Le match Boeing-Airbus arbitré par les compagnies du Golfe

salon_aeroLe 13e salon aéronautique de Dubaï a ouvert ses portes le 17 novembre 2013 et, dès le premier jour, il  a enregistré un montant record de commandes qui profite surtout à l’américain Boeing avec son nouveau long-courrier Boeing 777X. Mais l’européen Airbus tire également bénéfice de ces commandes historiques grâce notamment à son A380, le plus gros avion civil de transport de passagers actuellement en service. C’est du jamais vu. Ce sont les trois principales compagnies du Golfe qui sont à l’origine de cet événement. Emirates de Dubaï, Etihad d’Abu Dhabi et Qatar Airways ont commandé pour environ 140 milliards de dollars dans ce qui s’avère être une nouvelle manche du match Boeing-Airbus, après le salon du Bourget qui avait vu la victoire de justesse de l’avionneur européen sur son rival de Seattle. La bataille entre les deux constructeurs se concentre désormais sur les long-courriers alors qu’elle a longtemps porté sur le marché des appareils moyen-courriers.

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Géographies au coin d’un banc

Deux personnes devisent dans un parc. A l’ombre d’un arbre, elles échangent sur les mérites et les atouts dudit parcet du banc sur lequel elles sont installées.

Puis la conversation dévie sur la Guadeloupe. L’un de nos protagonistes, un jeune homme, en est originaire, du moins c’est ce que l’on croit comprendre ; l’autre, une dame âgée, explique que sa fille est en partance pour l’île. « L’insulaire » entreprend de lui dépeindre la terre d’origine de son père: « C’est une île tropicale, ajoute-t-il, avec sable fin, mer bleu turquoise, cocotiers, soleil à volonté ». « Le monde n’est pas seulement tel qu’il est mais aussi tel qu’on se le représente à travers un imaginaire géographique ». Mais ces atouts sont réels comme le rappelle Jean-Christophe Gay dans « Les cocotiers de la France. Tourismes en outre-mer ».

« Pourquoi ne partez-vous pas avec votre fille ? » demande le jeune homme ; la distance et l’avion lui font peur dit-elle. Ce petit paradis terrestre est à portée de tir, selon lui, puisque finalement on y est en huit ou dix heures selon que l’on prenne un vol charter ou régulier. Finalement Pointe-à-Pitre en avion est plus proche que Marseille en voiture !  Mais question coût, la donne change car un vol aller/retour fin juillet-début août sur Air France s’élevait à plus de mille euros minimum.

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Loup, où es-tu ?

La grande mouvance de l’écologie célèbre les 20 ans du retour du loup en France. En 1993, la revue Terre Sauvage avait été la première à annoncer ce retour, après que le premier loup eut été aperçu l’année précédente dans le Mercantour, venant d’Italie. Le grand canidé a depuis lors traversé les autoroutes et même le Rhône, atteint les Cévennes, le Jura, les Vosges, a été repéré dans le Morvan. 250 individus sont recensés aujourd’hui. Bien que la Convention de Berne, signée en 1979, assure sa protection, il s’agit d’un retour encore timide, car ce carnivore était mille fois plus présent sur le territoire français au XIXe siècle. L’homme s’est livré à une chasse sans merci, liquidant en masse : 1 200 loups tués dans la seule année 1850, le dernier ayant été abattu voici quelques dizaines d’années.

Selon Buffon, Canis lupus est naturellement grossier et poltron, mais il devient ingénieux par besoin et hardi par nécessité. Lorsque la maraude lui résiste, il revient souvent à la charge. Les chiens se carapatent, les brebis sont mangées et les bergers se désolent et crient au loup. Entre toucher les primes d’assurance et équiper les chiens de garde de colliers défensifs, le choix est fait. Choix différent de celui des éleveurs italiens, qui ont affaire à dix fois plus de loups : ils n’ont pas d’assurance et des brebis qui font du lait, et qui rentrent donc chaque soir à la bergerie, à la différence des moutons à viande français, qui couchent dehors.

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Do you speak touriste ? Nous, nous préférons parler Géographie !

Mi juin 2013, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris Île-de-France et le Comité régional du tourisme Île-de-France (CRT) ont lancé un site Internet à destination des professionnels du tourisme : Do You Speak Touriste ?. Le site propose ainsi aux professionnels du tourisme des fiches par nationalité, pour les aider à se comporter de manière adéquate avec les touristes. Douche froide pour celui qui regarde ce site qui semble être une parodie de nombreux sketchs humoristiques sur les clichés nationaux.

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Corée du Nord : la carte et la pomme (de la discorde ?)

Avant les attentats de Boston, l’actualité médiatique était « monopolisée » par la Corée du Nord : les annonces du nouveau dirigeant, Kim Jong-Un, concernant l’escalade de menaces contre les Etats-Unis ont amené beaucoup d’articles de presse, plus ou moins éclairés, sur la possible attaque du territoire étatsunien. Parmi les commentaires, les photographies officielles dévoilées à la presse du monde entier ont fait couler beaucoup d’encre. Si certains médias ont eu la décence d’utiliser un point d’interrogation1, d’autres2 seront nettement moins prudents, et titreront, sans point d’interrogation, combien « la Corée du Nord dévoile des secrets militaires sur des photographies officielles ». Pourtant, la source commune de tous ces articles de presse, l’AFP (dont la dépêche titrait avec le point d’interrogation), avait déjà publié, deux jours plutôt, sur son blog Making-of, un décryptage des photographies nord-coréennes présentant le matériel militaire, montrant combien les dites photographies n’étaient que d’évidents montages.

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Habebamus papam

Habebamus papam 1

11 février 2013, le pape Benoît XVI annonce qu’il va rendre son tablier. L’âge l’a rattrapé. Il range au placard mitre de Pie IX, chasubles brodées de poissons et férule pontificale. L’événement est rare mais des précédents existent. Il l’a annoncé dans un discours en latin. Mais curieusement, son compte twitter n’annonçait toujours pas la nouvelle à 16h alors que les sites d’informations en ligne consacraient une bonne partie de leur page d’accueil à son départ. Ne reste plus qu’à trouver un remplaçant pour Pâques à chacun sa quête, un pape pour l’Eglise catholique, les œufs pour les enfants.

Mais qui pour remplacer le pape ? De quelle nationalité ? De quel continent ? Libération se faisait l’écho des favoris des bookmakers pour emporter la mise : le cardinal ghanéen Peter Turkson, le cardinal italien Angelo Scola, le Canadien Marc Ouellet, puis un Autrichien, un Hondurien… André XXIII aurait ses chances, selon Odon Vallet, tout comme d’autres Européens. Bref, la « compétition » semble ouverte même si les « candidats » européens semblent les plus nombreux (une liste de candidats).

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L’Australie entre imagination et découverte, à propos de « L’âge d’or des cartes marines », exposition à la BNF

L’Australie entre imagination et découverte, à propos de « L’âge d’or des cartes marines », exposition à la BNF (23 oct 2012-27 janvier 2013).

Le 4 novembre 2011 a été vendu aux enchères, à Richelieu-Drouot par Pierre Bergé et Associés, un exemplaire d’un ouvrage qui rassemble des relations de voyages du 17° siècle et d’époques antérieures. Une carte l’accompagne, Terre australe découverte l’an 1644, reproduite ici, c’est tout bonnement la première carte de l’Australie en français, dans l’état des connaissances de l’époque. Inutile de dire que ce livre a été vendu pour une somme rondelette : 14.000 euros. Peut-être un collectionneur australien ?

La carte de Melchisédec Thévenot est mentionnée comme référence première dans une légende de carte manuscrite de l’Océan Pacifique (Joao Texeira Albernaz 1649)  à l’exposition de la Bibliothèque Nationale de France en cours d’octobre 2012 à janvier 2013 ; .

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Retour sur une mémoire de géographe. 5 Juillet 1962 L’indépendance de l’Algérie.

Je me rappelle très précisément le 5 juillet 1962.

Une imageme revient, celle de la descente en avion sur Oran :le survol des bidonvilles interminables,  proches de l’aéroport, ponctués de figuiers et partout surmontés ce jour là de drapeaux verts et blancs, innombrables. L’affaire était pliée; une nouvelle ère commençait. C’était une chose d’avoir manifesté pour la paix en Algérie durant mes années d’étudiant et c’était tout autre chose d’assister  à ce bouleversement, la fin de 130 ans de colonisation française. Le paysage de la nouvelle Algérie, au sens propre, me sautait aux yeux.

Ce jour-là, après une permission en France,  j’avaisà Marseille pris l’avion pour Oran,afin de rejoindre Sainte Barbe du Tlélat, petit village de colonisation de l’Oranais. Làse trouvait mon nouveau corps, en l’occurrence un régiment de cuirassiers où je venais juste d’être affecté. J’y fus le cothurne de  Marc Augé qui se préparait à une carrière d’ethnologue ; il avait déjà pris langue avec Claude Lévi-Strauss.

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Les Saxons de Transylvanie : musique baroque et disparition d’une minorité.

Un article du Monde (Dimanche 5 Juin-Lundi 6 Juin 2011) intitulé de manière maladroite « La musique baroque, identité roumaine » traite de la découverte, dans des églises abandonnées de Transylvanie (Roumanie) de partitions du 17° et 18° siècle, qu’un musicologue local, Kurt Philippi, s’emploie à sauver.

Les églises sont celles de la communauté saxonne de langue allemande installée là à partir du 13° siècle et convertie au luthérianisme au moment de la Réforme.

Eglise et village fortifié saxon de Harman, Transylvanie.  (photosM.Sivignon)

Eglise et village fortifié saxon de Harman, Transylvanie. (photosM.Sivignon)

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Pierre, notre si cher ami

Pierre Gentelle est décédé le 4 octobre 2010.

Tu te rappelles, Pierre, nous étions dans un café boulevard de Sébastopol, c’était peu après l’an 2000. Tu me prends au mot en disant que tu pourrais un jour tenir une lettre qui s’appellerait la Lettre de Cassandre. Pourquoi Cassandre, car on ne choisit pas un pseudo au hasard. « La famille des Atrides s’impose à qui s’adresse à la famille universitaire. Mieux vaut être situé sur les marges qu’au centre, pour conjurer un sort qui donne tort à qui cherche à « voir ». Raison garder plutôt qu’avoir raison, beau programme, n’est-ce pas ? »

pierre-gentelle

Superbe programme, en effet, Pierre ! 128 lettres de Cassandre. Du Moyen-Age et son goût de la numérologie, 128 est un total qui nous est parvenu aussi par l’édition, les Que sais-je ? et autres petits opus à lire vite ou à déguster. 128 « micro-nouvelles », sous forme d’une lettre qui veut aller plus loin que la démonstration scientifique. Comme tous les pédagogues, tu aimes les commentaires, les digressions pour « ébranler » l’esprit du lecteur. Pour « faire penser, plutôt que penser » mais en reprenant – bien dans ton style – ce que tu ne voudrais pas qu’on prenne à l’absolu : « penser quand même un peu, mais sans édifier ». Là, Pierre, tu sais bien que ce n’est pas tout à fait ça : car tu veux séduire et, bien sûr, rattraper ce qui t’a peut-être le plus manqué dans ta vie professionnelle : les étudiants. Que de cohortes d’apprentis géographes aurais-tu séduits, fouaillant dans leurs certitudes, là où ça fait mal. « Pour que ça avance » aimais-tu nous dire.

Tu étais géographe parce que la géographie devait rassembler pour toi, peut-être du fait de tes multiples vies du Maroc à Paris, en passant par presque tous les pays d’Asie orientale et du Moyen-Orient, l’ensemble des questions que tu te posais. Qui d’ailleurs t’a donné ces lunettes-là pour lire le Monde ? Qu’importe ! « Tout est géographiable » disais-tu, « du Japon à mon immeuble, de l’odeur au circuit imprimé. » Tu l’as montré 128 fois et avec quel talent ! Tu étais au meilleur de cette « forme », tu as laissé aller, comme tu le souhaitais.

Terriblement perspicace jusqu’au dernier instant de ta vie, tu avais deviné qu’on changeait d’époque. Tu es le premier à te lancer dans une nouvelle collection de DVD sur les grandes villes du monde. Tu sentais que faire de la géographie imposait de changer d’outil, d’utiliser tous les ressorts de ce qui arrivait avec la révolution numérique. Combien de fois nous sommes-nous « frités » sur le fameux terrain. C’était presque de l’ordre de la croyance pour toi, cette « vérité du terrain » dont, soudainement tu te méfiais car la vérité était pour toi une trop grosse chose pour appartenir au terrain. Mais qu’une « nouvelle carte du monde » soit en train de s’écrire sous nos yeux, tu en tâtais tous les signes dans les médias qui te faisaient bouillonner le sang !

Cette touche personnelle, ces « fragments du monde, par toi entrevus ou connus, d’où le « je » est parfois inévitable », c’est ta « touche » : ce parfum de révolte, ce grondement du cœur et de l’esprit qui fouaillent la matière de l’espace pour en faire surgir une idée qui peut changer le monde.

Voici ce qu’écrit ton ami Jean-Dominique Merchet de Libé, qui partageait avec toi l’amour des morilles au vin jaune : « Pierre était un homme joyeux, la parfaite antithèse de l’austérité universitaire. Il pouvait faire rouler sous la table ses commensaux lorsqu’il racontait ses aventures féminines à l’Université de Pékin. Homme de gauche, mais sans chapelle, Pierre Gentelle gardait de sa longue scolarité au Prytanée une image contrastée des militaires : un vieux fond d’antimilitarisme mâtiné d’un intérêt pour ce monde dont il s’était éloigné mais sur lequel il ne manquait pas de m’interroger[[http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2010/10/]]. »

Et voici d’autres fleurs qui fleurissent en cet automne, car ta vie n’a pas de saisons, elles viennent de Marc, notre premier webmestre au Café : « Pierre était devenu un acteur des cafés déployant deux facettes qui rendait chacune de ses présences magnétiques : celle du conteur et celle du charmeur. Il n’y en a pas deux comme Pierre pour placer l’assistance dans le loess de la Chine des canaux, dans le chaos épique de la société afghane, ou dans le charme ubuesque d’un village du Henan. Pierre savait instinctivement tout ce qui peut faire l’attrait et l’animation d’un café et au delà, rendre la géographie séduisante. »

Pierre, tes lettres de Cassandre sont des cadeaux sublimes que nous allons lire et relire. On va déjà relire ce que tu écrivais au retour du festival de Saint-Dié où tu houspilles tout le monde et prend congé de nous par une pirouette. Comme ce matin du 4 octobre 2010 où tu es descendu, rue de Turin, goûter au frais d’une dernière baguette de pain avant ton petit café et entamer ta nouvelle vie. Pierre, merci !

Gilles Fumey

Un mot aussi du Réseau Asie

Pour les cent premières Lettres de Cassandre

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