Altdorfer, pionnier du paysage autonome

Exposition Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande (du 1er octobre 2020 au 4 janvier 2021) https://www.louvre.fr/expositions/albrecht-altdorfer-maitre-de-la-renaissance-allemande

 

Prévue par le musée du Louvre au printemps 2020, l’exposition « Altdorfer, maître de la Renaissance allemande » avait dû être repoussée. Organisée en étroite collaboration avec le musée de l’Albertina de Vienne, l’exposition ambitionne de présenter pour la première fois au public français toute la richesse et la diversité de son œuvre peinte, dessinée ou gravée, en la replaçant dans le contexte de la Renaissance allemande. Elle est présentée du 1er au 4 janvier 2021. C’est une exposition substantielle de plus de 200 œuvres (14 tableaux sur les 55 peints par Altdorfer, de nombreux dessins, gravures de sculptures et objets), beaucoup venues d’Allemagne et d’Autriche. An sein d’un parcours chronologique, plusieurs sections thématiques viennent mettre en valeur les spécificités de son art. Ce compte rendu n’a pas pour ambition de présenter l’ensemble de l’exposition proposée par le Louvre mais de faire un éclairage sur la thématique « paysage ».

 

C’est la première exposition d’importance qui soit consacrée à Albrecht Altdorfer en France. On peut parler d’un véritable événement car il s’agit de mettre en lumière un « outsider » et la France ne possède aucune de ses peintures dans ses collections publiques. C’est une véritable performance dans le contexte de la pandémie, de la moindre fréquentation du musée et compte tenu du fait que Altdorfer peignait sur de sensibles et fragiles panneaux de bois. Exposer un maître ancien, c’est savoir que l’on va se priver de chefs-d’œuvre. Il faut noter l’absence dommageable de deux pièces maîtresses : La Bataille d’Alexandre de la Alte Pinakothek de Munich et le polyptique de Saint-Sébastien de l’abbaye de Saint-Florian. Les commissaires, Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm et Séverine Lepape, assument et compensent ces manques grâce à une accumulation d’œuvres qui méritent qu’on s’y attarde. L’ancienne Pinacotèque de Munich ne s’est pas séparée de La bataille d’Alexandre à Issus (1529) mais le chef-d’œuvre peut être vu sur écran. La venue des œuvres à Paris a tenu de l’exploit, les obstacles imposés par la situation sanitaire ayant pu être contournés grâce à une collaboration étroite avec les musées allemands et autrichiens et en particulier un partenariat exceptionnel avec l’Albertina de Vienne, un généreux prêteur.

 

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« Le déni français ». Un débat tenu à l’IMA.

L’Institut du monde arabe (Photo ©IP3 PRESS/MAXPPP)

Depuis 2015 l’IMA organise des Journées de l’Histoire en partenariat avec les Rendez-vous de l’Histoire de Blois. Cette année le thème est « Révoltes et Révolutions ». Par un hasard tragique, les interventions du 18 octobre 2020 portaient sur   « Le rôle de la religion », deux jours après l’exécution d’un professeur d’histoire-géographie par un militant salafiste. Un « Face à face » modéré par Béatrice Giblin, géopolitologue,  a permis à l’historien Pierre Vermeren de présenter son ouvrage Le Déni français (1), dont il a débattu avec Ali Bensaad, géographe et professeur de géopolitique.

Ce déni, c’est celui de la montée de l’islamisme politique radical. Déni qui rappelle à l’historien l’attitude de l’État algérien qui avait occulté, il y a trente ans, la dimension politique de l’islamisme (2).  met en cause d’une part l’attitude de certaines élites françaises, d’autre part la politique arabe des différents gouvernements français.

Naïveté, ignorance, compromission. C’est en ces termes qu’il qualifie les prises de position d’une partie de la Gauche, de l’Église catholique et de chercheurs et intellectuels. A la base la culpabilité liée à la décolonisation et particulièrement à ce qu’on n’osait pas appeler alors la « guerre d’Algérie », soutenue par la majorité des partis politiques, et qui n’a pas été condamnée par l’Eglise catholique.

Après les Accords d’Evian, de Gaulle s’efforce de se réconcilier avec les pays avec les pays arabes et apporte ainsi un soutien total à des régimes dont on veut ignorer le caractère dictatorial (3). Pour Ali Bensaad, la politique arabe de la France est une réminiscence du fantasme colonial alors  que le deuil d’un désir colonial n’est pas fait.

 

Pourquoi le désir de constituer, en France,  une société assimilatrice qui n’avait pas fonctionné en Algérie a-t-il en partie échoué ?

Dans les années 60, la charge de l’immigration est confiée à l’État algérien. Ce choix politique, valable tant que l’immigration était conçue comme temporaire (retour au pays après constitution d’un petit pécule), est maintenu à la fin des années 70 alors que le droit au regroupement familial change la nature de l’immigration (4). Après la guerre civile algérienne (voir note 2), c’est au Maroc qu’est confiée de plus en plus la tâche de s’occuper de la population immigrée et, plus récemment, à la Turquie (5). On reste, en France, figé sur le schéma de l’Islam colonial, l’Islam des marabouts imprégné de soufisme, majoritaire au Maghreb (6).  La salafisation (7) de l’Islam aussi bien dans les pays musulmans que dans les pays d’accueil, n’est pas comprise. Ali Bensaad insiste sur le gros impact des riches pays du Moyen Orient sur les associations, notamment sportives, qu’ils financent, et qui ont un très fort rayonnement dans les banlieues.

Pierre Vermeren explique aussi qu’une partie des élites françaises, aveuglées par le mythe du développement économique des États nouvellement créés, n’ont pas compris que les immigrés sont beaucoup plus riches que les populations du Maghreb. Ceux-ci sont donc utiles à leur pays d’origine qui n’a pas intérêt à leur intégration.

 

Ces observations peuvent servir de base – avec celles de beaucoup d’autres de sociologues, géopoliticiens, politologues, théologiens…- à notre réflexion : quel sens donner à un assassinat commis en France pour des raisons religieuses en ce début de XXIème siècle.

 

Notes :

1). Pierre VERMEREN, Le Déni français. Notre histoire secrète des relations franco-arabes, Albin Michel, Paris, 2019.

2). En décembre 1991 l’annulation des élections législatives anticipant la victoire du FIS (formation militant pour la formation d’un Etat islamique) entraîne une guerre civile très meurtrière entre le gouvernement algérien et des groupes islamistes armés (AIS et GIA). Selon les historiens cette « décennie noire » prend fin entre 2001 et 2005.

3). En juin 1967, de Gaulle condamne la guerre-éclair qu’Israël vient de mener contre l’Egypte, la Jordanie et le Syrie (Guerre des six jours).

4). Le décret donnant droit au regroupement familial est adopté le 29 avril 1976 (gouvernement Chirac).Il est suspendu par le gouvernement Barre  puis consacré par le Conseil d’Etat en décembre 1978.

5). La Direction turque des affaires religieuses (Diyanet) contrôle plus de 200 mosquées en France, nommant les imams et organisant les pèlerinages à La Mecque.

6). Voir sur le site le compte rendu de Jean RIEUCAU, Mohamed SOUISSI  (sous la direction de), Les lieux symboliques complexes au Maghreb et au Machrek.

7). Le salafisme est un mouvement fondamentaliste musulman né dans les années 1920 qui prône le retour à une lecture littérale du Coran et de la Sunna. Il converge avec le wahhabisme, doctrine adoptée par la famille Al Saoud au XVIIIème siècle.

Michèle Vignaux, octobre 2020

Hommage à Samuel Paty, professeur d’Histoire et de Géographie

M. Samuel Paty, professeur d’Histoire et de Géographie, a été assassiné vendredi 16 octobre pour avoir fait son travail d’enseignant. Face à cet acte épouvantable qui nous plonge dans l’effroi, nous souhaitons saluer la mémoire de notre collègue. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à la communauté éducative de son établissement.

Notre association renouvelle son attachement à la liberté d’expression qui fait partie de ses valeurs fondamentales.

Nous ne reculerons pas !

Vous trouverez ci-dessous le lien vers le texte publié sur le site de l’APHG avec le soutien des associations:
https://www.aphg.fr/Nous-sommes-professeurs-d-histoire-geographie

 

Les Cafés Géographiques, le 19 octobre 2020

Café géo de Chambéry-Annecy : pourquoi votre soutien régulier nous est-il si précieux ? 

L’association prend en charge les frais de transport de ses invité·es et le cas échéant leurs frais d’hébergement. Entre 2015 et 2023, le coût médian d’un Café était de 60 € et le coût moyen de 80 € (avec un coût minimum autour de 20 € et un coût maximum de plusieurs centaines d’euros). Ce coût est principalement fonction de la provenance de nos invité·es, ce qui n’est pas anodin pour une association située dans une ville universitaire de taille modeste. Entre 2015 et 2023, le vivier local (Annecy, Chambéry, Grenoble) n’a alimenté que 21 % des 58 Cafés géo que nous avons organisés tandis que que la majorité de nos invité·es provenait des universités parisiennes et franciliennes (34 %), suivi·es de collègues lyonnais·es (28 %), de géographes d’autres régions françaises (10 %) comme Limoges, Montpellier, Bordeaux ou Strasbourg, et enfin de voisin·es suisses (7 %).

Nos recettes proviennent des adhésions ainsi que des dons qui peuvent nous être faits par des particuliers comme par des entreprises. La crise sanitaire a porté un coup dur à nos finances : la diminution du nombre de Cafés (3 annulations sur 9 en 2019-2020, un unique Café en 2020-2021 et seulement 5 en 2021-2022, contre une moyenne supérieure à 7 auparavant) a entraîné la baisse des adhésions et des dons, faisant progressivement fondre nos réserves. Plus que jamais, votre soutien est donc précieux !

Alain CORBIN, Terra Incognita. Une histoire de l’ignorance. XVIIIe-XIXe siècle, Albin Michel, Paris, 2020.

Une fois de plus Alain Corbin nous surprend et nous séduit par l’originalité de sa démarche historique. Sur ce que nos ancêtres savaient de la Terre (nous parlerions aujourd’hui de sciences de la Terre, mais aussi de météorologie, d’océanographie, de glaciologie…), il ne fait pas une présentation des connaissances progressivement acquises. Il étudie ce qu’on en ignorait (par rapport à nos connaissances actuelles) et ce que cette ignorance impliquait dans le regard qu’on portait sur le monde. L’historien, plus que tout autre, doit se méfier du péché d’anachronisme. Alors qu’aujourd’hui nos contemporains les moins curieux sont familiers des nombreuses images de la Terre que nous envoient les satellites, les documentaires sous-marins et les bulletins météo, comment imaginer la perception du monde d’un paysan des plaines qui n’avait jamais vu un rivage ni un massif montagneux en réalité ou en image.

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Dessin du géographe n°83 : Le dessin du géographe au Festival international de Géographie 2020 de Saint-Dié-des-Vosges

Photo R. Courtot

Quelques visiteurs attentifs devant « les dix ans du dessin du géographe »

 

Photo R. Courtot

Le Portugal, initialement prévu comme pays invité puis déclaré forfait, était quand même présent par quelques dessins de Pierre Deffontaines, Roland Courtot et Simon Estrangin (de gauche à droite)

 

L’exposition des dessins du géographe s’est tenue à l’étage de la librairie Le Neuf * (5 quai Leclerc, 88100 Saint-Dié-des-Vosges) lors du FIG 2020 (2-4 octobre).  Elle présentait une cinquantaine de dessins de géographes qui célébraient les 10 ans de la rubrique présente sur le site de l’Association des Cafés Géographiques, avec également des dessins sur le thème du climat(s) et du Portugal.

Les visiteurs n’ont pas été nombreux, mais la salle a été rarement vide, et le calme permettait d’engager la conversation avec des personnes qui se sont montrées très intéressées : géographes et plus généralement figures du monde universitaire (climatologie, sociologie, arts plastiques…), membres de l’association des cafés géo, professeurs d’histoire-géographie dans le secondaire (dont certains pratiquaient le dessin sur le terrain avec leurs élèves), professeur des écoles, étudiants en urbanisme et en cartographie, mais aussi journalistes (Libération, Radio France Internationale), et  un public varié qui a beaucoup apprécié cette exposition, pour certaines images qui sont belles, d’autres drôles… L’exposition a été aussi l’occasion de discuter avec des géographes qui dessinent et le contact a ainsi été pris pour nourrir sans doute la rubrique de prochains articles qui s’annoncent passionnants.

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Une géographe au Festival International de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges (édition 2020)

La ville de Saint-Dié-des -Vosges pendant le FIG. https://www.fig.saint-die-des-vosges.fr/  

 

En cette année de pandémie un certain nombre d’évènements ont été purement et simplement annulés. Mais le FIG de Saint-Dié-des-Vosges a fait de la résistance et mérite un grand coup de chapeau !

Certes, sur les deux thèmes prévus, un seul a survécu, le pays invité (le Portugal) ayant disparu de l’affiche. Au départ, la thématique de cette 31ème édition est consacrée au(x) climat(s). A l’arrivée, la Covid-19 s’est largement invitée dans le débat.

Les cieux étaient maussades, mais cela n’a pas dissuadé les intervenants de maintenir leur venue dans les Vosges et de faire des prestations souvent de grande qualité. Ci-dessous sont résumées les interventions que j’ai pu suivre à titre personnel.

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La crise sanitaire du coronavirus, un fait éminemment géographique

La propagation du virus sur le globe © Andriy Onufriyenko / Coll. Moment – Getty

 

Dès le début de la pandémie de Covid-19, nous avons eu la conviction que la crise sanitaire actuelle représentait un fait éminemment géographique. Aussi en avons-nous rendu compte dans quelques articles publiés en mars dernier sur le site des Cafés géographiques : Réflexions géographiques sur la Chine et le coronavirus (7 mars 2020), L’efficacité de la gestion de crise du coronavirus dépend-elle du régime politique ? (18 mars 2020), La crise sanitaire du coronavirus est aussi une crise écologique (25 mars 2020). (suite…)

Les Cafés Géographiques soutiennent la création du prix du livre de géographie

Création du Prix du Livre de Géographie des lycéens et étudiants de CPGE.
En 2020 a été créé le Prix lycéen du Livre d’Histoire, magnifique initiative qui a largement inspiré la création du Prix du Livre de Géographie des lycéens et étudiants de CPGE (Classes Préparatoires aux Grandes Écoles). Pour le Prix du Livre de Géographie des lycéens et étudiants de CPGE, un comité de sélection composé à parité d’enseignants dans le Secondaire, en CPGE et à l’Université, choisit les ouvrages en compétition.

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Une belle histoire de route dans les Ardennes

Le beau texte d’Amar Ounissi qui suit a été lu par son auteur devant les participants d’un voyage dans les Ardennes qui a eu lieu du 4 au 6 septembre 2020. Ce voyage a été organisé et préparé par Maryse Verfaillie, Marc Béteille et Michel Degré pour les adhérents de l’Association des Cafés Géographiques.

 

Le site de Revin, l’emplacement de « Passerelle théâtre » dont Amar Ounissi est le directeur. Source: https://www.gralon.net/mairies-france/ardennes/association-passerelle-theatre-revin_W081002113.htm

 

Et si je n’avais pas traversé la route ?

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