Sur les traces de la Mission Foureau – Lamy : la découverte du puits « Flatters »

La découverte et la conquête du Sahara ont été l’occasion, à partir de 1850, de lancer de nombreuses expéditions, dont certaines échouèrent de manière sanglante, comme les Missions Flatters en 1880-81. Il revint à Foureau et Lamy de réussir la 1ère traversée du Sahara en 1898-1900. Le présent article évoque un point particulier de cette Mission.

L’arche du massif Obbazer peinte par Maryvonne Haumesser

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Les ségrégations dans l’enseignement supérieur au prisme des dispositifs d’affectation : des inégalités liées à ParcourSup ?

Présentation par Leïla FROUILLOU, Docteure en Géographie et Maitresse de Conférence en Sociologie, Université Paris Nanterre

Ce Café Géo a eu lieu le mercredi 05 décembre 2018 à la Brasserie des Cordeliers à Albi à partir de 18h30.

Présentation problématique :

Il existe des ségrégations universitaires, définies par analogie avec les ségrégations scolaires (écarts sociaux et scolaires entre les publics de différents établissements, se traduisant par des inégalités sociales).

Lors de ce café géographique, Leïla Frouillou analyse non seulement les hiérarchies disciplinaires mais aussi la concurrence entre établissements à partir des seize universités publiques franciliennes ces dernières années. Les dispositifs d’affectations tiennent un rôle central dans la genèse de ces écarts de publics, par exemple à travers la mise en place de priorités académiques qui constituent des inégalités d’accès aux universités. Ces inégalités peuvent être discutées à partir du récent dispositif Parcoursup. Ce dernier assouplit encore la sectorisation tout en promouvant une figure du candidat aux études supérieures auto-entrepreneur de son parcours scolaire dans un contexte de mise en concurrence des formations comme des candidats, et de saturation des capacités d’accueil dans certaines formations.

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Les militaires et le changement climatique

Le changement climatique provoque partout dans le monde des analyses et des remises en question qui n’épargnent pratiquement aucun domaine. Le secteur militaire n’échappe pas à la règle. Les dirigeants politiques créent des instances de réflexion et de recherche pour mesurer l’impact du dérèglement climatique sur l’outil militaire et adapter le rôle des armées aux nouveaux défis environnementaux. En 2015, le chef d’état-major des armées françaises soulignait que les effets des changements climatiques risquaient d’accroître la nature des missions confiées aux forces armées ainsi que leur volume. Début 2019, un amiral américain déclarait devant la Commission des armées du Sénat que le changement climatique allait probablement alimenter des troubles sociaux et pourrait même menacer certaines bases militaires américaines. Le 29 août dernier, à Helsinki, les ministres de la Défense de l’Union européenne se penchaient pour la première fois sur les liens entre défense et changement climatique.

Les interventions vont davantage être orientées vers des opérations de sécurité civile en lien avec les catastrophes naturelles (Source: ministère des armées)

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Trieste, du déclin à la renaissance ?

La ville de Trieste aujourd’hui. Au premier plan, le Grand Canal construit au XVIIIe siècle qui a permis l’entrée des bateaux au cœur de Trieste. (https://www.lepoint.fr/voyages/trieste-concentre-de-culture-22-03-2011)

 

Situé au pied des Alpes dinariques sur la mer Adriatique, le port de Trieste fut longtemps le principal débouché méditerranéen du Saint-Empire romain germanique puis de l’Empire austro-hongrois. L’histoire complexe de la ville s’explique par une position en Europe au carrefour des influences latine, germanique et slave. La fondation romaine (Tergeste), la rivalité avec Venise, l’installation de nombreux juifs après 1492, l’intégration dans l’Empire des Habsbourg (port franc en 1719), constituent quelques étapes marquantes de cette histoire.

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Pourfendre les idées reçues sur le Moyen Age. Crimes et Justices au Moyen Age

Exposition à la Tour Jean sans Peur, rue Etienne Marcel à Paris (jusqu’au 29 décembre 2019)

 

L’affaire est entendue. Le Moyen Age était une période barbare : les misérables pourrissaient pendant de longues années dans les cachots, les tortures usaient de l’eau, du fer et du feu, les pendus se balançaient par grappes à chaque carrefour. Romans et films nous ont effrayés avec des bourreaux à tête de Quasimodo et des sorcières transformées en torches vives. Et Michel Foucault y a apporté une caution scientifique dans Surveiller et Punir.

D’ailleurs les contemporains s’en portent témoins ! Enlumineurs comme Jean Fouquet montrant les pendus du gibet de Montfaucon serrés comme des jambons au séchoir ou poètes comme François Villon dans la Ballade des Pendus :

 

Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :

Quand de la chair, que trop avons nourrie,

Elle est piéça dévorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et poudre.

(…)

La pluie nous a débués et lavés,

Et le soleil desséchés et noircis.

Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,

Et arraché la barbe et les sourcils.

Jamais nul temps nous ne sommes assis

Puis çà, puis là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charrie,

Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.

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La géographie aux Éditions du CNRS

La célébration des 80 ans du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) constitue une belle occasion d’attirer l’attention d’un large public sur le travail discret mais efficace de la filiale éditoriale de cette institution française. CNRS Éditions constitue la vitrine de la recherche française qui s’apprête à publier, entre août et novembre, les premiers volumes d’une nouvelle collection (Les nouvelles voix de la recherche) dans laquelle des scientifiques de toutes disciplines proposent une synthèse claire et concise de leurs recherches. A titre d’exemple, signalons la parution dès le 29 août du livre de Jean Jouzel, Climats passés, climats futurs. Nul doute que cette centaine de pages du climatologue français rencontrera un succès mérité à l’heure où l’urgence des questions environnementales nécessite une diffusion à grande échelle du savoir scientifique pour étayer les positionnements citoyens.

 

 

Nous profitons de cette opportunité éditoriale pour rappeler qu’à côté des sciences « dures » les sciences humaines occupent une large place dans les publications de CNRS Éditions. Et au sein de ce vaste secteur la géographie n’est pas en reste. C’est une réalité qui mérite d’être divulguée, non seulement auprès des lecteurs soucieux de parfaire leur culture géographique (étudiants, enseignants…), mais aussi auprès d’un public plus large intéressé par le rôle de l’espace comme clé de compréhension du monde contemporain.

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La tour qui ne prend pas garde…

 

La Tour Jean sans Peur à Paris © Michèle Vignaux

 

Paris n’aime pas les tours. Elle adule son caractère haussmannien et se méfie de toute construction qui dépasse les six étages. Les tours du XIIIème arrondissement sont considérées comme médiocres et tout projet de tour nouvelle, même proche du périphérique, suscite les pétitions indignées des riverains et de tous « les amoureux de la capitale ».

Bien sûr il y a des exceptions. Il y a celle qui se hausse du col au milieu du Champ de Mars, exploit d’ingénieur et non œuvre d’architecte, aussi célèbre que les pyramides égyptiennes malgré son jeune âge (moins d’un siècle et demi). Il y a aussi la Tour Saint Jacques, ni très haute, ni très large, mais qui a su faire de la place autour d’elle. La tour Montparnasse n’a d’attrait que pour les clients du restaurant du dernier étage. On ne parlera pas des tours de La Défense… des banlieusardes.

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La question de la traversée ferroviaire franco-italienne dans les Alpes

A l’heure où le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin continue de se heurter à de fortes résistances, surtout du côté italien, il est utile de se pencher sur la question plus générale du rapport entre la voie ferrée et le massif alpin. Dans ce contexte il nous a semblé intéressant d’attirer l’attention sur un autre projet de liaison ferroviaire, bien moins ambitieux, entre la France et l’Italie, précisément entre Briançon et Bardonecchia. Nous remercions la revue Chemins de fer de nous avoir donné l’autorisation de reproduire l’article de Jean-Louis Tane et Henry Jacolin paru dans le numéro 576 de juin 2019.

Briançon-Bardonnèche 1

Briançon-Bardonnèche 2

Briançon-Bardonnèche 3

Daniel Oster, août 2019

Le lac Tchad au péril de l’Anthropocène

Géraud Magrin, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – U.M.R. PRODIG

 

Introduction : la notion d’Anthropocène et son actualité au Sahel 

La notion d’Anthropocène est une notion proposée au début des années 2000 par Paul Crutzen (chimiste de l’atmosphère) pour nommer un nouvel âge géologique influencé par l’impact de l’activité des sociétés humaines sur le système « Terre ». À travers la notion d’Anthropocène, Paul Crutzen et d’autres chercheurs ayant travaillé sur cette notion, prennent en compte un certain nombre de dynamiques : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les changements dans le cycle de l’eau, etc. Ces éléments renvoient à l’évolution du système « Terre » d’un point de vue surtout biophysique : la principale critique soulevée par la notion d’Anthropocène est que celle-ci a tendance à dépolitiser la question des crises environnementales. En considérant d’une part que toutes les sociétés humaines ont (eu) la même empreinte sur les écosystèmes. Et en débouchant sur la proposition de solutions purement techniques pour résoudre le problème, à travers différents projets d’ingénierie environnementale, dont les enjeux politiques ne sont pas davantage questionnés. Les géographes ne s’intéressent à cette notion que depuis peu de temps : certains d’entre eux interrogent, à l’échelle des territoires, la manière dont cette notion permet d’éclairer d’un jour nouveau leurs objets d’étude, en prenant au sérieux la crise environnementale globale mais sans éluder la perspective politique qui fait le sel et l’intérêt des approches critiques de l’environnement.

Le Sahel constitue un objet intéressant pour une telle approche. Considérer le Sahel au travers de la notion d’Anthropocène, c’est s’intéresser aux effets du changement global sur un espace qui n’a pas une position centrale dans le monde et qui, en Afrique même, est en position de marge. Des mutations importantes s’y sont accélérées au cours des dernières décennies, sous l’effet de facteurs multiples. La croissance démographique (dans la plupart des pays sahéliens, la population a plus que doublé en vingt ans et continue de croître très rapidement), les dynamiques environnementales (sécheresses sévères durant les décennies 1970-80 et incertitudes sur les effets du changement climatique) et l’intégration à l’économie mondiale (à travers notamment des investissements mondialisés dans les secteurs agricole et extractif) se traduisent par des changements multiformes : urbanisation, désertification, crises politiques et sociales.

Dans ce contexte s’est diffusé depuis quelques années un discours selon lequel le lac Tchad disparaitrait progressivement sous l’effet du changement climatique et serait ainsi menacé d’assèchement. En réponse à cette inquiétude, un projet de transfert d’eau inter-bassin a été proposé. Ce dernier permettrait de transférer de l’eau depuis le bassin du Congo ou de l’Oubangui (affluent du Congo) vers le lac Tchad afin de le sauver d’une « catastrophe » comme celle qu’a connu la mer d’Aral. Ce que l’on pourrait qualifier de « boucle de l’Anthropocène » est bouclée : le changement climatique actuel, dont les causes sont largement de nature anthropique, est convoqué pour justifier un très grand projet d’aménagement, de nature anthropique également, qui bouleverserait toute la région du lac Tchad. Ce projet de transfert de l’eau, s’il était mis en œuvre, aurait en effet pour conséquence de transformer radicalement l’environnement dans lequel vivent les sociétés qui occupent les rives du lac et toute la partie méridionale, la plus peuplée, de son bassin.

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Sur la route du Tokaido

Exposition d’estampes japonaises.

Musée Guimet (6, place d’Iéna, 75116 Paris)

Jusqu’au 7 octobre 2019

Affiche de l’exposition

 

Les 53 étapes de la route du Tokaïdo

 

Le géographe s’intéresse à la route, moyen d’aménagement de l’espace et expression du pouvoir. En 1922, dans ses Principes de géographie humaine [1], Vidal de La Blache y consacre un long développement : « La route s’imprime sur le sol ; elle sème des germes de vie : maisons, hameaux, villages, villes…Ce sont surtout les obstacles qui, par l’effort qu’ils exigent, contribuent à fixer la route, à la ramener dans un sillon défini. La diffusion des pistes se concentre à leur rencontre. Fleuves, marais, montagnes imposent un point d’arrêt, l’assistance d’auxiliaires présents sur place, l’organisation de nouveaux moyens de transports. Les hautes montagnes ne se prêtent que sur certains points déterminés au passage. Aussi voyons-nous, d’un bout à l’autre de l’ancien monde, certaines vallées ou certains cols se désigner de bonne heure à l’attention, comme des voies fréquentées par les marchands, guerriers ou pèlerins, consacrées parfois par quelques traces d’œuvres commémoratives ou par quelques survivances de vieux cultes. » (troisième partie, chapitre II).

Certaines routes deviennent mythiques « quand l’histoire se mêle à la légende », comme l’a joliment écrit Alain Musset dans son ouvrage 7 Routes Mythiques [2], parce qu’elles traversent de hauts lieux, ont été empruntées par des conquérants ou ont été magnifiées par la littérature ou le cinéma.

La route du Tôkaidô au Japon aurait pu servir de modèle au maître de la géographie. Les obstacles y sont nombreux et les voyageurs divers. Quant à son caractère mythique, il lui a été donné un peu par la littérature mais surtout par les peintres d’estampes, modestes ou très célèbres comme Hokusai ou Hiroshige.

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