Etats et frontières en Asie centrale.
Relier le Ferghana au reste de l’Ouzbékistan

1. Ouzbékistan. Sous le col de Kamchik, au nord
(cliché de Denis Wolff, 5 mai 2023)
(le même paysage en hiver, et en été)

Au printemps 2023, parcourant l’Ouzbékistan entre Tachkent et la plaine du Ferghana[i], je traverse en voiture la chaîne du Qurama par le col de Kamchik[ii]. J’avoue être quelque peu surpris d’effectuer ce voyage sur une autoroute – ou au moins une route à deux fois deux voies – dans une région de haute montagne. Le col culmine à plus de 2200 mètres et les sommets, visibles au fond, encore enneigés au mois de mai (à environ la même latitude que Madrid), traduisent une altitude élevée. Si cette autoroute se révèle utile au vu de l’importance du trafic (outre les nombreux véhicules visibles sur la photographie, on note la présence d’un panneau publicitaire au-dessus du lacet), sa construction a dû coûter fort cher. Or l’Ouzbékistan n’est pas un pays riche. Son PIB (produit intérieur brut) par habitant est faible (bien qu’en croissance) : selon les sources, il se situe entre le 125ème et le 168ème rang mondial, sur environ 200 Etats (celui de la France est entre le 23ème et le 39ème rang mondial).
Je me pose alors la question : pourquoi cette autoroute ? La réponse semble simple. Au sud du col de Kamchik, s’étend le Ferghana, arrosé par le Syr-Daria et ses affluents, ce qui a permis, à l’époque soviétique, la monoculture irriguée du coton (aujourd’hui les cultures sont plus variées). Cette plaine, peuplée (6,5 millions d’habitants), est vitale pour l’Ouzbékistan : sur moins de 5% de la superficie du pays, vivent presque 20 % de sa population (densité très forte), sans parler de son importance économique. Au nord du col, on atteint la capitale, Tachkent (2,6 millions d’habitants) et tout le reste de l’Ouzbékistan. Je suis sur la seule voie routière qui relie le Ferghana au reste du pays.

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Frontières et fronts numériques : les enjeux territoriaux d’Internet dans la guerre en Ukraine

Louis Pétiniaud est docteur de l’Institut Français de Géopolitique et chercheur postdoctoral au sein du laboratoire IFG-Lab et du centre de recherche GEODE. Spécialiste d’Internet dans les conflits territoriaux, il a soutenu en novembre 2021 une thèse sur la fragmentation géopolitique et numérique de l’Ukraine sur la période 2013-2020. Il a récemment reçu le 1er prix scientifique de thèse de l’Institut des hautes Études de Défense Nationale. Le 17 janvier 2023, il est l’invité des Cafés Géo de Montpellier pour présenter les enjeux territoriaux d’Internet dans la guerre en Ukraine. (suite…)

Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, avec Denis Eckert

Russes et ukrainiens, les frères inégaux, du Moyen Age à nos jours

Depuis le 24 février 2022 la guerre en Ukraine a bouleversé l’échiquier géopolitique mondial. L’émotion suscitée par cet événement a été considérable, notamment dans les pays de l’Union européenne, entraînant dans le même temps un besoin de mieux comprendre les relations entre les deux protagonistes principaux (Russes et Ukrainiens).

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L’Amérique latine, des territoires disputés

Le mercredi 28 septembre 2022, l’équipe des cafés géographiques de Chambéry-Annecy a reçu Sébastien Velut (Sorbonne Nouvelle, Institut des hautes études de l’Amérique latine) à La Base à Chambéry autour du thème : « l’Amérique latine, des territoires disputés ».

Afin de rendre la présentation plus interactive, Sébastien Velut a essayé de répondre aux questions de Marie Forget, dont il a été le directeur de thèse.

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200 ans d’indépendance de la Grèce moderne

Le 25 mars dernier, on a commémoré le bicentenaire du début de l’insurrection qui a abouti à la création d’un Etat grec en 1832. Cet événement ne pouvait qu’intéresser les Cafés géo qui ont confié à Michel Sivignon, professeur honoraire de géographie, spécialiste des Balkans et particulièrement de la Grèce, le soin de nous en révéler l’histoire complexe. Cette curiosité pour le passé grec est largement partagée en France, comme l’attestent plusieurs manifestations, parmi lesquelles l’exposition du Louvre Paris-Athènes. Naissance de la Grèce moderne.1675-1919 est sans doute la plus remarquable.

Daniel Oster a été le modérateur de ce café. (suite…)

Où en sont les frontières chypriotes ?

Marie Pouillès Garonzi, doctorante en géographie à l’Université Lumière Lyon 2, ED 483, UMR 5600 EVS-IRG, analyse la division de l’île de Chypre de part et d’autre de la « Ligne Verte », pour les Cafés géo de Montpellier.

En guise d’introduction, Marie Pouillès Garonzi souligne la polysémie du concept de frontières à travers trois définitions proposées par des géographes et politologues français :

  • Bruno Tertrais et Delphine Papin définissent la frontière comme une « limite géographique -ligne ou espace- dont le tracé reflète les relations entre deux groupes humains : rapport de force militaire ou diplomatique, mais aussi traditions ou relations de bon voisinage. C’est en quelque sorte de l’histoire inscrite dans de la géographie ou ‘temps inscrit dans l’espace’ (Michel Foucher) ». (Tertrais & Papin, 2016, p.13).
  • Jean-François Staszak met l’accent sur les divisions sociales et spatiales établies par la frontière qu’il définit comme « tout dispositif géographique qui opère une division à la fois sociale et spatiale ». (Staszak, 2017, p.25)
  • Bernard Reitel insiste pour sa part sur « le caractère ambivalent de la frontière, tantôt fixe, tantôt fluctuante ». La frontière « semble à la fois associer et dissocier, différencier et articuler ». Il explique que la « frontière instituée fonctionne grâce à un jeu de fermetures et d’ouvertures que traduisent des durcissements (bordering), des dévaluations (debordering), voire des raffermissements (rebordering) ». (Reitel, 2017, p.54-55)

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Frontières des territoires, frontières de l’intime

La crise sanitaire du coronavirus n’en finit pas de bousculer nos manières de vivre, nos habitudes et nos croyances. Alors que débute en France le deuxième confinement, dans un entretien au Figaro paru le 3 novembre 2020, l’écrivain-géographe Sylvain Tesson nous propose sa vision des frontières, celles des territoires comme celles de l’intime (suite…)

Israël-Palestine : Quelles frontières ?

A Mulhouse, le vendredi 17 janvier 2020, dans le cadre du festival Les Vagamondes 2020 organisé à La Filature, une conférence de Michel Foucher, géographe, diplomate et essayiste, porte sur le sujet : « Israël-Palestine : Quelles frontières ? »

Un mot de rappel de mes travaux sur ce sujet. J’ai publié voici 35 ans mon premier article dans Hérodote et il portait le même titre que celui de cette conférence. C’est un sujet qui n’a jamais été un sujet de recherche ou académique mais sur lequel j’ai travaillé en tant que conseiller d’Hubert Védrine, lorsque nous tentions de faire avancer, finalement sans succès après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, le processus de paix.  Ce sujet me tient à cœur et je continue à clarifier pour les politiques français ses enjeux, notamment territoriaux et démographiques, d’autant plus difficiles à cerner que la Palestine n’est pas un Etat.

On ne peut pas traiter de tout. Ce conflit dure depuis un siècle et nous ne sommes pas dans une réunion politique de soutien à tel ou tel. En tant que diplomate, je cherche le légitime et l’acceptable dans tous les cas[1].

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Un monde d’îles

Marie Redon, maître de conférences HDR en géographie à l’Université Paris 13, poursuit ses recherches au sein du laboratoire Pléiade où elle co-dirige l’axe « Marges, inégalités, vulnérabilités » ; elle est membre du Comité de rédaction d’EchoGéo et des Cahiers d’Outre-Mer. Sa thèse, soutenue en 2007, portait sur l’étude d’îles traversées par une frontière internationale (Haïti/République Dominicaine, Saint-Martin/Sint-Maarten et Timor Leste/Indonésie) et a été éditée en 2010 par les Presses de l’Université du Mirail. Son habilitation à diriger des recherche, soutenue en 2017, porte sur la géographie des jeux d’argent ; un ouvrage sur ce thème est en préparation. En mai 2019, Marie Redon a publié un ouvrage édité aux Éditions du Cavalier bleu s’intitulant : “Géopolitique des îles

En ce mardi 24 septembre 2019, elle est l’intervenante du Café Géo de rentrée dont le titre “Un monde d’îles” laisse entrevoir un monde à l’écart du reste du monde comme si les îles échappaient aux problématiques d’aujourd’hui.

Élisabeth Bonnet-Pineau invite Marie Redon à définir l’île même si “elle s’impose comme une évidence”. En réalité, c’est une fausse évidence géographique même si François Doumenge a recensé des critères objectifs qui forment une « grille d’évaluation du degré d’insularité ».

Définir l’île, c’est introduire une réflexion sur les notions d’île et d’insularité et sur celles d’île et d’îléité.

Le monde des îles est familier à Marie Redon depuis l’enfance ; elle a toujours abordé les îles, notamment celle de la Méditerranée, aux côtés de son père, navigateur à ses heures, avec une grande curiosité.

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Le monde au pied du mur

“Le monde au pied du mur” par Delphine Papin et Frank Tétart. Compte rendu du Café géo qui s’est tenu au Flore le mardi 8 avril 2019.

 

Cliché de Jean-Pierre Némirowsky

                  

Delphine Papin est Docteur de l’Institut Français de Géopolitique, co-auteur de l’Atlas des frontières et responsable du service infographie au journal “Le Monde”.

Franck Tétart est Docteur de l’Institut Français de Géopolitique, auteur de plusieurs atlas Autrement, professeur d’histoire-géographie et responsable scientifique de l’émission d’ARTE “le dessous des cartes”

Une équipe de deux géographes donc, spécialistes de géopolitique qui par le passé ont créé les Cafés géopolitiques. L’un comme l’autre, sont de par leur métier, attachés aux cartes comme outils pédagogiques pour comprendre le monde, c’est pourquoi vous en verrez un certain nombre ce soir.

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