Le vin et les écriv(a)ins
Les étudiants de Paris-Sorbonne (association Urbams), Vincent Marcilhac et Gilles Fumey (organisateurs des dégustations) avaient invité Sylvain Détoc, enseignant la littérature à l’Université Paris-IV Sorbonne.

« Buveurs très illustres… » C’est par ces mots d’une délicieuse insolence que François Rabelais apostrophait en 1534 les lecteurs de Gargantua. Quelques lignes plus loin, à la fin du prologue, Rabelais avouait avoir écrit lui-même les aventures de son célèbre géant sous l’influence du vin. Les toutes premières pages de ce livre carnavalesque plaçaient donc la littérature sous le signe d’une franche ébriété, rassemblant auteur, lecteurs et buveurs en une seule communauté et invitant chacun d’entre eux à une dégustation d’une drôle de nature : une fête bachique qui permettrait en quelque sorte de passer gaiement du vin aux écrivains, et vice versa.

Du vin, soit. Mais quel vin ? Ce petit vin blanc d’Anjou dont parle Rabelais à plusieurs reprises dans l’ensemble de son œuvre ? Ou bien le vin énigmatique de la « dive bouteille », après laquelle court Panurge dans Le Cinquième Livre ?

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Le Tokaj, enjeux patrimoniaux et juridiques d’un vignoble de prestige<
Caroline Le Goffic est doctorante en droit et allocataire monitrice normalienne à l’Université Paris-II Panthéon-Assas. Vincent Marcilhac est doctorant en géographie à l’Université Paris-IV Sorbonne.

« Le tokaj aszu donne de la vigueur à la moindre fibre de mon cerveau et ranime, au plus profond de mon âme, les étincelles enchanteresses de l’esprit et de la bonne humeur » écrivait Voltaire à propos du vin hongrois liquoreux, dont le prestige remonte au XVIIIème siècle. Les origines de ce vin, et ses rapports avec les dénominations « tokay » d’Alsace et « tocai » de Frioul-Vénétie, sont mystérieux. Il existe bon nombre de légendes attribuant des origines mythiques à ces appellations. Parmi celles-ci, on peut citer celle selon laquelle, vers 1565, des plants de pinot gris auraient été rapportés de Tokaj (en Hongrie), vers l’Alsace, par le baron Lazare de Schwendi, qui avait défendu la maison d’Autriche contre les Turcs ; ou bien celle selon laquelle le terme proviendrait en réalité d’un cépage cultivé dans le Frioul (à proximité d’un torrent appelé Toccai), apporté à la Cour du roi hongrois Bela IV au XIIIème siècle. Quoi qu’il en soit, il convient de préciser que les vins hongrois et leurs homonymes français et italiens sont très différents : vin liquoreux d’un côté, vin blanc sec de l’autre. Malgré ces différences, la dénomination a été revendiquée de part et d’autre, donnant naissance à un litige qui a été finalement tranché par la Cour de justice des communautés européennes le 12 mai 2005 en faveur des producteurs hongrois [1].

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Repas couscous
Repas géographique animé par :
Pierre Gentelle, directeur de recherches au CNRS
Gilles Fumey, maître de conférence (géographie culturelle de l’alimentation) à l’université Paris-Sorbonne

Nous sommes dans un restaurant berbère algérien, qui n’est donc pas décoré à la marocaine : ni tapis ni mosaïques, ni chichi arabisant. C’est simple, paysan, rustique. Pas de doute, nous devrions rêver de l’Atlas ! Nous remercions Pierre Gentelle pour avoir déniché l’adresse. On a tous une perception hyperbolique du couscous. Il est de la famille des plats « universels » (pots-au-feu, choucroutes, tajines, etc.), très en vogue actuellement, car ils sentent le terroir, autre chose que les portions sans goûts de l’industrie agro-alimentaire. C’est l’un des plats préférés des Français qui le connaissent depuis peu (Provençaux exceptés). Mais le couscous a tellement de qualités :

– il est socialisant. Pas de couscous, tout seul, un soir devant la télé ! il est religieux, ce qui veut dire consommé lors des fêtes religieuses, car il signifie l’abondance. Pour les Français qui ont vécu au Maroc, comme Pierre Gentelle en témoigne, le couscous est la fête de la fête !
–  Il est identitaire car le Maghreb le revendique. Et manger du couscous, c’est voyager au Maghreb avec cette irremplaçable odeur de cumin. Il est « construit » par les hommes (pour la viande) et les femmes (pour les légumes et, surtout la semoule qu’il fallait rouler sur les cuisses !).
– Il est modulable et, donc, adapté à l’individualisme des pratiques d’aujourd’hui : le couscous n’existe pas, ce qui existe, c’est le couscous que je mange qui ne sera jamais le même qu’hier ou demain.
– Enfin, ses origines sont mythiques. Même si l’expansion du temps des Arabes est bien connu, son berceau n’est pas identifié. En réalité, il est comme tous ces plats d’assemblage, de partout et de nulle part, jusqu’à ce qu’un peuple l’ait adopté, célébré comme son plat préféré. A moins que la technique permette d’identifier par un « couscoussier » retrouvé dans des fouilles archéologiques, une origine égyptienne, contestée par les Berbères et les Soudanais. Un autre indice est donné par Rabelais : a-t-il mangé du couscous en Provence lorsqu’il dit avoir mangé un « coscaton à la mauresque » ? C’est très probable.

couscous

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Vins du Nord, vins du futur ? Les vins face au réchauffement climatique
Dégustation avec Gilles Fumey, maître de conférences de géographie à l’université Paris-IV, organisée par l’association Urbams et Vincent Marcilhac, doctorant en géographie.

Les vins allemands et du nord de l’Europe ne sont pas très connus. Ce sont les vins les plus septentrionaux qui soient et ils se développent encore vers le Nord : des vignes sont plantées aujourd’hui à Maastricht (Pays-Bas) et les Danois commencent à s’y mettre, mais en petite quantité, donc nous n’en parlerons pas encore. Avec le réchauffement climatique, les vignes vont se développer en Allemagne, une des régions les plus peuplées du monde. Et les vins voir leur qualité s’accroître. C’est pourquoi nous conseillons de boire ce que personne ne boit encore aujourd’hui. Les gens du Nord ne vont pas se contenter d’acheter des vins à l’extérieur, ils vont en faire, de plus en plus, et à leur goût. Soyons attentifs à ce qui se passe sur les bords du Rhin et au-delà. C’est le sens de notre dégustation de ce soir.

Weinberg, dans la vallée du Rhin Source : www.rheintal-ultra.de

Weinberg, dans la vallée du Rhin
Source : www.rheintal-ultra.de

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Géographie de la truffe : le luxe est dans le terroir
Depuis la fin du XVIIIe siècle, la truffe est devenue un symbole du luxe alimentaire. La rareté et les qualités aromatiques de la truffe noire en font un produit de luxe atypique dont le prestige repose autant sur le principe de distinction que sur la réputation gastronomique. On la trouve sur les cartes des plus grands restaurants des métropoles des pays développés. Utilisée comme accommodement ou ornement dans la haute cuisine traditionnelle, elle est devenue un élément central du plat dans la nouvelle cuisine. Son prix élevé suscite la fraude et la convoitise. L’internationalisation du marché de la truffe renforce l’opacité de la filière trufficole, avec la concurrence accrue de la truffe chinoise depuis 1994. Une diversification de la production de truffes en Europe et une labellisation garantissant avec transparence l’origine géographique et la variété de la truffe sont nécessaires pour faire face à la sous-production structurelle et la concurrence déloyale. Le désenclavement opéré par l’amélioration du réseau routier à la fin de l’Ancien Régime et l’apparition du chemin de fer a permis de construire la notoriété des « truffes du Périgord » à Paris, leur conférant le statut de « spécialité régionale de qualité », qui se consolide dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec l’émergence du tourisme gastronomique. Aujourd’hui, la patrimonialisation de la truffe se poursuit : face à la mondialisation des marchés alimentaires, elle est perçue comme un produit du terroir, participant à la construction d’une identité alimentaire locale ou régionale. Cette patrimonialisation s’opère d’abord sur le registre environnemental, en définissant les truffières comme des paysages emblématiques dont la conservation s’inscrit dans la lutte contre les incendies de forêts et dans l’entretien des milieux ruraux marqués par la déprise agricole. La promotion de la truffe comme produit de terroir passe ensuite par la construction historique de son ancrage géographique, que ce soit au travers des noms de pays ou des mythes alimentaires dont Brillat-Savarin s’est fait l’écho. Sa valorisation dans le cadre du développement local se fait par les marchés aux truffes, les fêtes de la truffe, les musées de la truffe, ainsi que par l’essor de l’agro-tourisme et du tourisme gastronomique.

Richerenches, le plus gros marché aux truffes en France Photo : Vincent Marcilhac

Richerenches, le plus gros marché aux truffes en France
Photo : Vincent Marcilhac

Repas canadien
Jeudi 14 septembre à 19H30, les membres de l’association « Cafés géographiques de Metz » se sont donné rendez-vous au restaurant Canadaventure installé dans le décor rustique et chaleureux d’un local voûté de la vieille ville. Florence Smits sera le guide de cette soirée sur les sentiers de la découverte de la cuisine canadienne.

C’est le premier repas gastronomique des « Cafés géo » de Metz. La présidente Christiane Barcellini l’introduit par quelques mots d’accueil.

Treize à table ! Pas le temps d’éprouver le moindre frisson puisque deux retardataires se joignent bien vite à la tablée dans le joyeux brouhaha des commandes de boissons : bières de Robert Charlebois ou pichets de vin canadien blanc ou rouge, la curiosité et les goûts de chacun répartissant assez rapidement les choix. Fllorence, installée en bout de table, commence le voyage sitôt les premiers verres servis.

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Repas coréen
Restaurant Coréen Saint-Jacques
214, rue Saint-Jacques 75005 Paris
Ce restaurant a, hélas, fermé le 2 janvier 2008.

Nous sommes une trentaine de membres de l’Association, accueillis pour un repas géographique coréen, dans un restaurant situé en face de l’Institut de géographie, rue Saint-Jacques à Paris, sur le « pas de Saint-Jacques » (en langage géographique, le « col » de la Montagne Sainte-Geneviève). Ce repas est dédié à tous ceux qui n’ont pas pu se joindre à l’un des voyages programmés par les Cafés géo, pour les faire voyager vers l’horizon lointain de la Corée avec leurs papilles.

La cuisine coréenne Source : http://www.tao-yin.com/

La cuisine coréenne
Source : http://www.tao-yin.com/

En outre, nous sommes accueillis par une famille d’émigrants coréens hautement éduqués : la « patronne » du restaurant est une cantatrice d’opéra qui nous montrera ses talents avec sa fille, à la fois serveuse pour la soirée et… pianiste (le piano droit est adossé au bar). Le mari est, lui, chirurgien dans un grand hôpital parisien et tous trois accueillent chaleureusement notre groupe, s’exécutant en musique chantée à la fin du repas…

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La vigne et le vin, c’est féminin !
Café du genre : La vigne, c’est féminin !
(de notre envoyé spécial à Montpellier Georges Roques)

Début mars, mission agréable pour un géographe attaché aussi aux plaisirs de la vie que d’être envoyé par les Cafés géographiques pour rendre compte d’un tel thème. A Montpellier, l’hiver s’achève tout juste mais le printemps tarde. La tramontane encore fraîche, car elle vient de la neige des hautes terres des « Gabachs », le rappelle au tout petit groupe qui se dirige vers le Comptoir de l’Arc – ce café dont l’appellation appelle aux voyages, à la gastronomie pour y entendre Diane Losfelt sur un sujet qui s’annonce passionnant : « la vigne, c’est féminin ».

La place de la Canourgue offre une belle perspective sur la ville car comme à Rome elle couronne une colline. Référence et révérence à une Antiquité d’autant plus forte que la ville n’est née que vers l’an mille. Ici, la toponymie fait dans le grand (Grand cœur ; Grand Boutonnet….) ou dans l’antique (Antigone, Amphitrite, Odysseum…). Une salle sympathique bien qu’un peu rétro, un public d’une vingtaine de personnes où manquent les jeunes, les hommes et les géographes : aucun n’est connu, ni identifié, ni identifiable, ni même déclaré. L’animatrice de ce Café du genre, psychothérapeute, y présente des thèmes variés, le prochain étant l’orgasme… Diane Losfelt attend patiemment, mais son sourire aiguisé, son élégance stricte, son allure sportive révèlent déjà de l’impatience et du caractère. Les bouteilles alignées sur une table, deux très belles cuvées du château de l’Engarran, laissent augurer une soirée agréable.

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Peut-on parler d’une gastronomie allemande ?
Dans les éditions françaises des guides touristiques de l’Allemagne, peu de pages sont consacrées à la cuisine. On n’y parle pas de gastronomie et viendrait-il même à l’idée d’un Français de profiter d’un séjour en Allemagne pour découvrir une « gastronomie allemande » ?

Pourtant, l’Allemagne, comme tous les pays, se livre par une cuisine inventive et savoureuse qui est une expression assez fine de ses terroirs et de sa culture. Elle possède de grandes tables – et de plus en plus. Comme toutes les cuisines, la « cuisine allemande » est un assemblage de plats régionaux déclinés dans une infinie variété autour de quelques produits de base (céréales, pommes de terre, choux, animaux de ferme, poissons). Il est symptomatique qu’il n’existe pas de plat national allemand à côté de la bière considérée, elle, comme la boisson nationale. Sans doute, la cuisine se mijote-t-elle plus dans le secret des cuisines domestiques que dans les restaurants étoilés, ou dans des établissements dont les formes les plus appréciées restent la brasserie, le Weinstub, l’auberge ?

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Repas végétarien
A deux pas des anciennes halles de Paris, une vingtaine de membres des Cafés géographiques se sont attablées pour un repas végétarien en compagnie du président de l’Alliance végétarienne de France, André Méry. Gilles Fumey, après avoir présenté notre invité qui a écrit un livre préfacé par Théodore Monod (voir bibliographie en fin de compte-rendu), entre dans le vif du sujet : que mange-t-on quand on est végétarien ? Des céréales ? De la bouillie de légumes ?

Pour André Méry, tout à son aise et ravi d’être là, les gens perçoivent souvent les végétariens comme ayant une alimentation restrictive. Or, les végétariens disposent de l’ensemble du monde végétal pour se nourrir : 6 à 7 céréales, une dizaine de légumineuses, des graines variées et des fruits et légumes en nombre. La palette des aliments est large. Prenons quelques exemples : il existe de nombreuses variétés de riz (noir, complet, sauvage), de haricots (verts, rouge, noirs, blancs) ou de lentilles (jaunes, vertes, etc.). Mais il est vrai que manger végétarien demande de faire quelques efforts et, notamment, une réflexion sur la qualité de ce qui est mangé. Il s’agit de se rendre dans des magasins ne proposant pas la nourriture de Monsieur tout le monde, comme les magasins biologiques. Gilles Fumey provoque André Méry sur la piètre image que donnent les graines qui rappellent plutôt les oiseaux…

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