dessin du géographe publiée le 1/2/2017 (http://cafe-geo.net/quelques-croquis-dexcursions-geographiques-au-debut-du-19eme-siecle/) et d’une rencontre antérieure avec le géographe aquarelliste Simon Estrangin (café géographique du 15 mars 2016, voir le compte rendu par Michel Sivignon : http://cafe-geo.net/simon-estrangin-et-la-geographie-sur-le-vif/).

J’ai limité ces réflexions aux rapports entre les œuvres graphiques des peintres (peintures, dessins,  fresques, etc.) et la géographie, qu’on pourrait situer dans la « géographie  des œuvres d’art », afin de la distinguer de la « géographie de l’art » telle qu’elle est définie par Boris Grésillon dans son ouvrage déclaratif de 2014 (« Géographie de l’art » Economica, 2014) comme une branche de la géographie culturelle, celle du système socio-spatial de l’art et des activités urbaines qui l’accompagnent.

On peut, en introduction, rappeler quelques parallèles entre la géographie et l’art graphique et pictural, rappeler quelques liens que ces deux « arts » entretiennent depuis longtemps, au moins dans l’histoire européenne. Ils possèdent un objet en commun, le paysage, ils l’observent sur le terrain et voyagent en remplissant des carnets de dessins, ils en construisent des images selon des techniques semblables : sur un plan, en deux dimensions, avec des points, des traits, et des surfaces. Rien d’étonnant à ce qu’ils se soient mutuellement nourris et enrichis.

Bien sûr leur finalité n’est pas la même : le peintre traduit les formes et les impressions esthétiques et sensibles du paysage, le géographe analyse les formes d’organisation de l’espace pour comprendre la façon dont les sociétés humaines l’occupent et dont les logiques naturelles le façonnent. Sensibilité d’un côté, raison de l’autre ? Ce n’est pas aussi tranché, puisqu’il existe une géographie du vécu et du sensible, et que des peintres ont introduit dans leurs paysages des logiques raisonnées pour l’interpréter (comme les formes géométriques du cubisme par exemple).

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La crise migratoire en Europe

Compte rendu du café géographique du 31 janvier, avec A. Spire et C. Schmoll

Avec Amandine Spire et Camille Schmoll, maîtresses de conférences à l’université Paris-Diderot (Paris VII). Amandine Spire a notamment travaillé sur les migrations en Afrique de l’Ouest. Elle s’intéresse actuellement davantage aux problématiques de droit à la ville et de productions de normes sociales et spatiales dans les sociétés urbaines. Camille Schmoll est spécialiste des migrations dans l’espace euro-méditerranéen. Elle s’intéresse notamment aux migrations féminines, à travers une approche par le genre.

Le thème de ce café géographique s’articule autour d’une question d’actualité, mais a aussi pour objectif de discuter la notion de « crise » : est-ce qu’il s’agit de l’acmé d’un mouvement qui a débuté anciennement ou bien plutôt d’un phénomène récent ? Quelles en sont les causes principales ?

Les limites spatiales de cette crise sont également problématiques. Parler de crise migratoire européenne, c’est d’une part s’interroger sur les limites spatiales de l’Europe : un certain nombre de pays qui ne font pas partie de l’Union Européenne sont également touchés. D’autre part, cette crise interroge également les limites politiques de l’Europe : est-ce que la crise migratoire ne serait finalement pas un révélateur d’autres crises, des frontières européennes, de l’hospitalité, de la solidarité entre Etats-membres ou encore du projet européen dans son ensemble ?

Camille Schmoll propose de croiser les approches temporelles et spatiales afin de mieux recontextualiser le phénomène actuel. Elle revient sur la notion de « crise » : en partant d’une conception gramscienne, elle explique que la crise est un moment de transition, où quelque chose se meurt mais sans savoir sur quoi il va s’ouvrir[1].

I. Caractériser les flux migratoires contemporains

Quantification des flux migratoires contemporains

Camille Schmoll commence en expliquant que depuis 2011, on remarque une hausse des traversées méditerranéennes, qui correspond au déclenchement des Printemps arabes : les premiers flux sont majoritairement constitués de Tunisiens. Mais, à partir de 2014, le nombre de personnes qui traversent la Méditerranée augmente précipitamment, en lien avec la guerre civile syrienne. Cette augmentation brutale des traversées maritimes s’explique par la fermeture des routes terrestres : bien entendu il n’a pas fallu attendre 2011 pour que l’Europe devienne une destination migratoire.

En 2016, sur les 363 000 arrivées recensées, 176 000 personnes sont arrivées en Grèce, notamment sur les îles de la mer Egée. L’accord signé, en mars 2016, entre l’Union Européenne et la Turquie[2] a crée un déplacement des flux vers la Sicile. En termes de nationalités, ces flux sont essentiellement constitués de Syriens, de personnes venant d’Asie centrale, d’Afrique Orientale (Erythrée, Somalie, Ethiopie, Soudan) et dans une moindre mesure d’Afrique occidentale (Nigéria, Gambie, Côte d’Ivoire). Le profil des migrants a tendance à se modifier : de plus en plus de mineurs isolés (ils représenteraient 20% des déplacés) mais également des femmes seules prennent le parti de traverser la Méditerranée.

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Castes et Inégalités en Inde

Pour ce nouveau Café Géo à Annecy, Philippe Piercy, professeur de géographie en classes préparatoires au Lycée Berthollet et organisateur des Cafés Géo d’Annecy-Chambéry, a invité Virginie Chasles, maître de conférences en géographie à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Elle a notamment soutenu une thèse en 2004 sur le sujet suivant : « Entre genre et société : les espaces de la maternité en Inde rurale : le cas du district d’Anantapur dans l’État sud-indien de l’Andhra Pradesh ». C’est une spécialiste dans le domaine des inégalités de la santé ; ses travaux portant beaucoup sur l’Inde, mais aussi plus récemment sur la France et le Brésil. Son intervention du jour aborde le sujet des castes et des inégalités en Inde.

En guise d’introduction, Virginie Chasles rappelle que le thème des castes en Inde est incontournable dans l’évocation de ce pays et représente un fait social dont les géographes n’ont pas le monopole. En effet, les sciences sociales se sont largement approprié la question. Beaucoup de stéréotypes à propos de ces castes restent ancrés dans les représentations sociales. La confusion qui subsiste chez pléthore de gens est celle d’une abolition des castes en Inde qui n’existe pourtant pas en réalité. De plus, le mot « caste » pose lui-même problème. Les gens confondent souvent jati et varna, qui sont pourtant des réalités très différentes.

Plus généralement, l’Inde suscite beaucoup d’idées reçues et de fantasmes. Souvent, quand on parle d’Inde, des thèmes récurrents reviennent. L’Inde est souvent vue comme une mosaïque indienne. On trouve souvent un pluralisme religieux. D’autres religions, en plus de l’hindouisme, s’exercent en Inde, notamment l’islam, le bouddhisme, le jaïnisme, le sikhisme. L’Inde est aussi marquée par un pluralisme linguistique. En effet, en plus de ses deux langues officielles (l’hindi et l’anglais), s’ajoutent 20 langues majeures, ainsi qu’une centaine de langues régionales. Par ailleurs, le pluralisme social est double, avec le système de castes et les inégalités socio-économiques. Celles-ci font partie des caractéristiques des pays émergents. En effet, l’Inde a connu une croissance économique qui s’accompagne d’un creusement des inégalités important. Ces inégalités socio-économiques n’ont jamais été si importantes qu’aujourd’hui. La segmentation sociale qui interpelle le plus est liée au système de castes.

80% des Indiens sont hindous et appartiennent donc à ce système de castes. Cependant, d’autres religions ont également adopté ce système, comme l’islam, le sikhisme. Quasiment tous les Indiens s’inscrivent ainsi dans ce système de castes. La hiérarchisation se fait, dès la naissance, dans les groupes sociaux, les varnas et les jatis, qui déterminent les normes, les besoins, les relations des groupes les uns avec les autres. Il y a eu des évolutions au fil du temps. Parmi ces évolutions, il y a ce tout qui a trait à la profession.

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De « yak-driver » à « taxi-driver » : les pratiques de mobilité des Sherpa du Khumbu (Népal) à New York

Changement de lieu et d’ambiance pour le Café Géo du mercredi 12 octobre à Chambéry : c’est dans la petite salle comble du bar-restaurant Le Bruit Qui Court qu’Ornella Puschiasis guide le public d’Himalaya aux États-Unis, sur les traces des Sherpa. Postdoctorante au Centre d’Études himalayennes, la géographe évoque ses recherches actuelles avec enthousiasme et pédagogie. Dans le texte qui suit, elle livre les grandes lignes de ses travaux.

Retrouvez également ce compte rendu au format PDF (800 ko).

Quelques mots à propos de mes recherches conduites en thèse sont nécessaires pour mieux comprendre la problématique migratoire que j’étudie aujourd’hui. Avant de s’intéresser à la diaspora des Sherpa, il convient donc d’évoquer quelques éléments concernant le Khumbu (Népal) qui est leur territoire d’origine.

Ma thèse, soutenue en 2015, s’inscrivait dans un projet interdisciplinaire regroupant géographes, glaciologues, hydrologues, et modélisateurs du climat autour de l’analyse des conséquences des variations climatiques sur l’évolution du couvert neigeux, sur le retrait des glaciers et sur la disponibilité en eau en Himalaya. J’ai plus particulièrement mené mes recherches dans la région de l’Everest, appelée localement Khumbu, un site de haute montagne qui s’étage entre 2835 m et 8848 m d’altitude au nord-est du Népal. Cette région est incisée par trois vallées qui drainent les apports en eau et dont la confluence marque la limite sud avec la vallée du Pharak. Le Khumbu est une vallée internationalement connue et reconnue, tout d’abord grâce au plus haut sommet du monde qui la surplombe, l’Everest objet de conquête et de convoitise, qui a largement contribué à la mise en lumière de la région. Sa population est un autre élément de fascination : en effet, les trois quarts des 3 500 habitants du Khumbu appartiennent au groupe ethnolinguistique sherpa, dont le nom participe à la construction d’un mythe.

Carte topographique du Khumbu (Puschiasis, 2015)[1]

Par ailleurs la vallée est inscrite dans la zone cœur d’un parc national : le Parc national de Sagarmatha.  Au sein de ce dernier, j’ai plus spécifiquement travaillé sur le territoire réticulé de Pangboche au sein de la vallée de l’Imja, un des derniers villages d’habitat permanent sur le sentier qui mène à l’Everest.

Le Khumbu est un lieu emblématique pour étudier les variations climatiques puisque les scientifiques le considèrent souvent comme un « hot spot » du changement climatique, notamment depuis le quatrième rapport du GIEC en 2007. C’est ainsi un espace au cœur des débats et des enjeux contemporains en raison de la hausse des températures plus élevée que la moyenne mondiale qu’il connaît. En outre, cette vallée est aussi un espace historique de migration.

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La France des prisons, une France des marges ?

Compte rendu Café Géographique de Saint-Brieuc
24 novembre 2016

Olivier Milhaud est maître de conférences à l’Université de Paris-Sorbonne. Ses travaux de recherche portent sur l’enfermement et le vivre ensemble. En 2009, il a soutenu sa thèse « Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par l’espace » dont une version remaniée paraît en mars 2017 aux éditions CNRS.

Ce café géographique se tient au moment des JNP (Journées Nationales des Prisons) pendant lesquelles les associations, comme le Génépi, l’association nationale des visiteurs de prisons (ANVP) ou l’association de la maison d’accueil des familles de détenus (AFDMA) se mobilisent, à travers toute la France, pour sensibiliser la population sur l’espace carcéral. Notre rencontre-débat autour d’Olivier Milhaud s’est prolongée au Cinéma Club 6, à Saint-Brieuc, autour du film « 9m2 pour 2 » dont la projection a été organisée à l’initiative de ANVP22.

La prison, un sujet à priori improbable en géographie…Ce n’est que récemment, à compter des années 1980 que la géographie sociale va s’intéresser aux processus de qualification des individus et des groupes, appréhendés dans leur dimension spatiale. Et il faudra attendre le début des années 2000 pour que la géographie reconnaisse la prison et le système pénal français comme objet de recherche à part entière. La prison a une dimension spatiale très particulière, elle punit par une mise à distance. Olivier Milhaud se propose de montrer, à partir du sujet « La France des prisons, une France des marges ? » que la prison est une peine géographique qui participe au processus de marginalisation des populations incarcérées.

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Bernard Debarbieux : le public et ses places

Pour le premier Café Géo de Lyon de 2017, le 26 janvier 2017, Florent Chossière, de l’équipe des Café Géo de Lyon, a invité Bernard Debarbieux, professeur en géographie à Genève. Bernard Debarbieux commence par remercier les Café Géo de Lyon pour cette invitation et souligne que s’il a peu écrit sur le thème précis de l’intitulé, il s’est intéressé aux places et aux formes de spatialités qu’elles mobilisent dans ses écrits, notamment dans son ouvrage sorti en 2015, L’espace de l’imaginaire, essais et détours [http://www.cnrseditions.fr/geographie/7163-l-espace-de-l-imaginaire.html].

Places, publics et spatialités

En guise d’introduction, Bernard Debarbieux explore les différentes façons de concevoir la notion de « public » et la pertinence d’interroger les « places » de ce point de vue.

La notion de public a en effet beaucoup été travaillée par la philosophie politique, les sciences politiques, le droit, et de manière plus générale, les sciences sociales. Les acceptions sont nombreuses et diverses.

Bernard Debarbieux propose de faire une distinction entre deux grands types de public(s).

D’abord, le « public audience » correspond au public d’un conférencier, d’une performance artistique. Il s’agit de l’acception de la plus basique du terme. On retrouve le « public audience » lors d’un match sportif, même s’il y a évidemment une différence en termes de performateur.

Le second type de public désigne un collectif circonscrit par des références communes à des médiations diverses. Il peut s’agir d’un lectorat, d’un public qui consomme des informations à la télévision ou qui interagit sur le web. Ce public est composé de personnes qui accèdent de manière simultanée à l’information même si elles ne constituent pas une audience. Le public des affaires publiques (qui renvoie à l’étatique, au débat public) rejoint ce second sens du terme public. Cette acception de public se distingue des usages dominants des notions de peuple ou de nation. En effet, alors qu’on a tendance à objectiver, voire à essentialiser, le peuple ou la nation, il n’est pas possible d’objectiver le public. Le public implique des formes de subjectivité que les notions de nation et de peuple, dans leur usage dominant, ont tendance à gommer.

Bernard Debarbieux précise ensuite les formes de spatialité associées aux deux types de publics qu’il vient de décrire. L’hypothèse qui guide l’ensemble de sa réflexion est la suivante : tout public serait institué par un imaginaire social de l’espace aux caractéristiques propres.

Le public audience, le public des conférences ou des matchs requiert la coprésence. Cette coprésence est spatialement organisée sur un mode tantôt informel (attroupements), tantôt très formel (des stades, des théâtres, des amphithéâtres, etc.). Qu’ils soient formels ou informels, ces agencements distinguent clairement les places et espaces occupés par le public, les acteurs de la performance et, le cas échéant, les intermédiaires. Cet espace peut être très normalisé comme c’est le cas pour les stades de foot avec le terrain, les tribunes, les gradins… : le public n’occupe qu’une place spécifique et le terrain construit une autre relation au public.

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A la recherche de l’hiver idéal

 Mercredi 18 janvier 2017, 18h – Café le Beaujolais, Chambéry

Par Alexis Metzger, post-doctorant en géographie à l’Université de Strasbourg. Sa thèse soutenue en 2014 s’intitulait « Le froid en Hollande au Siècle d’Or. Essai de géoclimatologie culturelle » et il est l’auteur de l’ouvrage Plaisirs de glace. Essai sur la peinture hollandaise hivernale paru en 2012.

 Alors que l’actualité de cette mi-janvier est aux températures négatives, en dessous des « normales saisonnières », dans les Alpes françaises il est surtout question des stations qui attendent la neige avec impatience… Dans ce contexte, quel serait l’hiver idéal ? Et repose-t-il seulement sur des conditions météorologiques ?

Pour répondre à ces questions, Alexis Metzger nous convie à explorer l’art et la littérature pour démontrer que l’hiver n’est pas seulement une saison inscrite sur le calendrier. C’est aussi un ensemble composé de paysages et de représentations. Et pour ponctuer son intervention, le géographe a choisi plusieurs textes qui ont été lus par le public.

Lecture : Martin de la Soudière, ethno-sociologue du climat, traduit sa passion pour une saison, l’hiver.

Alexis Metzger propose ensuite plusieurs images plus ou moins « hivernales » dans notre imaginaire. La caractéristique commune que l’on retrouve sur chacune des images est, sans trop de surprise, la présence de la neige. Ce peut-être l’exemple inopiné d’un skieur descendant  les pentes enneigées de Montmartre, ou encore une image du col du Tourmalet de juin 2013 où des cyclistes cheminent entre deux immenses murs de neige. L’hiver vécu ne s’arrête donc pas aux bornes calendaires. Et les conditions météorologiques peuvent alors être associées à des conditions « hivernales ». La probabilité d’occurrence d’une forte tempête de secteur ouest qui serait plus élevée en hiver sur la façade atlantique européenne est aussi une image de cette saison. D’autres événements peuvent également y être associés, telles de fortes crues liées aux précipitations.

En fait, il convient surtout de parler de multiplicité des hivers : il y a des hivers sans neige, des hivers en ville, des hivers doux, etc. Observer l’hiver en ville permet de voir comment les sociétés urbaines s’y adaptent. À Amsterdam, par exemple, on déneige d’abord les pistes cyclables avant de déneiger les routes. De plus, certains caractères saisonniers sont assimilés à la façon de se nourrir durant cette saison, avec des légumes et des aliments d’hiver.

A Amsterdam, février 2013, une piste cyclable à droite salée et bientôt libre de neige

Il existe au sein de l’hiver une grande diversité de types de temps. Ce dernier varie selon l’ensoleillement, les températures, les précipitations, le vent, etc. ; il est perçu différemment en fonction de la présence de neige et de glace au sol. Tous ces paramètres reflètent les combinaisons potentielles d’une palette de types de temps extrêmement diversifiés ancrée au sein de bornes temporelles de l’hiver. Des préférences collectives se construisent pour certains types de temps, esquissant de la sorte un hiver idéal. Il serait vain de vouloir définir l’hiver idéal pour chacun de nous, toutefois l’idéal hivernal se caractérise peu ou prou par de la neige au sol, un ciel bleu, un bel ensoleillement, des températures froides, ainsi que l’absence de vent et de précipitations.

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Paysages et territoires du sel

Café de géo Paris, le 14 décembre 2016

Paysages et territoires du sel par Micheline Huvet-Martinet, Agrégée d’Histoire, Docteure ès Lettres, ex prof CPGE Lycée Claude Monet Paris. Ses thèmes de recherche initiaux ont porté sur le Faux-saunage en France sous l’Ancien Régime, élargis à la fiscalité et l’histoire du sel. Gildas Buron qui devait intervenir a malheureusement été empêché.

Michèle Vignaux  se charge d’ouvrir la séance en rappelant l’originalité du produit : vital, abondant dans la nature, devenu le condiment par excellence aux usages multiples, mais aussi  produit mythique à haute valeur symbolique très tôt associé au divin.

Le café de géo de ce jour  s’intéresse aux  différents paysages correspondant aux territoires actuels du sel. Il est rappelé le caractère indispensable mais surtout insubstituable du sel qui explique son poids dans les économies et les sociétés pré-industrielles quand  la chaîne du froid n’était pas maîtrisée. Le sel, là où il existe, a été un facteur d’appropriation d’espaces devenus des territoires identifiables, structurés par des sociétés organisées autour de sa recherche, sa production, sa transformation, son raffinage, son conditionnement, son transport, sa distribution et son commerce. L’industrie du sel était dans les salines continentales une entreprise complexe et double, constituée à la fois  d’installations de surfaces et d’équipements souterrains. C’était une industrie  industrialisante générant de multiples activités et des emplois induits. Les salins littoraux ont été dévoreurs d’espaces qu’ils ont structurés tout en  organisant des sociétés humaines.

Or de nos jours, le sel est devenu un produit banal. En effet, au XIX°s  l’industrialisation, le développement du chemin de fer (qui libera la production de sel de sa dépendance millénaire à la mer en rompant l’isolement des salines continentales comme en Lorraine) et les concentrations capitalistes  (qui permirent de dégager des investissements pour moderniser la production) ont bouleversé les marchés nationaux et le marché international du sel provoquant la ruine tant de la saliculture du littoral atlantique européen (et même de certains salins méditerranéens) que des vieilles salines de l’Europe continentale (dans le Salzkammergut ou en Franche-Comté) ainsi que celle des mines de sel gemme (à Wieliczka en Pologne).

Le sel, produit recherché s’est totalement banalisé en devenant  abondant alors que dans le même temps ses usages se multipliaient et se différenciaient.  De ce fait, actuellement, on peut considérer qu’il existe assez peu de territoires du sel proprement dit au sens où le sel serait l’unique ressource créatrice des activités. En France le sel ne représente que 5000 emplois. Pourtant, les territoires du sel sont à l’origine de paysages spécifiques élaborés au cours des temps. Le sel continue à témoigner de son importance en s’imprimant dans la toponymie: Salins, Salies, Marsal, Lons-le-Saunier; Salzbourg, Salzkammergut… mais aussi avec sa racine Hall (halite nom du sel gemme  vient du grec Halos=sel) Hallstatt, Hallein, Schwäbish Halle.

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Les grands stades, au cœur des métropoles ?

Le 8 juin 2016, les Cafés Géo de Lyon accueillent Stéphane Merle, docteur et chargé de cours à l’Université de Saint Etienne. Le lieu est inhabituel : il s’agit du café du Rize, puisque ce lieu villeurbannais accueille une exposition « Bouge ! » sur les aménagements sportifs et la ville. La thèse de Stéphane Merle soutenue en 2007 porte à la fois sur les aménagements et les spectacles sportifs. La géographie du sport est une sous-discipline encore peu représentée. Jean-Pierre Augustin et ses différentes productions ont joué un rôle majeur dans la reconnaissance de l’objet scientifique « sport ». Le propos vise à embrasser différents champs comme l’économie, la sociologie ou le droit du sport. A deux jours de l’Euro, il s’agit d’évoquer l’impact des grands événements sur les stades, tant en termes de nombre que de morphologie.

Les Cafés Géo accueillent ensuite Joffrey Dassonville qui va nous parler du rôle du speaker dans un stade.

  1. Les enjeux sportifs

Pour commencer, il s’agit de se focaliser sur le spectacle sportif, notamment à travers le regard du spectateur. Le spectacle sportif peut être divisé en deux types : les grands événements sportifs (Euro, coupe du monde…) dans des lieux différents et les championnats professionnels. Ces deux types ne génèrent pas les mêmes enjeux. L’Euro est géré à l’UEFA qui impose un cahier des charges et des normes. En France, en 2010, la taille moyenne d’un stade de l’élite de 30 000 places, contre 45 000 places en Allemagne. Les stades français de plus de 40 000 places sont alors au nombre de cinq, contre quinze en Allemagne. Lors de la coupe du monde de 1998, peu de travaux avaient été réalisés : le stade de France avait été le seul stade majeur (420 millions d’euros des 600 millions d’euros investis pour les stades). En Allemagne, en 2006, les choix effectués avaient été bien différents.

L’Euro 2016 a engendré 1,7 millions d’euros d’investissement sur dix villes. En 2009, il y avait dix-sept villes françaises candidates à l’accueil d’un match. L’UEFA avait prévu neuf stades (plus trois en réserve). Face à l’ampleur du cahier des charges, des communes n’ont pas candidaté : il faut rappeler que 80% des équipements sportifs en France sont communaux. Nantes est la première à se retirer, parlant de caprice de l’UEFA. Strasbourg se retire en 2010, le club descendant dans la division inférieure. Rennes avec 29 500 places se retire face aux 40 millions d’euros nécessaires pour atteindre les 30 000 places. En 2011, la fédération retient neuf puis onze stades, avant que Nancy se retire également ensuite (suscitant alors des candidatures provisoires et abandonnées, à Metz ou à Dijon). Saint-Etienne a fait le choix de rénover son stade et non de construire ex nihilo, tout comme le parc des Princes qui, dans un contexte qatari, est parvenu à être un stade de l’Euro, sans agrandissement.

Il y a un danger à organiser un spectacle dans des stades qui risquent d’être ensuite vides. Ces « éléphants blancs » existent aujourd’hui en Grèce ou au Portugal. L’espoir est d’avoir plus de spectateurs. L’Euro 2006 a généré une hausse des spectateurs lors des matchs en Allemagne : 42 000 en moyenne. Cela pose des questions en termes de « culture de l’abonnement ». Il n’y a pas de vraie culture urbaine de « supportérisme », sauf dans quelques villes comme Marseille et Saint-Etienne. Le nombre d’abonnés fluctue fortement, notamment en fonction des résultats du club. Les mouvements ultra jouent un rôle important, mais la politique nationale tend à les « pacifier », souvent par la répression. Il y a assez peu de politiques préventives. Ce rapport aux supporteurs pose question. De plus, les supporters VIP sont de plus en plus visés : des milliers de place en loge sont créés. Depuis l’Euro 2008, les places VIP (5 000 places) génèrent plus de recettes que les places des supporters classiques. A Saint-Etienne, depuis 2013, les spectateurs sont toujours 30 000 : les travaux n’ont pas généré une hausse de leur nombre, le taux de remplissage baisse alors.

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