Taïwan : une île en état d’alerte ?

L’agression de l’Ukraine par la Russie a ravivé les inquiétudes sur la sécurité de Taïwan.
La petite île doit-elle redouter une prochaine invasion de son grand voisin chinois ?

Jacques Gravereau (Photo de J.-P. Némirowsky)

Le Café de la Mairie était bondé pour écouter Jacques Gravereau nous parler de Taïwan, de sa société, de sa géographie particulière et surtout de ses relations avec la Chine. Grand expert des questions économiques et politiques liées à l’Asie, notre intervenant, président pendant 25 ans de l’Institut HEC-Eurasia, a une connaissance approfondie de la deuxième puissance mondiale dans laquelle il a fait 70 séjours. Et c’est sur un ton combinant humour et érudition qu’il analyse la situation d’une zone très sensible de notre monde.

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La Birmanie, pivot stratégique entre la Chine et l’Inde

La salle du premier étage du Café de Flore est bien remplie en ce mardi 27 février 2024 pour accueillir l’historien Amaury Lorin. Celui-ci s’est spécialement déplacé depuis Dunkerque pour ce café géo consacré à la situation géopolitique de la Birmanie, sujet trop peu abordé en France alors qu’il représente un enjeu important du monde d’aujourd’hui. Amaury Lorin a récemment écrit un livre, Variations birmanes (Samsa éditions, Bruxelles, 2022, sélection Prix Pierre Loti 2023), où il donne quelques clés de compréhension de cette situation qu’il va évoquer.

Amaury Lorin (à droite) et Michèle Vignaux (à gauche)

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Vietnam et Etats voisins

Le titre du dernier ouvrage du géographe Yves Duchère, Vietnam et Etats voisins (1), suscite une première interrogation : quelles sont les limites de l’espace étudié ? Certes, Laos et Cambodge sont l’objet de pages peu nombreuses mais bien documentées, mais quelle place donner au troisième voisin, la Chine ? C’est l’étude des relations millénaires, complexes et ambigües, entre Vietnam et Chine qui constitue le principal intérêt du livre, un livre débordant d’informations, de tableaux, de cartes. Sans doute le plan a-t-il été difficile à construire car les retours sur une même question sont nombreux…ce qui a une efficacité pédagogique. (suite…)

Le Monde à l’heure chinoise

Éric Chol, Gilles Fontaine, Il est midi à Pékin, Fayard 2019

La Chine nous fascine depuis toujours. Les titres d’ouvrages qui lui sont consacrés en témoignent : Quand la Chine nous précédait, Quand la Chine s’éveillera, etc. Aujourd’hui, nul ne l’ignore, la Chine veut redevenir l’empire du Milieu. Elle veut effacer les « 150 années d’humiliations » (1799-1949) vécues sous les dominations coloniales des Occidentaux et des Japonais.
Le 1er octobre 1949, est proclamée la République Populaire de Chine. Pékin retrouve son statut de capitale et pour assurer l’unité nationale, Mao Zedong décide de supprimer les 5 fuseaux horaires en vigueur depuis 1912, au profit d’un seul, celui de Pékin. Actuellement, une même pendule règle la vie quotidienne de 1,4 milliard de Chinois sur les 5 000 km d’Est en Ouest de l’empire du Milieu.
Xi Jinping l’affirme : « Les pays qui ont tenté de poursuivre leurs objectifs de développement par l’usage de la force ont échoué. C’est ce que l’histoire nous a appris. La Chine s’est engagée à maintenir la paix et à construire une communauté de destin pour l’humanité ».
Ces paroles, brutales, illustrent la volonté du Dragon, aujourd’hui bien éveillé, de rattraper puis de dépasser la puissance des Etats-Unis. (suite…)

Un duel Chine / Etats-Unis ?

 

Récemment l’IRIS a présenté un webinaire où plusieurs chercheurs de l’Institut ont exposé leur analyse du rapport de forces entre les deux premières puissances mondiales, les Etats-Unis et la Chine.
Cette problématique n’est pas récente mais elle a trouvé une nouvelle actualité avec l’élection de Joe Biden.

Nous tenterons de faire une synthèse des idées échangées.

En introduction, Pascal Boniface assure que le changement de président amènera vraisemblablement peu de changement dans les relations entre les Etats-Unis et la Chine. Leur rivalité qui revêt de nombreux aspects, peut-elle être qualifiée de « Guerre froide » ? Malgré quelques points semblables, la situation géopolitique diffère beaucoup de celle qui a suivi la IIe Guerre Mondiale. La Chine ne cherche pas à prendre la tête d’une coalition internationale afin de détruire à terme les Etats-Unis. Elle ambitionne « seulement » d’occuper la première place mondiale, ce qui est source d’une grande angoisse chez son rival.

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L’efficacité de la gestion de crise du coronavirus dépend-elle du régime politique ?

Le Président chinois, Xi Jinping, en visite mardi 10 mars 2020 à Wu Han, la ville où s’est déclaré le coronavirus en décembre 2019 et qui est toujours en quarantaine (https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Coronavirus-A-Wuhan-Xi-Jinping-garde-crier-victoire-2020-03-11-1201083349).

 

Depuis le 11 mars dernier, l’épidémie du Covid-19 est qualifiée de « pandémie » par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Les chiffres à ce jour : 6 000 morts, plus de 150 000 personnes contaminées, 120 pays affectés. Pour l’OMS, l’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie avec la situation la plus préoccupante tandis que la Chine semble avoir contenu le coronavirus, même si le doute persiste sur la fiabilité des statistiques officielles du géant asiatique. Les autorités de Pékin n’hésitent plus à vanter les mérites de sa gouvernance autoritaire et cela d’autant plus qu’il y a du règlement de compte dans l’air. En effet, elles dénoncent les médias occidentaux, accusés d’avoir critiqué la Chine pour sa gestion de l’épidémie dans les premiers temps de la crise sanitaire. Mais les critiques ne viennent pas seulement des États-Unis, d’Europe ou d’Australie. Jeudi 12 mars, des rapports de scientifiques chinois ont été repris par les journaux de Hongkong. Selon ces travaux, le virus aurait été identifié dès le 17 novembre dans la province du Hubei, mais l’information aurait été cachée par les cadres du Parti communiste chinois. Beaucoup d’experts pensent toujours, en Chine comme en Occident, que la Chine a perdu au moins cinq semaines au moment où le coronavirus commençait son œuvre mortifère. La raison de ce retard à l’allumage serait liée à la nature même du régime chinois : « hypercentralisation de la décision politique, obsession du contrôle social, répression de la moindre espèce de dissidence, fût-elle médicale (Alain Frachon, Le Monde, 13 mars 2020). Aujourd’hui, trois mois après le début de la crise sanitaire, la visite de Xi Jinping à Wuhan a été suivie par des manifestations contre la vie chère et le manque de soutien de l’État alors que les habitants sont en quarantaine depuis deux mois. Cela n’empêche pas la presse chinoise de dénoncer la « propagande américaine » et de souligner l’efficacité du « socialisme à la chinoise » qui a permis de gagner la guerre contre le virus.

Est-ce à dire que du côté de la démocratie libérale la gestion de la crise est plus transparente et plus efficace ? On peut en douter quand on regarde du côté des États-Unis où la démocratie dans sa version « trumpienne », autrement dit un « populisme à tendance narcissique » (A. Frachon, Le Monde, 13 mars 2020), énonce d’abord des contre-vérités d’ordre climatique, puis accuse des boucs émissaires (les démocrates, l’Union européenne). Pourtant, républicains et démocrates de la Chambre des représentants se sont unis pour adopter un ensemble de mesures exceptionnelles : gratuité du dépistage, fonds fédéraux pour les frais de santé des Américains les plus modestes, accès facilité à l’assurance chômage… Au Royaume-Uni, après le choix controversé de « l’immunité collective », le gouvernement de Boris Johnson s’est décidé à prendre des mesures drastiques. En tout cas, selon Alain Frachon, éditorialiste au Monde, le Covid-19 met à mal les gouvernements, qu’ils soient autoritaires ou démocratiques.

 

Daniel Oster, 16 mars 2020

 

 

Réflexions géographiques sur la Chine et le coronavirus

Depuis son apparition à Wuhan (Chine) à la mi-décembre 2019, l’épidémie de coronavirus a beaucoup fait parler d’elle jusqu’à inquiéter aujourd’hui (6 mars 2020) le monde entier. Le coronavirus, nommé officiellement « covid-19 » par l’OMS, a déjà causé plus de 3 400 décès tandis que le nombre de 100 000 personnes infectées dans une soixantaine de pays va être dépassé ces jours-ci. Certains n’hésitent plus à parler d’une véritable psychose collective qui se répand largement grâce à la médiatisation planétaire et la puissance des réseaux sociaux. La France n’échappe pas à cette vague déferlante malgré la gestion raisonnée des pouvoirs publics. Il nous semble qu’une réflexion géographique, même succincte et parcellaire, a toute sa place dans le flot des innombrables commentaires de toute nature que le coronavirus suscite, ne serait-ce que pour mettre en évidence quelques simples faits spatiaux qui ne manquent pourtant pas d’importance.

Après le SRAS apparu en 2003, un nouveau coronavirus est parti de Chine en décembre 2019 pour ensuite se propager dans le reste du monde (Source: https://img.medscape.com/thumbnail_library/is_200117_china_map_800x450.jpg)

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 La Chine impose-t-elle un nouvel ordre mondial ?

Les cafés géo à La Filature à Mulhouse, le 28 novembre 2019

« La Chine impose-t-elle un nouvel ordre mondial ? » par Alain Nonjon, professeur de chaire supérieure au Lycée Michelet à Vanves et directeur de collections chez Ellipses

Les distorsions des propagandes

Évoquer la Chine peut suggérer … de remonter «  jusqu’à Noé, qui aurait rapporté de Chine, une brassée de rameaux ; des Etats-Unis, une brindille et d’Europe, rien » (Marc de Scitivaux ) . Cette parabole rappelle qu’on a tendance souvent à surestimer la Chine et à sous- estimer l’Europe et que l’on doit réinstaller l’épaisseur de l’Histoire d’une civilisation millénaire. Si on veut éviter les clichés et se garder de tomber dans la propagande d’un communisme chinois qui prédit une Chine hégémonique en 2049, il faut s’intéresser à tous les facteurs.  En dehors des réussites économiques, il existe des limites à l’influence du PC chinois comme le démontrent l’éruption sur la scène de mouvements de revendications démocratiques ou les « 300 000 insurrections intérieures annuelles » s’élevant contre la corruption, les attaques envers l’environnement, les défaillances des transports. Il faut se garder de toute propagande systémique sur  la réussite globale de la Chine et de toute prophétie autoréalisée si nombreuses sur le basculement asiatique[1]. Ainsi en 1994,  pour le dirigeant singapourien Lee Kuan Yew « la Chine dans les  30 ans ne sera pas un acteur de plus sur la scène mondiale mais le plus grand acteur mondial dans l’histoire de l’Humanité.

Un autre risque est d’être influencé par la vision de Donald Trump qui accuse la Chine d’être responsable de tout ce qui se passe dans le monde, de voler des emplois comme d’inventer le réchauffement climatique.  Selon Mike Pence : « si vous voyez la Chine en ennemi, elle vous verra en ennemi ». Trump noircit le tableau pour diaboliser la Chine.

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Les nouvelles routes de l’entre-soi(e)

Sophie Boisseau du Rocher et Emmanuel Dubois de Prisque, « La Chine e(s)t le monde. Essai sur la sino-mondialisation », Éditions Odile Jacob, janvier 2019

 

Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associé au Centre Asie de l’IFRI et d’Emmanuel Dubois de Prisque, chercheur associé à l’Institut Thomas More et corédacteur en chef de la revue Monde chinois-nouvelle Asie sont les auteurs du passionnant « La Chine e(s)t le monde. Essai sur la sino-mondialisation », publié en janvier 2019 aux éditions Odile Jacob.

Dans le chapitre 3, les auteurs se livrent à une réflexion sur les Routes de la soie, cette proposition chinoise d’une nouvelle organisation de l’espace mondial. Il s’agit de créer de nouvelles connectivités entre la Chine et le monde pour un budget annoncé de 1 000 milliards de dollars.

Ce projet répond d’abord à une urgence économique. A son arrivée au pouvoir en 2013, Xi Jinping cherche à maintenir un taux de croissance jugé nécessaire à la paix sociale et à la stabilité politique. La Chine qui dispose d’une capacité financière considérable doit résorber ses surcapacités industrielles. Elle va chercher à l’extérieur les points de croissance indispensables à sa stabilité et à la légitimité du Parti. Le projet Routes de la soie permet aussi de réduire les déséquilibres territoriaux persistants (désenclavement et contrôle du Grand Ouest chinois).

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Les nouvelles routes de la soie : le grand dessein chinois

Café Géographique de Saint-Brieuc, 9 novembre 2018

Emmanuel Véron, est géographe. Il vient de rejoindre l’Ecole Navale en tant qu’enseignant-chercheur de géopolitique et de relations internationales après quatre années à l’INALCO (Département des Etudes chinoises). Spécialiste de la Chine et sinologue, il a soutenu sa thèse en 2016. Ses recherches portent sur les mutations de la Chine et sur les aspects géopolitiques et géoéconomiques liés à l’expansion de la puissance chinoise. 

Emmanuel Véron se propose d’analyser dans le cadre de ce café géographique la géopolitique des “nouvelles routes de la soie”,  pour mieux comprendre le grand dessein chinois. Pour la première fois, avec ce projet lancé en 2013, la Chine  prend l’initiative d’un plan qui a une dimension globale (diplomatique, économique, éventuellement militaire) et qui a pour terrain l’espace mondial. Les conférences, tables rondes, colloques, articles, documentaires qui se multiplient sur le sujet sont révélateurs des questions qui se posent sur ce tournant majeur dans la stratégie chinoise d’expansion de sa puissance qui pourrait modifier l’ordre mondial.

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