D’où vient notre carte de l’Antarctique ? Géohistoire polaire et dernier partage du monde

« D’où vient notre carte de l’Antarctique ? Géohistoire polaire et dernier partage du monde », avec Fabrice Argounès, enseignant en géographie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et chercheur associé à l’UMR Géographie-Cités au Bar l’Actuel (FIG – Saint-Dié-des-Vosges) le vendredi 30 septembre 2016

Pour beaucoup, la connaissance de l’Antarctique se réduit à celle d’un continent glacé autour du pôle Sud, son histoire à celle de quelques expéditions héroïques où des hommes d’exception  (Amundsen, Scott…) ont lutté – victorieusement – contre des éléments hostiles. Pas de brutalité contre des populations indigènes, pas de cupidité dans la domination territoriale. L’Antarctique serait l’exemple même de la « bonne » conquête qui n’a laissé aucune culpabilité dans la mémoire des puissances occidentales.

Pourtant l’appropriation de l’Antarctique par quelques Etats s’insère bien dans une histoire coloniale  secouée par les rivalités. Et cette histoire peut être divisée en plusieurs périodes : âge de l’exploration avant 1885, âge héroïque (1885-1922), âge mécanique (1922-1959), puis âge scientifique après la signature du Traité de l’Antarctique en 1959.

Mais comment délimiter un territoire impérial  à une époque où les cartes ne montrent qu’un tracé très approximatif des côtes et où l’intérieur n’est pratiquement pas connu ?

 

D’où vient notre carte de l’Antarctique ? Fabrice Argounès – Café l’Actuel (FIG à Saint-Dié-des-Vosges)

D’où vient notre carte de l’Antarctique ?
Fabrice Argounès – Café l’Actuel (FIG à Saint-Dié-des-Vosges)

Le Royaume-Uni, première puissance à revendiquer une souveraineté sur l’Antarctique, impose le « modèle canadien » élaboré par Pascal Poirier en 1907 pour l’Arctique. D’après sa « théorie des secteurs », chaque Etat s’approprie le territoire situé entre deux lignes tracées du pôle à la côte, un quadrant. Sur le terrain, la prise de possession se marque l’installation d’un drapeau. Et en baptisant, dès 1923, les terres connues de noms anglais, les Britanniques en font des dépendances du royaume. Cette conception est adoptée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, membres du Commonwealth.

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Les prisons : un monde immobile ?

Café géo du 30 septembre 2016, avec Olivier Milhaud, maître de conférences en géographie à Paris 4 et Lucie Bony, chargée de recherche au CNRS, à l’UMR Passages de Bordeaux. Ils ont notamment contribué au numéro 702-703 (2015) des Annales de Géographie consacré aux géographies de l’enfermement.

Le sujet de ce café géographique a été choisi par rapport au thème du Festival International de Géographie 2016 : « Un monde qui va plus vite ? ». Il s’agit ici de prendre le contrepied du thème du festival: au-delà du lieu commun d’une société hypermobile, ne se cache-t-il pas un monde des marges, qui semble ne pas changer ?

Olivier Milhaud et Lucie Bony ont évoqué trois dimensions de l’espace apparemment immobile des prisons : d’abord, il s’agissait d’appréhender les changements et permanences de la prison comme institution, avant de se pencher sur la prison comme lieu : quels changements dans les localisations des prisons françaises ? Comment leur architecture a-t-elle évolué ? Ces transformations amenaient alors à s’interroger sur l’enfermement comme expérience géographique : comment la punition par l’espace se traduit en termes d’immobilité ?

  1. Appréhender la prison. Une institution entre clôture et décloisonnement

Cette institution s’est généralisée dans le monde entier : « elle a été finalement reprise dans tous les contextes politiques et sociaux. Cela a été une si formidable invention, et si merveilleuse qu’elle s’est répandue presque comme la machine à vapeur et est devenue une forme d’encadrement général de la plupart des sociétés modernes, qu’elles soient capitalistes ou qu’elles soient socialistes » (Foucault, 1994). Mais la durabilité de l’institution s’explique aussi peut-être par les nombreuses tentatives de réforme qu’elle a connu.

Olivier Milhaud précise qu’à propos de la prison, il ne faut pas confondre les notions de changement et de réforme. Dans Surveiller et Punir, Michel Foucault explique qu’il est consubstantiel à la prison de vouloir la réformer, car c’est une institution qui n’arrive pas à remplir ses fonctions, qui est condamnée à l’insatisfaction. Il faut dire que c’est l’institution chargée de réussir là où toutes les autres ont échoué (famille, école, religion, monde du travail, etc). Il semble qu’on lui demande trop : résoudre la crise de l’illettrisme, du lien social (on y trouve massivement des SDF, des « paumés »), de la prise en charge de la santé mentale (que de cas psychiatriques en détention), de la masculinité (en France, les femmes représentent seulement 4% des détenus) et depuis peu, on lui demande aussi de déradicaliser. On a donc d’un côté une insatisfaction, qui appelle à la réforme, mais cette dernière ne suffit jamais. Ce paradoxe donne alors à l’institution une impression d’immobilisme, d’un échec reconduit et répété.

Lucie Bony récapitule alors brièvement l’historique de l’institution carcérale pour montrer l’ampleur des réformes que cette dernière a connu, en s’appuyant sur les travaux de Michelle Perrot, historienne de la prison. La prison « moderne » nait avec la loi pénale de 1791, avec l’idée de corriger les détenus. C’est à cette époque, dans le contexte des Lumières et de la Révolution française, qu’émerge alors l’idée d’une « bonne peine », qui a pour objectif de transformer le détenu par le travail et la discipline. Le système est réformé au début du XIXe siècle, et notamment en 1819 avec la création de la Société Royale pour l’amélioration des prisons, puis vient la disparition des peines infâmantes (1830) et l’abolition du pilori (1848).

Fin XIXe, la question carcérale est mise de côté. Il faut attendre la deuxième partie du XXe siècle pour voir d’autres réformes de l’institution. Dans les années 1970 sont engagées des mesures pour libéraliser les conditions de détention suite aux révoltes de 1970, 1971 et 1974 : autorisation de la presse, de fumer, élargissement des conditions de semi-liberté. Les miroirs sont également autorisés : le détenu peut désormais voir son visage se transformer avec le temps. Cela a été perçu comme une véritable révolution dans l’expérience individuelle de la prison.

Les années 1980 constituent un second tournant. L’arrivée de la gauche au pouvoir entraîne une rupture avec la politique pénitentiaire sécuritaire du ministère Peyrefitte. On autorise le port de vêtements civils, le téléphone, les parloirs sans séparation. Après l’abolition de la peine de mort en octobre 1981, le ministère de Robert Badinter met en place des peines de substitution en 1983. Cela montre une volonté de lier la peine à la réinsertion.

Dans les années 2000, la question pénitentiaire revient à l’agenda politique suite à la publication du livre de Véronique Vasseur, Médecin-chef à la Santé (2000), où elle décrit les conditions terribles de détention. Un certain nombre de rapports parlementaires indiquent la nécessité d’une nouvelle réforme. Mais celle-ci est tributaire de l’ambiance sécuritaire qui caractérise l’élection présidentielle de 2002. Malgré tout, quelques changements ont lieu dans les prisons des années 2000 : des sites pilotes sont choisis pour adopter les règles pénitentiaires européennes, ou encore la loi pénitentiaire de 2009 qui modifie les modalités d’exécution des peines.

La prison n’est donc plus la même qu’au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, de nouveaux problèmes sont pointés du doigt (radicalisation, surpopulation) et donnent à voir un système carcéral marqué par une sensation d’inertie. La politique pénitentiaire tente d’échapper à la critique, mais ne comporte dans les faits que peu d’ambitions, sans réflexion sur le sens de la peine et sur le lieu prison.

Cependant, il faut aller au-delà de ces réformes législatives pour voir ce qu’elles impliquent dans la vie quotidienne des prisons : peut-on parler d’une normalisation de l’institution carcérale ?

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France, Europe : Les territoires entre égalité et égoïsmes

Café géo du mardi 12 avril 2016 au Flore, avec Laurent Davezies, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, titulaire de la chaire « Economie et développement des territoires » et auteur notamment du Nouvel égoïsme territorial (Seuil, mars 2015) et Philippe Estèbe, directeur de l’Institut des Hautes Etudes d’Aménagement du Territoire (IHEDATE) et auteur notamment de L’égalité des territoires, une passion française (PUF, avril 2015).

Ce café géo rassemble deux auteurs qui ont publié sur le même sujet, mais avec des angles d’attaque apparemment opposés. Philippe Estèbe montre dans L’égalité des territoires, une passion française (PUF) qu’avec le temps, la France a créé un dispositif unique au monde d’égalité des territoires, à travers trois grands mécanismes : une redistribution financière très importante, une répartition inégalitaire des fonctionnaires d’État pour permettre une présence continue jusque dans les lieux les plus reculés, des grandes entreprises publiques assurant partout une continuité de prestation (La Poste, la SNCF, énergie, télécoms).

Laurent Davezies souligne quant à lui dans Le Nouvel Égoïsme territorial. Le grand malaise des nations (Le Seuil) qu’avec la montée du régionalisme, l’exigence d’autonomie, voire d’indépendance, on assiste aujourd’hui à une fragmentation des nations, dans les pays industriels comme dans les pays en développement. Les causes identitaires – anciennes – se combinent avec le fait – nouveau – que les régions riches ne veulent plus payer pour les régions pauvres. Plus largement, c’est le modèle de cohésion territoriale qui est remis en cause en France, en Europe et dans le monde.

Philippe Estèbe comme Laurent Davezies sont d’accord sur le résultat : en France comme ailleurs, les très grandes villes financent largement l’espace rural et commencent à contester le mécanisme de redistribution tandis que les personnes traversent les territoires au cours de leur trajectoire et les mettent en concurrence pour l’habitat, les services, l’emploi et les loisirs. Le dispositif d’égalité des territoires apparaît dès lors coûteux et inefficace.

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Pas simple d’être Belge ?

Café géo animé par Clotilde Bonfiglioli, doctorante à l’Université Reims Champagne-Ardenne, le dimanche 2 octobre 2016 au Bar Thiers (Saint-Dié-des-Vosges).

Photographies prises par Joseph Viney En haut : la rue Thiers, principale artère de Saint-Dié-des-Vosges aux couleurs du pays invité. En bas à droite : Clotilde Bonfiglioli au milieu des nombreuses personnes venues l’écouter ce dimanche 2 octobre au matin En bas à gauche : Clotilde Bonfiglioli interviewée par la chaîne Vosges Télévision

Photographies prises par Joseph Viney

En haut : la rue Thiers, principale artère de Saint-Dié-des-Vosges aux couleurs du pays invité.

En bas à droite : Clotilde Bonfiglioli au milieu des nombreuses personnes venues l’écouter ce dimanche 2 octobre au matin

En bas à gauche : Clotilde Bonfiglioli interviewée par la chaîne Vosges Télévision

Ce titre gentiment provocateur est-il la marque d’un humour français prompt à ironiser sur son voisin du Nord ou de l’autodérision dont les Belges font preuve à leur propre égard ?

Clotilde Bonfiglioli ne répond pas à cette question mais cherche à démonter dans son intervention les idées reçues trop simplistes des Français sur la Belgique.

La population du royaume n’oppose pas deux camps, Wallons et Flamands. Elle comprend aussi des gens qui se sentent avant tout Bruxellois, Liégeois, francophones de Flandre, néerlandophones de Wallonie, germanophones…et même Belges.

Première idée reçue : la Belgique serait « un Etat-tampon artificiel » créé au profit des intérêts britanniques en 1830.

Pas plus artificiel que ses voisins – notamment la France- démontre C. Bonfiglioli.

En fait c’est dès le XVIe siècle que les sujets catholiques des Habsbourg vivant dans les Pays-Bas méridionaux se révoltent contre les protestants au cri de « Un pays, une langue ». Toutes les élites sont alors francophones et les classes populaires parlent des dialectes variés.

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Exposition : « Agrandir le monde. Cartes géographiques et livres de voyages (XVe-XVIIIe siècle) » à la Bibliothèque municipale de Chambéry

Pendant quatre mois, Chambéry va vivre au rythme des voyages et des cartes anciennes. La Bibliothèque municipale a en effet eu l’heureuse idée de dévoiler une partie de ses trésors méconnus, à savoir une extraordinaire sélection de 85 cartes anciennes rentrées dans les collections au début du 20ème siècle après de multiples péripéties. Si l’on doutait encore de cette dimension maritime de la Savoie, les cartes de toutes les parties du monde, les atlas rares et anciens, les estampes exposées attestent cette curiosité pour la découverte du monde. La plupart des documents exposés sont imprimés, mais certaines cartes manuscrites (carte de la Nouvelle France en particulier) ont une valeur documentaire exceptionnelle, et l’on est tenté de s’arrêter longuement devant chaque vitrine.

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Compte tenu de l’espace disponible, les documents exposés s’arrêtent à la fin du XVIIIe siècle. Gageons que le fonds de cartes africaines du XIXe fournirait la matière d’une autre exposition d’aussi haute volée !

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Iles en Seine en aval de Paris

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La journée «  îles en Seine » a été préparée par Maryse Verfaillie pour l’association Les Cafés géographiques (de Paris). Nous ignorerons Boulogne, ville dotée d’un patrimoine exceptionnel des années 30, où sont nées l’automobile et l’aviation, entre bois et fleuve, tout près de la capitale.

Nous concentrerons nos découvertes sur Billancourt, la ville que Sartre ne voulait pas désespérer, mais qui n’existe plus. Une nouvelle ville pionnière, du XXI ème siècle,  est en cours d’édification sur la ZAC- Ile Seguin – Rives de Seine. Quatre communes sont associées au projet : Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, Meudon et Sèvres. Une nouvelle fois, les plus grands architectes  sont convoqués : Jean Nouvel, Norman Foster, Dominique Perrault, etc. Il suffit de passer des ponts, d’enjamber des îles  et c’est tout de suite l’aventure…

Historique

Landes, forêts et marécages ont dissuadé l’installation des hommes avant le Moyen Age dans le méandre de la Seine, royaume des lièvres ou repère des canailles. Mais lorsque Louis XIV, « le premier banlieusard » fit construire le château de Versailles en 1682, il fallut lancer un  pont sur la Seine. Il traversait alors l’île de Sèvres devenue île Seguin.

Dès le XVIII ème, les abords de la route royale se couvrent des demeures bourgeoises des commerçants et artisans du roi tandis que des châteaux aristocratiques, ceux des courtisans, s’élèvent sur les coteaux de Sèvres et de Meudon. A l’orée du XIX ème s’invitent les artistes, qui plantent leurs chevalets parmi les coquelicots de l’île Seguin.

Une ville bicéphale : de Boulogne à Boulogne-Billancourt

Au XIX ème, entre 1825 et 1840, un certain monsieur de Gourcuff achète une ferme  et crée un « village de Billancourt » avec son église, ses rues, ses maisons. Ce lotissement, centré sur la place Jules Guesde, est la première opération d’urbanisme billancourtois. De nombreuses usines s’implantent alors : céramique, chimie, parfumerie. Les blanchisseries très nombreuses sur la Seine s’industrialisent. La dernière ne disparaît qu’en 1995 ! Une architecture industrielle naît : de grands ateliers sont couverts de sheds –toits en dents de scie, asymétriques – et sont surplombés de grandes cheminées en brique. Bientôt Boulogne et Billancourt ne feront plus qu’une, résidentielle au nord, ouvrière au sud

Dans les années 1920-1930, les époux Kahnweiler, marchands d’art et mécènes, instituent les « dimanches à Boulogne ». Ils reçoivent : Braque, Satie, Artaud, Max Jacob, Man Ray, Diaghilev, Malraux, Juan gris …. Le maire, André Morizet, entouré d’architectes et d’urbanistes (Le Corbusier, Mallet Stevens, Tony Garnier, etc.) va faire de Boulogne une ville d’art. C’est ici que s’installent les premiers studios de cinéma, ceux qui créèrent le Napoléon d’Abel Gance et la Grande Illusion de Jean Renoir.

Boulogne-Billancourt, ville de modernité et d’inventivité

Et puis un jour, une rumeur mécanique enfle dans la ville, qui devait aboutir à la naissance de la 4 CV Renault, en 1945. Finie la pastorale. Les premiers tanks sont nés à Boulogne-Billancourt. Les usines ont chassé les guinguettes, les fumées ont chassé l’odeur de l’aubépine et du linge frais. Fini les dimanches à Boulogne, bonjour la ville ouvrière.

L’épopée Renault commence en 1898, lorsque Louis met au point sa première automobile. En 1899, il fonde avec ses frères la Société Renault, implantée à Billancourt. D’autres usines d’automobiles s’installent alors, puis des usines aéronautiques, celles des frères Farman et des frères Voisin. L’émulation et la compétition font rage.

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Festival Relectures : Histoires, Géographies

Les Cafés Géographiques vous invitent à la 17ème édition du festival Relectures, dont le thème sera « Histoires, Géographies ».

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Relecture
s 17  — Histoires, Géographies
Festival de littérature contemporaine & performance
du 29 septembre au 8 octobre
espace khiasma & lieux partenaires

Pour sa dix-septième édition, le festival Relectures propose d’imaginer l’art du récit comme un geste cartographique, un espace où se rencontrent géographies intimes et histoires collectives, espaces physique et numérique. 

Dans un moment où les frontières se tendent, où ce qui sépare devient plus saillant que les chemins qui traversent et nouent les expériences de vie, des paroles et des textes viennent tenter de lier de nouvelles alliances. Parcourir la ville par la bande, prendre soin des chemins de traverse et des lieux sans qualité.

Les artistes et auteurs qui viendront peupler cette édition prennent acte d’un monde global et laissent leurs œuvres devenir les atlas sensibles d’un espace en mouvement – un Chaos-Monde où tous les destins sont liés et toutes les histoires appellent des corps multiples pour apparaître.

Une programmation d’Olivier Marboeuf en collaboration avec Sébastien Zaegel.

Cliquez ici pour télécharger le programme du festival en PDF !

Tout au long du festival, la librairie de Relectures accueillera l’installation de Patrick Fontana, En redevenant sauvages et féroces — série de dessins au crayon réalisés à partir de photographies des milliers de « migrants » qui marchent à travers l’Europe, sont arrêtés par des murs, des barbelés, mis dans des camps puis refoulés.

Relectures est un festival organisé par Khiasma. Il bénéficie du soutien de la Région Île-de-France, du département de la Seine-Saint-Denis et du Centre national du livre.

Comme toujours à Khiasma, tous les événements de Relectures sont en entrée libre. Réservez dès maintenant !

Retrouvez tous les détails de cet événement sur le site de l’espace Khiasma.

Un MOOC de cartographie thématique

Les Cafés Géographiques vous informent du lancement d’un MOOC, formation en ligne ouverte à tous, dédié à la cartographie thématique. Il est organisé par l’ENS, avec les enseignements d’Alexis Gonin (Maître de conférence) et de la cartographe Anne Le Fur. Les inscriptions auront lieu jusqu’au 17 octobre 2016.

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MOOC « Cartographie thématique » – Coursera.org

Présentation du MOOC

Apprendre à réaliser des cartes ? C’est ce que propose ce cours grâce à des vidéos, des exercices, un forum. A la fin de la formation, vous maîtriserez les principes de la sémiologie graphique, et vous saurez les mettre en œuvre pour construire des cartes thématiques simples et de qualité. Ces cartes personnelles donneront de la force à vos rapports, synthèses, articles, mémoires universitaires, sites web… Les participants seront guidés pas à pas pour dessiner un fond de carte, construire des cartes statistiques, avec des figurés proportionnels, des gammes de couleurs…

De multiples exercices seront proposés : quizz, QCM, entraînements sur les logiciels. Deux logiciels libres seront utilisés : Inkscape, un logiciel de dessin vectoriel, et Philcarto, un logiciel de cartographie automatique.

Ce MOOC est aussi une invitation au voyage : de nombreux exemples à toutes les échelles et de toutes les régions du monde seront présentés.

Migrations : des idées et des cartes pour aller à l’encontre des politiques

Cafés géographiques de Montpellier du 26 janvier 2016 au Gazette Café.

Nous tenons à remercier avant tout Olivier Clochard pour sa venue ce soir. Docteur en géographie et chargé de recherche au CNRS (UMR Migrinter, Poitiers), il est spécialiste des migrations et à ce titre est membre de Migreurop, « réseau européen et africain de militants et de chercheurs dont l’objectif est de faire connaître et de lutter contre la généralisation de l’enfermement des étrangers et la multiplication des camps, dispositif au cœur de la politique d’externalisation de l’Union européenne » (extrait de www.migreurop.org). Après avoir rédigé Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires (éditions 2009 et 2012) sujet compliqué et sensible, brûlant d’actualité, Olivier Clochard poursuit ses recherches actuellement à Calais où il avait fait sa thèse mais aussi à Chypre et sur d’autres terrains (Bruxelles, Marseille).

L’intervention s’organise en 3 parties : 1) ce qui est nécessaire pour voyager, 2) les restrictions aux frontières, 3) la question des réfugiés.

I/ Des visas pour voyager ?

Il y a environ 230 millions de migrants actuellement, sans que soient compris dans ce chiffre les réfugiés. Les pays qui accueillent le plus de migrants internationaux sont : les Etats-Unis (45,8 millions), la Fédération de Russie (11 M), l’Allemagne (9,8 M). La France arrive en 7e position (7,5 M). Mais chaque pays a une histoire migratoire qui lui est unique. Ainsi il faut rappeler qu’au XIX° siècle ce sont les Européens qui partaient : l’Irlande, frappée par la Grande Famine (1845-1852), avait connu le départ d’au moins un tiers de sa population vers le Nouveau Monde. La France fait partie elle aussi de ces pays qui ont une histoire migratoire importante. Sur le premier graphique, nous pouvons voir que la dislocation de l’URSS a provoqué le départ de nombreuses personnes. Les récentes migrations vers et en Europe ne sont pas un fait nouveau, tout comme dans le monde. Les Emirats Arabes Unis sont, par exemple, aujourd’hui l’un des pays qui vit grâce à la venue de ressortissants étrangers. Au Qatar, 80% de la population est étrangère. Rfce à Tristan Bruslé qui a travaillé sur les Népalais migrant vers cet Etat.

Les politiques européennes légifèrent avant même que les migrants aient commencé de voyager (référence aux travaux de Didier Bigo). Il y eut en effet un gros travail de l’Europe sur la question des visas européens, se basant sur une uniformisation de ces derniers. A partir de 2001 ces visas permettent ainsi à l’ensemble des ressortissants étrangers de voyager. Il est demandé aux consulats de veiller au « risque migratoire » (personnes célibataires, avec antécédents…). Par exemple, un algérien ne peut voyager dans l’espace Schengen sans un visa en cours de validité. Sur la carte de Nicolas Lambert, nous pouvons voir deux ensembles : le premier présente des pays qui concentrent 17% de la population et 73% des richesses mondiales. On peut voir que la mobilité y est importante, les citoyens de ces pays pouvant circuler avec plus de facilité, la plupart du temps sans visa. Le second ensemble présente les pays concentrant les 83% de la population mondiale et 27% des richesses. Cet ensemble a peu ou pas accès aux premiers pays et des dispositifs tentent d’en empêcher les mobilités. C’est pour freiner l’arrivée de demandeurs d’asile. Le décalage est indécent avec le Liban qui accueille aujourd’hui 1 million de réfugiés. Un visa pour l’UE coûte 60 euros. Rapporté au niveau de vie de certains pays, c’est beaucoup. La population des pays riches a donc plus de facilité théorique à voyager. (Source: Néocarto)

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Comment peut-on être « montagnard » ?

Compte rendu du Café Géo animé par Bernard Debarbieux, le 13 avril 2016 à Chambéry.

Dans ce titre, deux mots s’imposent : « montagnard » et « comment ». Le titre retenu ne l’est pas par hasard, il fait écho aux Lettres persanes de Montesquieu (1721), qui raconte sous la forme d’une fiction épistolaire la découverte de Paris par deux Persans. L’ouvrage narre ainsi une série d’expériences, racontées sur un mode humoristique. C’est une sorte de conte philosophique dont l’objectif est de soulever les absurdités de la société française du début du XVIIIe siècle et d’ironiser sur la façon dont les Parisiens ont de comprendre et de percevoir l’altérité. Bien qu’ayant près de trois siècles, l’ouvrage évoque des situations transposables dans une période plus contemporaine, comme l’exprime la Lettre 30 de Montesquieu.

Dans cette lettre, Ouzbek raconte ses premiers jours à Paris lorsqu’il est exposé au regard des Parisiens : « lorsque j’arrivais je fus regardé comme si j’arrivais du ciel, les vieillards, les hommes, les femmes, les enfants, tout le monde voulait me voir, si je sortais tout le monde se mettait aux fenêtres, et si j’étais aux tuileries je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi. Enfin, jamais homme n’a autant été vu que moi ». Dans un premier temps, il ne comprend pas bien pourquoi il suscite autant de curiosité, puis il se rend compte qu’il est habillé, accoutré d’une façon très particulière qui ne correspond certainement pas à une tenue traditionnelle persane mais aux habits d’apparat qu’il portait en raison de son invitation par d’importants personnages de la capitale. Un peu lassé de la curiosité qu’il suscitait, il s’habilla comme tout le monde et à la fin de sa lettre il confie ceci : « si par hasard quelqu’un apprenait que j’étais persan, j’entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement « ah ah Monsieur est persan », il fallait qu’il le dise, Monsieur est persan, c’est une chose bien extraordinaire. Comment peut-on être persan ? ». Autrement dit, les Parisiens ne se posent pas cette question lorsqu’il est accoutré comme ce qu’ils imaginent et ce qu’ils comprennent comme un accoutrement de persan, par contre s’il est habillé comme eux, les Parisiens se demandent alors comment il peut être persan car il n’a pas l’apparence d’un persan. Le sens de la question que pose Montesquieu, ce n’est pas le sens de la question qui sera adopté à l’occasion de ce café géo. Quand Montesquieu écrit « Comment peut-on être persan ? », il ironise sur la bêtise moyenne des personnes qu’Ouzbek rencontre, et qui se demandent ce que veut ou ce que doit signifier être persan.

Ici, pour comprendre le titre « Comment peut-on être montagnard ? », il faut entendre l’adverbe « comment » un peu différemment : de quelles façons peut-on être montagnard ?  De quelles façons sommes-nous reconnus comme montagnards ? De quelles façons se pense-t-on montagnard ? Est-ce ce caractère repose sur un accoutrement spécifique ? Est-ce qu’il s’agit d’une sorte d’essence qui n’est pas perceptible, comme pour Ouzbek une fois qu’il a quitté ses habits de Persan ? Est-ce que c’est une culture ? Un langage ? Le « comment » devient ainsi ontologique : qu’elle est la nature de l’être montagnard ? Comment est-ce qu’on est montagnard fondamentalement ? Pour explorer cette question immense, Bernard Debarbieux souhaite d’abord voir comment le public chambérien réagit à une série de petits énoncés, pour observer l’adhésion plus ou moins forte de la salle à une définition de l’être montagnard :

  • On est montagnard quant on habite en montagne.
  • On est montagnard au fil des générations : est ce que cela se transmet ? par les gènes ? par acculturation ?
  • On est montagnard parce qu’on pratique la montagne, parce qu’on aime la montagne.
  • On est montagnard parce qu’on est savoyard.

Cette petite exploration ouvre la réflexion quant aux différentes ontologies, aux différentes façons d’être montagnard. Est-ce qu’être montagnard est une question de nature profonde, une question existentielle ? Ou une question d’apparence, comme pour Ouzbek et son identité persane ? Est-ce que c’est un choix personnel ? Une revendication ? Une façon de se présenter dans la société ? Le fruit d’une validation sociale ?

Comprendre l’identité montagnarde doit ainsi se faire au regard de l’histoire de la construction de l’espace montagne et de ses habitants. D’une conception initiale très naturaliste, on voit peu à peu se mettre en œuvre des formes de revendications, d’affirmation, de souci de mise en scène de l’identité montagnarde. Globalement, la façon de parler et de penser les montagnards a été principalement naturaliste dans un premier temps, puis de plus en plus sociale, politique et culturelle, et enfin, depuis une vingtaine d’années, de nouvelles façons de se positionner vis-à-vis de la montagne émergent.

(suite…)

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