Vincennes – Une ville pleine d’histoires

7 avril 2018. Les Cafés géographiques  vous ont  proposé une journée exceptionnelle à Vincennes, autour d’un déjeuner en commun. Nous ne sommes allés ni au bois, ni au zoo,  mais deux intervenants ont guidé nos pas.

Le Samedi matin nous découvrons la Vincennes, royale et résidentielle.

 Sous la houlette de Sandra Dos Santos, guide à l’Office du tourisme nous partons à la découverte d’une ville qui doit aussi sa célébrité, au fait d’avoir  abrité (jusqu’au milieu du XX ème),  l’industrie cinématographique, notamment grâce aux frères Pathé.

Puis nous arpentons le Cœur de ville qui abrite de belles propriétés,  l’Hôtel de Ville : mairie singulière, réalisée en deux temps, qui confronte un bâtiment néo-Renaissance et un bâtiment nettement Art déco.  Nous  avons eu la chance de visiter la salle des mariages, classée monument historique en 1982.

La matinée s’achève par un  repas en commun au restaurant Le Petit Bofinger

Le Samedi après-midi  est consacré au château, en deux temps

Le château de Vincennes est le plus vaste château royal toujours existant en France. Il est dominé par un donjon de plus de 50 m de hauteur. Pavillon de chasse, lieu de villégiature des monarques, prison, site militaire, il fut classé monument historique en 1913. Le ministère de la Culture assure, via le Centre des Monuments nationaux, la gestion de la Sainte Chapelle et du donjon. Le ministère de la Défense gère tous les autres espaces et, via son Service historique de la Défense (SHD), les bibliothèques et archives.

  • Sous la conduite de Monsieur Henri Zuber, conservateur général du patrimoine, nous découvrirons les archives du SHD. Ce fonds exceptionnel compte plus de 3 000 documents, (essentiellement des cartes de l’armée de terre), jalousement gardés et protégés dans « le mur des cartes ». Quelques documents, parmi les plus remarquables de la collection, seront exposés sous nos yeux, l’espace d’un moment. Nous pourrons aussi parcourir les pavillons du roi, de la reine et des armées, ainsi que la salle de lecture Louis XIV.
  • En fin d’après-midi nous aurons accès à la Sainte Chapelle et au Donjon.

Puis nous sommes allés découvrir la remarquable église Saint-Louis de Vincennes, chef d’œuvre du mouvement de l’Art décoratif des années 1920.

Maryse Verfaillie

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Billet d’humeur. Brevet 2018 : une géographie simpliste et parisiano-centrée !

A l’épreuve d’histoire-géographie du brevet 2018, cette carte de France a été fournie aux candidats qui devaient la colorier et la compléter. Sans s’embarrasser de subtilité (on est au brevet !), la France métropolitaine est ici divisée en deux catégories elles-mêmes subdivisées en deux. Hormis les territoires ultramarins, la France se retrouve donc divisée en quatre ! La géographie est vraiment une merveille de simplicité ! Que ceux qui ont de mauvais souvenirs avec l’apprentissage des départements se réjouissent, aujourd’hui tout est limpide ! Cependant certains s’interrogeront sur l’utilisation des termes territoires et espaces : pourquoi les uns sont dynamiques alors que les autres sont en difficulté ? On pourra même se demander quelle logique préside à l’insertion d’un terme ou de l’autre dans la légende de la carte…

Que la France est simple, vue d’un bureau parisien ! Les habitants de Dieppe -ville de Seine maritime où le taux de chômage est supérieur à 20%- seront ravis d’apprendre qu’ils font partie du coeur économique du pays ! Ceux de Tours ou du Mans seront surpris de savoir qu’ils sont dans des espaces ruraux mal reliés (un espace rural peut-il d’ailleurs être bien relié ?) : ces deux villes, situées à des carrefours autoroutiers, sont pourtant desservies par des lignes de TGV qui les mettent à une heure de Paris ! Enfin, le département du Gers (chef-lieu Auch !!) appartient aux espaces périphériques dynamiques : en toute logique, les élèves devraient y trouver plus tard sans difficulté un emploi sur place.

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Voyage en Ecosse (juin 2018)

Outre ses lochs, ses châteaux et son whisky, l’Ecosse a beaucoup à apprendre au voyageur géographe en matière de transformation urbaine et d’aspirations identitaires, ce que nous avons essayé d’appréhender en quelques jours.

Que redoute un Français voyageant au Royaume-Uni ? Subir la pluie et mal manger. Or les parapluies sont restés au fond du sac et les produits locaux (poissons et agneau) ont satisfait les gourmands. Nous étions donc dans les meilleures conditions pour apprécier nos visites.

  • Edimbourg

Le site, l’architecture et les jardins font d’Edimbourg une métropole européenne, originale et attachante (les très nombreux touristes attestent de cet intérêt).

Construite sur des collines volcaniques érigées à l’ère tertiaire, Edimbourg offre des dénivelés conséquents au promeneur. La ville est divisée par une zone d’effondrement creusée par les glaciers du quaternaire dans les roches tendres qui entouraient les blocs de basalte. Au Sud, Old town s’est étendue au pied de son château dont les premières constructions remontent au XIème siècle. Elle a gardé sa structure médiévale avec ses ruelles (« closes ») qui descendent de la colline, mais beaucoup de bâtiments ont été reconstruits ultérieurement. La surpopulation est telle au milieu du XVIIIème siècle qu’il faut envisager un nouvel urbanisme au Nord du fossé, New town, ce qu’a réalisé James Craig. La « ville nouvelle » a un plan ordonné par de larges rues perpendiculaires et d’élégantes places.

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En passant par la Lauzière, géographes au dessin

Le dessin du géographe n°72

Quelques géographes se sont réunis sur les hauteurs du Velay oriental en juin dernier, pour fêter l’un des leurs. Ils se sont essayés au croquis de paysage pour confronter leurs analyses.

Le plaisir est d’arrêter la marche sur un sommet, de contempler un panorama et de dessiner le paysage. C’est un moment pour le géographe pour découvrir les lignes, l’agencement des surfaces, les marques d’une vie sociale, passée ou actuelle. Le dessin tentera de leur donner une valeur relative, propre à chaque observateur quelle que soit son habileté au crayon. Les dix croquis réalisés montrent la diversité des approches, sur un même paysage. Car le dessin implique le choix d’un angle de vue, d’un cadrage, puis une restitution variée des éléments auxquels chaque géographe donne une importance ou une signification.

Ces hauteurs offrent de vastes plateaux vallonnés surmontés de bosses volcaniques et entaillés à l’Est par les vallées ardéchoises. Le sommet du Suc de la Lauzière (1582m), offre un panorama superbe sur le Mézenc et le Mont Gerbier de Jonc sur leur haut piédestal, puis vers le versant oriental profondément incisé. De ce point haut, le regard s’ouvre sur la géométrie convexe des sucs,  sur de larges berceaux verdoyants et des écrans forestiers.

Samuel Etienne a croqué le groupe de géographe à l’œuvre devant le paysage.

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Un peu de pédagogie géographique sur Internet

Avant les vacances, et sans vouloir vous dégoûter à l’avance des plages et de l’eau bleue, voici quelques images du site https://remonterletemps.ign.fr, qui est un outil efficace pour le géographe (et pas seulement !).

Cette chronique est partie d’un article de la presse au titre évocateur « Au Havre, une falaise recrache ses déchets dans la Manche » …terrible, évidemment ! (https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/05/30/au-havre-une.., Le Monde, 31 mai 2018).

Je suis donc allé voir sur le site de l’IGN cette fameuse falaise à Dollemard, dans la banlieue nord du Havre, et j’ai comparé deux photographies aériennes disponibles à 60 ans de d’intervalle : 1955 et 2015. Sur l’écran partagé en 2, le curseur de la souris se dédouble en flèche d’un côté et en croix de l’autre. Si les deux images sont bien calées géodésiquement (et théoriquement elles doivent l’être), les deux curseurs se sinuent au même endroit sur chacune des deux photos. On peut donc visualiser en direct le déplacement dans le temps d’un phénomène géographique linéaire, par exemple, ici, le pied du versant de la falaise (la limite terre-mer qui fluctue ici avec les marées serait plus difficile à comparer), et repérer les zones ou la terre « avance » et celles ou elle « recule ».

1955 | 2015

Les curseurs étant quelquefois « fantasques » sur l’un ou l’autre écran, j’ai pointé avec la croix la position du pied de versant en 1955 sur la photo de 2015 : elle se trouve au milieu d’un grand renflement de la partie inférieure de la pente, qui créé un bombement, une avancée du pied de la pente sur la plage sur plusieurs centaines de mètres du nord au sud.

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Rohingya de Birmanie : origine, enjeux, horizons

Compte-rendu du Café géo de Chambéry du mercredi 28 mars 2018. Retrouvez également ce compte-rendu en téléchargement, au format PDF.

Par Martin Michalon, Doctorant à l’EHESS/Centre d’Études d’Asie du sud-est

Alors que la crise des Rohingya est évoquée de manière plus ou moins approfondie dans les médias, par exemple lors de la visite du pape en Birmanie en novembre 2017, Martin Michalon nous propose un éclairage géographique pour mieux comprendre la genèse et l’évolution d’une telle situation, pour bien en décrypter toute la complexité.

En observant un camp de réfugiés de la ville de Sittwe, capitale de l’État d’Arakan, on constate que les familles Rohingya vivent dans des abris de fortune, dans un dénuement certain et dans un profond désespoir, comme si elles étaient dans une prison à ciel ouvert. La situation semble bloquée ; elle résulte d’une cristallisation d’enjeux divers qui dépassent le quotidien des réfugiés.

  1. Un contexte ethnique et politique complexe

La Birmanie, à la jonction entre l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est, apparaît comme une zone de friction, au contact de plusieurs entités culturelles et territoriales. Il s’agit d’un pays vaste (650 000 km²) et peuplé (51 millions d’habitants), administrativement divisé en sept États, dont l’État d’Arakan qui est frontalier du Bangladesh et qui est particulièrement concerné par la crise des Rohingya. La Birmanie se caractérise aussi par sa grande diversité ethnique : 135 groupes ethniques sont officiellement reconnus par le gouvernement et ils se répartissent globalement selon une logique centre/périphérie. Au centre, dans la large vallée du fleuve Irrawaddy, se trouvent majoritairement les Bamar (environ 70% de la population birmane) et dans les périphéries montagneuses habitent une grande diversité de minorités ethniques qui entretiennent des liens souvent conflictuels avec la majorité Bamar. Une telle domination des Bamar sur les autres minorités est un héritage historique et aujourd’hui les groupes ethniques minoritaires sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone en situation de relégation, par exemple ils ne peuvent pas accéder à des postes à responsabilité dans l’administration ou dans l’armée. En revanche, la religion apparaît comme un facteur d’unité. En effet, environ 90% de la population birmane est bouddhiste, 6% est chrétienne et 4% musulmane. En raison de cette répartition religieuse, une assimilation un peu rapide a été faite dans les années 1990-2000 entre birmanité et bouddhisme.

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Les Hyper-Lieux : une nouvelle approche de la mondialisation ?

Présentation par Michel Lussault, Professeur d’études urbaines (Ecole Normale Supérieure de Lyon). Directeur de l’Ecole urbaine de Lyon (Lauréat du programme Instituts convergence, CGI)

Ce Café Géo a eu lieu le mercredi 21 mars 2018 à la Brasserie des Cordeliers à Albi à partir de 18h30.

Présentation problématique :

Bien des analyses de l’évolution du Monde contemporain insistent sur son uniformisation irrémédiable. Le jeu conjugué de l’accroissement des mobilités et de leurs vitesses, de l’accélération des rythmes sociaux, de l’empire nouveau du numérique et de la standardisation des paysages, des objets et des pratiques imposée par la globalisation du capitalisme financiarisé, promouvrait une société « liquide » et un espace lisse et « plat » où chaque position vaut une autre, où les différences s’estompent jusqu’à disparaître, jusqu’à aliéner l’individu, appauvrir sa sociabilité, la placer sous contrainte et sous contrôle. Cet « air du temps » a même pu trouver dans le « concept » de « non-lieu » développé par Marc Augé un fétiche, exprimant une doxa dominante, sans cesse rebattue et diffusée.

Or, une observation attentive des dynamiques actuelles confronte immédiatement à des situations bien plus complexes. En effet, concomitamment à une incontestable tendance au triomphe du générique et du standard, il est frappant de constater que les lieux font retour et comptent de plus en plus pour tout un chacun. Le Monde, travaillé par l’urbanisation et bouleversé par l’entrée dans l’anthropocène, se différencie de plus en plus en lieux qui s’affirment comme des « prises » de la mondialisation, des attracteurs et des ancrages de la vie des humains. Ce sont les endroits spécifiques où la co-habitation des individus se concrétise, se réalise et s’éprouve dans toute sa richesse et son intensité d’expérience vécue. Un des emblèmes en sont ce qu’on définira comme des « hyper-lieux », là où convergent les humains, les non-humains, les réalités matérielles et immatérielles et où, bon gré mal gré, les sociétés se composent et des formes politiques nouvelles s’ébauchent. Ainsi le Monde est à la fois de plus en plus globalisé et homogène et de plus en plus localisé et hétérogène : cette tension est constitutive de notre contemporanéité.

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Du Mali vers l’Amérique du Nord : les migrations des élites pour études

Kévin MARY, maître de conférences à l’Université Via Domitia de Perpignan

Etudier les élites africaines et leurs migrations pour études vers l’Amérique du nord résulte d’une volonté de sortir des études plus classiques centrées autour des relations franco-maliennes. Par ailleurs, avant d’être un travail sur les migrations et l’éducation, la thèse de Kévin Mary porte sur la société malienne, abordée selon un angle d’analyse plutôt original, le rapport des élites à l’éducation.

  1. La construction de l’objet d’étude

Le Mali est un des pays les plus pauvres au monde. S’il est lié aux migrations, c’est parce qu’au moins un membre de la majorité des familles maliennes vit à l’étranger. Les familles issues de la catégorie des élites ont pour particularité de ne pas envoyer leurs enfants étudier à l’université du Mali située à Bamako. Aussi, ces familles choisissent toutes des stratégies d’exode scolaire, tout comme les familles des couches moyennes, et de manière générale tous les parents dès lors qu’ils en ont les moyens. Les élites sont également l’objet de nombreux débats dans la société malienne, notamment dans les discussions quotidiennes au sein des groupes d’amis appelés « grins », les journaux, les émissions de radio, etc. Elles sont fortement remises en cause, notamment à partir de la crise de 2011, au moment où l’armée malienne apparaît disqualifiée, notamment par des scandales liés au népotisme. On parle « d’une élite qui serait corrompue ».

Les élites étudiées ici sont essentiellement composées de jeunes gens (de 17 à 40 ans), des étudiants fils et filles de bonnes familles, communément nommés « enfants de riches » selon une expression populaire. Les destinations des migrations pour études sont diverses, bien que l’on discerne des pôles principaux de cette migration en France, aux Etats-Unis et au Canada.

Après plus d’un an et demi de recherches sur le terrain, principalement au Mali, à Bamako, mais aussi aux Etats-Unis à Moncton, New-York et Washington, Kévin MARY a tenté de comprendre les raisons qui poussent les familles à envoyer leurs enfants à l’étranger. Dans quel but ? Pour y étudier quoi ? Les jeunes restent-ils à l’étranger ou reviennent-ils dans leur pays d’origine ? Quelle plus-value offre leur parcours d’études à l’étranger ?

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Rencontres en prison

Je suis allée en prison… de mon plein gré… et pendant quelques heures. Il n’est donc pas question ici de faire une analyse, ni même de donner un avis motivé sur l’univers carcéral. Des sociologues, psychologues et même géographes ont fait ce travail (voir la belle thèse d’Olivier Milhaud publiée chez CNRS Editions en 2017, Séparer et punir. Géographie des prisons françaises). Le but de ce petit texte est de transmettre quelques impressions ressenties lors d’une rencontre avec des détenues dans le cadre d’une expérience culturelle qu’elles ont suivie pendant un an. La prison, c’est certainement le surpeuplement, la promiscuité, des conditions matérielles et psychologiques souvent dégradantes, mais ce peut être aussi autre chose.

Le centre de détention de Réau est situé non loin d’une autoroute, au voisinage d’une banlieue banale de Seine et Marne. De loin on pourrait le prendre pour un centre de vacances avec ses bâtiments de moyenne hauteur, aux murs jaunes, enserrant des cours intérieures. Le bâtiment est récent (il a été inauguré par le président Sarkozy) ; aussi ne souffre-t-il pas de la vétusté de la plupart des prisons françaises.

Réau comprend une centrale pour les hommes condamnés à de longues peines et une partie réservée aux femmes qui y purgent de longues ou courtes peines (le faible pourcentage des femmes dans la population carcérale ne justifie pas de faire la distinction).

La coordinatrice culturelle qui introduit notre petit groupe à l’intérieur des murs, explique rapidement quelles sont les activités offertes aux détenu.e.s pour faciliter leur réinsertion future. Formations professionnelles et cours dispensés par l’Education nationale permettent à des gens dont le niveau varie de l’analphabète au doctorant d’acquérir un diplôme à leur sortie. Plusieurs activités culturelles (théâtre, arts plastiques…) sont aussi proposées. Seule une minorité souhaite y participer, mais, ici comme « au-dehors », la proportion des femmes est trois fois supérieure à celle des hommes.

Nous ne sommes pas à Réau pour suivre une conférence sur le monde pénitentiaire, ni pour faire une visite guidée, mais pour rencontrer des femmes, non parce qu’elles sont prisonnières mais parce qu’elles ont sculpté la terre pendant un an pour exprimer leurs émotions et que leurs réalisations sont exposées au cœur de la prison. L’artiste Marion Lachaise, plasticienne et vidéaste, a guidé ce travail et fait une vidéo, Antiportraits à Réau (2017), dans laquelle images et voix se combinent pour laisser entrevoir les personnalités des huit femmes qui ont participé à l’expérience. Leur parole accompagne la projection de leurs créations sur lesquelles se superposent un œil, un sourire, le coin d’une joue.

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Quand Vladimir Poutine se fait géographe 

Café Géopolitique du mardi 13 février 2018, Café de la Mairie (51, rue de Bretagne, 75003 Paris).
Par Jean Radvanyi, professeur de Géographie de la Russie à l’INALCO, co-directeur du CREE (Centre de recherches Europes-Eurasie).

Pourquoi faire un parallèle entre Vladimir Poutine et la géographie ? En 2009, le pouvoir organise une OPA sur la Société de Géographie russe, siégeant à Saint-Pétersbourg. Vladimir Poutine, alors Premier Ministre, organise la reprise en main de cette vieille institution : il fait nommer un proche Sergueï Choïgou, alors ministre des situations d’urgence, au poste de Président de la Société russe de géographie. De son côté, le dirigeant russe prend la tête d’un Comité de parrainage composé des principaux oligarques russes. L’État russe redonne vie à cette vieille institution en conférant à la géographie une place enviable dans la mobilisation patriotique de l’opinion et en  impulsant de nouveaux projets de recherches et d’expéditions, façon de remettre le territoire au centre de la politique.

Les instruments de la puissance

Pour « sortir des idées préconçues et ignorances respectives », Jean Radvanyi revient sur les débuts du dirigeant russe, car cette volonté de grandeur n’est pas nouvelle. Dès 1999, Vladimir Poutine énonce ses idées dans un programme clair. Constatant qu’il a hérité d’une Russie affaiblie sur tous les plans, au bord de l’éclatement, le Président souhaite redonner tous les instruments de puissance à son pays, par une remobilisation des populations, et une réorganisation structurelle (économique principalement). Cette même année, Boris Eltsine quitte le pouvoir et laisse entre les mains de Vladimir Poutine un pays au bord de l’éclatement. L’actuel Président a transformé la gestion, l’organisation du territoire et les rapports entre la Russie et ses voisins en quelques années seulement. Pour ce faire, Vladimir Poutine n’a hésité devant aucun « levier », afin de remobiliser la société russe autour d’un nouveau consensus patriotique.

Le domaine sportif par exemple, fait partie des instruments mobilisés par Vladimir Poutine pour rassembler les populations russes autour de grands événements mondiaux. À l’échelle internationale, le Kremlin a mis en place des politiques visant à placer la Russie dans le sillage des grandes nations accueillant les évènements sportifs internationaux (Jeux Olympiques de Sotchi en 2014, coupe du monde de foot en 2018). L’Église orthodoxe russe a également un rôle prépondérant dans la politique interne et externe de Vladimir Poutine. Elle défend les volontés d’expansion territoriale du pouvoir central, en invoquant le rayonnement historique de la « Sainte-Russie ». Le dirigeant russe utilise aussi l’argument religieux dans son alliance avec la Syrie, où vit la plus importante communauté orthodoxe en Orient.

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