La Chine impose-t-elle un nouvel ordre mondial ?

Les cafés géo à La Filature à Mulhouse, le 28 novembre 2019

« La Chine impose-t-elle un nouvel ordre mondial ? » par Alain Nonjon, professeur de chaire supérieure au Lycée Michelet à Vanves et directeur de collections chez Ellipses

Les distorsions des propagandes

Évoquer la Chine peut suggérer … de remonter «  jusqu’à Noé, qui aurait rapporté de Chine, une brassée de rameaux ; des Etats-Unis, une brindille et d’Europe, rien » (Marc de Scitivaux ) . Cette parabole rappelle qu’on a tendance souvent à surestimer la Chine et à sous- estimer l’Europe et que l’on doit réinstaller l’épaisseur de l’Histoire d’une civilisation millénaire. Si on veut éviter les clichés et se garder de tomber dans la propagande d’un communisme chinois qui prédit une Chine hégémonique en 2049, il faut s’intéresser à tous les facteurs.  En dehors des réussites économiques, il existe des limites à l’influence du PC chinois comme le démontrent l’éruption sur la scène de mouvements de revendications démocratiques ou les « 300 000 insurrections intérieures annuelles » s’élevant contre la corruption, les attaques envers l’environnement, les défaillances des transports. Il faut se garder de toute propagande systémique sur  la réussite globale de la Chine et de toute prophétie autoréalisée si nombreuses sur le basculement asiatique[1]. Ainsi en 1994,  pour le dirigeant singapourien Lee Kuan Yew « la Chine dans les  30 ans ne sera pas un acteur de plus sur la scène mondiale mais le plus grand acteur mondial dans l’histoire de l’Humanité.

Un autre risque est d’être influencé par la vision de Donald Trump qui accuse la Chine d’être responsable de tout ce qui se passe dans le monde, de voler des emplois comme d’inventer le réchauffement climatique.  Selon Mike Pence : « si vous voyez la Chine en ennemi, elle vous verra en ennemi ». Trump noircit le tableau pour diaboliser la Chine.

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Ni domestiques, ni sauvages, les relations socio-culturelles des Inuits du Nunavik (Québec) aux chiens

Café Géographique d’Annecy, le 14 novembre 2019 avec Laine Chanteloup (Université de Lausanne

Présentation de l’invitée :
Laine Chanteloup est actuellement professeure assistante à l’Université de Lausanne. Diplômée de l’Institut d’Études Politiques de Rennes et d’un Master de géographie de l’Institut de Géographie Alpine de Grenoble, elle a effectué sa thèse en géographie et en ethno-écologie en cotutelle entre le laboratoire EDYTEM de l’Université de Savoie et l’Université de Montréal au Canada. Après une année d’ATER de géographie à l’université Joseph Fourier de Grenoble, elle a réalisé un post-doctorat au sein de l’observatoire Hommes-Milieux du Nunavik soutenu dans le cadre du labex DRIIHM CNRS. Maître de conférences à Limoges, membre associé de l’UMR GEOLAB, elle a tout récemment pris un poste de professeure assistante à l’Institut de Géographie et Durabilité de l’Université de Lausanne, elle est rattachée au Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Montagne (CIRM) sur le site de Sion. Ses travaux portent sur l’Arctique et les territoires de montagne (elle a notamment travaillé sur le massif des Bauges). Ses thèmes de recherche sont non seulement géographiques mais ethno-géographiques voire ethno-écologiques sur les questions des relations humains/animaux).

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Voyage à travers la banlieue parisienne

Mardi 26 novembre 2019, au Café de Flore à Paris. C’est un voyage à travers la banlieue parisienne que le Café géo de cette soirée se propose de faire en compagnie de l’unique intervenante, Marie-Hélène Bacqué, sociologue, professeur d’études urbaines à l’Université de Paris-Nanterre, et auteur du livre « Retour à Roissy. Un voyage sur le RER B » (Éditions du Seuil, 2019). Ce livre relate un voyage de près d’un mois, en mai-juin 2017, dans la banlieue parisienne en suivant la ligne B du RER, presque trente ans après le livre de l’écrivain-éditeur François Maspero qui était accompagné de la photographe Anaïk Frantz. Dans les deux cas, un voyage à deux (Marie-Hélène Bacqué était accompagnée du photographe André Mérian) et un livre à deux voix (un texte et des photos en noir et blanc).

La première partie du Café Géo a consisté en un échange d’une heure environ entre l’intervenante, Marie-Hélène Bacqué (MHB) et le modérateur, Daniel Oster (DO), dont le but était d’exposer les grandes problématiques du sujet avant la deuxième partie où l’intervenante a répondu aux questions de la salle pendant une heure également.

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Le dessin du géographe N° 77 – Maroc Le dessin colonial de Théophile Jean DELAYE

L’histoire de Th. Jean Delaye (1896-1970) s’articule avec celle du XXe siècle marocain.

Recruté par le Service Géographique du Maroc, il a suivi tous les épisodes de la conquête coloniale depuis 1924 jusqu’en 1940. C’est là qu’il exerça ses talents en relevant la topographie de plusieurs massifs montagneux du Rif à l’Atlas, sans compter ses missions de reconnaissance aérienne et vécut au Maroc jusqu’en 1960.

Il fut d’abord un cartographe, mais aussi un géographe. On a même pu écrire (Aurelia Dusserre) qu’il fut « un des principaux acteurs de la géographie marocaine de l’Entre-Deux Guerres. Il a été un des membres les plus actifs du Comité de la Société de Géographie en 1931, il en devient l’un des vice-présidents en 1939. Il collabore régulièrement à la Revue de Géographie du Maroc, avant d’en devenir le rédacteur en chef en 1942. » Inutile de dire qu’il approuve totalement l’action coloniale, en quoi il ne dépare pas des manuels de géographie de l’époque : dans son édition de 1959, soit trois ans après l’indépendance, le manuel de première de Hatier (par H. Boucau et J. Petit) écrivait : « L’économie marocaine était, vers 1912, au stade du Moyen-Age ; son développement s’affirme très brillant, grâce à l’afflux des capitaux et des techniciens français ».

Jean-François Troin nous en a opportunément rappelé le souvenir en reproduisant dans ses « Carnets de géographie anecdotique » (Éditions Petra, Paris, décembre 2018) un dessin de la place de France à Casablanca. C’est que Delaye fut aussi un dessinateur et un illustrateur d’ouvrages très fécond, et que son travail permet de mieux comprendre la place que le protectorat marocain a occupé dans les représentations coloniales françaises de cette époque.

En effet, à côté de ses aquarelles et dessins de la vie populaire et de l’architecture traditionnelle, qui constituent un apport intéressant mais un peu attendu, Delaye exprime la modernité du Maroc, suivant en cela le discours colonial du moment : la France voyait dans le protectorat marocain sa plus belle réussite coloniale. En témoignent les dessins des villes nouvelles et des installations portuaires.

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« La nouvelle collectivité d’Alsace: un modèle pour la Bretagne ? »

Café Géographique de Saint-Brieuc, le 18 octobre 2019

Olivier Vergne, après des études de géographie et l’agrégation, a enseigné pendant 10 ans dans un lycée de Strasbourg. Il est revenu en Bretagne en 2017 où il est actuellement enseignant à l’université de Rennes 2. Il a commencé en 2014 une thèse qui porte sur la question de la régionalisation en France et de ses récentes évolutions à partir du cas de l’Alsace.

 Le flyer du café géographique que notre intervenant, Olivier Vergne, trouve particulièrement réussi lui permet d’aborder le sujet de ce soir par la boutade classique « Il n’y a qu’une chose qui sépare la Bretagne de l’Alsace, c’est la France ».

Il précise que le sujet de la thèse qu’il est en train de rédiger « Les enjeux géopolitiques de la gouvernance territoriale en Alsace » vise à contribuer à la réflexion sur la décentralisation et la régionalisation en France à partir du cas de l’Alsace ;  elle a donc pour objectif de s’inscrire dans une problématique géopolitique plus large que le cas de l’Alsace,  qui est celle des relations entre le pouvoir central et les régions.

En quoi la question posée par le sujet de ce café géo peut-elle être un objet de réflexion ?

La Bretagne comme l’Alsace est une région marquée par des enjeux territoriaux spécifiques (situation péninsulaire, importance de la mer) et par une forte identité régionale. La question de l’identité régionale est centrale dans ces questions de découpage régional;  si elle est très technique (le droit des collectivités territoriales), elle touche aussi à l’affectif et relève de la psychologie individuelle et collective ce qui n’est pas facile à quantifier.

L’analyse de la situation  alsacienne, révélatrice du modèle de régionalisation « à la française » peut donc  permettre de mieux comprendre la situation d’autres régions. Pour la région Bretagne plusieurs questions se posent, en particulier, celle du rattachement de la Loire-Atlantique et celle de la volonté de créer par les élus locaux un Conseil unique de Bretagne (fusion des Conseils départementaux et du Conseil Régional) qui a d’ailleurs été tenté par l’Alsace en 2013.  (suite…)

Café géopolitique : Océanie, l’envers de la carte postale

Café de la Mairie – 3ème – Lundi 18 novembre 2019

Cliché de Jean-Pierre Némirowsky

 

Henry Jacolin, notre intervenant ce soir, est géographe de formation et aussi ancien ambassadeur à Fidji, Tonga, Tuvalu, Kiribati et Nauru. C’est donc une double vision (du géographe et du diplomate) qu’il nous propose du Pacifique Sud, qu’il a habité et exploré. Il a mis cinq documents à notre disposition.

 

►Un monde immense, lilliputien, dispersé.

Réalisée par le Ministère des Affaires étrangères – Division Géographique – Direction des archives. Les ressources cartographiques du Ministère des Affaires Étrangères https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/archives-diplomatiques/s-orienter-dans-les-fonds-et-collections/cartes/

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« Quand les artistes dessinaient les carte » – Exposition des Archives Nationales.

Les Archives Nationales présentent à l’Hôtel de Soubise jusqu’au 6 janvier 2020 une remarquable exposition intitulée « Quand les Artistes dessinaient les cartes ». Le tout grâce à la passion visible des deux commissaires pour leur objet, Juliette Dumasy et Camille Serchuk.

Cette exposition est d’un grand intérêt pour le géographe, mais aussi pour l’historien et plus généralement pour qui s’intéresse au rapport au paysage et à sa représentation graphique.

On pouvait  croire que tout ce matériel était connu. Or il est surprenant de constater que sur 97 cartes, 46 n’ont jamais été exposées, et 28 inédites (au sens de non publiées ou publiées de façon confidentielle). Cette exposition est donc d’abord le fruit d’une patiente recherche dans « l’océan des archives judiciaires ». Ce fut aussi l’occasion de leur restauration et de leur numérisation. (suite…)

Tou·te·s au lac ? La privatisation des rives lacustres : éclairages historiques, juridiques et géographiques

Tou·te·s au lac ? La privatisation des rives lacustres : éclairages historiques, juridiques et géographiques

Café Géo animé par Alice Nikolli (Annecy, 26 septembre 2019)

 

Pour ce premier café géo de la saison, Alice Nikolli, ATER en géographie à l’ENS de Lyon, nous présente les principaux résultats de sa thèse sur la privatisation des rives des lacs périalpins, qu’elle a préparée à l’Université Savoie Mont Blanc, au sein du laboratoire EDYTEM, et qu’elle soutiendra dans un mois.

 

Elle va aujourd’hui insister sur une tension autour de ces rives lacustres qui font l’objet d’une forte demande sociale, d’une fréquentation importante, mais qui sont également sujettes à des restrictions d’accès auxquelles on va se heurter si l’on veut accéder au bord du lac ou le longer. L’accès est selon elle une notion empirique, à l’échelle du corps, du déplacement physique. Ses terrains de thèse sont le lac d’Annecy, le lac du Bourget, le Léman et le lac de Côme, mais son propos de ce soir se focalisera principalement sur le cas du lac d’Annecy.

 

Dans le cadre de sa thèse, elle pose deux principales questions :  les rives du lac sont-elles ou non accessibles au grand public, sont-elles des espaces publics au sens de la pratique ? L’autre pan de la réflexion consiste à se demander dans quelle mesure, depuis quand et selon quelles modalités cette question de l’accès public au lac est devenue un sujet de débat, un problème public.

 

Il s’agira ce soir de s’intéresser au phénomène de privatisation des rives, qui fait régulièrement débat localement, afin d’apporter des éclairages à la fois juridiques, historiques et géographiques. Son exposé s’organise donc en quatre temps : (i) un éclairage juridique, (ii) un état des lieux de la situation d’un point de vue géographique, (iii) une reconstitution historique du processus qui a abouti à la situation actuelle et (iv) une analyse des politiques que les pouvoirs publics ont mis en place – ou tenté de mettre en place – pour « publiciser » le front de lac.

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Dessin du Géographe N° 76. A la recherche du paysage beauceron.

Le sentier vers les fermes par Louis-Joseph Soulas

 

Louis-Joseph Soulas est un graveur peintre, né en 1905, à Coinces, dans un village proche d’Orléans, dans une famille d’agriculteurs beaucerons ; et mort en 1954 d’une crise cardiaque à la gare d’Austerlitz alors qu’il rentrait à Orléans pour occuper le poste de directeur du Conservatoire qui venait de lui être attribué.

Un de ses thèmes de prédilection fut la description des paysages de la Beauce, sa terre natale.

Ses dessins donnent une image de la Beauce des années 1930- 1950 mais son œuvre dépasse de beaucoup le cadre local de ses origines. Très souvent, il privilégie l‘uniformité des paysages ruraux sous le manteau des céréales. En somme, le paysage classique de la Beauce. Il a merveilleusement su évoquer la quasi-horizontalité de ses paysages en la soulignant par un détail d’apparence insolite,  tel ce sentier au milieu des blés. « Le sentier vers les fermes » en est une illustration. La Beauce ne fut pas sa seule source d’inspiration : il a également évoqué, quoique avec moins de bonheur, la Sologne et ses étangs, notamment en illustrant le roman « Raboliot » de Maurice GENEVOIS qui obtint le prix Goncourt en 1925. On aurait garde d’oublier l’illustration qu’Il fit des évènements contemporains, comme dans sa magnifique traversée de la Loire par un flot ininterrompu de piétons se succédant sous le Pont Royal d’Orléans qui vient d’être détruit par un bombardement.

Pour autant, il ne faut pas demander à ce paysage rural, présenté ici, au-delà de son intérêt esthétique, des fondements historiques qui en expliquent la genèse. La monoculture céréalière qu’il décrit ne rend pas compte des structures agraires sous-jacentes.

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Un monde d’îles

Marie Redon, maître de conférences HDR en géographie à l’Université Paris 13, poursuit ses recherches au sein du laboratoire Pléiade où elle co-dirige l’axe « Marges, inégalités, vulnérabilités » ; elle est membre du Comité de rédaction d’EchoGéo et des Cahiers d’Outre-Mer. Sa thèse, soutenue en 2007, portait sur l’étude d’îles traversées par une frontière internationale (Haïti/République Dominicaine, Saint-Martin/Sint-Maarten et Timor Leste/Indonésie) et a été éditée en 2010 par les Presses de l’Université du Mirail. Son habilitation à diriger des recherche, soutenue en 2017, porte sur la géographie des jeux d’argent ; un ouvrage sur ce thème est en préparation. En mai 2019, Marie Redon a publié un ouvrage édité aux Éditions du Cavalier bleu s’intitulant : « Géopolitique des îles »

En ce mardi 24 septembre 2019, elle est l’intervenante du Café Géo de rentrée dont le titre « Un monde d’îles » laisse entrevoir un monde à l’écart du reste du monde comme si les îles échappaient aux problématiques d’aujourd’hui.

Élisabeth Bonnet-Pineau invite Marie Redon à définir l’île même si « elle s’impose comme une évidence ». En réalité, c’est une fausse évidence géographique même si François Doumenge a recensé des critères objectifs qui forment une « grille d’évaluation du degré d’insularité ».

Définir l’île, c’est introduire une réflexion sur les notions d’île et d’insularité et sur celles d’île et d’îléité.

Le monde des îles est familier à Marie Redon depuis l’enfance ; elle a toujours abordé les îles, notamment celle de la Méditerranée, aux côtés de son père, navigateur à ses heures, avec une grande curiosité.

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