Transition climat-énergie : appétit d’espace, soif de justice socio-écologique

Olivier Labussière est géographe et chargé de recherche au CNRS. Spécialisé sur les relations entre énergie, espace et société en contexte de transition climat-énergie, il est rattaché au laboratoire Pacte à Grenoble en sciences sociales et membre de l’équipe Environnements. Il a soutenu en 2007 une thèse consacrée aux défis esthétiques des aménagements liés à la transition. Adoptant une approche géographique de la question énergétique, son objet de travail est l’habitabilité de l’environnement, qu’il aborde selon une méthode qualitative fondée sur des terrains et des entretiens, sans modèles.

(suite…)

Protéger la forêt au pays du soja ? (Brésil)

Les Cafés Géo de Montpellier ont reçu Ludivine Eloy, directrice de recherche au CNRS et membre du laboratoire ART-Dev à Montpellier, afin de parler des causes et des conséquences sociales, économiques, politiques et surtout environnementales de la déforestation au Brésil.

(suite…)

Questions à la géographie féministe, Marianne Blidon

Café géo de Montpellier du 3 janvier 2023

Marianne Blidon est géographe féministe, spécialiste de géographie sociale et politique au prisme du genre et des sexualités. Elle est maître de conférences habilitée à diriger des recherches à l’Institut de Démographie de l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne (IDUP) où elle est aussi référente égalité et membre du comité d’éthique de l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne. Par ailleurs, elle est membre du bureau de la commission genre et géographie de l’UGI et de la commission diversité de l’alliance UNA Europa.

Ses recherches récentes concernent la géographie du trauma et son élaboration épistémologique, théorique et méthodologique. Elle conduit actuellement une enquête longitudinale et un suivi de cohorte sur les projets d’émigration vers Israël et l’Amérique du Nord en lien avec l’expérience et les représentations de l’antisémitisme.  Elle est aussi membre du projet collaboratif européen RESIST – Fostering Queer Feminist Intersectional Resistances against Transnational Anti-Gender Politics (EU Horizon Europe) sous la direction de la géographe irlandaise Kath Browne[1].

(suite…)

Produire et manger localement, utopie ou réalité ?

Lors du café-géo du 6 décembre 2022 à Montpellier, Nabil Hasnaoui Amri (chercheur associé, UMR Innovation) (1) a présenté les résultats de sa thèse (2) dans laquelle il observe toute une collectivité s’interrogeant sur les emplacements à dédier à l’agriculture. Sont observés les jeux d’acteurs qui président à la mise en place de cette politique de réintroduction d’espaces agricoles au sein de l’agglomération; les leviers d’action  utilisés pour la mise en place de cette agriculture urbaine ainsi que les limites spatiales, foncières et actorielles de ce projet. Quelles sont les réalités géographiques et politiques de ce jeune projet innovant et quelles en sont les dimensions utopiques ?

(suite…)

Frontières et fronts numériques : les enjeux territoriaux d’Internet dans la guerre en Ukraine

Louis Pétiniaud est docteur de l’Institut Français de Géopolitique et chercheur postdoctoral au sein du laboratoire IFG-Lab et du centre de recherche GEODE. Spécialiste d’Internet dans les conflits territoriaux, il a soutenu en novembre 2021 une thèse sur la fragmentation géopolitique et numérique de l’Ukraine sur la période 2013-2020. Il a récemment reçu le 1er prix scientifique de thèse de l’Institut des hautes Études de Défense Nationale. Le 17 janvier 2023, il est l’invité des Cafés Géo de Montpellier pour présenter les enjeux territoriaux d’Internet dans la guerre en Ukraine. (suite…)

Cafés géo de Montpellier : programme des cafés 2022-2023

Où en sont les frontières chypriotes ?

Marie Pouillès Garonzi, doctorante en géographie à l’Université Lumière Lyon 2, ED 483, UMR 5600 EVS-IRG, analyse la division de l’île de Chypre de part et d’autre de la « Ligne Verte », pour les Cafés géo de Montpellier.

En guise d’introduction, Marie Pouillès Garonzi souligne la polysémie du concept de frontières à travers trois définitions proposées par des géographes et politologues français :

  • Bruno Tertrais et Delphine Papin définissent la frontière comme une « limite géographique -ligne ou espace- dont le tracé reflète les relations entre deux groupes humains : rapport de force militaire ou diplomatique, mais aussi traditions ou relations de bon voisinage. C’est en quelque sorte de l’histoire inscrite dans de la géographie ou ‘temps inscrit dans l’espace’ (Michel Foucher) ». (Tertrais & Papin, 2016, p.13).
  • Jean-François Staszak met l’accent sur les divisions sociales et spatiales établies par la frontière qu’il définit comme « tout dispositif géographique qui opère une division à la fois sociale et spatiale ». (Staszak, 2017, p.25)
  • Bernard Reitel insiste pour sa part sur « le caractère ambivalent de la frontière, tantôt fixe, tantôt fluctuante ». La frontière « semble à la fois associer et dissocier, différencier et articuler ». Il explique que la « frontière instituée fonctionne grâce à un jeu de fermetures et d’ouvertures que traduisent des durcissements (bordering), des dévaluations (debordering), voire des raffermissements (rebordering) ». (Reitel, 2017, p.54-55)

(suite…)

Bùn cha et pad thai : quel avenir pour la “street food” en Asie du Sud-Est ?

Les Cafés Géo de Montpellier ont reçu Gwenn Pulliat, chargée de recherches en géographie au CNRS, UMR ART-Dev pour parler de « street-food » en Asie.

La conférence porte sur la vente alimentaire de rue en Asie du Sud-Est. Le terme de « street food » est très à la mode et un élément de l’identité internationale de l’Asie du Sud-Est connue pour sa gastronomie de rue. Netflix a d’ailleurs créé une série sur la « street food », qui commence à Bangkok. Or la street food fait l’objet d’un contrôle croissant voire d’une éviction par les autorités des grandes villes sud-est asiatiques. Il y a donc une ambivalence entre d’un côté une promotion internationale et de l’autre un contrôle accru des vendeurs. La présentation porte surtout sur Hanoï et Bangkok. (suite…)

De Bangkok à Bali : géographie du tourisme en Asie du Sud-Est

Café Géo de Montpellier – Mardi 28 janvier 2020

De Bangkok à Bali : géographie du tourisme en Asie du Sud-Est.

Emmanuelle Peyvel, maître de conférences en géographie à l’université de Brest (UBO), EA Géoarchitecture.

 

Pour entrer dans le sujet, nous pourrions partir de l’actualité : le nouvel an lunaire. Le 25 janvier 2020, nous sommes entrés dans l’année du Rat. C’est une période souvent intense en mobilités touristiques en Asie du Sud-Est. Plusieurs dynamiques peuvent ressortir de cet événement.

La première que l’on peut observer est que les villes se vident à ce moment-là. Ceci est représentatif d’une croissance urbaine récente et corrélée à l’accroissement économique qu’ont connu ces pays. Les citadins regagnent leur village natal et progressivement se forge l’idée d’une campagne, un rêve de citadin distinct de l’espace rural agricole productif. Cette dynamique alimente les sociabilités familiales, et permet de  “faire famille”, y compris avec les membres de la diaspora.

La deuxième grande dynamique touristique que l’on peut observer à l’occasion du Nouvel An lunaire concerne les montagnes. Ces dernières sont des lieux anciens de pèlerinage, beaucoup y prient pour s’attirer les meilleures faveurs pour la nouvelle année. Cette mobilité touristique est représentative d’un autre grand ressort touristique en Asie du Sud-Est : la prière. Elle s’intègre pleinement au triptyque « Pray, Play, Pay » proposé par Nelson Graburn pour rendre compte du tourisme domestique asiatique. Payer doit être ici entendu dans le sens de consommer. En effet, le nouvel an lunaire est un moment festif, où l’on a plaisir à s’amuser et à consommer : on achète des souvenirs, on consomme de bons repas, etc. En ce sens, le tourisme est représentatif des sociétés de consommation dont profitent aujourd’hui pleinement les classes moyennes sud-est-asiatiques. Cette mobilité spirituelle s’articule aussi dans certains pays comme le Vietnam à celle du du xuân (littéralement “partir au printemps”). Cette mobilité est commune à d’autres pays d’Asie, il s’agit d’admirer la végétation en fleurs au printemps (les cerisiers au Japon ou en Corée par exemple). En Asie du Sud-Est l’attention est portée sur les abricotiers, les pruniers et les pêchers parce que les fleurs sont jaunes et rouges, couleurs de la fête en Asie.

Les mobilités touristiques en Asie du Sud-Est relèvent donc d’imaginaires et de représentations qui sont propre à ces pays et qui nécessitent un certain décentrement du regard pour les occidentaux.

(suite…)

Le lac Tchad au péril de l’Anthropocène

Géraud Magrin, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – U.M.R. PRODIG

 

Introduction : la notion d’Anthropocène et son actualité au Sahel 

La notion d’Anthropocène est une notion proposée au début des années 2000 par Paul Crutzen (chimiste de l’atmosphère) pour nommer un nouvel âge géologique influencé par l’impact de l’activité des sociétés humaines sur le système « Terre ». À travers la notion d’Anthropocène, Paul Crutzen et d’autres chercheurs ayant travaillé sur cette notion, prennent en compte un certain nombre de dynamiques : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les changements dans le cycle de l’eau, etc. Ces éléments renvoient à l’évolution du système « Terre » d’un point de vue surtout biophysique : la principale critique soulevée par la notion d’Anthropocène est que celle-ci a tendance à dépolitiser la question des crises environnementales. En considérant d’une part que toutes les sociétés humaines ont (eu) la même empreinte sur les écosystèmes. Et en débouchant sur la proposition de solutions purement techniques pour résoudre le problème, à travers différents projets d’ingénierie environnementale, dont les enjeux politiques ne sont pas davantage questionnés. Les géographes ne s’intéressent à cette notion que depuis peu de temps : certains d’entre eux interrogent, à l’échelle des territoires, la manière dont cette notion permet d’éclairer d’un jour nouveau leurs objets d’étude, en prenant au sérieux la crise environnementale globale mais sans éluder la perspective politique qui fait le sel et l’intérêt des approches critiques de l’environnement.

Le Sahel constitue un objet intéressant pour une telle approche. Considérer le Sahel au travers de la notion d’Anthropocène, c’est s’intéresser aux effets du changement global sur un espace qui n’a pas une position centrale dans le monde et qui, en Afrique même, est en position de marge. Des mutations importantes s’y sont accélérées au cours des dernières décennies, sous l’effet de facteurs multiples. La croissance démographique (dans la plupart des pays sahéliens, la population a plus que doublé en vingt ans et continue de croître très rapidement), les dynamiques environnementales (sécheresses sévères durant les décennies 1970-80 et incertitudes sur les effets du changement climatique) et l’intégration à l’économie mondiale (à travers notamment des investissements mondialisés dans les secteurs agricole et extractif) se traduisent par des changements multiformes : urbanisation, désertification, crises politiques et sociales.

Dans ce contexte s’est diffusé depuis quelques années un discours selon lequel le lac Tchad disparaitrait progressivement sous l’effet du changement climatique et serait ainsi menacé d’assèchement. En réponse à cette inquiétude, un projet de transfert d’eau inter-bassin a été proposé. Ce dernier permettrait de transférer de l’eau depuis le bassin du Congo ou de l’Oubangui (affluent du Congo) vers le lac Tchad afin de le sauver d’une « catastrophe » comme celle qu’a connu la mer d’Aral. Ce que l’on pourrait qualifier de « boucle de l’Anthropocène » est bouclée : le changement climatique actuel, dont les causes sont largement de nature anthropique, est convoqué pour justifier un très grand projet d’aménagement, de nature anthropique également, qui bouleverserait toute la région du lac Tchad. Ce projet de transfert de l’eau, s’il était mis en œuvre, aurait en effet pour conséquence de transformer radicalement l’environnement dans lequel vivent les sociétés qui occupent les rives du lac et toute la partie méridionale, la plus peuplée, de son bassin.

(suite…)

Page suivante »