Habiter New-York en poète

Frances Ha, Noah Baumbach (Etats-Unis)

France-Ha_AfficheFrances a 27 ans, rêve de devenir chorégraphe mais se contente d’un travail de doublure dans une compagnie de danse, boit des bières, fume des cigarettes, fréquente des soirées branchées, regarde des films dans son lit avec sa coloc’… Tout pourrait aller pour le mieux mais la jeune New-yorkaise native de Sacramento se demande, avec une perplexité renouvelée lorsque son inséparable colocataire décide d’emménager avec une autre dans un quartier plus chic, de quoi demain sera fait : à l’approche de la trentaine, une certaine liberté lui échappe inexorablement, au rythme où l’espoir de rencontrer le prince charmant s’estompe, alors que plusieurs de ses ami(e)s se marient, trouvent un vrai travail, ont des enfants…

Aidé de la co-scénariste et actrice Greta Gerwig – désarmante de candeur, de gaucherie et de sincérité – Noah Baumbach filme une tranche de vie de la jeunesse bourgeoise new-yorkaise, qu’il découpe, avec un sens aigu de l’ellipse, en quatre chapitres. Belle idée s’il en est, il leur donne des adresses en guise de titres, faisant des logements successifs de l’héroïne entre Brooklyn et Manhattan le fil conducteur du film et de l’habiter son véritable sujet. Ce qui donne une jolie mise en récit des diverses stratégies que chacun met en place au quotidien pour s’approprier l’espace, montrant comment notre existence prend sens par d’innombrables arbitrages en termes de logement et de mobilité, arbitrages pouvant aussi bien, lorsque capitaux économique, social ou/et spatial viennent à manquer, relever du déchirement.

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Carte postale d’un habitat sur cour (Abidjan)
Un espace-cour à Treichville, quartier populaire d’Abidjan Crédits : Bénédicte Tratnjek, 2009

Un espace-cour à Treichville, quartier populaire d’Abidjan
Crédits : Bénédicte Tratnjek, 2009

Un espace-cour au cœur de Treichville, quartier populaire d’Abidjan. Atypique par rapport à d’autres formes d’espaces-cours de par le monde : la première impression que laisse l’habitat sur cour reste son aspect hétéroclite et désordonné. Le linge flotte sans discontinu au centre de la cour, à proximité du puits qui recueille les eaux de pluie. Autour de cet espace central, des canapés miteux sont installés sous des toits en tôle usée qui permettent de s’installer dans l’espace-cour par temps de pluie comme par grand soleil. Sous la tôle, des rigoles récupèrent les eaux et les entraînent dans la rue sans système de tout à l’égout. Elles s’amasseront dans les autres saletés de la rue de Treichville. A l’intérieur de l’espace-cour, les canapés de récupération sont accolés aux murs peints de couleur vive, mais décrépis. Derrière les murs, des pièces séparées qui accueillent des familles nombreuses. Elles se sont dotées, depuis les années 1980, de cuisines sommaires, et de postes de télévision reliées par des branchements informels au câble. L’intérieur contraste avec l’espace-cour : la lumière y est absente, les murs qui donnent sur la rue sont dotés seulement de petites fenêtres voilées par des rideaux épais. Le tout forme l’habitat sur cour, un espace clos qui ne donne sur la rue que par une petite porte sommaire, en bois, délabrée, mais qui marque nettement le seuil d’entrée entre espace public et espace privé partagé. Rien ne permet d’observer ce qui se passe à l’intérieur depuis la rue : on passe de la rue à l’espace-cour par cette seule porte. Une sorte de « sas » qui permet d’être observé par tous les habitants qui se partagent l’espace-cour, qui est bien plus vivant que l’intérieur des pièces. « Sas » non par la forme ultra-sécurisée, mais par la surveillance accrue : entrer dans l’espace-cour demande d’être identifié (et donc accepté) par tous les habitants, et non pas seulement celui que vous visitez. Pour dresser le portrait de l’habitat sur cour, il manque à la photographie le son : l’habitat sur cour n’est pas un lieu des plus reposants. Le bruit y est constant, entre les jeux des enfants et les « palabres » des adultes.
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