En simple géographe, à Saint Dié-des-Vosges je suis allée.
Pour la 32ème édition du FIG (Festival International de Géographie) le soleil fut éclatant et dans le ciel tout bleu, les sommets vosgiens se détachaient admirablement.
Les festivaliers étaient revenus, peut-être en moins grand nombre qu’avant la pandémie, mais toujours avides de conférences et de retrouvailles conviviales sur les terrasses des nombreux cafés de la ville. Deux sujets étaient retenus cette année :
Territoire invité : Europe(s). Thème : le Corps (suite…)
Café géo de Paris, mardi 25 février 2020, Café de Flore (Paris 6ème)
A gauche, la façade de l’Institut de Géographie à Paris (inauguré en 1926). A droite, la couverture de la deuxième partie du tome VI de la Géographie Universelle, consacrée à la « France économique et humaine » et rédigée par Albert Demangeon (la première partie, consacrée à la « France physique », faisant l’objet d’un autre volume rédigé par Emmanuel de Martonne).
Denis Wolff présente le sujet du café géo en évoquant l’importance des années 1920 dans l’histoire de la géographie française car, en ces lendemains de Grande guerre, la géographie française se réorganise. La mort de Paul Vidal de la Blache en 1918 y contribue fortement. Emmanuel de Martonne fonde en 1920 l’AGF (Association de géographes français) ; les Annales de géographie sont restructurées ; l’UGI (Union géographique internationale) est fondée en 1922 ; la Géographie universelle, initiée par Vidal de la Blache, est remise en route sous la direction de Lucien Gallois. En réalité, les transformations de la géographie française ont été décisives dès la fin du XIXe siècle, sous la houlette de Vidal de la Blache et de ses élèves, ce qui conduira ce café géo à dépasser les limites chronologiques annoncées par son titre afin d’explorer les bouleversements de la géographie française dans les années antérieures à la guerre de 14-18.
Denis Wolff présente alors les deux intervenants du café géo : Christian Grataloup, géohistorien, professeur émérite à l’Université Paris Diderot-Paris 7, et Pascal Clerc, géographe, professeur à l’Université de Cergy-Pontoise.
Notre collègue Christian Grataloup s’est maintenant fait un nom dans la géohistoire. En témoigne le remarquable Atlas Historique Mondial que viennent de publier les éditions L’Histoire et les Arènes (2019, 655 pages)
Mais il a d’autres talents, qu’il a exprimés dans les premiers numéros d’Espaces Temps dès 1976, où il donnait dans la caricature politico-géographique. Il signait alors CEGER. Sans doute ne reprendrait-il pas aujourd’hui tous ces dessins : c’était il y a longtemps et on a parfaitement le droit d’évoluer dans ses visions et ses partis pris.
Avec le recul de ce presque demi-siècle (le premier numéro date d’octobre 1975) on peut dire que la critique épistémologique avancée par Espaces Temps rendait un son neuf. C’est bien ce qu’avait compris Maurice Le Lannou, qui prit à partie les initiateurs dans son feuilleton du journal « Le Monde » intitulé « Des géographes contre la Géographie » les 8-9 février 1976. A quoi d’ailleurs les concepteurs de la revue répondirent dans les mêmes colonnes du quotidien les 14-15 mars 1976 : « Des géographes pour une autre géographie ».
Le débat sur notre discipline sortait du cadre des colloques et séminaires pour apparaître au grand jour.
Il ne s’agit pas de revenir sur cette polémique mais de présenter quelques-uns des dessins de Christian Grataloup issus des premiers numéros d’Espaces Temps d’octobre 1975 à 1979.
PREMIÈRE CARICATURE Espaces Temps 1977 N° 5.
« La géographie en réponses. Autoportrait d’une incertitude 2 »
Illustration d’une question dans un sondage adressé aux géographes :
« L’importance des travaux en géographie rurale et tropicale est-elle significative d’une vision primitiviste des rapports sociaux ? »
Il paraît qu’à l’époque on pouvait reconnaître le géographe qui bout dans la marmite.
Quand le déjeuner devint petit, le Monde était devenu grand
Si des rayonnages entiers de librairies sont consacrés à l’alimentation, à l’histoire de la gastronomie, aux recettes de cuisine, ces ouvrages se focalisent sur les repas de milieu et de fin de journée, tandis que le petit-déjeuner reste un angle mort. C’est en effet un repas répétitif, modeste, qui peut sembler peu intéressant. Et pourtant, l’adjectif « petit » nous fournit un indice sur le caractère récent de ce repas, qu’on peut interroger à la fois sous l’angle de son historicité et de ce qu’il nous dit de notre rapport au monde.
Christian Grataloup part du glissement sémantique qui se joue entre le tableau de François Boucher de 1739, intitulé Le Déjeuner – tout court – et celui de Juan Gris, de 1915, intitulé Le Petit déjeuner.
Compte rendu du Café géo « Cartographie et imaginaire » du 1/10/2015 à Saint-Dié-des-Vosges ( FIG 2015) avec Olivier Godard et Christian Grataloup.
Le café géo « Cartographie et Imaginaire » est animé par Christian Grataloup, professeur émérite, et Olivier Godard, de l’association « Cartographier au Collège ». Cette association, fondée il y a quatre ans par Olivier Godard et Marie Masson à Angers, réunit aujourd’hui une vingtaine de professeurs d’une quinzaine de collèges de 5 académies (Nantes, Rennes, Versailles, Paris, Créteil). L’objectif de l’association est de faire créer des cartes aux élèves de collège (10 à 15 ans environ). A travers la manipulation du langage cartographique, leur faire mieux appréhender le monde. Parfois le discours géographique est complexe et lointain pour des adolescents ; le langage cartographique, nouveau pour eux, leur permet de comprendre le monde qui les entoure.
L’association organise trois concours :
- le Concours Carto pour les 4èmes: c’est un projet réunissant cette année 11 classes de 10 établissements de l’académie de Nantes. Il s’agit toute l’année de faire des cartes mais aussi de les noter, les commenter et de communiquer autour des cartes au travers un blog. http://concourscarto.blogspot.fr/
- Le concours de Cartographie d’actualité pour les 4èmes, 3èmes et 2ndes. C’est un projet ponctuel où les élèves volontaires doivent mettre en carte un article du journal Le Monde.
http://cartographieraucollege-cca.blogspot.fr/ - Le concours de Cartographie imaginaire qui est le sujet de ce café géo.
http://cartographieraucollege-cci.blogspot.fr/
L’association permet aussi aux enseignants de se former à la pratique de la géomatique (logiciel Argis grâce au partenariat avec ESRI) et/ou à la lecture d’images satellitales (Terrimage du CNES) grâce à l’académie de Nantes qui encourage ces initiatives.
Compte rendu du café géo du 17/09/2015 à Annecy
« Vie et mort du couple Nord/Sud »
Christian Grataloup
En matière d’inégalités dans le monde, les préoccupations d’aujourd’hui (cf l’ouvrage de Piketty et son succès) concernent la croissance des inégalités internes au sein des sociétés plus qu’entre pays. Cela est vrai en Europe et aux États-Unis, dans les pays émergents, les « BRIC » notamment. Alors que l’on constate par ailleurs une diminution des inégalités à l’échelle mondiale.
Or ce sont ces inégalités à l’échelle mondiale, qui sont à l’origine de la distinction « Nord Sud ». Cette distinction aussi floue que consensuelle, commode par son incertitude, est-elle mourante, alors qu’elle procède d’une histoire déjà longue, et qu’elle survit ponctuellement ?
Café géographique au Flore, 14 avril 2015
Avec Georges Prévélakis (Paris 1) et Christian Grataloup (Paris 7)
Michel Sivignon introduit la soirée en présentant les invités, Georges Prévélakis ambassadeur de la Grèce auprès de l’OCDE et Professeur de géographie à Paris 1 et Christian Grataloup Professeur émérite de géographie à Paris 7. Georges Prévélakis a travaillé la notion de civilisation, d’aire culturelle, appliquée au vaste ensemble à cheval sur l’Europe et l’Asie antérieure. Il a ainsi animé un numéro de la revue Anatoli « Géopolitique des civilisations. Huntington, 20 ans après » (n°4, 2013). Christian Grataloup a travaillé ces dix dernières années sur la division spatiale du monde en termes de culture, de civilisation, d’histoire, et s’est fait le promoteur de la notion de géohistoire, distinguant les métiers (géographes et historiens) et les sciences (géographie et histoire).
L’occasion qui réunit ce café est la thèse de Samuel Huntington défendue dans « The Clash of Civilizations ? » (article paru dans Foreign Affairs en 1993, puis un livre sans le point d’interrogation The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order en 1996, traduit en français par Le Choc des civilisations). A l’époque, face au libéralisme triomphant (fin de l’URSS et conversion de la Chine à l’économie de marché), il n’y a plus d’ennemi aux Etats-Unis. Le livre de Huntington apparaît comme une lecture des affrontements à venir, dépassant la logique Est-Ouest, bloc contre bloc : un affrontement multipolaire, non plus entre des idéologies issues du marxisme ou s’y opposant, mais entre des idéologies aux racines culturelles qu’il appelle civilisations. Est-ce que le terme civilizations des anglophones est identique aux termes de civilisations et d’aires culturelles en français, de Kultur en allemand, Civiltà en italien ? Ce n’est pas qu’un problème sémantique. La question a été posée dès 1987 par F.Braudel (Grammaire des civilisations) Est-ce que le terme peut faire partie de notre outillage géographique, permettant de se situer dans l’espace ? Est-ce que véritablement le monde dans lequel nous sommes a fait une croix sur les oppositions socio-économiques pour y substituer des oppositions culturelles structurantes ? Par ailleurs la notion de civilisation est-elle cartographiable et localisable ?
Café Géo du 14 janvier 2015
« Nord / Sud, une représentation dépassée de la mondialisation ? »
Par Christian Grataloup
Pour ce premier Café géo de 2015, nous accueillons Christian Grataloup, professeur de géographie à l’université Paris-Diderot, qui se fait une joie de retrouver ses racines lyonnaises pour l’occasion. Spécialiste de géohistoire et membre de l’UMR Géographie-Cités, il est l’auteur notamment de L’invention des continents (2009) et d’une Géohistoire de la mondialisation (2010) et vient de diriger avec Gilles Fumey, la publication de l’Atlas Global (paru en novembre 2014).
Il nous propose aujourd’hui de revenir sur la star des manuels scolaires d’histoire-géographie : la fameuse limite Nord / Sud. Cette ligne, construction historique de la fin du XXème siècle, instaure une vision binaire du monde (les pays riches sont au Nord et les pays pauvres au Sud) qui est aujourd’hui largement dépassée mais qui n’en est pourtant pas moins toujours abondamment utilisée. Se pose la question de savoir comment une inégalité économique et sociale a fini par être nommée par des points cardinaux. Christian Grataloup dresse en trois parties une histoire et une explication de ce concept. C’est lorsqu’il enseignait, récemment, à Sciences Po Paris que l’idée lui est venue : et si tout cela n’était justement qu’une histoire de café ?
Préambule
1980 : Voilà la date de naissance de l’expression Nord / Sud dont la paternité revient au chancelier allemand Willy Brandt qui présidait alors la Commission indépendante sur les problèmes de développement international qui publie à cette date le rapport « Nord / Sud : un programme de survie » (pour plus de précisions se référer à Vincent CAPDEPUY, (2007), « La limite Nord / Sud », Mappemonde, n°88) L’émergence de cette expression est concomitante de la généralisation de l’emploi du terme « mondialisation ». Avec l’expression « Nord / Sud », des termes spatiaux se substituent aux termes temporels qui accompagnent un processus de transition (tels que développé / sous-développé).
Compte rendu du 1er Café Géographique de St Brieuc,
28 février
Christian Grataloup est professeur à l’université Paris-Diderot (Paris 7). Il enseigne également à l’Institut d’Etudes politiques de Paris et à l’université Cheik Anta Diop de Dakar. Spécialiste de géohistoire, il est l’un des fondateurs de la revue EspacesTemps en 1975. Il a publié de nombreux ouvrages, Lieux d’Histoire. Essai de géohistoire systématique (La Documentation française, 1996), Modélisation graphique (Presses de l’université de Reims, 1998), Géohistoire de la mondialisation. Le temps long du Monde (Armand Colin, 2007), L’invention des continents (Larousse, 2009), Faut-il penser autrement l’histoire du monde ? (Armand Colin, coll. « Eléments de réponse, 2011).
Le café géographique s’est tenu le vendredi 28 février 2014 à l’espace bar du théâtre La Passerelle à Saint-Brieuc.
C’est devant une centaine de personnes que Christian Grataloup lance ce 1er café géographique briochin.
Son propos est de montrer que depuis une trentaine d’années la mondialisation, outre ses aspects économiques, modifie la perception globale et les cadres intellectuels qui ont été les nôtres.
(suite…)
Compte rendu du Café géo du 23/04/2013
Introduit et animé par Daniel Oster
Invités :
François Louveaux, Doyen du groupe histoire-géographie de l’Inspection Générale ;
Corinne Glaymann, Inspectrice de l’Education Nationale – Enseignement Général de l’Académie de Créteil ;
Christian Grataloup, Professeur des universités de l’Université Paris 7-Denis Diderot.
Introduction de Daniel :
Un Café géo à Lille en janvier dernier avec Xavier Leroux a traité de la géographie dans l’enseignement primaire. Il est peut-être dans l’air du temps de faire le point sur la géographie scolaire. La discipline a connu des avancées incontestables sur les contenus comme sur les méthodes. Mais en même temps des menaces la fragilisent comme la concurrence d’autres disciplines telles que les SVT, les SES, la baisse des horaires d’enseignement, et le fait que la géographie est aujourd’hui majoritairement enseignée dans le secondaire par des historiens. L’ « exception française » tient au couple histoire-géographie qui n’existe pas ailleurs et dont le caractère obligatoire du primaire au lycée, y compris aux examens nationaux est également unique au monde.
(suite…)