Ces dessins sont ceux d’enfants de 3 à 9 ans que j’ai amenés dans un petit bocage (vallée du Valbonnais, massif des Écrins, printemps 2022) avec l’intention de leur en faire découvrir la richesse. Ce ne sont pas des dessins de géographes, ni géographiques, mais le dessin ici est un moyen de découverte pédagogique du milieu. L’activité se déroulait dans le cadre d’une association qui propose des « ateliers nature » et les objectifs en termes de contenus ou de compétences étaient relativement peu formalisés, alors que l’aspect convivial et le plaisir simple d’être en extérieur étaient centraux.
Les articles suivants réunissent des dessins de géographes autour d’un même espace : le massif des Écrins. Six géographes sont représentés sur une période de plus d’un siècle. Que voient-ils, que représentent-ils, que laissent-ils passer ?
Certes, chaque fois la fonction et l’usage du dessin sont différents, mais il y a aussi peut-être un point commun dans le fait que tous ces dessins sont chargés d’une expérience qui est celle de ces montagnes. (suite…)
Quelques visiteurs attentifs devant « les dix ans du dessin du géographe »
Le Portugal, initialement prévu comme pays invité puis déclaré forfait, était quand même présent par quelques dessins de Pierre Deffontaines, Roland Courtot et Simon Estrangin (de gauche à droite)
L’exposition des dessins du géographe s’est tenue à l’étage de la librairie Le Neuf * (5 quai Leclerc, 88100 Saint-Dié-des-Vosges) lors du FIG 2020 (2-4 octobre). Elle présentait une cinquantaine de dessins de géographes qui célébraient les 10 ans de la rubrique présente sur le site de l’Association des Cafés Géographiques, avec également des dessins sur le thème du climat(s) et du Portugal.
Les visiteurs n’ont pas été nombreux, mais la salle a été rarement vide, et le calme permettait d’engager la conversation avec des personnes qui se sont montrées très intéressées : géographes et plus généralement figures du monde universitaire (climatologie, sociologie, arts plastiques…), membres de l’association des cafés géo, professeurs d’histoire-géographie dans le secondaire (dont certains pratiquaient le dessin sur le terrain avec leurs élèves), professeur des écoles, étudiants en urbanisme et en cartographie, mais aussi journalistes (Libération, Radio France Internationale), et un public varié qui a beaucoup apprécié cette exposition, pour certaines images qui sont belles, d’autres drôles… L’exposition a été aussi l’occasion de discuter avec des géographes qui dessinent et le contact a ainsi été pris pour nourrir sans doute la rubrique de prochains articles qui s’annoncent passionnants.
La photographie peut être vue comme une agression et le dessin comme une connivence. Cette question n’est pas anecdotique : On peut lire au Guatemala des pancartes qui précisent que les photographies sont interdites. Ces réactions ont un fondement, celui pour les populations locales photographiées d’être vues de haut comme des objets ethnographiques ou simplement pittoresques. Par ailleurs, il existe des cultures où la photographie est mieux admise. Enfin, la massification du tourisme, et la généralisation de la photo qu’on envoie sur le champ à ses amis, conduit à une saturation du point de vue des populations photographiées. Retour des choses : il m’arrive à Paris sur le marché de l’avenue Richard-Lenoir, d’être photographié avec ma baguette sous le bras par un touriste chinois. Il faudra que je mette un béret. (M.S.)
Le dessinateur accepté
Une mésaventure dont Roland Courtot a été témoin à deux reprises au cours d’excursions de géographie rurale : le photographe fait fuir les sujets qu’il veut capturer sur sa pellicule, tandis que le dessinateur est accepté comme témoin et le droit à l’image lui est concédé sans mot dire.
Le dessin du géographe n° 67
Ce dessin a été publié dans une revue de Géographie parce que je l’avais proposé avec d’autres à la Rédaction de Méditerranée qui voulait les inclure dans le numéro de la revue qui m’était dédié lors de mon départ à la retraite. A côté de dessins des Calanques de Cassis, de l’embouchure du Guadalquivir, de la montagne Ste-Victoire, de Portofino ou du Vésuve, le lecteur pouvait s’interroger sur la nature « géographique » de ce dessin…Je vais essayer d’y répondre.
Précisons d’abord qu’il s’agit d’un dessin réalisé dans la petite réserve naturelle du pont de Gau, en Camargue, sur le territoire de la commune des Saintes Maries de la Mer, lors d’une excursion avec des amis, qui n’avait qu’un caractère de loisir touristique et non professionnel…Mais, sur le terrain, quand le géographe cesse-t-il vraiment d’être géographe?.
La raison générique du dessin elle-même, le besoin de faire un dessin, est simple : je suis depuis longtemps ce qu’on appellerait aujourd’hui un « carnetier », quelqu’un qui se promène avec, dans sa poche ou sa sacoche, un carnet et des crayons, disons un matériel réduit de dessin. Cela m’est venu au cours de mes recherches de thèse, quand je me suis rendu compte que la photographie n’était pas, sur le terrain géographique, la panacée pour produire des images efficaces vis à vis de la recherche, l’appareil-photo étant une sorte de « ramasse-tout », tandis que le croquis était déjà un début d’analyse et de réflexion sur l’espace observé et dessiné…un autre débat que je ne vais pas développer ici.
Café géographique de Paris,
15 Mars 2016
La géographie de Simon Estrangin est le fruit d’une insatisfaction ou du moins d’une inquiétude. Il semble à Simon Estrangin que la géographie classique, appelons-la académique, passe à côté de ce qu’il appelle l’existant En d’autres termes, en revendiquant une position scientifique, qui pendant longtemps a penché du côté des sciences naturelles, la géographie a renoncé à rendre compte du subjectif, de l’instantané, de l’immédiat, au profit d’une forme de déterminisme qui enferme ses catégories d’analyse dans des limites fixes et intangibles. . Par là même cette géographie a tendance à tuer la sensibilité du géographe
Simon Estrangin ne se contente pas du tout de cette position négative, parce qu’il entretient un rapport passionné à la géographie. A coup sûr, sa géographie est une « égogéographie »terme qu’il refuserait sans doute, où les catégories subjectif et objectif ne sont pas mobilisées.
Ce 15 mars il a choisi de nous présenter sa géographie « sur le vif »
C’est une nouvelle étape d’un parcours personnel jalonné par des intérêts successifs, dont la ligne directrice est celle du voyage.
Après une étude sur les voyageurs français en Russie au 18° siècle, Simon Estrangin s’est posé une question : pourquoi les géographes, gens qui voyagent plus que la moyenne de leurs contemporains, parlent-ils si peu de leurs voyages ? Rares sont en effet les livres de géographes qui sont des récits de voyages. A ce titre, le livre de Jacques Weulersse « Noirs et blancs » fait figure d’exception. Paru en 1931, ce livre relate le voyage de Dakar au Cap réalisé grâce à une bourse fournie par le mécène Albert Kahn. C’est un récit où les impressions figurent à l’état spontané, portées par un étonnant bonheur d’écriture. Quelle fraîcheur ! Ce qui provoque une autre question : celle de l’exclusion des sentiments ou des émotions accumulées au cours des voyages, depuis que l’ambition scientifique l’a emporté. C’est cet appauvrissement que Simon Estrangin récuse. Ce faisant, il s’interroge sur l’orientation même de la géographie depuis qu’elle a revendiqué son statut scientifique, au milieu du XIX° siècle.
Joignant alors le geste à la parole, Simon Estrangin publie alors en 2015 « Traversations sud-américaines, pour une géographie du voyage » dont on trouvera par ailleurs un compte-rendu sur notre site. Cette longue traversée de l’Amérique du Sud est moins un récit de voyage qu’une réflexion sur le voyageur lui-même, sur le voyageur-géographe, sur ses rencontres avec les gens et les paysages.
Traversations sud-américaines, vers une géographie du voyage, Simon Estrangin. Ed. Livres du monde. Collection Mondes ouverts, 2014, 160 p.
« Traversations » est un néologisme inventé par Simon Estrangin, né du mariage de « traversée » et de « conversation ».
Simon Estrangin appartient à notre corporation géographique, mais, ayant pris de la distance avec ses frontières officielles, il va de par le monde, nourri d’une passion de voir, de comprendre, de dessiner et de peindre cette « écriture du monde » que la géographie ambitionne de présenter.
Passion qui lui vient aussi de la fréquentation des grands ancêtres, Elisée Reclus et Alexandre de Humboldt, qui ne furent pas des géographes de cabinet, même si le labeur d’écriture les a longuement retenus à leur table.
Ce livre est donc né d’une passion, passion pour le voyage, passion pour le divers, pour l’autre, pour les rencontres.
Retrouvez ici la liste de tous les articles de la rubrique Le Dessin du Géographe.
Dessin du géographe n°85 : 200e anniversaire de la Révolution grecque du 25 mars 1821. Les aquarelles et dessins du capitaine Peytier, Michel Sivignon, 18 mars 2021
Dessin du géographe n°84 : Un confinement normand, Charles Le Coeur, janvier 2021
Dessin du géographe n°83 : Le dessin du géographe au Festival international de Géographie 2020 de Saint-Dié-des-Vosges, Simon Estrangin, Roland Courtot
Dessin du géographe n°82 : Le dessinateur et le photographe : la photographie comme agression, Roland Courtot, Simon Estrangin et Michel Sivignon, 18 août 2020
Dessin du géographe n°81 : Les dessins en excursion géographique, Roland Courtot et Michel Sivignon, 30 juin 2020
Dessin du géographe n°80 : Tour d’horizon de Franz Schrader, Charles Le Coeur, 13 juin 2020
Dessin du géographe n°79 : Dessins d’exode, Roland Courtot et Michel Sivignon, 17 mars 2020
Dessin du géographe n°78 : Christian GRATALOUP, caricaturiste d’Espaces Temps, Michel Sivignon, 26 février 2020
Dessin du géographe n°77 : Maroc Le dessin colonial de Théophile Jean DELAYE, Michel Sivignon et Jean-François Troin, 7 décembre 2019
Dessin du géographe n°76 : A la recherche du paysage beauceron, Jean Pilleboue et Michel Sivignon, 21 novembre 2019
Dessin du géographe n°75 : Guillaume Lejean, voyageur, géographe et dessinateur, Marie-Thérèse Lorrain et Michel Sivignon, 8 décembre 2018
Dessin du géographe n°74 : La carte de Géographie comme premier apprentissage, Roland Courtot,1er octobre 2018
Dessin du géographe n°73 : Quelques dessins de Jean-Pierre Allix, peintre et géographe (1927-2013), Stéphane Allix, Michel Sivignon, 1er septembre 2018
Dessin du géographe n°72 : En passant par la Lauzière, géographes au dessin, Charles Le Coeur, Roland Courtot, 1er juillet 2018
Dessin du géographe n°71 : Le trait et la lettre dans les carnets d’Afrique de Christian Seignobos, Michel Sivignon, 2 mai 2018
Dessin du géographe n°70 : Vues de côtes : le panorama au service des marins, Roland Courtot, 21 avril 2018
Dessin du géographe n°69 : Carnets d’une Géographe sur les chemins d’Arménie, 1997-2017, Françoise Ardillier-Carras, 4 février 2018
Dessin du géographe n°68 : Contribution au souvenir du centenaire de la Première Guerre Mondiale 1917-2017 : la bataille de Monastir (Macédoine), Michel Sivignon, 22 octobre 2017
Dessin du géographe n°67 : Le héron : petite disputatio sur l’image géographique et l’art, Roland Courtot, Simon Estrangin, 29 août 2017
Dessin du géographe n°66 : L’atlas de Beautemps-Beaupré et les vues de côtes de l’expédition Bruny d’Entrecasteaux, Roland Courtot,14 juillet 2017
Dessin du géographe n°65 : Un dessin systémique dans la géographie de Anton van der Wyngaerde : Zahara des thons, Roland Courtot, 1er juin 2017
Dessin du géographe n°64 : Géographie et pédagogie dans les préaux des écoles, Roland Courtor, 1er mai 2017
Dessin du géographe n°63 : Quelques croquis d’excursions géographiques au début du 19ème siècle, Charles Le Coeur, 23 décembre 2016
Dessin du géographe n°62 : Croquis d’Albert Demangeon en Limousin (1906-1911), Denis Wolff, 18 novembre 2016
Dessin du géographe n°61 : Un géomorphologue sur le terrain aujourd’hui: des tors et des paléo piétinements, Hervé Regnauld, 8 mai 2016
Dessin du géographe n°60 : Latins et Germains par Kupka, dans « L’homme et la terre » d’Elisée Reclus, Michel Sivignon, 25 avril 2016
Dessin du géographe n°59 : Un carnet de voyage de Maurice Zimmermann en Tunisie (avril 1909), Pascal Clerc, 17 novembre 2015
Dessin du géographe n°58 : Pierre Bonnet, géologue et géographe en Transcaucasie, 1909-1914, Françoise Ardillier-Carras, 4 novembre 2015
Dessin du géographe n°57 : L’enfant et la guerre : Dessin d’enfants bosniens représentant les combats (1991-1995), Bénédicte Tratnjek, 21 octobre 2015
Dessin du géographe n°56 : Carnet de voyage dans les îles Gotô (juillet 2009), Philippe Pelletier, 14 septembre 2015
Dessin du géographe n°55 : Viollet le Duc Géographe des montagnes, Roland Courtot, 3 mai 2014
Dessin du géographe n°54 : La carte et le dessin : exemple de la mission saharienne Foureau-Lamy, Charles Le Coeur, 24 février 2015
Dessin du géographe n°53 : Une vallée balkanique d’après Jovan Cvijic, Roland Courtot, Michel Sivignon, 22 janvier 2015
Dessin du géographe n°52 : Les blocs-diagramme dans l’interprétation géomorphologique des paysages : l’exemple du Grand Canyon du Verdon, Jean Nicod, 19 décembre 2014
Dessin du géographe n°51 : Esquisse de paysage par Albrecht Dürer, Charles Le Cœur, 30 novembre 2014
Dessin du géographe n°50 : Schéma morphologique express : le Daghestan, Jean Nicod, 1 septembre 2014