Quels déplacements dans la ville de demain ? (G. Dupuy)

Café Géo animé par Gabriel DUPUY, Professeur d’Aménagement, Université Paris I Panthéon Sorbonne et Ecole nationale des Ponts et Chaussées.

Ce Café Géo a eu lieu le mardi 13 mars 2012 au Pré en Bulle – 9 Lices Jean Moulin, Albi.

Présentation problématique :

A court terme, le système des mobilités urbaines présente une forte inertie (structure urbaine, budget-temps, dépendance automobile…).

Cependant, à l’aide d’une « rétro-prospective » sur le cas parisien, G. DUPUY montrera que l’on peut aussi répondre à la question en l’élargissant et notamment en repoussant l’horizon considéré. Pour un « demain » plus éloigné, dans une ville recomposée, on peut imaginer les effets de plusieurs évolutions majeures : démographique, sociologique, économique, technologique, environnementale et, bien entendu, géographique.

La combinaison de ces effets pourrait conduire à une croissance modérée des déplacements (en nombre et en portée) mais avec une répartition différente (des flux et des modes).

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L’eau, ressource multiple: quels risques sociaux et environnementaux ?

Café Géo animé par Frédérique BLOT, Maître de conférences en géographie & aménagement au Centre universitaire Jean-François Champollion d’Albi, membre du laboratoire GEODE, UTM;

et Bénédicte VEYRAC, Chargée de cours en géographie, au Centre universitaire Jean-François Champollion d’Albi, doctorante au laboratoire GEODE, UTM;

Ce Café Géo a eu lieu le mardi 14 février 2012 au Pré en Bulle – 9 Lices Jean Moulin, Albi.
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Géographie de l’enfermement : quel contrôle politique et social de l’espace ?
Café Géo animé par Bénédicte MICHALON, Docteur en Géographie, chargée de recherche CNRS rattachée à ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé et Sociétés),Pessac & Olivier RAZAC, Philosophe, ENAP (École Nationale d’Administration Pénitentiaire) d’Agen.

Présentation problématique de Bénédicte MICHALON :

Ce Café Géo portera sur une géographie de l’enfermement. L’enfermement sera appréhendé comme un processus a priori subi, dont il s’agira d’interroger la dimension spatiale. Il sera également analysé comme dispositif de contrôle, au sein duquel des individus vivent (et parfois travaillent) et développent des dynamiques d’appropriation. Différents types de lieux renvoient à cette problématique : établissements carcéraux, psychiatriques, logements fermés pour travailleurs migrants, mais aussi centres de rétention pour étrangers. C’est sur ce dernier type de lieu que la présentation s’articulera, pour décrypter quelques-unes des dynamiques spatiales à l’oeuvre dans le contrôle politique et social qui s’exerce sur les « enfermés ».

A partir d’une étude de la rétention à l’échelle européenne et en Roumanie (pays dans lequel B. Michalon mène ses enquêtes), l’hypothèse de la constitution de modèles d’enfermement sera abordée, ainsi que la circulation dans le temps et dans l’espace. Aux échelles nationales et locales, le rôle des mobilités (migrations, transferts, circulations internes aux lieux de détention, etc.) dans le dispositif d’enfermement, souvent perçu comme statistique, sera décortiqué. A l’échelle des individus (« enfermants », « enfermés », intervenants associatifs notamment), il s’agira de comprendre les interactions et l’émergence de pouvoirs et de rapports de force d’une part, d’actes d’adaptation voire de résistance d’autre part.

Cette recherche s’intègre dans le programme TerrFerme, financé par l’Agence Nationale de la Recherche et le Conseil Régional d’Aquitaine (http://terrferme.hypotheses.org/).

Présentation problématique d’Olivier RAZAC :

La surveillance électronique se développe. Elle s’étend et se diversifie. Dernier dispositif en date : le Placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), basé sur une technologie GPS et s’adressant pour l’essentiel à des personnes soumises à des mesures de sûreté. Si elle ne concerne que peu d’individus pour l’instant, cette modalité de la surveillance électronique est particulièrement intéressante en ce qu’elle articule plusieurs régimes de contrôle spatial : l’exclusion, l’inclusion et la traçabilité.

En cela, le PSEM représente moins une rupture avec l’espace carcéral moderne de la prison q’une virtualisation et une diversification de sa manifestation.

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Carte : Des morts par milliers aux portes de l’Europe
Source : Olivier Clochard et Philippe Rekacewicz, décembre 2006.

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Géographie des Solidarités numériques : de nouvelles formes d’entraide à différentes échelles ?
Café Géo animé par Destiny TCHEHOUALI, Doctorant CIFRE au LISST-Cieu, Université de Toulouse
Présentation problématique :
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) continuent encore de se diffuser de façon très inégale et à une vitesse accélérée, créant ainsi d’importantes disparités en matières d’accès, d’utilisation et de capacité d’appropriation des TIC entre milieux urbains et ruraux dans un même pays (fracture numérique horizontale) ou entre pays du Nord et pays du Sud (fracture numérique verticale).Dans le contexte actuel de gouvernance mondiale et de crise économique de ce début du XXIe siècle, les acteurs de la coopération internationale ont pris pleinement conscience de la nécessité de mettre en œuvre des politiques et des initiatives de solidarité afin de contribuer à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ce mouvement trouve dans la « solidarité numérique » un nouveau terrain d’expression, notamment dans les efforts de rééquilibrage des rapports Nord/Sud. En effet, le déséquilibre Nord/Sud est particulièrement frappant dans le domaine des TIC. Le rapport 2011 de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) estime que 70% de la population mondiale et presque 80% dans les pays en développement n’utilisent pas Internet. Face à de tels chiffres, le mythe d’une planète connectée, dans laquelle tout le monde a la capacité de produire et/ou de partager des informations très rapidement à partir de n’importe quel point de la planète raccordée à un réseau, ne peut effacer la réalité qui est celle des fractures numériques symbolisées par le clivage entre individus qui sont, ou se sentent, intégrés à la « société numérique » et ceux qui au contraire en sont exclus. Une telle situation pose donc questions : Quelles formes d’entraides ? Quelles échelles géographiques d’action ? Quelle efficacité de l’aide au développement numérique ?

Un premier élément de réponse a été apporté à l’occasion d’une Assemblée Générale des Nations-Unies qui, devant l’insistance de nombreux gouvernements africains et d’acteurs civils a convoqué, en 2003 et 2005, un Sommet spécifique dédié à cette thématique. Un pacte de Solidarité numérique est adopté avec pour objectif l’implication des gouvernements, des acteurs privés ainsi que des membres de la société dans un processus de concertation « multiacteurs », qui en menant une étroite coopération à différentes échelles (nationale, régionale et internationale) doivent réduire la fracture numérique Nord-Sud.

Quelques années après le Sommet mondial, malgré des progrès quantitatifs réalisés dans le cadre d’ accords de coopération bilatérale ou multilatérale, l’objectif d’une « connectivité pour tous » est loin d’être acquis. On reproche en effet à ces projets/programmes d’avoir privilégié les logiques de marché et les enjeux de rentabilité économique au détriment des réels enjeux humains et sociétaux liés à l’accompagnement de la diffusion et de l’appropriation des TIC dans les pays du Sud. Parallèlement à ces grands accords, des États d’Afrique et d’autres régions du monde mènent, par l’intermédiaire des collectivités locales et des ONG, des politiques de solidarité numérique ainsi que de vastes programmes infrastructurels qui, fondés sur des approches sociales et citoyennes, s’avèrent plus efficaces.

Cette situation ambivalente porte à débat. L’échelon local constitue-t-il l’échelon le plus pertinent pour expérimenter des politiques inclusives de solidarité numérique ? La solidarité numérique est-elle une solidarité « désintéressée » ou bien constitue-t-elle un énième projet d’acculturation, un nouvel alibi politique d’intégration de l’Afrique dans la nouvelle économie financière de l’ère des réseaux de l’information ? Peut-on penser des formes de solidarité numérique qui s’affranchissent des logiques d’assistanat et de dépendance technologique ?

Quelques éléments de réponse peuvent être apportés au travers de l’examen des ambitions entrevues , des paradoxes du plaidoyer international de lutte contre la fracture numérique sous l’angle des décalages observés par rapport aux attentes des populations bénéficiaires de ces projets au Sud et par une série de propositions susceptibles de permettre à la solidarité numérique d’apparaître comme un instrument au service du développement.

(Première publication le 13 décembre 2011, à l’url http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2315)

Eviter, réduire, réutiliser :Quels enjeux territoriaux de la prévention des déchets ?
Café Géo animé par Jean-Baptiste BAHERS (Doctorant au LISST-Cieu, Université Toulouse II le Mirail) et Daniel VIALELLE (Vice-président du Conseil général du Tarn, membre de la commission Territoires et Développement Durable)

Présentation problématique :

Présentation de J.-B. Bahers :

La prévention dans tous ses états ! Du principe juridico-politique à la création d’un dispositif ad hoc territorial, en passant par des stratégies technologiques d’éco-conception et par une définition dans l’arsenal législatif européen, la prévention des déchets est bien d’actualité.

Si tout le monde connaît le problème des déchets, ils sont moins nombreux à être capables d’identifier l’apport de la prévention. D’abord confondue avec sa fausse sœur, la « précaution », elle est souvent oubliée au profit de ses cousins « recyclage et valorisation ». Pourtant, la prévention est au cœur de cette idée nouvelle de créer plus en utilisant moins. Elle est une source d’innovation vers des solutions durables de gestion des ressources. Elle bouleverse notamment la relation du déchet à l’homme, qui se contente de fermer la poubelle pour ne pas voir ce qui se passe après. Cependant, la prévention est aussi une excuse renvoyée aux échecs des politiques publiques des déchets depuis les années 1970 et se heurte à la nécessaire croissance de la consommation. La territorialisation de ce principe est sans nul doute une opportunité importante, mais est-ce suffisant pour espérer découpler croissance économique et gisement des déchets ?

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Les systèmes d’information géographiques (SIG) : un nouvel outil indispensable de l’aménagement du territoire ? (F.Martorell)
Présentation problématique :

Le développement des Systèmes d’Information Géographique a été particulièrement important dans le domaine de l’aménagement du territoire cette dernière décennie.

Il est allé de pair avec la poursuite de l’effort d’informatisation et de numérisation des acteurs publics et privés et le désir de disposer d’une information précise.

Les rapports entre les SIG et le management territorial sont complexes à la mesure de la complexité même du processus de décision territorial qui se joue sur plusieurs échelles géographiques (par exemple, petite échelle pour les grands documents de planification, moyenne échelle pour les documents d’urbanisme communaux ou intercommunaux, grande échelle pour l’instruction des permis de construire).

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Les villes moyennes : l’enjeu clé de l’entre-deux territorial ? (D.Behar & Ph.Bonnecarrère)
Café Géo animé par Daniel BEHAR (Géographe, Professeur associé à l’Institut Urbanisme de Paris, Directeur d’Acadie) et Philippe BONNECARRERE (Maire d’Albi et Vice-président de la Fédération des Maires des Villes moyennes).

Présentation problématique :

Intervention de Daniel BEHAR :

L’heure est aux métropoles. Du Grand Paris à la création d’un statut ad hoc par la loi portant la réforme territoriale, en passant par la naissance d’un club de réflexion et de lobbying – « les métropolitaines » -ces dernières font l’objet de toutes les attentions, politiques, médiatiques ou professionnelles.

Certes, chacun sait bien qu’il y a une vie hors des métropoles, qu’elles ne résument pas à elles seules toute la question urbaine. Ainsi, nul ne peut négliger que de façon constante depuis un demi-siècle, derrière la dynamique métropolitaine, les villes moyennes continuent d’accueillir un cinquième de la population et de l’activité nationales. Par contrecoup, cette permanence justifie la place paradoxale qu’occupent ces villes moyennes dans l’action publique. D’un côté, elles sont centrales dans l’imaginaire national : « Objet territorial non identifié », catégorie urbaine au mieux relative, au pire indéfinissable, elles sont une pure construction géopolitique. En constituant le pavage urbain de base du territoire national, au travers de leur fonction de « chef-lieu » de département, voire d’arrondissement, elles apparaissent, avec les départements comme la projection au sol de l’idéal français d’égalité républicaine. Mais à l’inverse, leur stabilité apparente rend quasi-inutile toute politique publique dédiée. Elles constituent en quelque sorte un objet politique en défaut de politiques publiques.

A l’abri des injonctions politiques, voire des effets de mode successifs, les villes moyennes ne sont-elles pas en fait en train d’inventer les stratégies territoriales contemporaines, qui prenant en compte la complexité du réel, s’affranchissent de modèles par trop réducteurs et combinent en situation des logiques d’action a première vue hétérogènes les unes aux autres ?

Intervention de Philippe BONNECARRERE :

La société contemporaine est souvent présentée à l’image d’un sablier dans lequel les classes moyennes ne trouvent plus leur place. Les villes moyennes connaitraient-elles le même sort sur le champ de la concurrence des territoires ? La réponse est oui.

Les espaces intermédiaires, de l’entre-deux, sont remis en cause. Les villes moyennes, les villes charnières, à l’articulation des métropoles et de l’espace rural, sont affaiblies. Après avoir essayé de définir la ville moyenne, le lieu de vie de 20% de la population française, il s’agira d’identifier les facteurs d’affaiblissement avec au premier rang de puissants adversaires : la mondialisation, la métropolisation, la RGPP, etc.

Reconnaître le rôle pivot des villes moyennes, leur capacité à assurer leurs fonctions centrales au cœur de vastes bassins de vie, leur aptitude à être le relais entre les métropoles et les territoires, nécessite de démontrer leur valeur ajoutée dans cette articulation. Notre temps est celui du combat pour l’attractivité des villes moyennes.

Si le destin des villes moyennes (de l’entre-deux territorial) est majoritairement de devenir des petites villes ou des villes absorbées par les métropoles, une place existe, est à construire, à élargir pour des villes moyennes qui ne seront jamais des grandes villes mais qui disposeront de partie des attributs, des fonctions d’une grande ville.

Appelées « pôles de rayonnement » (50 environ sur le territoire national) dans le rapport Saint-Etienne, ces villes seront caractérisées par des discriminants positifs, par un projet stratégique. Tout le combat d’Albi est là ; avoir partie des fonctions d’une grande ville, avoir des atouts d’excellence, bâtir des discriminants positifs. La réussite de ce combat pour l’attractivité est à la base de la vitalité future du territoire Albigeois qui se heurte à deux défis supplémentaires qui ont le caractère d’une question ouverte :
– quelle relation avec Toulouse métropole inscrite dans le temps long de l’histoire comme fonctionnant par aspiration dans le territoire régional le plus grand de notre pays ?
– comment ouvrir une ville moyenne comme Albi à l’international ?

Compte-rendu :

Compte-rendu réalisé par Virginie GASTAUD et Léa JOUFFROY, étudiantes de L3 au Centre universitaire J.F.Champollion, sous la direction de Thibault COURCELLE et Mathieu VIDAL, enseignants-chercheurs, co-animateurs des Cafés Géo d’Albi.

Éléments de la présentation

Premier intervenant : Daniel Béhar

Introduction

Le propos présenté ce soir offrira une lecture de la question des villes moyennes du point de vue de l’action publique : quelle place pour les villes moyennes au sein de ces dernières ? Un constat général doit être fait : à l’heure actuelle, on peut dire que les villes moyennes se situent dans une sorte d’« entre-deux territorial », car elles apparaissent comme les grandes oubliées de l’action publique traitant de la question territoriale. Aujourd’hui, les débats se cristallisent autour de deux objets extrêmes : d’un côté, les grandes métropoles, dites compétitives dans le référentiel de la mondialisation (la question du Grand Paris…) et, de l’autre, les territoires ruraux (à la fois délaissés par les services publics et redynamisés par un certain renouveau démographique). Entre ces deux « chevaux de bataille » de l’action publique territoriale, les villes moyennes peinent à trouver leur place et possèdent une faible visibilité politique. Par ailleurs, elles ne sont pas plus un objet politique qu’un objet scientifique : peu d’universitaires français se sont saisis de la question à l’heure actuelle, car les débats scientifiques sont essentiellement focalisés sur les processus de métropolisation et de périurbanisation.

Dans un premier temps, il paraît donc intéressant d’examiner les raisons de cet « oubli » des villes moyennes dans l’action publique territoriale. A partir de ce constat peu optimiste, on montrera que paradoxalement, cette situation de mise à l’écart peut être une source majeure d’innovation territoriale pour les villes moyennes. Contraintes de « fabriquer » elles-mêmes leurs propres stratégies d’action territoriale, les villes moyennes se muent finalement en de véritables laboratoires de l’action publique territoriale de demain.

L’oubli des villes-moyennes dans l’action publique : quelles explications possibles ?

Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer cette mise à l’écart des villes moyennes dans l’action publique territoriale.

Premièrement, les villes moyennes ont toujours été considérées comme des villes « sans grands problèmes » dans l’imaginaire collectif (institutions, élus et citoyens). Elles seraient en quelque sorte l’archétype d’une certaine forme de « permanence », qui se situe à l’opposé des critères d’intervention d’une action publique tournée vers les territoires en mutation. On est ici renvoyé aux vieux fondements de l’aménagement du territoire à la française : l’action publique intervient pour aider les territoires en crise et pour soutenir ceux qui sont en plein essor. Les villes moyennes, avec leurs indicateurs socio-économiques relativement stables1, ne semblent donc pas justifier un type d’intervention particulier aux yeux de l’action publique.

Deuxièmement, les villes moyennes apparaissent comme les grandes oubliées de l’action publique territoriale car elles ne constituent pas une catégorie territoriale à part entière. Les saisir et les définir clairement est un exercice périlleux, ce qui rend d’autant plus difficile l’élaboration d’une problématique d’action publique qui leur soit spécifique. Les acteurs concernés (élus, institutions, DATAR…) sont incapables de s’accorder sur le seuil de population qui définirait la ville moyenne. De plus, il s’avère très difficile d’identifier d’éventuelles caractéristiques communes aux villes moyennes car il n’existe pas de « situation-type » de la ville moyenne française. A l’opposé des grandes métropoles, qui présentent une certaine homogénéité de par leur arrimage au processus de mondialisation, chaque ville moyenne possède ses caractéristiques spécifiques, qui reflètent les dynamiques qui ont cours dans son territoire d’ancrage (Région…). Entre Antibes, Albi et Sedan, peu de points communs peuvent être identifiés !

Enfin, il est important de souligner le fait que la mise à l’écart des villes moyennes dans l’action publique n’est pas un fait récent. Historiquement, les villes moyennes n’ont jamais constitué un objet d’action publique, en France. A chaque période, elles ont été éclipsées par d’autres objets territoriaux moins déstabilisants. Dans les années 1960, l’action publique était en pleine réflexion sur la Région. Suite à la décentralisation, les années 1980 et 1990 marquèrent quant à elles le sacre du local et des « territoires de vie » alors qu’aujourd’hui, débats et moyens tendent plutôt à se tourner vers nos grandes métropoles. On peut néanmoins mentionner la création des Contrats de Villes Moyennes (années 1973-1974), dont la portée est restée très limitée : en « saupoudrant » les villes moyennes de dotations symboliques, il s’agissait plus de marquer le passage de l’ère De Gaulle (centralisme) à l’ère Giscard d’Estaing (prémices de l’intérêt pour le « local ») que de reconnaître les villes moyennes comme de véritables objets d’action publique.

Ainsi, on voit bien que la ville moyenne est avant tout une construction géopolitique, symbolique et identitaire. C’est là sa seule consistance en tant qu’objet politique. Dans l’esprit du politique comme dans celui du citoyen, on l’associe immédiatement au chef-lieu de tel ou tel département. Dans les représentations, la ville moyenne reste donc très liée au redécoupage territorial de la Révolution française, et représenterait la projection au sol de l’idéal républicain d’égalité.

Au final, les villes moyennes se présentent paradoxalement comme un objet politique en défaut de politique publique. Leur situation est très ambiguë : pourtant bien présentes dans l’imaginaire politique français, elles n’ont jamais bénéficié d’interventions publiques spécifiques… Pour autant, cela ne signifie pas que les villes moyennes ne sont confrontées à aucun enjeu à l’heure actuelle ! Elles ont aujourd’hui de nombreuses questions à traiter et de nombreux défis à relever. Comme tous les territoires français, les villes moyennes doivent notamment apporter, à leur échelle, une réponse à la question suivante : comment fabriquer du local dans un monde marqué par les flux et les mobilités ?

La mise à l’écart des villes moyennes : une importante source d’innovation territoriale

Face à cette absence de politique publique spécifique, les villes moyennes semblent pourtant avoir une grande capacité à se « fabriquer » elles-mêmes des réponses originales aux défis qu’elles doivent relever sur leurs territoires.

La première question à laquelle sont confrontées les villes moyennes est celle de leur centralité au sein de leurs bassins de vie respectifs (image républicaine du chef-lieu). A l’heure actuelle, ce rapport aux bassins de vie est profondément déstabilisé par l’accroissement des flux et la mise en réseaux des territoires. Ainsi, très peu de villes moyennes françaises ont encore le monopole de l’organisation de leur territoire, hormis quelques cas isolés dans le sud du Massif central (Aurillac, Rodez…). Dans la majorité des cas, les villes moyennes doivent partager leurs fonctions de centralité avec d’autres acteurs et d’autres territoires (« zapping territorial » pratiqué par les habitants). Dans un contexte de recomposition territoriale, la polyvalence des fonctions de la ville moyenne est donc remise en cause et est aujourd’hui à réinventer.

Dans un deuxième temps, les villes moyennes doivent également redéfinir leurs rapports aux grandes métropoles. Historiquement, chaque ville moyenne entretenait un rapport de type hiérarchique avec la « grande ville » la plus proche (image forte : « je vais à la « grande ville » pour trouver les produits et les services que la ville moyenne ne peut pas m’offrir »). Aujourd’hui, la généralisation des mobilités a bousculé ce lien hiérarchique rassurant : on voit émerger des rapports de plus en plus concurrentiels entre les deux entités urbaines ; rapports de force dans lesquels les villes moyennes ne sont évidemment pas sur le même pied d’égalité que les métropoles. Depuis une quinzaine d’années, les villes moyennes doivent donc jouer la carte de la spécialisation et de l’identité propre : il s’agit bien de se différencier, de « s’originaliser » pour continuer à exister face aux autres territoires, dans un monde de plus en plus ouvert et interconnecté.

Enfin, toujours dans ce contexte général de recomposition territoriale, les villes moyennes sont confrontées à l’émergence de véritables « systèmes urbains ». Au-delà du simple rapport à la grande ville, la ville moyenne se trouve prise dans une multitude de réseaux de villes et de territoires. L’organisation de ces réseaux est complexe et présente des continuités, des interdépendances mais aussi des ruptures dans les rapports entre les différentes villes (système urbain midi-pyrénéen). Les villes moyennes doivent donc également réfléchir à la manière dont elles s’inscrivent dans ces systèmes urbains (quelles complémentarités à construire avec les autres villes ?).

Cependant, ces trois grands défis, parfois contradictoires (polyvalence, spécialisation/ouverture et complémentarité), ne sont pas spécifiques aux villes moyennes : on les retrouve dans tous les territoires à l’heure actuelle. L’originalité des villes moyennes est simplement de cumuler ces trois questions à la fois avec, pour chaque ville, une combinaison singulière (une ou deux questions dominantes). Ainsi, face à ces trois défis, chaque ville moyenne « bricole »à sa manière des réponses innovantes et adaptées à son territoire (stratégies locales).

L’exemple des villes moyennes de la région Midi-Pyrénées illustre bien ce point. A Rodez, c’est la question du renouvellement de la polyvalence des fonctions qui se pose en priorité (situation géographique particulière : marge du Massif central). La question de l’ouverture au monde n’est pas négligée pour autant, avec des projets forts comme la construction du Musée d’art contemporain Pierre Soulages (unanimité politique). Dans une moindre mesure, la question du rapport à Toulouse est également bien présente à Rodez (aéroport). A Albi, c’est le défi de l’ouverture au monde et de la spécialisation qui est véritablement au cœur des stratégies locales (patrimoine et culture, labellisation UNESCO, tourisme…). Mais dans le même temps, l’agglomération albigeoise doit s’interroger sur la polyvalence de ses fonctions, qui est directement liée aux relations qu’elle entretient avec la métropole toulousaine, située à une heure de route à peine (interpénétration des bassins de vie : quelles complémentarités ?). Enfin, à Montauban, c’est la question du rapport à Toulouse qui se pose avec le plus d’acuité (situation de « porte d’entrée » dans l’aire métropolitaine : quel positionnement ? Quelle offre de services ?).

Cette grille de lecture générale peut également s’appliquer de manière sectorielle. Ainsi, sur la problématique de l’enseignement supérieur dans les villes moyennes, il apparaît clairement que chaque ville combine de manière originale les trois défis précédemment cités. La question de la polyvalence des fonctions se pose évidemment à chaque ville moyenne accueillant une antenne universitaire (stratégie locale : cultiver la réussite par la proximité). La spécialisation de l’offre est aussi un questionnement fort pour ces villes moyennes : l’idée est de jouer la carte des formations de deuxième et troisième cycles universitaires (masters/doctorats), plus spécialisées, pour se distinguer positivement. Enfin, la question de la complémentarité des sites universitaires à l’échelle régionale (réseaux) occupe également une place prépondérante pour ces villes moyennes (inclusion dans un Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur).

Conclusion

En replaçant les villes moyennes dans le contexte plus large des systèmes urbains territoriaux, on peut dire que les villes moyennes, dont la place est en pleine recomposition à l’heure actuelle, deviennent progressivement le berceau d’un nouveau référentiel de l’action publique territoriale. A travers les stratégies qu’elles se fabriquent pour répondre aux grands défis qui leur sont posés, les villes moyennes sont en train de passer d’une place « octroyée », désignée (idéal républicain d’égalité) à une place « négociée », obtenue, qu’elles cherchent à asseoir au sein de systèmes urbains complexes.

Au fond, ce glissement reflète les mutations qui traversent l’ensemble des politiques d’aménagement du territoire depuis plus de 50 ans. La question fondamentale de l’égalité territoriale s’est successivement déclinée en « égalité des positions octroyées » dans les années 1960 (aménités accessibles partout et pour tous), puis en « égalité des chances » dans les années 1980-1990 avec la décentralisation (volontariat, territoires de projets, contractualisation). Ces deux conceptions de l’égalité territoriale apparaissent aujourd’hui dépassées : l’idéologie de l’aménagement du territoire se cherche un nouveau modèle. Et il semble bien qu’une nouvelle philosophie de l’action publique territoriale soit en train de se construire dans les villes moyennes. En inventant leurs propres stratégies territoriales, ces dernières sont en train de faire émerger une « égalité des places négociées » dans un réseau de villes (« comment j’organise ma place dans le système urbain ? »).

Second intervenant : Philippe Bonnecarrère

Introduction

(Réaction à l’intervention précédente : Au vu de l’intervention de Monsieur Béhar, il semble bien que les villes moyennes soient confrontées à une véritable épreuve de « décathlon géographique » à l’heure actuelle, puisqu’elles doivent présenter à la fois des qualités de polyvalence, de spécialité et de complémentarité !)

Partir de « l’entre-deux territorial » pour désigner les villes moyennes semble effectivement être un bon point de départ. A l’heure actuelle, et de manière très générale, il ne fait pas bon être dans « l’entre-deux », dans la « norme » (confer la crise des classes moyennes).

C’est bien le cas pour les villes moyennes françaises : leur place au sein du système urbain français est clairement remise en cause aujourd’hui. On pourrait même dire que les villes moyennes sont affaiblies par la disparition du modèle d’égalité territoriale : depuis une quinzaine d’années, elles doivent gérer une situation nouvelle de compétitivité et de concurrence entre les territoires. Cela impose aux villes moyennes de lutter en permanence contre, d’une part, la dynamique de métropolisation (corolaire direct de la mondialisation) et, d’autre part, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui les frappe de plein fouet. Les villes moyennes ont donc un vrai combat à mener pour conserver leur attractivité et leur compétitivité.

De plus, le destin des villes moyennes n’est pas de rester des villes moyennes ad vitam eternam. Dans le contexte actuel, elles sont en pleine mutation et, suivant leurs stratégies, seront reléguées au rang de petites villes, ou bien réussiront à « monter d’un cran » dans l’armature territoriale en jouant pleinement la carte de la polyvalence, de la singularité et de la complémentarité (sans pour autant viser le statut des grandes métropoles).

A cet effet, il est impératif que les villes moyennes disposent d’une partie des fonctions des grandes villes, afin d’assurer les besoins toujours croissants de leurs habitants. Or, il apparaît très clairement que ce sont les villes moyennes qui doivent aller chercher les moyens nécessaires à leurs ambitions à l’heure actuelle : la DATAR les accompagne sur quelques questions d’ingénierie territoriale mais ne soutient pas d’action publique spécifique en leur faveur.

Dans le cas d’Albi, tout le combat est bien là : « avoir partie des fonctions d’une grande ville, avoir des atouts d’excellence, et bâtir des discriminants positifs ». Dans cette optique, l’agglomération albigeoise est confrontée à deux interrogations majeures :

– la question de sa relation à la métropole toulousaine, qui se pose avec d’autant plus d’acuité que la région Midi-Pyrénées est l’une des seules régions françaises à posséder une métropole qui polarise de manière extrême le territoire régional (« effet aspirateur » déséquilibrant inscrit dans le temps long) ;

– la question de l’ouverture d’Albi à l’international, dans un contexte où plus aucune ville ne peut prétendre à se développer de manière autarcique (Comment alimenter la dynamique de développement albigeoise ? Quelques éléments de réponses ont déjà été apportés, notamment avec l’Université Champollion et ses projets d’internationalisation).

Les villes moyennes : le temps des remises en cause (diagnostic)

On peut identifier plusieurs raisons aux difficultés que rencontrent actuellement les villes moyennes.

La mondialisation en est la première. Dans ce processus qui privilégie l’échelle mondiale sur toutes les autres échelles, seule une poignée de grandes métropoles tire vraiment son épingle du jeu, notamment sur le plan économique (confer l’entreprise Siemens, qui cible dans sa clientèle la moitié des grandes métropoles mondiales d’ici à 2025). Les villes moyennes n’ont donc aucune visibilité à l’échelle du système urbain mondial et se retrouvent de ce fait dans une position délicate. La dynamique de métropolisation pénalise également les villes moyennes, à l’heure actuelle. Depuis 40 ans environ, toutes les activités sont en train de s’organiser progressivement autour des capitales régionales (secteur privé, notamment) ; et ce phénomène a eu tendance à se renforcer fortement ces vingt dernières années (conferles nombreux sièges de banques et d’assurances qui ont quitté Albi pour Toulouse et Bordeaux au cours de cette période).

L’actuelle Révision Générale des Politiques Publiques fait suivre la même logique de métropolisation aux services publics (réorganisation des compétences et de l’ingénierie territoriale vers l’échelon régional). A Albi, notamment, on comptait autrefois une vingtaine de directions préfectorales ; aujourd’hui, il n’en reste plus que deux, suite aux transferts massifs qui ont eu lieu vers Toulouse… alors que ce sont précisément ces administrations qui prennent des décisions impactant fortement les territoires locaux (représentants de l’État). De même pour l’armée, la justice et la santé (injonction nationale à regrouper les structures existantes en « pôles »). Toutes ces restructurations déstabilisent fortement les tissus de services publics dans lesquels les villes moyennes jouaient jusque là un rôle majeur. On assiste véritablement à un retour en force de « l’effet sablier », qui fait la chasse à toutes les organisations territoriales moyennes, et que l’on retrouve de manière très générale dans tous les domaines du quotidien et de la vie en société à l’heure actuelle.

Les villes moyennes : quelles définitions ?

Plusieurs définitions existent, car la définition de la ville moyenne est loin d’être arrêtée clairement.

La définition « classique » est d’ordre démographique : est considérée comme ville moyenne toute ville dont la population est comprise entre 20 000 et 100 000 habitants (Fédération des Maires des Villes Moyennes). D’autres seuils existent cependant : à l’échelle européenne, la définition française des villes moyennes est complètement obsolète, puisque les seuils de population retenus sont beaucoup plus élevés. Même en France, la définition de la ville moyenne est relative et varie fortement d’une catégorie d’acteurs à une autre (confer la revueL’Etudiant, qui considère Montpellier, Rennes et Clermont-Ferrand comme des villes moyennes, puis Poitiers et Caen comme des petites villes !).

Définir la ville moyenne est donc source d’interminables débats, d’autant plus que les seuls éléments qui pouvaient éventuellement caractériser les villes moyennes il y a encore quelques décennies (ville chef-lieu) sont en train d’être détricotés par la RGPP. Dans un domaine plus affectif, le point commun que l’on accorde souvent aux villes moyennes est celui de « villes où il fait bon vivre » : bien que ce qualificatif soit très valorisant, il reste bien évidemment insuffisant pour définir sérieusement et entièrement la ville moyenne, qui ne peut être réduite à cette simple définition passive.

Enfin, la définition la plus employée dans le monde de l’action publique présente la ville moyenne comme un lieu de centralité sur un large bassin de vie, et qui possède de ce fait des « charges de centralité » (fonctions de proximité polyvalentes, financées par les impôts locaux mais touchant les populations à une échelle plus large que celle de la ville : loisirs, services publics…). C’est d’ailleurs la volonté de regrouper ces villes possédant ces mêmes charges de centralité qui a présidé à la création de la Fédération des Maires des Villes Moyennes en 1988.

Les villes moyennes aujourd’hui : le temps du combat pour l’attractivité

Comme cela a été dit précédemment, les villes moyennes doivent aujourd’hui relever un certain nombre de défis pour conserver et renforcer leur attractivité.

Le premier enjeu pour les villes moyennes à l’heure actuelle est de réussir à (re)trouver un équilibre entre ville-centre et périphérie, à l’échelle de leur agglomération (dans le contexte de l’intercommunalité). Les rapports entre la ville moyenne et ses communes périphériques ont en effet été durablement dégradés par l’épineuse question de la répartition des dépenses et des ressources à l’échelle de l’agglomération : grosso modo, la ville-centre a longtemps dépensé seule pour payer les services publics indispensables à l’ensemble de la population de l’agglomération, alors que les communes périphériques profitaient largement des ressources fiscales générées par l’implantation en périphérie de différentes structures (entreprises, grandes surfaces…). Aujourd’hui, ces tensions sont globalement dépassées dans la plupart des villes moyennes, mais c’est une tendance relativement récente, notamment à Albi, où ces rapports houleux ont retardé la création d’une intercommunalité, à la fin des années 90.

Conserver et renforcer l’attractivité démographique constitue le deuxième enjeu-clé pour les villes moyennes à l’heure actuelle. C’est un élément indispensable pour exister face aux autres territoires dans un contexte général de « compétition territoriale ». A Albi, la situation démographique de l’agglomération est globalement très positive (période 1999-2007), même si la population augmente plus rapidement dans les communes périphériques que dans la ville-centre (« parcours résidentiel »), ce qui pose la question de la densité et de l’étalement urbain.

Enfin, la recherche d’atouts et de discriminants positifs se situe véritablement au cœur du combat pour l’attractivité des villes moyennes. A Albi, cela se traduit par une volonté très forte de se distinguer de manière vraiment originale par rapport à la métropole toulousaine (logique de spécialisation pertinente) : pour exister, il faut se différencier sur des éléments d’excellence, des atouts forts (environnement culturel, innovation…). A cet effet, il est indispensable que les villes moyennes disposent de capacités d’investissements suffisantes pour développer leurs discriminants positifs ; cependant, comme les villes moyennes ne bénéficient d’aucune politique publique particulière à l’heure actuelle, c’est à elles d’aller chercher les ressources nécessaires à leurs projets.

Une proposition de stratégie pour une ville moyenne : le cas d’Albi

Il s’agit dans un premier temps pour Albi d’accéder à une partie des fonctions des grandes métropoles, ainsi que d’identifier et de valoriser ses discriminants positifs. Certains existent et sont déjà activement exploités (le patrimoine culturel via le classement à l’UNESCO, la présence de l’enseignement supérieur et de la recherche via l’université Champollion et l’Ecole des Mines, le développement économique et l’innovation via le projet de parc technopolitain InnoProd…).

Une fois ces atouts consolidés, il s’agit ensuite de les exploiter dans une logique de qualité et d’excellence : ce n’est qu’à cette condition que les atouts d’Albi deviendront des discriminants positifs capables de faire exister l’agglomération dans la compétition entre les territoires.

Comme cela a été évoqué en introduction, Albi doit également réfléchir à la redéfinition de ses rapports avec Toulouse ainsi qu’à ses capacités ouverture à l’international.

Enfin, l’agglomération albigeoise aura à réfléchir très sérieusement à la question de la complémentarité avec les autres villes dans les décennies à venir (la priorité à l’heure actuelle étant plutôt la question de la spécialisation et de la polyvalence).

 

Éléments du débat

 

Une participante (anonyme) :

J’ai juste une remarque par rapport à ce que vous venez de dire, Monsieur le Maire. Je précise que pour autant que je sache, le Conseil général n’a pas de compétences économiques et je crois que si les villes moyennes ont les difficultés que vous avez évoqué, il convient de les replacer dans les difficultés globales des territoires, et en particulier celles des départements.

Philipe Bonnecarrère :

Le Tarn est un département très curieux. L’action du Sud du département est orientée vers la relation avec Toulouse et l’obsession de la réalisation d’une autoroute ; au Nord, Albi est attentive à sa relation avec la capitale régionale mais le département a aujourd’hui fait le choix d’investir sur Saint-Sulpice pour y réaliser sa principale zone d’activités économiques (du fait de sa proximité avec Toulouse).

Une autre alternative pour le développement du département aurait pu être de s’appuyer sur les moyens économiques de l’agglomération albigeoise, mais ce n’est pas l’objet du débat d’aujourd’hui. Pour ma part, l’armature du département étant constituée par Albi et Castres, l’enjeu essentiel consisterait à travailler sur l’amélioration de la liaison entre ces deux villes (aujourd’hui ce n’est pas le cas).

Mon propos ne concerne pas le département en tant que tel, je veux dire par là (et mon propos n’est pas ici politique) que la relation aux villes moyennes ne semble pas la priorité pour les institutions qui sont autour de nous (de même au niveau national). Il n’y a pas d’écriture institutionnelle pour les grandes strates de la population française qui sont organisées autour des villes moyennes. Je précise que ce n’est pas un reproche mais bien un constat ! On est donc amené à faire avec.

Jean-Marc Zuliani (enseignant-chercheur en géographie à l’université Toulouse-Le Mirail) :

J’ai juste une question par rapport à ce qu’a avancé Monsieur Béhar tout à l’heure. Vous dites qu’ aujourd’hui, on est à l’époque de la négociation, qui doit permettre aux villes moyennes de trouver un nouveau profil… Mais alors négociation avec qui ?

Seconde remarque, au sujet maintenant des établissements bancaires dont vous avez parlé. Il y a quand même des résistances, il ne faut pas tant noircir le tableau. Il y a parfois des élus, des représentants qui sont une force de résistance pour certaines banques, même s’il est vrai que certaines ont bien basculé dans un système de « métropolisation des marchés ».

Daniel Béhar :

Quand j’ai parlé de « négociations », je ne voulais pas parler du « avec qui », mais plutôt de « la place négociée dans des systèmes »… Un peu dans le sens de « négocier un virage » si vous voulez ! Ce n’est pas tout à fait choisi, mais ce n’est plus « octroyé ». C’est l’idée d’une combinaison entre polyvalence, spécialisation et réseau-complémentarité, qui fait que la place des villes moyennes n’est ni octroyée, ni choisie.

D’ailleurs, ce que vous avez dit sur Albi, Monsieur Bonnecarrère, fait pour moi écho à ça (avoir une partie des éléments et des fonctions d’une grande ville, recomposer ses fonctions de proximité, s’interroger sur la relation avec Toulouse) : c’est bien négocier un schéma crédible ! Mais d’un point de vue géopolitique et institutionnel, il est vrai que la question du « avec qui » peut se poser.

Pour continuer le débat, j’ai une vision un peu plus optimiste des rapports de force territoriaux entre les acteurs et de la place qu’occupent les villes moyennes, notamment vis-à-vis des régions.

De manière plus générale, je pense que quand vous dites que la Région « s’occupe » de la grande ville, de la métropole et voilà, cela correspond à un discours très classique. C’est l’idée que la France va s’en sortir par l’alliance des « modernes », c’est-à-dire les régions et les métropoles, mais en réalité entre les deux il y a concurrence géopolitique !

Et on l’a d’ailleurs très bien vu dans les années 2004-2005, quand la DATAR a lancé l’appel à la coopération métropolitaine : les réseaux métropolitains sont entrés en conflit avec les Régions ! Soit les Régions ont mis la main sur ces réseaux métropolitains (par exemple en Rhône-Alpes), soit à l’inverse il y a eu un affrontement entre les deux (par exemple dans le Nord-Pas-de-Calais, avec l’affrontement Lille-Dunkerque). Du coup, moi, j’ai plutôt l’impression que les politiques régionales sont très favorables aux villes moyennes en général, dans l’état actuel des choses.

J’en profite aussi pour préciser que ce qui m’a frappé dans votre discours Monsieur le Maire, c’est la question des « diagnostics-prospectives » sur la situation des villes moyennes. Il y aurait un premier débat à avoir sur la « dynamique en sablier » : est ce qu’on partage ou pas cette hypothèse que finalement, il n’y a pas d’avenir à la moyenne, et que du coup la stratégie pour les villes moyennes serait de monter d’un cran et de sortir de cette catégorie, qui serait une illusion de stabilité ?… Pour moi cela mérite discussion.

Par exemple, lorsque vous évoquez la question de l’offre en services publics. Pour moi, les fermetures touchent plus particulièrement les petites villes, enfin c’est mon sentiment. Je voyage beaucoup et peut-être que j’ai tendance à généraliser trop vite, mais pour moi les villes moyennes sont presque gagnantes, avec la RGPP, car ce que l’on ferme dans les petites villes, on le met dans les villes moyennes.

Je suis allé trop vite en disant « permanence » ; pour moi c’est surtout la représentation qu’on fabrique des villes moyennes qui est empreinte de cette permanence. Je sais bien que derrière cette permanence perçue, il y a une recomposition importante. Les travaux que l’on a pu faire avec la DATAR montrent bien qu’on est passé de villes moyennes productives à des villes moyennes a l’économie plutôt résidentielle, pour aller vite : de ville moyennes qui étaient plutôt « de jeunes » (il y a 30 ans) à des villes moyennes qui sont aujourd’hui plutôt « de vieux ». Il y a bien des recompositions internes derrière l’apparente « stabilité » des villes moyennes, et ces dernières sont problématiques. Mais il me semble quand même qu’on ne peut pas tirer un trait sur cette idée d’une forme de stabilité de l’organisation urbaine française, en dépit des phénomènes de métropolisation et des transformations de l’action publique. Je plaiderais pour un diagnostic plus nuancé sur l’avenir de la situation de la « moyenne »…

Philippe Bonnecarrère :

Le mouvement est quand même puissant. Il est vrai que le phénomène de métropolisation a joué dans un premier temps plutôt en faveur des préfectures de département ; mais dans un second temps, ce phénomène a favorisé la concentration des activités sur le pôle toulousain, avec par exemple des entreprises publiques ou privées (comme France Télecom) qui se sont dans un premier temps concentrées sur des villes comme Albi, et dans un second temps sur des grandes villes comme Toulouse.

Le phénomène est fort, notamment au niveau des services publics, et il est d’ailleurs plus fort que ce qui est aujourd’hui mesuré.

Premier élément : les effectifs des services publics dans nos villes moyennes. Ils ne bougent pas énormément et l’apparence est en effet à une relative stabilité… Sauf que à partir du moment où vous remontez les décisions au niveau de la préfecture de région, à partir du moment où l’ingénierie est là-bas, les agents qui étaient par exemple à la direction de l’équipement ont pu continuer leur carrière à Albi, mais ces derniers n’ont plus de réalité à leur activité car ils n’ont plus les éléments d’ingénierie avec eux. Du coup, quand ces agents vont partir à la retraite la question de leur remplacement ne se posera même pas, car l’activité aura disparu du territoire. Donc en l’espace de quelques années, on n’a pas eu de conflits sociaux, chaque agent est resté là où il avait l’habitude de travailler, mais dans 9 ou 10 ans, quand les gens partiront à la retraite, vous verrez les effectifs dégringoler !

Lorsque l’on évoque l’aspect universitaire, la relation sur ce plan entre Albi et Toulouse est tout sauf un long fleuve tranquille ! Et penser qu’Albi est la petite sœur que l’on voit pousser avec bonheur et sur laquelle on verse eau et engrais pour qu’elle puisse se développer rapidement, on peut le rêver sur le plan du concept mais ça ne fonctionne pas du tout comme ça dans la réalité ! Sur le plan de la santé, c’est également un combat permanent ! Par exemple, un haut responsable de la santé en Midi-Pyrénées m’a expliqué il y a peu de temps qu’il fallait que j’arrête d’avoir des illusions sur les évolutions futures, car de toute façon demain les médecins seront des femmes qui seront les épouses des cadres de l’aéronautique toulousaine : il ne fallait donc pas que je compte qu’elles viennent travailler à Albi demain ! En bref, « circulez, vous n’êtes plus dans le jeu » !

Mon propos peut paraître un peu sévère… Mais pour moi l’analyse que vous constatez au niveau national concernant la RGPP n’est pas valable pour notre région, pour des raisons que là encore je déconnecte du champs politique, mais qui sont liées au rôle spécifique de Toulouse en Midi-Pyrénées. Toulouse n’a pas avec son environnement la relation que Bordeaux a avec le sien, et ne parlons pas de Lyon, qui fonctionne sur un système complètement intégré avec les villes moyennes qui sont autour d’elle ! Ici, nous avons a gérer un problème territorial atypique, qui nécessite du coup une réponse atypique de notre part, ce qui explique que nous soyons effectivement arc-boutés sur les éléments différenciateurs.

Demain, un des enjeux de la relation avec Toulouse sera qu’elle nous laisse, dans la mesure du possible, conserver notre polyvalence, et surtout qu’elle accepte de reconnaitre les points forts qui peuvent exister chez nous, pour éventuellement trouver appui sur ces derniers. Je vais prendre un exemple : dans le cadre de la conférence métropolitaine, j’ai été vraiment frappé de lire dans l’étude qui avait été réalisée à l’initiative de la ville de Toulouse que le seul musée à vocation internationale en Midi-Pyrénées n’était pas un musée toulousain, mais bien le musée albigeois Toulouse-Lautrec !

Nous avons donc bien des éléments différenciateurs qu’il faut mettre en valeur, car le courant n’est pas spontanément favorable aux villes moyennes à l’heure actuelle.

Jean-Louis Darréon (enseignant-chercheur en économie à l’université Champollion d’Albi) :

Je ne suis ni un géographe ni un responsable, même si je l’ai été à une époque. Aujourd’hui, je suis plutôt dans la réflexion, j’essaie de comprendre ce que j’ai fait en tant que responsable, car j’ai été pendant 16 ans directeur d’établissements universitaires dans la région Midi-Pyrénées (j’ai notamment aidé au développement universitaire à Tarbes et à Albi).

Je voudrais témoigner non sur mon travail, mais plutôt sur le jeu d’acteurs dont je faisais partie à cette époque, avec au cœur de ce dernier l’enjeu des positionnements. Ma question étant : y a-t-il une intentionnalité et une rationalité aujourd’hui dans l’action publique ? Et pour ma part, j’ai beaucoup de difficultés à répondre à ça.

Je pense qu’il n’y a aucune rationalité, à l’heure actuelle, dans l’action politique et dans l’action publique : elle est plutôt faite de contingences, de hasards.

Je vais illustrer cela par l’exemple du diplôme national. Comme vous l’avez dit tout à l’heure à propos de la spécialisation, les sites universitaires sont amenés à se différencier, à se positionner, à se distinguer pour s’articuler ; et cela paraît logique… Sauf qu’on ne s’aperçoit pas que se différencier, ça ne signifie pas éliminer la compétition pour autant ! Au contraire, on devrait accepter de dupliquer, surtout lorsque l’on parle de diplôme national ! En effet, il y a énormément d’invariants dans une salle de classe. Quand je rentre dans une salle de cours à Rodez ou à Toulouse, pourtant labellisé « campus d’excellence », je vois beaucoup de choses identiques. Je ne comprend donc pas pourquoi on s’évertue ainsi à créer de la différence là où il y a finalement beaucoup de reproduction.

Je pense qu’aujourd’hui on est condamnés à produire du sens, et ce sens ne se produit plus du tout sur de la raison, sur des faits, il se produit beaucoup sur les discours.

Prenons l’exemple du schéma directeur de l’enseignement supérieur : les cabinets de consultants qui l’élaborent expliquent qu’il faut effectivement se différencier ; mais cela peut faire peur, car la spécialisation c’est quelque part l’enfermement. Du coup, un nouveau concept est en train d’émerger, celui de la « coloration » : en fonction des contrats, on met l’accent sur une « couleur », une spécialisation particulière. On est condamnés à se différencier et cette différenciation obéit de plus en plus a des questions qui échappent complètement à la rationalité.

Philippe Bonnecarrère :

Je voulais espérer jusque là qu’il y avait un peu de rationalité dans la « chose publique »… J’espère aussi qu’il y a de la cohérence dans cette action, parce que la difficulté dans la vie publique c’est surtout d’avoir une cohérence, et ce dans la durée.

L’expression de ce qu’on appelait l’intérêt général est devenue plus complexe dans la société d’aujourd’hui. Nous avons donc besoin de plus de temps pour expliquer les solutions et essayer de voir où est la cohérence, et surtout la mettre en œuvre dans la durée.

A ce stade, le sentiment est donc un peu partagé, parce que d’un coté nous voyons que nos dimensions de villes ont tout de même une masse critique pour avoir une capacité d’action, d’investissement, pour porter des projets différenciateurs (et sur ce point Albi ne semble pas être à une mauvaise passe de son histoire), mais en même temps intellectuellement comme chacun de nous est citoyen de ce pays, nous pouvons avoir quelques moments de déception, car nous sommes tous les enfants d’une matrice républicaine qui était la matrice égalitaire à laquelle vous avez fait référence.

Pour illustrer le propos, vous vous apercevez a un moment donné que ce a quoi vous avez cru pendant une large partie de votre vie n’est pas tout a fait d’actualité. J’ai cru pendant toute ma scolarité qu’il fallait être un bon élève… Attention, je ne dis pas aujourd’hui qu’il faut être un mauvais élève, mais avant j’avais dans l’idée qu’un bon élève devait avoir des bonnes notes partout… Et je me rends compte maintenant que ça ne marche pas comme ça ! Si on a des bonnes notes partout, on est invisible à l’échelle de la société, des territoires… Si vous avez 20/20 sur un élément là, vous êtes visible ! Je prends à la fois acte de cette société où l’on ne voit que ce qui exceptionnel, et où il faut donc accepter d’aller chercher ces éléments d’exception, mais tout en étant conscient que ce travail s’inscrit dans une logique de compétition et d’attractivité.

Ce faisant, on recule par rapport à la logique égalitaire historique. J’aurais tendance à penser qu’on peut arriver à neutraliser ce phénomène, notamment à travers les éléments d’agglomération que j’ai déjà évoqués tout à l’heure. Une agglomération, c’est un lieu où vous pouvez à la fois « créer de la valeur ajoutée » en portant des projets forts qui vous permettent de sortir du lot à l’échelon national ou international, et en même temps organiser un modèle égalitaire, un modèle de solidarité territoriale. Mais je pense sincèrement que ce modèle égalitaire ne viendra pas de l’échelle nationale, et là je vous demande encore une fois de déconnecter mon propos de toute référence politique. Ce modèle viendra de notre capacité locale à trouver un équilibre et à trouver des éléments d’égalité, sinon d’équité, à l’échelle de nos bassins de vie. Sur ce point, vous aviez tout a fait raison, Monsieur Darréon, de dire que le niveau de nos villes moyennes est probablement un lieu où l’on peu créer un modèle de développement au sens positif, en termes de cohésion et de recherche d’une équité locale, à travers le niveau des services a assurer pour tout le monde (faire en sorte que personne ne décroche de la locomotive du développement).

C’est comme cela que l’on trouvera nos équilibres entre la logique d’attractivité incontournable dans nos agglomérations et la nécessité d’aller chercher nos éléments de cohérence à travers l’agglomération. Je crois les deux leviers possibles. Et de là, Monsieur Darréon, on doit pouvoir retrouver le champ de la rationalité.

Daniel Béhar :

Juste deux remarques rapides.

Il me semble que ce n’est pas un hasard si, en tant que Maire d’Albi, vous insistiez sur ces dimensions de la recherche de l’excellence, de la spécialité et de la concurrence. Mais comme vous l’avez dit, il ne faut pas oublier la polyvalence de proximité et arriver à faire un mélange des deux.

Deuxième remarque sur le « modèle d’égalité national » : j’ai dit très vite qu’il y a eu un modèle fondateur, puis que s’est développé le modèle de l’égalité des chances. Je pense qu’aujourd’hui on ne peut pas rester sur le basculement qui s’est opéré depuis 10 ans sur le plan national (Paris, les métropoles, les pôles de compétitivité, etc).

On a besoin d’incarner la question territoriale dans sa globalité, on a besoin d’avoir un message politique national qui s’adresse à tous les territoires… Je me risque à dire ça mais je pense que du coup (et je suis peut-être naïf et optimiste), ce que vous fabriquez à votre échelle dans les villes moyennes c’est quelque chose qui peut potentiellement donner du sens ou interpeler la conception d’une nouvelle politique nationale d’aménagement du territoire. Je pense qu’on a vraiment besoin d’un discours sur la question territoriale.

Aujourd’hui, ce discours ne s’esquisse pas dans les métropoles ou dans le Grand Paris, qui sont trop « sous les feux de la rampe » pour se poser des questions sur leurs stratégies d’action publique ; il ne s’esquisse pas non plus dans le rural, pris dans un grand écart entre le « discours de la plainte » (réalité de la déprise rurale…) et les bienfaits de « l’arrosoir » de l’économie résidentielle. C’est pour cela que, pour ma part, je parie sur les villes moyennes et sur le renouveau des stratégies d’action publique qui émergent dans ces villes !

Je pense que ce que vous avez décrit au niveau d’Albi est d’ailleurs significatif : vous êtes en quelque sorte « condamnés a l’innovation territoriale » ! A la grande différence du rural et des métropoles, incapables à l’heure actuelle de créer une combinaison originale de stratégies publiques, au vu de leurs situations respectives.

Frédéric Martorell (chargé de l’Observatoire des Territoires à la DDT du Tarn et doctorant) :

Je voudrais juste revenir sur la relation à Toulouse, et plus généralement sur la relation ville moyenne-métropole.

Est-ce-que finalement cette relation-là ne serait pas un peu schizophrénique ? Toulouse, c’est à la fois ce diamant, cette attractivité, ce rayonnement qu’on recherche à tout prix : l’exemple du bassin de Castres-Mazamet, qui « veut » depuis des années sa liaison autoroutière avec Toulouse, le montre bien d’ailleurs (même si les impacts pourraient être à double tranchant pour le bassin de vie)…

Et d’un autre côté donc, Toulouse c’est aussi une métropole régionale un peu « ogre », qui va tout manger sur son passage, et face à laquelle il faut s’affirmer.

Au final, la ville moyenne ne joue-t-elle pas la métropole a son échelle ? On y retrouve les mêmes mécanismes : l’étalement urbain, la question des ségrégations, la recherche de stratégies territoriales basées sur l’innovation et l’attractivité. A l’échelle d’une métropole régionale, cela se joue à l’international ; à celle des villes moyennes cela se joue d’abord à l’échelle régionale puis nationale.

Au fond, est-ce-que la ville moyenne ne serait donc pas un peu schizophrène dans sa relation avec la grande métropole ?

Philippe Bonnecarrère :

Vous avez raison, on est toujours la métropole de quelqu’un… Et quelque part, les villes moyennes ont aussi, vis-à-vis de leur propre environnement, le comportement qu’ont justement les métropoles à l’égard des villes moyennes.

Nous sommes tous dans le jeu de la compétitivité, des « bonnes notes », etc…. Mais au fond, le véritable enjeu pour les villes moyennes est de parvenir à un modèle de développement efficace qui puisse répondre aux besoins d’une société de plus en plus complexe et de plus en plus marquée par les difficultés.

Je pense qu’il n’y a aucun excès dans vos propos ; vous avez certainement raison en disant qu’Albi joue aussi à se faire peur dans cette relation ambigüe avec la capitale régionale.

Mais en même temps, quand tout à l’heure nous avons évoqué le fait que les métropoles profitent d’un vent favorable et que les villes moyennes ont à affronter un courant plutôt contraire, il faut bien admettre qu’on est face à une donnée, un fait. Et à partir de là, nous sommes bien amenés à définir des stratégies particulières.

En fin de course, on évaluera ces stratégies au regard des résultats du travail réalisé. Mais à notre échelle propre, je voudrais vraiment insister sur le fait que nous avons les moyens de nos actions dans différents domaines qui nous sont chers. Nous pouvons peser sur les évènements, les choses ne sont pas irréversibles. Il n’y a pas de loi qui entérinerait le succès des métropoles et l’échec des villes moyennes.

En conclusion, je dirais que si les villes moyennes optimisent leur moyens d’action tout en évitant la schizophrénie envers la grande métropole, l’irrationalité et l’irresponsabilité, elles auront alors la possibilité d’aller chercher a la fois des éléments de cohésion sociale et de cadre de vie, mais aussi des éléments d’espérance, avec leurs atouts d’excellence qu’elles auront su développer.

Mais là encore j’accepte volontiers le point de départ de votre critique, c’est d’ailleurs l’intérêt de ce type de débats avec des universitaires : cela vous oblige à vous distancier et à remettre en question vos propres pratiques. Et je crois que quand vous subissez la double bourrasque de la schizophrénie et de l’irrationalité, il est temps de se remettre un peu en cause !

Daniel Behar et Philippe Bonnecarrère

Daniel Behar et Philippe Bonnecarrère

Daniel Behar et Philippe Bonnecarrère

Daniel Behar et Philippe Bonnecarrère

(Première publication le 12 avril 2011, à l’url http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2105)

Vers une identité et une citoyenneté européennes ? (Th.Courcelle)
Café Géo animé par Thibault COURCELLE, enseignant-chercheur au Centre universitaire Jean-François Champollion

Éléments de problématique :

Les élargissements de l’UE à l’Est en 2004 et 2007, permis par le bouleversement géopolitique qu’a représenté la chute du Mur de Berlin en 1989 et l’implosion de l’Union soviétique en 1991, ont posé, avec les nouveaux candidats à l’adhésion, la question très sensible des frontières de l’Europe ont contraint les institutions européennes à tenter de définir des critères d’européanité fondés sur des valeurs communes. Or ces valeurs, qui doivent être le ciment d’une identité européenne, sont loin de faire consensus, que ce soit au sein de la communauté scientifique et universitaire ou au sein des populations européennes et de leurs représentants politiques.

(suite…)

L’intercommunalité : quelles conséquences sur la vie quotidienne du citoyen ? (C.Jebeili & S.Guiraud-Chaumeil)
Café géo animé par Cécile JEBEILI, Maître de Conférences en Droit Public à l’Université Toulouse II – le Mirail et Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL, Vice-Présidente de la Communauté d’agglomération de l’Albigeois, déléguée au projet technopolitain, à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation.

Introduction

Selon la définition de l’INSEE, « l’intercommunalité permet aux communes de se regrouper au sein d’un établissement public soit pour assurer certaines prestations (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains…), soit pour élaborer de véritables projets de développement économique, d’aménagement ou d’urbanisme ».

Si les premières formes de coopération intercommunale sont apparues voici plus de cent vingt ans (suite à la loi du 22 mars 1890 permettant la création d’un syndicat intercommunal à vocation unique), les groupements intercommunaux prennent une place croissante dans l’action publique locale au cours des années 1990, notamment grâce aux lois du 6 février 1992 et du 12 juillet 1999 qui les ont renforcés puis simplifiés, et à celle du 13 août 2004 visant à améliorer leur fonctionnement. Ils couvriront bientôt presque tout le territoire national. [1]

Récemment, la loi du loi du 16 décembre 2010 sur la réforme territoriale a bénéficié d’un écho médiatique important sur des aspects quelque peu controversés, tels que l’élection des conseillers territoriaux, mais les différents aspects du volet intercommunal ont finalement fait l’objet du plus grand consensus. Néanmoins, cette loi, dont l’un des objectifs est « l’adaptation des structures à la diversité des territoires » aura rapidement des conséquences importantes auxquelles ce Café Géo va s’intéresser.

Cécile JEBEILI, Maitre de Conférences en Droit Public à l’Université Toulouse II le Mirail, se propose de présenter les dispositions les plus innovantes de cette réforme en ce qui concerne les territoires, la gouvernance, les moyens de l’intercommunalité ainsi que les nouvelles formes de coopération (métropoles, pôles métropolitains, communes nouvelles) et d’en offrir une lecture critique.

Dans un second temps, Stéphanie GUIRAUD-CHAUMEIL, vice-présidente de la Communauté d’agglomération de l’Albigeois (C2A), fera notamment le point sur les différents enjeux de l’intercommunalité pour le citoyen.

Déjà compétente en matière de transports urbains, d’habitat, de développement économique, des questions des espaces aquatiques, de la collecte et du traitement des déchets, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la C2A a récemment franchi de nouveaux caps, notamment avec les transferts de compétences concernant la voirie, l’assainissement dans son ensemble, l’éclairage public, les médiathèques, les déplacements doux et la propreté.

La C2A a été créée au 1er janvier 2003 en regroupant 16 communes (dont 13 étaient déjà réunies au sein de deux Communautés de communes), avant d’accueillir une 17ème commune l’année suivante. La C2A s’étend sur 281km² et comptait, d’après l’INSEE, 82.652 habitants au 1er janvier 2010.

Le territoire de la C2A

Le territoire de la C2A

(suite…)

Qu’est ce que la géographie aujourd’hui ? (R.Marconis)
Café Géo animé par Robert MARCONIS, Professeur émérite de l’Université Toulouse II – le Mirail, agrégé de Géographie.

Éléments de problématique :

Pour le grand public, la géographie est d’abord une discipline scolaire, traditionnellement associée à l’histoire dans le système éducatif français. Depuis les débuts de la IIIème République, histoire et géographie ont pour mission de donner aux élèves, de l’école élémentaire au baccalauréat, les bases d’une éducation civique enracinée dans l’espace et dans le temps.

Très tôt, comme l’histoire, la géographie a su éviter le piège d’une instrumentalisation à des fins politiques en s’affirmant comme une discipline scientifique, visant à rendre compte avec méthode et de façon rigoureuse, de la diversité de l’espace terrestre. Un espace terrestre où à différentes échelles, s’organisent des territoires d’une grande variété, résultant de la combinaison de processus naturels et de l’action des groupes humains.

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