Café de géo Paris, le 14 décembre 2016

Paysages et territoires du sel par Micheline Huvet-Martinet, Agrégée d’Histoire, Docteure ès Lettres, ex prof CPGE Lycée Claude Monet Paris. Ses thèmes de recherche initiaux ont porté sur le Faux-saunage en France sous l’Ancien Régime, élargis à la fiscalité et l’histoire du sel. Gildas Buron qui devait intervenir a malheureusement été empêché.

Michèle Vignaux  se charge d’ouvrir la séance en rappelant l’originalité du produit : vital, abondant dans la nature, devenu le condiment par excellence aux usages multiples, mais aussi  produit mythique à haute valeur symbolique très tôt associé au divin.

Le café de géo de ce jour  s’intéresse aux  différents paysages correspondant aux territoires actuels du sel. Il est rappelé le caractère indispensable mais surtout insubstituable du sel qui explique son poids dans les économies et les sociétés pré-industrielles quand  la chaîne du froid n’était pas maîtrisée. Le sel, là où il existe, a été un facteur d’appropriation d’espaces devenus des territoires identifiables, structurés par des sociétés organisées autour de sa recherche, sa production, sa transformation, son raffinage, son conditionnement, son transport, sa distribution et son commerce. L’industrie du sel était dans les salines continentales une entreprise complexe et double, constituée à la fois  d’installations de surfaces et d’équipements souterrains. C’était une industrie  industrialisante générant de multiples activités et des emplois induits. Les salins littoraux ont été dévoreurs d’espaces qu’ils ont structurés tout en  organisant des sociétés humaines.

Or de nos jours, le sel est devenu un produit banal. En effet, au XIX°s  l’industrialisation, le développement du chemin de fer (qui libera la production de sel de sa dépendance millénaire à la mer en rompant l’isolement des salines continentales comme en Lorraine) et les concentrations capitalistes  (qui permirent de dégager des investissements pour moderniser la production) ont bouleversé les marchés nationaux et le marché international du sel provoquant la ruine tant de la saliculture du littoral atlantique européen (et même de certains salins méditerranéens) que des vieilles salines de l’Europe continentale (dans le Salzkammergut ou en Franche-Comté) ainsi que celle des mines de sel gemme (à Wieliczka en Pologne).

Le sel, produit recherché s’est totalement banalisé en devenant  abondant alors que dans le même temps ses usages se multipliaient et se différenciaient.  De ce fait, actuellement, on peut considérer qu’il existe assez peu de territoires du sel proprement dit au sens où le sel serait l’unique ressource créatrice des activités. En France le sel ne représente que 5000 emplois. Pourtant, les territoires du sel sont à l’origine de paysages spécifiques élaborés au cours des temps. Le sel continue à témoigner de son importance en s’imprimant dans la toponymie: Salins, Salies, Marsal, Lons-le-Saunier; Salzbourg, Salzkammergut… mais aussi avec sa racine Hall (halite nom du sel gemme  vient du grec Halos=sel) Hallstatt, Hallein, Schwäbish Halle.

Quelques aspects de la géographie et de l’économie du sel actuellement

– Les usages du sel : En rentrant dans l’ère industrielle, l’économie du sel a dépassé  le cadre restreint de la consommation humaine et animale. Actuellement, dans tous les pays développés, le sel alimentaire ne représente pas plus de 10 à 14% des usages. L’agriculture demeure demandeur. Les besoins des sels de déneigement et le développement des industries surtout chimiques marquent les différences mais partout les besoins des industries chimiques représentent plus de 50% des usages.

-La production mondiale couvre actuellement largement les besoins.  A l’origine, le sel est toujours marin même quand il est continental puisqu’il s’agit alors d’un sel fossile, vestige des mers du secondaire qui en s’évaporant et se retirant sous des climats secs  sont devenues des lagunes, progressivement asséchées, entraînant la constitution de gîtes salifères par précipitation des sels minéraux en couches successives, recouvertes ensuite de sédiments.  Ce sel, vestiges de mers primitives, connu sous le nom de sel gemme (halite) est largement présent. Sous les climats tempérés il peut être dissous par les eaux de ruissellement ou d’infiltration qui réapparaissent en résurgences sous forme de fontaines ou mares salées.   Dans les pays arides,  le sel affleure à la surface du sol sous forme de dépôts et forme une véritable croute exploitée par l’homme: ce sont les  paysages de lacs salés ainsi le lac Assal en Ethiopie (ci-dessous) à 150 m sous le niveau de la mer ou le Salar d’Uyuny  sur l’altiplano bolivien à 3500 m d’altitude.

M.Huvet-Martinet, L’aventure du sel, 2013, ed.OF

-les types de sel  au nombre de cinq : sel solaire de la mer; sel de lac salé, puits ou source salés, sel gemme et terre salée.  Seule la Chine doit à son immensité, à la variété de ses climats, à la diversité de son sol et à sa façade maritime étendue de posséder tous les types de sel.

Le sel est une ressource naturelle toujours exploitée par l’homme suivant des méthodes inchangées dans leur principe au-delà des améliorations parfois considérables liées aux progrès techniques. Les techniques de production sont variées mais on retrouve tjrs un processus d’évaporation – concentration- saturation – cristallisation

Sous nos latitudes, en Europe selon ses origines et ses procédés d’obtention on distingue trois types :

-le sel ignigène  (ignis, en latin, le feu) s’obtient par évaporation-cristallisation sur une source de chaleur du NaCl en dissolution dans la saumure. Ce procédé, connu dès le néolithique, largement pratiqué au Moyen Age, appliqué tant aux sources continentales de surfaces ou profondes qu’aux eaux marines du littoral s’est largement diffusé malgré les énormes besoins en combustible.  Actuellement, le sel des gisements souterrains est dissous  par la technique des sondages développée au XIX°s : des tubes sont introduits dans des trous préalablement forés afin de pouvoir injecter de l’eau pour dissolution du sel gemme. La saumure remontée en surface est soit évaporée selon technique ignigène soit directement utilisée sans cristallisation par les industries chimiques.

-le sel de terre (minier : sel gemme)  est obtenu à sec (dry mining) en accédant au gisement par des puits et des galeries.

le sel solaire est obtenu par la très délicate technique de la saliculture  pratiquée en marais salants là où les conditions naturelles le permettent.

-Les besoins mondiaux  sont actuellement couverts par la production soit environ 250 à  300M°t/an tous sels confondus  (cristallisés et dissolution). Les ressources étant assez largement réparties, le commerce international porte sur moins de 20% de la production mondiale. Celle-ci est dominée par la Chine et les USA. La Chine est récemment passée 1° producteur et 1° consommateur mondial (80M°t avec 60% de sels solaire) surtout en raison du développement des industries chimiques. Elle devance les USA (48M°T) puis l’Inde (17M°t),  l’Allemagne et le  Canada. L’Australie a développé sa production en raison des besoins de l’Asie (le Japon déficitaire importe).  La production est dominée par le  groupe allemand K+S (Kali und Salt)  devenu le leader  mondial du sel. China National Salt (50 000 emplois) perd son monopole d’Etat vieux de 2000ans  au 01/01/17.

-la production dans l’Union Européenne.  L’Allemagne est de loin le leader  tous sels confondus (12 à 15M°t/an) suivie par la France et GB (6,5M°t).  La production  annuelle des 27 Etats membres est stable autour de 30 M° t. Il n’y a pas de risques de pénurie :  la capacité installée de production est d’environ 40M°t, soit 40% de la capacité mondiale. Pour ces sels cristallisés, la prépondérance des sels terrestres (25%) demeure flagrante à cause du poids de l’Allemagne.

L’Italie ne produit plus que très peu de sel solaire : l’essentiel de la production est assurée en Sicile, non plus sur les salins de la côte, mais avec sel gemme sur 3 sites entre Palerme et Agrigente.

En GB, la production tardive à partir du XVII°s se concentre surtout dans le Cheshire.

En Europe, la filiale de K+S  produisant les sels cristallisés  et le groupe belge Solvay ont fusionné en 2002 pour donner naissance à ESCO (European Salt Company). Par la quantité (6 M° t/an), la qualité et la variété des sels qu’elle produit,  ESCO revendique une position de leader en Europe.

M.Huvet-Martinet, L’aventure du sel, 2013, ed.OF

La situation de la France est originale par le poids des sels solaires (40% de la production) en provenance très majoritairement des salins méditerranéens fortement mécanisés. Les temps ne sont plus à la concurrence entre les sels de l’Atlantique et ceux de la Méditerranée. Le sel gemme extrait à  Varangéville participe pour moins de 15 % à la production. Le sel igné maintient ses positions (45% de la production surtout en Lorraine). Trois acteurs principaux contrôlent la production : Cie des Salins, Solvay et Esco.  Si on exclut le littoral atlantique où la production est familiale et coopérative, l’essentiel de la production est assurée par la CSME (Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est, communément appelée les Salins) issue d’acquisitions et de concentrations depuis 1856. C’est un pur salinier, produit de 2,2 à  2.5 M°t/an de sels de tous les types et tous usages (alimentaire, agriculture, industriel, traitement des eaux, routes, etc.) mettant en œuvre les trois technologies de production. Son sel alimentaire est vendu sous la marque La Baleine.  La filiale française d’Esco ne produit plus que dans sa saline de Dombasle à laquelle est associée une usine Cérébos.

La Baleine et Cérebos concentrent 44% des ventes de sels alimentaires en France. Aux sels cristallisés, il faut ajouter les sels en dissolution produits et autoconsommés par les grands groupes chimiques (Solvay notamment) produisant les sels en dissolution  à raison de 3 à 4 M°t/ an.

Typologie des paysages et territoires du sel

1°) les Paysages industriels dominés par chimie

Actuellement, donc le sel, avant tout matière 1ere de l’industrie chimique sert surtout, à obtenir par électrolyse du chlore, de la soude caustique et carbonate de sodium (sel+ammoniac+craie/calcaire)

Les paysages caractéristiques du sel sont ceux tel celui d’AKZO Nobel à Delfzijl à l’embouchure de l’Ems dans un parc chimique littoral de 1500 ha où la saumure de Groningue  pompée par forage est acheminée par pipes. Les infrastructures de communications jouent un rôle essentiel : port de mer en eaux profondes, liaisons ferrées et routières en communication avec hinterland allemand.  Bâtiments essentiels sont ceux où se fait l’évaporation de la saumure dans des lignes d’évaporateurs à multiples effets en vases clos. Cette usine est  les plus importantes unités de ce type en Europe. Elle produit 2.6M°t sel /an: sels de déneigement  et sels industriels ainsi que de l’acide chlorhydrique.

En France les paysages industriels du sel ne se trouvent plus qu’en Lorraine qui demeure malgré fermeture de nombreuses salines la première région de production de sel concentrée maintenant dans la vallée de la  Meurthe.  La Lorraine a été et demeure un territoire du sel continental, en raison  de la  présence d’un vaste gisement de sel, le plus important de France dont l’exploitation est attestée dès  le premier âge du fer (1000 à 500 av. J.C.). l’exploitation prend une dimension industrielle au XIXe siècle autour de 4 moments clés : 1819= la découverte d’une  mine de sel gemme à Vic/Seille à faible profondeur signe  la fin de l’exploitation par puits et mares salées et le début du développement des sondages d’abord dans  le Saulnois ( reconversion de la saline royale de Dieuze) puis vers la Meurthe autour de Rosières et  le plateau d’Haraucourt   -1840, la fin du monopole d’Etat du sel multiplient les demandes de concessions privées de sondages  -années 1850 : désenclavement de la région par mise en service chemin de fer Paris -Strasbourg ( le tronçon lorrain est surnommé le chemin de fer des salines) et creusement du canal de la Marne au Rhin. Ces deux axes structurent ce territoire du sel au moment où Ernest Solvay (1838-1922), découvre un nouveau procédé de fabrication de la soude et s’intéresse à la Lorraine capable de lui offrir les matières premières, calcaire et sel nécessaires à une exploitation de grande envergure. –le tournant dans années 1870 est marqué par le rattachement à la Prusse du Saulnois et Château-Salins ce qui amène un basculement sur la vallée de la Meurthe de l’industrie du sel au moment où la demande est forte  notamment dans  la verrerie (Baccarat et Nancy) et  les savonneries. Les salines de la vallée de la Seille, passées à l’Allemagne, moins compétitives se dévaluent. Seule Dieuze se développe sous impulsion de la chimie allemande qui utilise aussi la technique des sondages.

 Actuellement les paysages du sel se concentrent le long de la vallée de la Meurthe en amont de Nancy, 1° région de  production de sel en France  On peut donc parler d’un territoire du sel avec la multiplication des sondages à partir de 1860.  L’industrie salinière emploie alors massivement des fils d’agriculteurs à une période où le monde rural connaît sa  grande mutation. Cette proximité limite considérablement l’exode rural. Les saliniers  «restés au pays» continueront à exploiter la terre familiale. Cette double activité mixte génère un revenu supérieur qui fait d’eux une catégorie ouvrière sensiblement plus aisée que la moyenne.  Comme les autres secteurs, l’industrie du sel se modernise et obtient d’énormes gains de productivité.  A partir de 1960-70 alors que la production et la productivité augmentent  le nb d’employés baisse.

Il ne reste actuellement que 4 sites de production mis en œuvre par 4 exploitants qui a chacun ses concessions.  Trois sont regroupés sur la rive droite de la vallée de la Meurthe et son plateau  autour de  la mine de Varangéville (les Salins)  et le complexe Solvay de Dombasle à 3 km de distance dans la vallée de la Meurthe/ le long du canal de la Marne au Rhin et soudière de la Madeleine (Novacarb). Le 4° site est celui de la saline d’Einville (dernière saline indépendante).

source: Solvay.fr

Paysage industriel du site Solvay  de  DOMBASLE. Sur  un parc industriel de 50 ha employant 500 salariés la soudière, crée en 1873 était en 1914 la plus grande soudière mondiale avec 1900 salariés; elle demeure actuellement la première soudière de France devant celle de la Madeleine. Elle a profité de la présence de sel, calcaire de bonne qualité à proximité et d’une bonne infrastructure de communication. Le sel en dissolution provient des saumures obtenues par sondages.  La production de bicarbonate de soude  est destinée à la pharmacopée, l’alimentation… et  le carbonate de soude à la verrerie, détergents…la photo révèle la présence des fours à chaux (les plus hauts d’Europe, 30m) sur les bords du canal de la Marne au Rhin, celle d’ un laboratoire de R & D d’envergure internationale qui travaille pour l’ensemble des activités carbonate, bicarbonate et dérivés du groupe Solvay.  On remarque aussi les silos de stockage.  Plus haut derrière la soudière on aperçoit la saline d’ESCO alimentée par saumure de Solvay. Plus loin, à 500m, en dehors de la photo, les usines Cerébos (ESCO) crées en 1924, rénovées en 2010 emploient 60 personnes qui conditionnent 25000t/an provenant de la saline de Dombasle mais aussi du sel gemme pur à 99% provenant des mines de Borth (Rhénanie-du-Nord-Westphalie Allemagne. Propriété de Solvay)

Autre paysage industriel du sel: celui de Varangéville (Meurthe-et-Moselle). Le site comporte une  double activité (250 emplois en tout) : une saline et une  mine de sel Gemme (St Nicolas) opérés par les Salins. Puits inauguré en 1856 permet d’extraire chaque année 350000 à 450 000 tonnes de sel assez impur (jusqu’à 7 à 10% de marnes) destiné uniquement au déneigement. Production, liée aux besoins hivernaux fournit 85% du sel de viabilité français. La saline ignigène, alimentée par les saumures provenant de sondages  du plateau voisin est la plus grande de France. Elle fonctionne depuis 2011 à l’énergie électrique. La production se fait dans des lignes d’évaporateurs clos. Elle est de 625 000 tonnes de sel fin/ an est conditionnée sur place et destinée à l’alimentation, l’agriculture, l’industrie et l’adoucissement des eaux.  Les voie d’eau et ferrée sont essentielles.

M.Olivier & Jacques Debru, Les nouvelles routes du sel, 2010 ed O.F

A côté de ces  paysages d’usines, il faut évoquer ceux impactés par l’exploitation du sel qui posent des problèmes d’environnement.

  • les paysages des bassins d’effondrement : Plateau d’Haraucourt
  • les paysages des bassins de décantation soit encore actifs (Rosières-aux-salines) soit reconvertis pour certains en zones de loisirs

 

Gd Couronné (Source: La Maison du sel)

Rosières-aux-salines(54)   source: Survol de france.fr

 

Plateau d’Haraucourt entre Haraucourt et Buissoncourt.

Ce panorama réalisé  en 2010, offre un point de vue unique sur ces immenses étendues d’eau résultant des effondrements liés l’exploitation intensive par Solvay du sel selon la technique des sondages en pistes de dissolution. Ces manifestations de surface sont assez prévisibles, limitées aux périmètres des concessions, situées à l’écart des agglomérations et de l’exploitation minière, en particulier sur le plateau d’Haraucourt au Nord de Varangéville et sur le plateau du Vermois. Ils constituent des risques car lorsque la première cavité s’effondre c’est une spectaculaire remontée d’eau sous pression sous  forme de geyser.

Paysage des rejets salins : Bassins de décantation  de Rosières-aux-salines.

En amont de l’agglomération nancéenne le paysage révèle les impacts directs et indirects des rejets salins des deux soudières  de Dombasle et la Madeleine rejetant  divers sous-produits notamment chlorure de calcium avec dépôts chaux. Dès 1880, les industriels se sont préoccupés de traiter ces déchets  d’abord déversés dans la Meurthe.  Avec l’augmentation de la production, des bassins de décantation d’abord puis de bassins de modulation (bleu lagon) furent mis en place  pour stocker les eaux en attendant les hautes eaux d’hiver de la Meurthe pour vidange dans la Meurthe suivant régulation de l’UE.  Certains bassins anciens de plus petites tailles ont été reconvertis et ouverts aux activités de loisirs

2°) les paysages de territoires patrimonialisés

Conservation et patrimonialisation représentent une tendance récente et essentielle pour les territoires du sel et témoignent d’une prise de conscience de la valeur de cet héritage. En Europe, le plus bel exemple est celui des mines de Wieliezka en Pologne, mais aussi dans tout le Salzkammergut autrichien ou en Allemagne.

En France, il y a de nombreux exemples. Ainsi le territoire du Saulnois en Lorraine a cherché très tôt à maintenir le témoignage de son passé salicole: les associations sont très actives pour entretenir la mémoire du sel. Le musée de Marsal (sur un site du néolithique) a été un des premiers musée du sel ouvert en 1973. A Dieuze, le site des salines fermé en 1973 a été cédé à la ville en 1994. Depuis 1997 des travaux sur le bâtiment de délivrance du XVIII°s et la rénovation du puits ont permis l’ouverture au public.

La mémoire du sel se retrouve aussi dans des paysages entrés dans des programmes de protection marqués par la présence de plantes et faune halophiles: à Marsal, les mares salées sont des biotopes protégés.

Etude de cas : La Franche-Comté  un ancien territoire du sel patrimonialisé

Les sources salées sont connues dès le néolithique (âge du fer à Lons-le-saunier)  Le véritable essor se situant aux XI°/XIII°s  jusqu’au XVI° avec une temporalité différente pour chacune.

A l’époque moderne, une dizaine de salines fonctionnaient en liaison avec les sources salées exploitées au contact du Jura (Lons-le Saunier et Salins), en bordure des Vosges méridionales (saline de Saulnot). A partir de  1820, comme en Lorraine, la géographie des salines s’émancipe des sources salées. Avec la recherche de mines et le développement de la technique des sondages la géographie du sel prend une ampleur nouvelle même si elle n’est pas totalement bouleversée: une partie des salines d’Ancien Régime est abandonnée (ex  Saulnot) mais la majorité des sondages sont entrepris par les salines déjà existantes soucieuses de défendre leur compétitivité et leur marchés contre sel lorrain. Des mines de sel gemme sont découvertes autour de Besançon ce qui développe les concessions, les sondages et les salines dans cette région (Miserey ; Chatillon)

Le dynamisme du sel est réel au XIX°s mais en régression au XX°s surtout après la  Première Guerre mondiale en raison des problèmes de compétitivité avec le sel lorrain et l’absence d’investissements pour moderniser. En l’espace de 30 ans (1936-66) s’égrène la litanie des fermetures. Jusqu’en 1962, date de fermeture de Salins, le sel des « Salines de Franche Comté » était encore commercialisé

Le sel, au cœur de l’industrie comtoise disparait en un demi-siècle.

Il anime maintenant le tourisme et est patrimonialisé autour de 2 sites clés inscrits au patrimoine de l’UNESCO : Salins et Arc et Senans, son binôme indissociable pendant un siècle

La grande saline de Salins  (Jura) fermée en 1962 a assuré dès le moyen-âge la presque totalité des livraisons de sel du Comté de Bourgogne, et a été sous l’ancien régime un complexe industriel parmi les plus important d’Europe suscitant l’admiration de tous les voyageurs qui s’y pressaient et en ont fait de très précises descriptions. Elle a rejoint la liste du patrimoine UNESCO en 2009.

La vue générale de la grande saline de Salins  correspond bien encore aux descriptions anciennes

Crédit MTCC. Cl.Y.Goux

Ici reste seulement le bourg du dessus avec saline. Les cheminées surmontent les bernes (bâtiments des poêles) où est maintenant installé le musée. Le bourg du dessous avec le puits à muire n’existe plus ; il est reconverti depuis 1855 en établissement thermal…reconversion habituelle dans de nombreux territoires du sel où le thermalisme est une solution de rechange en utilisant les propriétés des eaux salées. On remarque les restes des fortifications qui témoignent de la haute valeur du produit et du contrôle établi sur la production. Les maisons en face le long de la rue correspondent aux anciennes écuries (nombreux chevaux nécessaires pour faire tourner manège et transporter la production.) et aux forges nécessaires pour l’entretien des poêles métalliques.

La maison du Directeur actuellement sur le parking est située sur l’ancien puits d’Amont d’où était pompée la saumure : opération sous haute surveillance.

 La saline royale d’Arc et Senans est un autre bel exemple de patrimonialisation d’un territoire du sel, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1982.

Micheline Huvet-Martinet, l’Aventure du sel, ed.1995.Ed.OF, coll. Fondation Nicolas Ledoux (DR)

Cette saline, exemple précoce d’architecture industrielle à la recherche d’esthétisme et de symbolisme a eu, dans l’Europe du XVIIIes finissant, un retentissement considérable. Elle a permis à son architecte de s’affirmer comme un artiste fécond du néoclassicisme.  Claude Nicolas Ledoux (17361806), architecte en vue sous Louis XV, soutenu par les milieux du pouvoir (Mme du Barry) et de la finance, inspecteur général des salines de Franche-Comté, conçoit la saline et l’intègre dans un vaste projet de ville idéale, la ville de Chaux dont l’inachèvement renforce le caractère utopique.

La Saline Royale fonctionnait comme une usine intégrée où vivait presque toute la communauté du travail. Construite en forme d’arc de cercle, elle abritait lieux d’habitation et de production, soit 11 bâtiments en tout : la Maison du Directeur, les Ecuries, les bâtiments des Sels Est et Ouest, les Commis Est et Ouest, les berniers Est et Ouest, la tonnellerie, le bâtiment des Gardes et la Maréchalerie

L’hémicycle de la saline était complété dans les plans de N.Ledoux par un autre demi-cercle symétrique jamais réalisé. Le plan en demi-cercle radioconcentrique, répondait à deux impératifs: surveiller et réduire les déplacements, exprimer une symbolique cosmique en offrant une forme pure « comme celle que décrit le soleil dans sa course ».

Pourquoi une saline royale en ce lieu ?

– Parce que la Ferme générale cherche de meilleurs profits et veut étendre ses ventes à la Suisse voisine, grosse consommatrice de sel pour ses fromages.

– Parce que l’industrie salicole franc-comtoise ne peut répondre à cette demande

– Parce que Salins (principale saline de la région) doit faire face conjointement à une baisse de la salinité de ses eaux et à un amoindrissement des réserves en bois.

La Ferme opte en 1773 pour le traitement des « petites eaux » de Salins par graduation, ce qui ne peut se faire sur place par manque d’espace. Le site de Chaux (entre les villages d’Arc et de Senans) est vaste, il y a du bois et une bonne desserte en voies d’eau.

Les moyens mis en œuvre furent exceptionnels. Avant d’arriver dans les poêles des bernes pour cuisson, la saumure cheminait de Salins par saumoducs puis passait dans le bâtiment de graduation pour concentration  Bien que conçue comme un modèle, la saline, mal acceptée (comme le prouve le cahier de doléances local), produisait selon des procédés traditionnels.  Devenue très vite obsolète avec la diffusion du charbon et des forages, elle ne ferma pourtant qu’en 1894. Pillée, endommagée par un incendie en 1918, le département du Doubs l’a acquise en 1927 la sauvant ainsi de la ruine. Les travaux  de restauration achevés en 1996, lui redonnèrent son éclat.

2°) Les territoires de la saliculture : l’eau et la terre; La technique des marais salants est à l’origine de paysages anthropiques de terre et d’eau originaux.

La Saliculture est une activité agricole comme en atteste tout le vocabulaire (en allemand = Salzgarten) : on récolte le sel, on cueille la fleur de sel…les travaux s’échelonnent sur le marais au fil des saisons : travail de préparation et de réparation (chaussage) en hiver puis à partir d’avril travaux d’acheminement de l’eau avant la récolte l’été.

Le principe est simple: associer la mer salée à des sources d‘énergie naturelle (soleil+vent) pour l’évaporation. La réalisation est délicate, sophistiquée et compliquée d’où son apparition tardive dans histoire de l’humanité.

Les paysages sont liés au long parcours de l’eau de mer car le grand principe chimique repose sur la cristallisation fractionnée des chlorures. Pour tirer parti du décalage des plages de précipitation, tous les salins comportent une série de bassins où chlorures et sulfates se déposent au fur et à mesure que l’eau purifiée se sature en élevant sa concentration

Créer un marais entraine de nombreuses contraintes : géographiques, chimiques, physiques et technologiques. Il faut barrer le fond d’une anse occupée par une vasière littorale, établir une prise d’eau, faire circuler cette eau d’un bassin à l’autre sur de vastes étendues de terrain où, sous faible épaisseur, elle va, en s’évaporant grâce à l’énergie gratuite du soleil et du vent se saturer en chlorure de sodium qui, en se cristallisant, se dépose alors sur les surfaces préparées à cet effet. Il faut donc de l’espace, un sol plat et imperméable, un climat favorisant l’évaporation avec peu de précipitations pendant quelques mois par an. A ce titre, les marais maritimes argileux au niveau de la mer offrent de bonnes conditions topographiques et géologiques. Les basses plaines côtières construites par les atterrissements des grands fleuves ont été des zones privilégiées. Les eaux douces, utiles pour éviter les trop fortes concentrations de saumure en fin de cycle, offrent aussi une voie de circulation pour distribuer le sel, produit pondéreux, à l’intérieur du pays.

Dès le moyen-âge, les littoraux européens de l’Atlantique et la Méditerranée voient se développer des marais salants. La production atlantique se localise aux embouchures de la Loire, de la Charente, du Tage et du Guadalquivir. L’activité salicole est alors largement responsable du décollage économique du duché de Bretagne.

En Méditerranée, la côte espagnole au sud de l’Ebre, l’embouchure du Rhône, le golfe de Venise, la côte des Pouilles ainsi que les îles (Ibiza, Chypre) sont productrices ; seuls le Maghreb et le Latium sont dépourvus de salins.

Partout un paysage typique lié au circuit de l’eau avec un dédale complexe de canaux, portes et bassins à l’abri de longues digues protectrices (20 kilomètres à Guérande) intègre souvent un étang naturel utilisé comme déversoir où s’entame le processus de décantation concentration. Partout, fonctionnent au moins deux circuits d’eau : un qui alimente les bassins, un autre qui évacue les eaux superflues de vidange. Partout aussi  un dur labeur… mais partout aussi la gratuité des sources énergétiques (soleil et vent) assure au sel marin un faible coût de production.

La marée est indiscutablement un avantage dans l’Atlantique, alors que les conditions climatiques sont à l’avantage de la Méditerranée. Seuls les Ibériques ont profité des deux avantages ce qui explique le développement de la saliculture dans ces régions en raison de la forte compétitivité de leurs sels avant l’ère industrielle.

EN France, actuellement, les paysages de la saliculture des territoires littoraux du sel en Méditerranée comme en Atlantique  sont, comme pour les salines continentales, soit en activité   soit abandonnés ou patrimonialisés.

IL faut différencier les paysages du littoral méditerranéen de ceux de l’Atlantique car la présence de la marée d’une part et les techniques et le calendrier de la récolte d’autre part créent des originalités : en effet, la récolte est quotidienne et artisanale sur l’Atlantique alors qu’elle est annuelle et hautement mécanisée dans les salins méditerranéen.

EN France deux salins seulement sont en activité sur la méditerranée et concentrés en Camargue ou correspondant aux territoires en activité sont ceux d’Aigues-Mortes et de Salins de Giraud,  exploités tous deux par les Salins du midi qui ont investi pour les moderniser

Le Salin d’Aigues mortes (eaux mortes évoque les marécages de la Camargue) : sel alimentaire

 

Micheline Huvet-Martinet, l’Aventure du sel, 2013, Ed.OF ; Cr Salines du Midi /G.Rey

Indissociable de la vieille cité fortifiée (visible au fond) et transformée en port royal par Louis IX , le marais dont l’existence remonte à l’époque romaine, doit son tracé actuel à  la Compagnie des Salins du Midi qui a contribué à son développement après 1856 en faisant vivre une abondante main d’œuvre largement immigrée  Le territoire des marais s’étire sur 10 000 ha largement amphibie dont 7000 consacrés à la circulation de l’eau de mer sur 65 km et 400 ha aux tables salantes (cristallisoirs) ici visibles où la saumure atteint 260grNaCl /l. La couleur rouge est liée à la présence d’une algue microscopique la Dunaliella salina. Une fois vidangées les tables salantes vont laisser apparaître la

croute de sel récoltée mécaniquement à la fin de l’été.  La Cie a beaucoup investi pour mécaniser la production car les conditions naturelles sont très favorables (soleil et mistral). Actuellement, dix sauniers seulement y perpétuent une tradition transmise de génération en génération, gérant les mouvements des eaux en fonction des coups de vent, des orages et de la salinité et continuent ainsi la récolte du sel et de la Fleur de Sel de Camargue. Il y a pu y avoir jusqu’en 2005 des récoltes de plus d’ 1M° de t mais actuellement avec la baisse de la demande, la production est d’environ 300 000 à 450 000t/an destinée à l’alimentation humaine et animale

Salins de Giraud  évoque le gigantisme un territoire de sel solaire pour l’industrie

A partir de la prise d’eau de mer qui pompe plus de 350 M° de m3, le parcours de l’eau se fait sur 80 km et 11 000 ha avec capacité de production de 800 000t/an. Le salin affiche physionomie aux formes parfaites car même si l’exploitation du sel y est ancienne, c’est au XIX°s que le salin a été construit d’un seul coup par Péchiney pour satisfaire les besoins en sel de la soudière à Salindres (Gard près d’Alès) .  Solvay,  fonde aussi au même endroit un second site industriel, pour satisfaire à la demande des savonneries de Marseille. Ce n‘est qu’en 1971 que la Cie des Salins a repris en totalité l’exploitation du site. L’originalité de ce paysage tient à l’urbanisme industriel en damier de type coron, unique en Camargue et organisé en 2 zones (Péchiney et Solvay) au 19°s pour une main d’œuvre  cosmopolite. La photo aérienne montre bien  au milieu du marais, le village coupé en deux correspondant aux deux anciennes zones de Pechiney et Solvay

J.C.Hocquet, le sel de la terre, ed.Du May, 1989

Ces quartiers ont marqué la vie sociale : une société humaine très particulière de ce territoire du sel a fait de Salin de Giraud une cité pionnière et prolétaire qui a grandi des vagues successives d’ouvriers, venus se livrer aux tâches particulièrement éprouvantes de l’extraction et de la transformation du sel

Maintenant la mécanisation très poussée comme à Aigues Mortes: récolteurs/convoyeurs se mettent en route début septembre et sillonnent les centaines d’ha des tables salantes  et repassent 2 ou 3 fois suivant épaisseur de la couche: il est acheminé sur tapis roulants vers station de lavage puis stocké mécaniquement grâce à la gerbeuse qui confectionne des Javelles d’où le sel est repris jusqu’à la Camelle hautes de 25 m, véritable stock en plein air d’1M°t. (photo ci-dessus)

Depuis 2007 les Salins innovent avec une nouvelle méthode: le contre-sel. Un nouveau marais-salant a été redessiné sur une partie de l’ancien pour cette production consistant à ne récolter que le tiers supérieur de la couche de sel déposé sur deux couches correspondant à deux années non récoltées. Ceci permet d’adapter la récolte à la demande en récoltant à tout moment, d’éviter les travaux de remise en état des tables salantes, et de stocker directement sur les camelles en évitant le lavage.il produit 340 000 tonnes de sel pour le déneigement en employant une cinquantaine de salariés.

Salins de l’Atlantique présentent comme en Méditerranée des paysages littoraux dominés par le long circuit de l’eau issus des dispositifs anthropiques de production de sel qui se sont développés à partir du Moyen-âge tout le long du littoral atlantique de la Bretagne sud au détroit de Gibraltar là où les conditions naturelles le permettent. Si le principe est globalement le même qu’en méditerranée, les conditions climatiques et l’utilisation de la force marémotrice des marées introduisent des différences de technique qui vont se retrouver dans les paysages  L’implantation suppose le terrassement de sols imperméables  situés aux limites des plus hautes marées.  Au cours du XX°s les salins atlantiques furent concurrencés par les sels continentaux et méditerranéens bien plus compétitifs par la mécanisation de la production.  La structure morcelée des parcellaires, l’attrait de nouveaux métiers pour les paludiers dans la pêche, les conserveries, le tourisme naissant ont mené au déclin des marais salants atlantique en France au Portugal et aussi en Espagne.

En France ces paysages de marais se retrouvaient au nord de la Loire du golfe du Morbihan à Guérande, au sud de la Loire dans la baie de Bourgneuf et l’île de Noirmoutier et enfin dans le pays de Brouage et Oléron sur la côte charentaise. Ils ont été transformés en raison de la lente agonie de la saliculture entamée vers 1860 d’abord à Bourgneuf, à Brouage, dans les îles et golfe du Morbihan alors même que les surfaces exploitées étaient au maximum. Les deux conflits mondiaux ont précipité le mouvement et  dans les années 1960-70, le déclin était tel que la saliculture était sur le point de disparaître et les paysages étaient ceux de salines à l’abandon. Personne ne pouvait plus alors vivre exclusivement du sel.  Parti de Guérande, un sursaut prit forme au début des années 1970: les paludiers et habitants se mobilisèrent contre les projets des promoteurs et aménageurs (marina, rocade de contournement de la Baule) dans le cadre de multiples associations de défense du marais et de l ‘environnement.  Beaucoup de marais sont alors à l’abandon et la population paludière est âgée. C’est autour d’un noyau dur de néo-paludiers militants encadrés par quelques acteurs dynamiques que s’entame la reconquête économique. En 1979, est créé un centre de formation professionnelle pour paludiers.  En 1988, un Groupement de producteurs  de Guérande devenue Société Coopérative des salines regroupe les deux tiers des paludiers producteurs et  devient l’instrument de la reconquête et de la survie des marais. Elle permet de reconstituer une filière de production et consommation en produisant du sel de qualité et diversifié (pas seulement du gros sel gris mais aussi de la fleur de sel) en se positionnant sur le marché comme un produit de haut de gamme autour d’un site (Guérande), des hommes (les paludiers), d’un produit (le sel de terroir qui obtient le label rouge en 1991). Depuis 20 ans maintenant la renaissance s’est.  Le sel artisanal est sorti de la revendication paysanne pour entrer de plain-pied dans l’ère du marketing et de la communication. Les paludiers ont su profiter des retombées du tourisme et de l’attrait des consommateurs pour les produits du terroir pour attirer l’attention sur la notion de naturalité de sels de production artisanale ramassés à la main. Ainsi se retrouve sur le marché toute la gamme des sels de mer « authentiques » : de la fleur de sel, vantés par quelques grands chefs cuisiniers, au sel gris « tradition », gros ou moulu, en passant par des conditionnements composés aux algues et aux herbes.

Les paludiers de Noirmoutier des iles de Ré et d’Oléron ont eux aussi relancé la renaissance de leurs salines en suivant l’exemple des Guérandais. On compte actuellement à peine 400 paludiers sur le littoral atlantique français

Partout sur la côte atlantique, les paysages actuels du sel mêlent comme ci-dessous des salines abandonnées et incultes (presque  50% de la surface) et des salines en activité.

CR.Alain Guérin, Pays Guérandais

Le parcours de l’eau parfois complexe détermine des paysages typiques. Deux grands types de bassins sont identifiables, délimités par de forts talus d’argile : les réservoirs et les salines. L’eau de mer arrive en manœuvrant une trappe par le chenal d’alimentation relié à la mer à l’occasion des marées de vive-eau dans un bassin de décantation (la vasière à Guérande, le vasais à Ré, le Jas à Oléron).   L’eau circule ensuite par gravité et par un long circuit (environ 20 km) où elle se concentre dans les bassins intermédiaires, bassins de chauffe où elle se concentre progressivement  pour arriver aux compartiments de réserve journalière puis en fin de parcours au centre du salin dans des bassins bien compartimentés (œillets à Guérande et Noirmoutier, aires saunantes à Ré et Oléron)  d’environ 70m2 et peu profonds (2 à 3 cm) où se fait la cristallisation et la récolte journalière. On peut apercevoir des tas de sel composé des récoltes, nommé mulon à Guérande et Oléron, pilot à Noirmoutier.

La saliculture est dévoreuse d’espace : il faut sept fois plus de terrain de parcours que de surface de chauffe/ cristallisation.

En raison de son caractère agricole, la récolte est soumise à de très fortes variations annuelles liées aux conditions météorologiques. La production de la côte atlantique (de 15000 à 30000t)  demeure  modeste et marginale (environ 4% du sel français) mais jouit d’une bonne image car elle est destinée à l’alimentation donc bien connue du consommateur.

Les salins parfois patrimonialisés jouent un rôle dans la conservation des paysages et du littoral.

Sur le littoral atlantique comme en Méditerranée,  le tourisme salicole se développe.  Les salins d’Aigues-Mortes sont ouverts au public par un parcours en petit train.  Le musées des marais salants à Batz/mer propose de découvrir la richesse patrimoniale du pays de Guérande, sur l’ile de Noirmoutier les visites sont proposées par des paludiers indépendants, à l’écomusée de l’île de Ré, le guide vous invite après la visite à aller sur le site naturel.

Partout, les marais salants sont un espace naturel privilégié et protégé qui abrite un écosystème fertile mais à l’équilibre fragile. Le saunier, en entretenant le circuit hydraulique, en assurant le renouvellement de l’eau dans les bassins et en maintenant les niveaux d’eau dans le marais, permet la préservation de ce milieu naturel.  Les marais salants forment une zone humide biologiquement très riche et diversifiée. Ils hébergent notamment une grande variété d’oiseaux qui y trouve un environnement calme, propice au repos et à la nidification. Les bassins peu profonds fournissent une nourriture abondante. EX : à Hyères,  les 3 salins ont été progressivement abandonnés dans les années 1990 et  patrimonialisés  pour éviter une opération immobilière. Il s’agit d’une zone écologique sur 550 ha  constituée d’une mosaïque de plans d’eau de profondeur et salinité variables abritant plus de 300 espèces d’oiseaux.

Flamands roses dans la zone écologique des anciens salins d’Hyères   Source: bnihyeres.fr

La Charte du Parc régional de Camargue propose deux orientations : les saliniers maintiendront la diversité des bassins et l’accueil des touristes restera canalisé.

Beaucoup de salins sont maintenant intégrés au plan Natura 2000, de protection du littoral et de l’environnement. En 2002, le pays guérandais a déposé une demande de classification et d’inscription dans la liste des paysages du patrimoine mondial de l’Unesco.

 

Compte rendu de Micheline Huet-Martinet